Lithiase salivaire

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La lithiase est la plus courante des affections salivaires chez l’adulte, et se place en deuxième position après les oreillons chez l’enfant.

Le siège sous-mandibulaire est environ cinq fois plus fréquent que le siège parotidien.

Les calculs des glandes sublinguales et accessoires sont particulièrement rares et parfois totalement méconnus.

Physiopathologie :

La lithiase salivaire est composée d’environ 75 % de sels de calcium (phosphates), associés à des matières organiques.

D’un point de vue physiopathologique, ces sels précipitent en milieu alcalin, circonstance favorisée par la prolifération bactérienne, mais également par la présence d’un support protéique.

La lithiase salivaire se formerait donc par l’intermédiaire d’une stase salivaire consécutive à un rétrécissement anatomique ou à un spasme canalaires ou à des lésions inflammatoires des canaux salivaires, ces anomalies anatomiques permettant une infection microbienne ascendante.

La lithiase salivaire est le plus souvent unique et unilatérale, plus rarement multiple ou bilatérale.

En conséquence de la rétention salivaire, la lithiase se complique de phénomènes mécaniques et (ou) infectieux.

Lithiase sous-mandibulaire :

Il s’agit des calculs salivaires les plus fréquents.

Lithiase salivaire

Ils sont observés dès l’enfance, mais se manifestent surtout chez l’adulte.

A – Circonstances de découverte :

1- La lithiase peut être latente et de découverte fortuite Lors de :

– la palpation du plancher buccal ;

– la réalisation d’une radiographie (orthopantomogramme, maxillaire défilé).

2- Accidents mécaniques :

La lithiase mandibulaire est le plus fréquemment révélée par des accidents mécaniques, compliqués ou non d’une greffe infectieuse.

Ces manifestations mécaniques dépendent de la situation ou du nombre des calculs.

• La hernie salivaire caractérise une tuméfaction de la crête salivaire d’installation rapide lors d’un repas ; cette tuméfaction est spontanément résolutive avec sensation ressentie par le patient d’écoulement de salive endobuccale.

Schématiquement, la hernie salivaire est observée avec un calcul unique situé dans la partie antérieure du canal de Wharton.

• La colique salivaire résulte d’une rétention complète de salive en amont de l’obstacle avec spasme canalaire.

Les symptômes de la hernie salivaire se compliquent ainsi d’une douleur intense et brutale siégeant dans le plancher buccal et la langue.

Douleurs et tuméfaction disparaissent encore spontanément après une brève sialorrhée.

La hernie et la colique salivaires évoluent pendant une période variable et sont rythmées par les repas.

En l’absence de traitement ou d’expulsion spontanée du calcul, des accidents infectieux peuvent leur succéder.

3- Accidents infectieux :

• Abcès du plancher buccal (whartonite et péri-whartonite) : le tableau clinique débute brutalement par des douleurs du plancher buccal irradiant vers l’oreille, une légère dysphagie et une fièvre modérée.

La crête salivaire est tuméfiée, érythémateuse et douloureuse.

La tuméfaction abcédée reste séparée à la palpation de la face interne de la mandibule ; la pression de l’ostium turgescent fait sourdre du pus.

La péri-whartonite est caractérisée par une diffusion extracanalaire du processus infectieux, dans un tableau de cellulite susmylo-hyoïdienne unilatérale, avec ébauche d’un trismus et exagération des signes généraux.

• La sous mandibulite peut succéder à une lithiase du canal évoluant depuis un certain temps ou à une lithiase intraglandulaire.

L’infection de la glande sous-mandibulaire est précédée ou non d’accidents mécaniques.

Il s’agit d’une tuméfaction sus-hyoïdienne latérale, dont le volume n’est pas rythmé par les repas et est séparée dans un premier temps du bord interne de la mandibule.

Cette tuméfaction douloureuse s’accompagne d’un érythème et de la présence de pus à l’ostium du canal de Wharton.

Les signes généraux et fonctionnels sont variables, selon qu’il s’agit d’une forme aiguë ou chronique de sous-mandibulite.

• Le phlegmon sous-mandibulaire succède à la sous-mandibulite et se manifeste par une collection purulente de la loge sous-mandibulaire, se fistulisant spontanément à la peau.

