Lymphomes B et T non épidermotropes Cours
d'hématologie
Introduction
:
Les lymphomes cutanés forment un groupe très hétérogène constitué de
lymphomes B et T.
Après les lymphomes digestifs, ils représentent la
localisation la plus fréquente de lymphomes extraganglionnaires.
Au cours
des dernières années, les connaissances et les concepts en matière de
lymphomes cutanés ont beaucoup évolué.
Ces lymphomes étaient jusqu’à
présent classés en utilisant les classifications établies pour les lymphomes
ganglionnaires comme la classification à usage clinique ou la classification
actualisée de Kiel.
Plus récemment, il est apparu indispensable de
distinguer les lymphomes primitivement cutanés, c’est-à-dire sans
localisation extracutanée au moment du diagnostic après un bilan d’extension
complet, des localisations cutanées secondaires de lymphomes d’autre
origine.
En effet, plusieurs études ont montré que pour un tableau histologique
identique, le pronostic des lymphomes primitivement cutanés pouvait être
très différent de celui des lymphomes d’autres localisations, en particulier
ganglionnaires.
Il existe des molécules de surface propres aux
différents sites permettant la recirculation et le homing de sous-populations
particulières de lymphocytes.
Ainsi, les lymphocytes de la peau expriment
préférentiellement l’antigène CLA (cutaneous lymphocyte associated
antigen), ce qui suggère que ces lymphomes sont développés à partir d’une
sous-population particulière de lymphocytes ayant un tropisme cutané.
Une
meilleure analyse clinique associée au développement des techniques
d’immunomarquage et de biologie moléculaire a également permis la
reconnaissance et la caractérisation de nouveaux types de lymphomes.
La
mise en évidence de particularités propres aux lymphomes initialement localisés à la peau et la démonstration de la mauvaise reproductibilité de la
classification de Kiel pour ce type de lymphomes ont récemment conduit
le Groupe européen d’étude des lymphomes cutanés à proposer une
classification mieux adaptée.
Classification des lymphomes
primitivement cutanés :
Cette classification a été établie après de nombreuses réunions d’experts
européens.
Elle distingue des entités bien définies dont le
diagnostic est établi sur la confrontation de données cliniques,
anatomopathologiques et phénotypiques.
Elle a un intérêt clinique, c’est-àdire
que le diagnostic d’un type de lymphome apporte également des éléments
concernant le pronostic.
En effet, l’évolution de plusieurs types de
lymphomes cutanés a pu être clairement établie grâce au registre et au suivi
des patients du groupe, permettant ainsi de distinguer des lymphomes
indolents, de bon pronostic, des lymphomes de pronostic intermédiaire et des
lymphomes agressifs.
Enfin, pour certains groupes, d’individualisation plus
récente, le pronostic n’a pas encore pu être clairement établi.
Ces entités sont
qualifiées de « provisoires ».
Cette classification ne s’applique qu’aux
lymphomes primitivement cutanés, c’est-à-dire des lymphomes se présentant
sous forme de localisations cutanées isolées, même après un bilan d’extension
complet, le caractère cutané isolé persistant pendant au moins 6 mois après le
diagnostic.
Elle ne s’applique pas non plus aux lymphomes liés au virus
HTLV-1 (human T-cell lymphoma virus) et aux lymphomes des patients
immunodéprimés, dont l’évolution est souvent plus péjorative.
Pour les
dermatologues, cette classification présente beaucoup d’avantages.
Elle est
simple, bien adaptée et limitée aux lymphomes primitivement cutanés.
Surtout, son intérêt majeur est de souligner le caractère favorable de certains
lymphomes cutanés et d’éviter des traitements inutilement agressifs.
Cette
classification est cependant l’objet de controverses, et certains plaident pour
l’intégration des lymphomes cutanés au sein des classifications
hématologiques internationales récemment établies comme la REAL
classification.
L’inconvénient de ces classifications est qu’elles ne
distinguent pas les lymphomes cutanés primitifs et secondaires, dont le
pronostic est très différent.
De plus, la comparaison des différentes classifications fait clairement apparaître que de nombreux types de
lymphomes cutanés sont absents des classifications hématologiques et que
différents types de lymphomes cutanés sont classés dans un même groupe
.
Ceci est particulièrement vrai pour les lymphomes T.
