La leucémie à tricholeucocytes (LT) ou hairy cell leukemia (HCL),
décrite en 1958 représente environ 2 % de l’ensemble des
leucémies : elle survient de façon préférentielle chez l’homme (huit
fois sur dix) à partir de la cinquième décennie. Son étiologie reste
inconnue :
l’existence de formes familiales fait suggérer, dans
certains cas, une prédisposition génétique : le rôle de facteurs
environnementaux reste cependant à préciser. Une étude française
sur les facteurs de risque professionnels a mis en cause l’activité des
agriculteurs, en particulier la culture de fourrage et l’exposition aux
insecticides organophosphorés.
Un lien négatif avec la
consommation de tabac a été aussi retrouvé chez les hommes dans
cette même étude.
Diagnostic :
A - PRÉSENTATION CLINIQUE :
La LT est caractérisée par la présence d’une splénomégalie observée
dans trois cas sur quatre et l’absence habituelle d’adénopathies
superficielles.
La présence d’adénopathies superficielles ou
abdominales est exceptionnelle : elle n’est observée qu’après un
long délai suivant le diagnostic (médiane de 9 ans chez 12 patients).
Les infections bactériennes, les tuberculoses responsables de fièvre
prolongée sont devenues plus rarement révélatrices en raison
d’un diagnostic et d’un traitement plus précoces.
Il en est de même
des manifestations hémorragiques secondaires à la thrombopénie et
des signes cliniques en rapport avec une anémie chronique.
C’est maintenant souvent à l’occasion d’une asthénie ou d’un
hémogramme, demandés pour un bilan de santé, que sont
découvertes une neutropénie et/ou une monocytopénie révélant la
LT.
B - EXAMEN MORPHOLOGIQUE
:
Le diagnostic de la LT repose sur la reconnaissance des
tricholeucocytes, cellules lymphoïdes tumorales chevelues.
1- Hémogramme :
Il montre une pancytopénie, parfois seulement une neutropénie, une
monocytopénie, une thrombopénie ou une anémie souvent
discrètement macrocytaire.
Pour un cytologiste exercé, les tricholeucocytes sont facilement
détectés par un examen attentif du frottis sanguin.
Ce dernier doit
être d’excellente qualité, coloré de façon standardisée, et le séchage
des lames par agitation doit être proscrit pour éviter tout artefact.
La présence de tricholeucocytes dans le sang est presque constante,
même si le nombre des cellules anormales est réduit.
Les tricholeucocytes sont des cellules de grande taille avec un
cytoplasme étendu, faiblement et irrégulièrement basophile, et
présentant de fines projections cytoplasmiques.
Des inclusions
cytoplasmiques « granulolamellaires » ayant l’aspect de bâtonnets
discrètement basophiles à zone centrale claire sont parfois observées.
Le rapport nucléocytoplasmique est bas et le noyau souvent
excentré.
Ovale ou arrondi, il peut être parfois réniforme.
La
chromatine nucléaire a un aspect finement dispersé et les nucléoles
ne sont pas visibles ou peu évidents, de petite taille et en général
uniques.
2- Myélogramme. Biopsie ostéomédullaire :
L’atteinte de la moelle osseuse est constante.
La moelle est difficile à
aspirer, du fait de la présence d’une fibrose réticulinique.
Le matériel cellulaire obtenu par aspiration est réduit et habituellement peu
représentatif sur les frottis médullaires.
De ce fait, une biopsie de
moelle osseuse peut être nécessaire pour affirmer, dans les cas
difficiles, le diagnostic.
L’histologie médullaire montre des degrés
variables d’infiltration par les tricholeucocytes, que l’on peut
identifier sur coupe par leur forme nucléaire (ovalaire ou réniforme),
l’aspect de leur chromatine et l’importance de la zone claire qui
sépare chaque noyau, conséquence de la grande taille des
cytoplasmes peu visibles ou rétractés sur coupe.
3- Histologie splénique :
L’aspect histologique de la rate est également très caractéristique par
la topographie de l’infiltration, qui intéresse la pulpe rouge et
s’associe à un effacement de la pulpe blanche et une formation de pseudosinus spléniques avec élargissement des cordons pulpaires.
La splénectomie n’est cependant pas justifiée pour poser le
diagnostic de LT.
4- Colorations particulières
:
L’identification des tricholeucocytes peut être facilitée par la mise en
évidence d’une activité phosphatase-acide-tartrate résistante (TRAP)
qui, bien que non totalement spécifique, est cependant assez
caractéristique de la LT.