B – Bilan radiographique :

La lithiase peut être perçue par le palper bidigital du plancher buccal.

Le bilan radiologique est le moyen diagnostique le plus décisif et repose, dans la grande majorité des cas, sur quelques incidences au coût extrêmement modéré.

Trois clichés radiologiques sans préparation permettent d’objectiver la lithiase en explorant la glande et la totalité de son canal :

• un film occlusal antérieur : rayon orthogonal ascendant sur un film mordu, permettant l’exploration des deux tiers antérieurs du canal ;

• un film occlusal postérieur : rayon partant de l’angle mandibulaire, oblique en haut, en avant et en dedans.

Cette incidence, même si elle déforme un peu l’image du calcul éventuel, permet de le localiser au niveau du tiers postérieur du canal et de la glande ;

• une incidence de profil strict ou un orthopantomogramme explorant les éventuels calculs intraglandulaires, notamment du bassinet.

Ces clichés simples permettent, le plus souvent, de confirmer le diagnostic en visualisant le calcul sous la forme d’une opacité ronde ou ovalaire.

La recherche de calculs multiples doit être systématique.

La sialographie sousmandibulaire n’est pas systématique ; elle est réalisée devant la persistance des signes fonctionnels et si les examens précédents n’ont pu mettre en évidence de lithiase.

Elle doit être prescrite à distance de tout épisode infectieux.

Un produit radio-opaque est instillé par l’ostium; des clichés en réplétion et en évacuation peuvent permettre de visualiser l’image du calcul, la dilatation canalaire en amont et l’état fonctionnel de la glande.

C – Diagnostic différentiel :

• Le diagnostic des accidents mécaniques est relativement simple.

Cependant, des méga-canaux constitutionnels, une ulcération, tumorale ou non, située au niveau de l’ostium peuvent entraîner des phénomènes de rétention salivaire intracanalaire.

L’examen clinique soigneux du plancher buccal permet de rétablir le diagnostic.

• Devant un abcès du plancher buccal, une cellulite d’origine dentaire doit principalement être discutée : la lithiase peut être indirectement recherchée par l’existence de pus à l’orifice du canal de Wharton, la présence d’un sillon libre entre la tuméfaction pelvienne et la face interne de la mandibule, l’absence de cause dentaire.

L’orthopantomogramme permet également d’éliminer une infection dentaire latente.

• Devant une sous-mandibulite aiguë, peuvent être discutées :

– une cellulite sous mylo-hyoïdienne abcédée d’origine dentaire ;

– une adénite ou un adéno-phlegmon.

• Devant une sous-mandibulite chronique, doivent être éliminés :

– une tumeur de la glande (adénome pléomorphe, carcinome adénoïde kystique…) ;

– une adénopathie de la chaîne sous-mandibulaire ;

– un noyau résiduel de cellulite chronique.

La palpation de la loge sous-mandibulaire et des autres chaînes ganglionnaires s’avère primordiale.

• Devant une image calcifiée sous-mandibulaire découverte lors d’un examen radiographique, doivent être essentiellement éliminés une adénopathie ou un angiome calcifié.

Autres calculs salivaires :

1- Lithiase parotidienne :

Elle est rare par rapport à la lithiase sous-mandibulaire et de diagnostic difficile : les calculs sont en effet moins volumineux et plus latents, le diagnostic est moins souvent évoqué.

La lithiase parotidienne pose les problèmes diagnostiques et thérapeutiques les plus délicats.

La lithiase parotidienne se rencontre surtout chez l’adulte mais, également chez le grand enfant.

Les manifestations révélatrices, par rapport à la glande sous-mandibulaire, sont plus fréquemment infectieuses que mécaniques.

La symptomatologie en est strictement identique, mais de localisation différente :

– la tuméfaction est rétromandibulaire, puis latéro-jugale ;

– l’ostium du canal de Sténon est situé à la face interne de la joue en regard de la 2e prémolaire supérieure.

La palpation du calcul est difficile du fait de son petit volume.

Les explorations radiographiques utilisent :

– une incidence antéropostérieure des parties molles, tangentielle à la joue ;

– un film endobuccal postérieur avec rayons orthogonaux ;

– la sialographie parotidienne réalisée en dehors des poussées infectieuses : cet examen a une valeur diagnostique mais également thérapeutique.