Ce débat
nosologique a le mérite d’inciter à la recherche d’un consensus international
obligatoirement évolutif sur les tableaux cliniques et évolutifs des différents
types de lymphomes cutanés.
Lymphomes T non épidermotropes :
Nous n’aborderons pas dans ce chapitre les lymphomes T dits
épidermotropes, caractérisés par un tableau clinique caractéristique et une
topographie de l’infiltrat lymphocytaire en bande sous-épidermique.
Ce
groupe comprend le mycosis fongoïde et les lymphomes apparentés (mycosis
fongoïde avec mucinose folliculaire, réticulose pagétoïde, syndrome de
Sézary, chalazodermie granulomateuse).
Il faut par ailleurs noter que tous les
lymphomes T cutanés peuvent comporter un certain degré d’épidermotropisme
de l’infiltrat.
A -
Lymphomes T à grandes cellules CD30+ :
Au sein du groupe des lymphomes T primitivement cutanés, l’expression par
les cellules tumorales de l’antigène CD30 constitue un élément pronostique
majeur.
En effet, il a été montré que les lymphomes CD30+ ont une évolution
significativement plus favorable que celle des lymphomes CD30-.
Cette
évolution favorable a été observée quel que soit l’aspect histopathologique
du lymphome (anaplasique ou pléomorphe à grandes cellules). Ceci a conduit
à individualiser le groupe des lymphomes T à grandes cellules CD30+.
1- Clinique :
Ces lymphomes surviennent chez l’adulte, plus rarement chez l’enfant.
Ils se
présentent sous forme d’une tumeur isolée souvent ulcérée.
Les lésions
sont parfois multiples, localisées ou disséminées.
Leur taille augmente
rapidement, et elles peuvent alors être accompagnées de douleur et d’oedème
localisé.
Elles régressent spontanément partiellement ou le plus souvent
totalement en quelques semaines dans 20 à 30 % des cas.
2- Histopathologie :
Elle montre un infiltrat non épidermotrope constitué de nappes cohésives de
grandes cellules.
Le plus souvent, ces cellules ont les caractères des cellules anaplasiques : noyau rond ou irrégulier avec un gros nucléole et un
cytoplasme abondant.
L’aspect peut également être celui d’un
lymphome pléomorphe à grandes cellules ou immunoblastique.
Le type
histologique n’influence pas le pronostic, qui ne dépend que de l’expression
de l’antigène CD30.
Les lymphocytes réactionnels sont minoritaires,
prédominant en périphérie des lésions.
Dans certains cas, l’infiltrat
réactionnel, constitué de lymphocytes T et de polynucléaires éosinophiles et
neutrophiles, est plus important et associé à une hyperplasie épidermique.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales ont le plus souvent un phénotype CD4+ CD8-, avec
parfois une perte d’expression d’antigènes T, CD2, CD3 ou CD5.
Elles
expriment fortement l’antigène CD30.
Pour porter le diagnostic de
lymphome CD30+, il est indispensable que CD30 soit exprimé par plus de 75 % des cellules de l’infiltrat.
Contrairement aux lymphomes
ganglionnaires CD30+, les lymphomes cutanés à grandes cellules CD30+
n’expriment pas les antigènesEMAet CD15.
Il a été montré récemment
que ces lymphomes expriment fortement des marqueurs associés à une
fonction cytotoxique (perforine, granzyme B, TiA1).
4- Génétique :
Les techniques de biologie moléculaire mettent habituellement en évidence
la présence d’un clone T dans les lésions cutanées.
La translocation (2;5),
qui est trouvée dans les lymphomes anaplasiques à grandes cellules de
l’enfant, n’est le plus souvent pas détectée dans les lymphomes à grandes
cellules CD30 primitivement cutanés.
5- Évolution et traitement
:
L’évolution est favorable, puisque la survie à 5 ans est estimée à 90 %.
Les
lymphomes évoluant spontanément vers la régression complète justifient une
simple surveillance clinique.
Les lésions non régressives isolées sont traitées
par radiothérapie.
Des lésions disséminées peu évolutives peuvent être
traitées par interféron, méthotrexate ou étoposide.
Une polychimiothérapie
n’est indiquée qu’en cas de lésions évolutives ou associées à des localisations
extracutanées.
6- Spectre des proliférations lymphoïdes CD30+ :
Il existe un spectre continu entre les lymphomes T à grandes cellules CD30+
et la papulose lymphomatoïde.