C - ÉTUDES DE L’EXPRESSION DES MOLÉCULES
MEMBRANAIRES :
Les tricholeucocytes sont des cellules lymphoïdes B exprimant à leur
surface fortement les immunoglobulines et les molécules de
différenciation de la lignée B : CD19, modérément à fortement CD20,
fortement CD22, mais habituellement sans expression du CD5 et du
CD24.
Ils expriment aussi certains marqueurs d’activation, souvent
très fortement le CD11c et, de façon modérée à intense, le CD25.
Deux autres marqueurs s’avèrent utiles pour la détection des tricholeucocytes : le CD103 et le DBA44.
Ce dernier peut être
utilisé sur coupes en paraffine (biopsies médullaires) ou sur
cellules en suspension.
Ces marqueurs peuvent non seulement
être utilisés pour le diagnostic de la LT mais aussi pour le suivi de
la maladie résiduelle, afin de juger de l’efficacité des traitements.
Bien que la nature B des tricholeucocytes soit indiscutable, leur place
exacte dans le développement de la lignée B n’est pas entièrement
élucidée.
D - CYTOGÉNÉTIQUE :
Les études cytogénétiques dans la LT ne sont pas indispensables
pour le diagnostic de LT.
Elles sont importantes pour la
compréhension de l’hémopathie.
Les études cytogénétiques réalisées
chez les patients atteints de LT sont limitées, en raison de la faible
leucocytose et des difficultés des tricholeucocytes à répondre aux
différents mitogènes.
Il n’existe pas à ce jour d’anomalies clonales
spécifiques de la LT.
Dans une série de 36 patients, des métaphases
évaluables ont été obtenues dans 30 cas et la présence d’anomalies
cytogénétiques clonales 20 fois (67 %).
Les délétions et les
inversions sont plus fréquentes que les translocations.
Les atteintes
du chromosome 5 sont observées dans 40 % des cas : trisomie,
inversion péricentrique ou délétions interstitielles en 5q13.
D’autres
chromosomes sont parfois impliqués : chromosomes 1, 2, 6, 11, 19
et 20.
Des del(7)(q32), del(17)(q25) ou des t(11 ; 20)(q13 ; q11)
ont été aussi décrites.
L’existence d’une instabilité chromosomique
constitutionnelle avec présence d’anomalies chromosomiques,
clonales ou non, dans les fibroblastes cutanés des patients avec HCL
a été récemment suggérée.
E - BIOLOGIE MOLÉCULAIRE ET AUTRES PARTICULARITÉS
BIOLOGIQUES :
1- Séquences des gènes des immunoglobulines
:
Une étude du réarrangement des gènes des immunoglobulines a été
réalisée chez 13 patients atteints de LT, dont un patient atteint d’une
forme variante.
Il n’a pas été observé dans la LT d’utilisation
préférentielle du répertoire VH des gènes des immunoglobulines.
Par ailleurs, la présence d’un taux élevé de mutations non liées au
hasard, et dans six cas une prédominance des mutations dans les
régions « hypervariables » des gènes des immunoglobulines peuvent
faire suggérer le rôle d’antigènes.
2- Expression de cycline D1
:
Il existe une augmentation d’expression de cycline D1, non
seulement en termes d’acide ribonucléique messager (ARNm) mais
aussi de protéine.
La cycline D1 intervient à la phase G1 du cycle
cellulaire.
En cas de t(11 ; 14) observée principalement, mais non
exclusivement, dans le lymphome à cellules du manteau (LCM), le
gène codant la cycline D1, localisé en 11q13, est juxtaposé à celui qui
code les chaînes lourdes des immunoglobulines, localisé en 14q323.
Il en résulte une augmentation de l’expression de cycline D1. Dans
la LT, une expression de cycline D1 est observée, malgré l’absence
de translocation t(11 ; 14)(q13 ; q32). Le rôle de l’expression de
D1, malgré l’absence probable de t(11 ; 14), reste à évaluer dans la
LT.
3- Activité télomérase :
La télomérase est une enzyme permettant d’ajouter aux extrémités
des chromosomes des séquences télomériques.
Cette ribonucléoprotéine permet de maintenir la longueur des télomères,
dont la longueur diminue habituellement de 50 à 200 nucléotides à
chaque division cellulaire.
Une activation de la télomérase pourrait
ainsi expliquer une augmentation de la durée de vie d’une cellule.
Une étude récente a montré une augmentation plus marquée de
l’activité télomérase chez 15 patients avec une LT par comparaison
aux patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou de
LCM.
L’augmentation de cette activité au cours du temps pourrait
être un marqueur de progression de l’hémopathie.