Il montre des signes indirects de lithiase : dilatation du canal en amont du calcul et, dans le meilleur des cas, lacune calculaire au sein du produit de contraste, persistante même en phase d’évacuation ;

– une exploration tomodensitométrique peut être parfois nécessaire.

Le principal diagnostic à écarter est celui d’une parotidite non lithiasique dont la différenciation est fréquemment subtile.

Les méga-canaux salivaires sont de diagnostic plus facile : siège canalaire de la tuméfaction, donc plus antérieur, accidents bilatéraux, valeur de la sialographie.

Enfin, une pathologique tumorale parotidienne est facilement écartée d’après les données symptomatologiques.

2- Lithiase sublinguale :

Les mêmes symptômes que pour la glande sous-mandibulaire sont décrits.

Le diagnostic différentiel de cette lithiase rare s’avère délicat et repose sur la radiographie objectivant un calcul en dehors du canal de Wharton.

3- Lithiase des glandes salivaires accessoires :

Elles sont exceptionnelles et atteignent principalement les sujets âgés. Elles se révèlent par des accidents infectieux avec une tuméfaction labiale ou jugale inflammatoire, circonscrite et centrée par une gouttelette purulente à l’ostium. Une radiographie à rayons mous permet parfois de diagnostiquer le calcul.

Traitement :

A – Méthodes :

1- Méthodes médicales :

• Sialagogues : soit préparation magistrale (teinture de Jaborandi : 20 gouttes, 3 fois/j) ; soit ésérine oxyde (Génésérine) ou anétholtrithione (Sulfarlem S 25).

• Antispasmodiques.

• En présence de complications infectieuses, antibiothérapie à élimination salivaire et adaptée à ses germes; la dose prescrite dépend de l’étendue de l’infection (macrolides, bêta-lactamines et métronidazole)

2- Méthodes chirurgicales :

Elles sont essentiellement réservées à la glande sous-mandibulaire : – taille du canal de Wharton par voie endobuccale sous anesthésie locale dans le cadre de calculs antérieurs ;

– taille du canal de Wharton sous anesthésie générale pour des calculs postérieurs ;

– sous-mandibulectomie à distance de toute complication infectieuse (au minimum 2 à 3 mois après une sous-mandibulite aiguë).

3- Lithotritie :

Thérapeutique encore rarement utilisée ; les meilleures indications sont les calculs parotidiens et la lithiase sousmandibulaire non compliquée.

B – Indications :

1- Lithiase sous-mandibulaire :

• Indications médicales :

– si petit calcul avec quelques accidents mécaniques non fréquents : sialagogues et antispasmodiques, hydratation correcte ;

– abcès du plancher et sous-mandibulite : antibiothérapie par voie orale ou intraveineuse selon les signes généraux.

• Indications chirurgicales :

– exérèse de la lithiase par taille endobuccale du canal de Wharton: sous anesthésie locale pour les calculs antérieurs ; sous anesthésie générale, avec respect du nerf lingual, pour les calculs postérieurs dans une glande saine; les récidives sont malgré tout fréquentes dans tous les cas ;

– sous-mandibulectomie par voie cutanée et sous anesthésie générale, à distance de tout épisode infectieux : indiquée dans le cadre de calculs multiples, de récidive après taille du canal de Wharton, d’accident de sous-mandibulite, de crises de coliques salivaires à répétition depuis longue date ;

– drainage d’une collection sous-mandibulaire abcédée, sous couverture antibiotique intraveineuse puis sous-mandibulectomie à distance, c’est-à-dire au moins 3 à 6 mois plus tard.

2- Lithiase parotidienne :

Exérèse endobuccale d’un calcul à l’ostium; sinon, sialagogues et irrigations endocanalaires avec des préparations antibiotiques, ou lithotritie de calculs accessibles.

Rares indications de parotidectomie superficielle avec conservation du nerf facial.

3- Lithiase des glandes salivaires accessoires :

L’expression du calcul par voie muqueuse, voire l’exérèse de la glande, sous anesthésie locale, permet la guérison.

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