Ces tableaux constituent les deux
extrémités de ce spectre, qui comprend également des entités
intermédiaires.
La papulose lymphomatoïde est caractérisée par des
papulonodules de petite taille, de quantité variable, disséminés sur le corps,
qui évoluent vers une croûte nécrotique et disparaissent spontanément.
L’examen histologique montre un infiltrat polymorphe constitué d’un
mélange de petits lymphocytes, histiocytes, polynucléaires neutrophiles et
éosinophiles, associés à quelques cellules de grande taille exprimant
l’antigène CD30.
Il existe également des entités intermédiaires dont le tableau
clinique est celui d’un lymphome, mais dont l’examen histologique est celui
d’une papulose lymphomatoïde.
À l’inverse, certains patients ont une
présentation clinique de papulose lymphomatoïde, mais l’examen
histologique montre un aspect de lymphome T à grandes cellules CD30+ : ces
observations sont parfois appelées papulose lymphomatoïde à grandes
cellules.
Papulose lymphomatoïde et lymphome à grandes cellules
CD30+ peuvent être associés, successivement ou simultanément, chez un
patient.
Dans ces cas, un clone identique a pu être démontré dans les deux
types de lésions.
Ces proliférations peuvent également être associées à un
mycosis fongoïde ou à une maladie de Hodgkin.
B - Lymphomes T à grandes cellules CD30- :
Ils comprennent les lymphomes primitivement cutanés T à grandes cellules
qui n’expriment pas l’antigène CD30.
1- Clinique :
Ces lymphomes se présentent sous forme de nodules et de tumeurs.
Les
lésions sont habituellement disséminées, rapidement évolutives, et
n’ont le plus souvent pas d’évolution régressive.
Ce lymphome doit être
différencié cliniquement d’une transformation de mycosis fongoïde ; dans ce
cas, les tumeurs surviennent sur des macules et des plaques préexistantes chez
un patient ayant un long passé de lésions cutanées.
2- Histopathologie :
L’examen histologique montre un infiltrat diffus constitué de lymphocytes T
atypiques de taille moyenne à grandes cellules, avec parfois un noyau
d’aspect cérébriforme et la présence d’immunoblastes.
Les grandes
cellules constituent au moins 30 % de l’infiltrat ; plus le pourcentage de
cellules tumorales est élevé, plus l’évolution est rapide.
L’infiltrat peut
avoir un caractère angiocentrique.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales, habituellement CD4+ CD8-, ont le plus souvent un
phénotype aberrant.
L’expression de l’antigène CD30 est complètement
négative ou limitée à quelques cellules isolées.
4- Génétique :
La biologie moléculaire objective en règle une prolifération clonale T.
5- Évolution et traitement :
Le pronostic est mauvais, puisque la survie à 5 ans est estimée à 15 %.
Le
traitement repose sur les protocoles chimiothérapiques adaptés aux
lymphomes agressifs.
C - Lymphomes T pléomorphes à cellules
petites et moyennes
:
Les lymphomes T pléomorphes à cellules petites et moyennes constituent un
sous-groupe de lymphomes T cutanés d’individualisation récente, qui doit
être différencié du mycosis fongoïde sur des arguments cliniques et
histologiques.
1- Clinique
:
Le tableau clinique est caractérisé par la survenue de nodules et de tumeurs
dès le début de l’évolution.
Ces tumeurs, souvent ulcérées, sont parfois
associées à des plaques érythémateuses infiltrées.
Les lésions sont
localisées ou le plus souvent disséminées.
2- Histopathologie :
Histologiquement, l’infiltrat est constitué de lymphocytes atypiques de taille
petite et moyenne.
L’infiltrat prédomine dans le derme moyen et
profond, avec souvent présence d’un épidermotropisme.
Cet aspect
architectural observé dès le début des lésions permet de distinguer le
lymphome pléomorphe à petites cellules du mycosis fongoïde, où l’infiltrat
prédomine dans le derme superficiel et adopte une disposition en bande
sous-épidermique.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales ont le plus souvent un phénotype CD4+ CD8-, avec
parfois perte d’expression d’antigènes T.
Les cas avec un phénotype CD8+
CD4- sont plus rares et auraient une évolution plus défavorable.
Les cellules
tumorales n’expriment pas l’antigène CD30.D -
4- Génétique :
La biologie moléculaire met en évidence un clone T dans les lésions
cutanées.
5- Évolution et traitement :
Il s’agit d’un lymphome rare, pour lequel un nombre peu important
d’observations a été publié, ce qui rend impossible l’appréciation précise du
pronostic.
L’évolution semble intermédiaire, moins favorable que celle du
mycosis fongoïde mais meilleure que celle des lymphomes à grandes cellules
CD30-.
Les patients ayant des lésions uniques ou localisées sont traités par
radiothérapie.
Les lésions disséminées peuvent être traitées par interféron ou monochimiothérapie par méthotrexate ou cyclophosphamide.
Une rémission
complète est le plus souvent obtenue au début, mais les lésions ont tendance
à récidiver et à se multiplier.
Lymphomes T sous-cutanés
:
Les lymphomes T sous-cutanés sont un autre sous-groupe de lymphomes T
cutanés d’individualisation récente, caractérisés par un infiltrat localisé
primitivement et essentiellement dans l’hypoderme.
1- Clinique
:
Le tableau clinique est celui d’une panniculite.
Les lésions sont des plaques
érythémateuses avec infiltration profonde et des nodules sous-cutanés
s’étendant progressivement.
Les patients présentent souvent des signes
généraux, asthénie, amaigrissement, fièvre élevée, en rapport avec un
syndrome d’hémophagocytose, qui peut également induire une neutropénie
et une thrombopénie.
2- Histopathologie :
Elle montre un infiltrat hypodermique constitué de lymphocytes atypiques de
taille variable, petite, moyenne ou grande, souvent associés à de nombreux
macrophages.
Les images de caryorrhexie ou d’érythrophagocytose en « sac de billes » sont caractéristiques.
Ces aspects sont habituellement
absents au début de l’évolution, où l’infiltrat est peu dense et polymorphe, et
où l’aspect histologique est celui d’une panniculite non spécifique.
3- Immunophénotype :
Les immunomarquages peuvent faciliter le diagnostic en objectivant un
infiltrat mal visible sur l’examen histologique standard.
Les cellules
tumorales ont un phénotype CD4+ CD8-, CD8+ CD4-, ou CD4- CD8-.
Elles
expriment le plus souvent le récepteur alpha/bêta du récepteur T pour
l’antigène, mais quelques cas associés au récepteur gamma/delta ont été
rapportés.
Les cellules tumorales expriment fortement les marqueurs
de cytotoxicité (perforine, granzyme B, TiA1).
4- Génétique
:
Un réarrangement clonal des gènes du récepteur T est le plus souvent mis en
évidence dans les lésions.
5- Évolution et traitement
:
Le pronostic de la majorité des cas rapportés est très mauvais, le décès
survenant en quelques mois malgré une polychimiothérapie lourde.
De rares
cas ont eu une évolution favorable après polychimiothérapie et greffe de
moelle.
Cependant, il existe également des cas évoluant depuis plusieurs
années sans mettre en jeu le pronostic vital, dont l’évolution est contrôlée par
une monochimiothérapie peu agressive.
Il est donc probable que ce groupe
est en fait hétérogène.
L’analyse de plus grands nombres de patients devrait
permettre dans l’avenir de déterminer les éléments associés au pronostic et de
définir le traitement le mieux adapté pour chaque patient.
Lymphomes B :
L’existence des lymphomes B primitivement cutanés, longtemps
controversée, est actuellement reconnue.
A - Lymphomes de type centrofolliculaire :
Ce sont des proliférations de cellules entrant habituellement dans la
constitution des centres des follicules lymphoïdes, les centrocytes et les
centroblastes.
La dénomination de ce groupe est contestée par certains en
raison de l’absence de follicules lymphoïdes dans la peau.
1- Clinique :
Ces lymphomes réalisent des tumeurs érythémateuses uniques ou multiples,
qui peuvent s’associer à des plaques infiltrées ayant parfois une topographie
annulaire.
Les lésions sont habituellement localisées.
Elles sont plus
souvent situées sur la tête et le tronc et sont peu évolutives.
Ce tableau
clinique avait autrefois été décrit sous le nom de réticulose de Crosti.
2- Histopathologie
:
Elle montre un infiltrat nodulaire ou diffus, non épidermotrope, séparé de
l’épiderme par une zone de tissu sain.
Cet infiltrat est constitué en
proportions variables de centrocytes, au noyau clivé, et de centroblastes,
grandes cellules dont le noyau est rond, clair, et présente plusieurs petits
nucléoles périphériques.
Contrairement aux lymphomes
ganglionnaires, l’évolution n’est pas corrélée aux proportions respectives de
cellules de petite taille et de grande taille.
Il existe un infiltrat de lymphocytes
T réactionnels d’importance variable.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales expriment les antigènes B, CD19, CD20, CD22.
Les immunomarquages mettent en évidence le caractère monotypique
(expression d’une seule chaîne légère d’immunoglobulines) des cellules de
l’infiltrat, ce qui constitue un argument important pour le diagnostic de
lymphome.
4- Génétique :
La présence d’un clone B peut être mise en évidence par la technique de southern-blot.
En revanche, la recherche d’un clone B dans les lésions par
réaction de polymérisation en chaîne présente un pourcentage élevé de
résultats faussement négatifs.
Contrairement aux lymphomes folliculaires
ganglionnaires, les lymphomes folliculaires primitivement cutanés ne sont
pas associés à la translocation t(14;18) et n’expriment que rarement la
protéine bcl-2.
5- Évolution et traitement :
L’évolution est très favorable, puisque la survie à 5 ans est de 97 % dans la
série du groupe néerlandais d’étude des lymphomes cutanés.
Les lésions sont
traitées par radiothérapie.
Une polychimiothérapie est indiquée en cas de
lésions disséminées, primitivement ou après rechute, ou en cas de
dissémination extracutanée.
B - Immunocytomes et lymphomes des zones marginales
:
Ces lymphomes sont caractérisés par une prolifération de petits lymphocytes,
de cellules lymphoplasmocytoïdes et de plasmocytes.
Ce groupe inclut les
lymphomes des zones marginales récemment individualisés.
1- Clinique :
Ils réalisent des tumeurs ou des plaques infiltrées, uniques ou multiples,
habituellement localisées.
Les lésions siègent le plus souvent sur les
membres.
2- Histopathologie :
Elle montre un infiltrat nodulaire ou diffus constitué d’un mélange de petits
lymphocytes, de cellules lymphoplasmocytoïdes et de plasmocytes qui sont
le plus souvent situés en périphérie des lésions.
Des inclusions intranucléaires ou intracellulaires PAS-positives (periodic acid Schiff) sont fréquemment
mises en évidence.
On peut également trouver quelques centrocytes,
centroblastes et immunoblastes.
L’infiltrat réactionnel peut comporter des
follicules ou de nombreux lymphocytes T.
L’infiltrat des immunocytomes
est plus monomorphe et plus riche en cellules lymphoplasmocytoïdes.
Le
diagnostic différentiel avec des hyperplasies lymphoïdes bénignes peut être
extrêmement difficile.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales expriment les antigènes B, en particulier l’antigène
CD79a, en raison de leur différenciation plasmocytoïde.
Le caractère
monotypique de l’infiltrat est clairement visible sur les immunomarquages
dans le cytoplasme des cellules tumorales.
4- Génétique :
On peut mettre en évidence un clone B dans les lésions cutanées.
Ces
lymphomes ne sont pas associés à une translocation spécifique.
5- Évolution et traitement :
Le pronostic est excellent puisque la survie à 5 ans est de 100 %.
Le traitement
est la radiothérapie.
C - Lymphomes B à grandes cellules des jambes :
Ce type de lymphome, de description récente, est caractérisé par des lésions
survenant sur les membres inférieurs de patients âgés, avec à l’examen
histologique une prédominance de grandes cellules B (centroblastes et
immunoblastes).
L’individualisation de ce groupe ne fait pas l’objet d’un
consensus.
1- Clinique :
Ces lymphomes ont été rapportés chez des patients âgés (plus de 80 % des
malades ont plus de 70 ans).
Le rapport femmes/hommes est de 3 à 4/1.
Les lésions sont des nodules, des tumeurs ou des plaques infiltrées touchant
un ou les deux membres inférieurs.
2- Histopathologie :
Elle montre un infiltrat diffus, non épidermotrope, constitué de grandes
cellules B.
Les proportions de centroblastes et d’immunoblastes sont
variables et il y a peu de cellules réactionnelles.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales sont monotypiques et expriment les antigènes B.
Dans
cette variété de lymphome, les cellules tumorales expriment fortement la
protéine bcl-2.
4- Génétique :
On peut mettre en évidence un cloneBdans les lésions cutanées.
L’expression
de la protéine bcl-2 n’est pas associée à la translocation t(14;18).
5-
Évolution et traitement :
L’évolution est beaucoup moins favorable que celle des autres groupes de
lymphomes B primitivement cutanés.
En effet, la survie à 5 ans n’était que de
58 % dans le groupe néerlandais.
Le traitement des lésions uniques ou
localisées est la radiothérapie.
Les cas avec lésions plus diffuses sont traités
par polychimiothérapie adaptée à l’âge.
Discussion
L’individualisation de ce type de lymphome, basée en partie sur des
arguments topographiques, est controversée.
Des études multicentriques
internationales sont en cours afin de déterminer si le pronostic plus
défavorable observé dans ce sous-groupe de patients justifie sa distinction.
Pour le démontrer, il est indispensable de comparer l’évolution de grandes
séries de patients ayant ce type de lymphome avec un groupe de patients ayant
un âge comparable, un aspect histologique identique de lymphome B à
grandes cellules diffus, centroblastique ou immunoblastique, et des lésions
situées en dehors des membres inférieurs.
D - Lymphomes B à grandes cellules intravasculaires :
Les lymphomes B intravasculaires, initialement considérés comme des
proliférations vasculaires appelées angioendothéliomatoses malignes, sont
caractérisés par la prolifération néoplasique de grandes cellulesBà l’intérieur
des vaisseaux.
1- Clinique
:
Ils réalisent des plaques infiltrées parfois figurées, érythémateuses ou
violacées, prédominant sur le tronc et les membres inférieurs.
Une atteinte
du système nerveux central doit être recherchée.
2- Histopathologie :
Elle montre une dilatation des vaisseaux du derme et de l’hypoderme, dont la
lumière est obstruée par des lymphocytes de grande taille.
L’infiltrat peut
envahir l’espace extravasculaire.
3- Immunophénotype :
Les cellules tumorales expriment les marqueurs B et sont monotypiques.
4- Génétique :
Il existe un clone B dans les lésions.
5- Évolution et traitement :
L’évolution est habituellement rapidement défavorable.
Le traitement est une polychimiothérapie adaptée aux lymphomes agressifs.
E - Plasmocytomes :
Le plasmocytome est une prolifération de plasmocytes se développant
initialement dans la peau, qui n’est pas associée à un myélome.
Il s’agit
d’une forme très rare de lymphome cutané.
1- Clinique :
Les patients présentent une ou plusieurs tumeurs cutanées ou sous-cutanées,
très peu évolutives.
Des cas associés à une anétodermie ont été
rapportés.
2- Histopathologie :
Elle montre un infiltrat dermique nodulaire ou diffus, constitué quasi
exclusivement de plasmocytes matures, parfois multinucléés.
3- Immunophénotype :
Les immunoglobulines intracytoplasmiques sont monotypiques.
4- Évolution et traitement
:
Le pronostic est excellent.
Les lésions sont traitées par radiothérapie ou
exérèse chirurgicale.
Conclusions et perspectives :
Cette revue montre le grand polymorphisme des lymphomes cutanés non épidermotropes.
La plupart de ces lymphomes primitivement cutanés ont une
évolution plus favorable que les lymphomes ayant une histologie identique et
une localisation ganglionnaire.
L’intérêt majeur de la nouvelle classification
des lymphomes cutanés, basée sur des considérations cliniques, histologiques
et pronostiques, est d’individualiser ces catégories de lymphomes cutanés et
d’éviter dans de nombreux cas des traitements inutilement agressifs.
Beaucoup de points font encore l’objet de discussions et seront examinés dans
les prochaines réunions internationales de consensus.
De nouvelles
classifications tenant compte des points de vue respectifs des
anatomopathologistes, des hématologistes et des dermatologues, sont en
cours d’élaboration.
Des études internationales sont également en cours afin
d’évaluer le tableau clinique et évolutif des entités qualifiées de
« provisoires » et la pertinence de leur individualisation.
Ces perspectives
permettent d’espérer une amélioration du diagnostic et de la prise en charge
des lymphomes cutanés au cours des prochaines années.