Leucémie à tricholeucocytes-
« variante » (LT-V)
:
Cette entité a été décrite en 1980 : elle est rare.
Morphologiquement, les cellules sont intermédiaires entre les tricholeucocytes décrits précédemment et les prolymphocytes.
Une splénomégalie et une hyperleucocytose (souvent supérieures à
50 X 109/L) sont souvent notées.
L’hémogramme ne montre pas
habituellement de neutropénie et de monocytopénie.
Les cellules ont
un cytoplasme étendu, plus basophile que celui des tricholeucocytes,
mais présentant aussi de nombreuses projections cytoplasmiques.
Le
noyau a une chromatine nucléaire modérément condensée, avec, à
la différence des formes classiques, un volumineux nucléole
comparable à celui des prolymphocytes.
Les cellules tumorales
infiltrent la pulpe rouge de la rate. Les cellules n’expriment pas la
molécule CD25.
En réalité, seule la chaîne b (mais non a) du
récepteur de l’IL2 est présente dans la LT-V, contrairement à la LT
où les deux chaînes sont exprimées.
De rares anomalies L’évolution de la LT-V paraît moins sévère que celle de la leucémie
à prolymphocytes (LPL-B).
Il est important d’individualiser la LT-V, du fait d’une insensibilité au traitement par l’interféron alpha
(IFNa) : des résultats ont été obtenus par irradiation splénique et,
plus récemment, par les analogues des purines.
Diagnostic différentiel de la leucémie
à tricholeucocytes avec les autres
syndromes lymphoprolifératifs
chroniques
:
Le lymphome splénique à lymphocytes villeux (SLVL) doit être
distingué de la LT.
Cliniquement, la présence d’une volumineuse
splénomégalie, cependant inconstante, contraste, comme dans la LT,
avec l’absence d’adénopathie superficielle et d’hépatomégalie.
C’est
la présence de plus de 30 % de cellules lymphoïdes villeuses qui
permet d’affirmer le diagnostic de SLVL.
Les cellules ont une
chromatine dense et mottée, avec parfois un nucléole souvent peu
volumineux mais bien visible et un cytoplasme présentant des
villosités polaires.
Les cellules villeuses sont comme dans
la LT des cellules B : elles expriment le CD19, le CD20, le CD22, le
CD24 et le FMC7.
L’expression du CD23 est le plus souvent
négative, comme celle du CD10 et du CD25.
L’expression du CD5
est variable, le plus souvent négative, mais positive dans environ
20 % des cas.
L’expression du DBA 44 est, comme dans la LT,
positive dans 80 % des cas de SLVL.
Les autres syndromes lymphoprolifératifs chroniques (SLPC),
comme la LLC, la LPL, les phases leucémiques de lymphome
folliculaire ou de LCM, sont des entités différentes, les cellules
tumorales ayant des caractéristiques morphologiques différentes des
tricholeucocytes.
Dans les cas de diagnostic difficile,
l’examen morphologique, couplé à une étude des molécules des
cellules sanguines anormales, permet, dans la plupart des cas, un
diagnostic précis du SLPC.
Traitements :
A - SPLÉNECTOMIE :
Avant l’introduction des IFN, la splénectomie a été le seul traitement
de la LT.
Dans une série concernant 63 patients traités en première
intention par splénectomie, une rémission sanguine a été observée
dans 42 % des cas et une réponse partielle ou un échec dans
respectivement 58 % et 14 % des cas.
L’effet de la splénectomie
sur la normalisation des paramètres hématologiques est transitoire,
et des rechutes surviennent dans environ la moitié des cas, dans les
5 ans suivant la splénectomie, sous une forme leucémique ou une
aggravation de la pancytopénie.
L’apparition de nouvelles thérapeutiques efficaces dans la LT réduit
considérablement son intérêt.
B - INTERFÉRON
:
Le traitement par IFN a été introduit dans la LT en 1984.
Les
essais cliniques ont utilisé les interférons a-2a (Roféront-A) ou a-2b
(Intronat), les deux produits différant seulement par un unique
acide aminé en position 22.
L’introduction des IFN a transformé le
pronostic de la maladie.
Les patients réfractaires ou mauvais
répondeurs à ce traitement restent en nombre très limité et les causes
de décès imputables directement à l’hémopathie sont maintenant
devenues très rares.
L’obtention d’une rémission complète (RC) avec disparition des tricholeucocytes dans le sang et la moelle est observée chez moins
d’un patient sur dix, et une rémission partielle (RP) définie par une
normalisation des paramètres hématologiques sanguins avec
persistance de tricholeucocytes dans la moelle dans plus de six cas
sur dix.
La durée initiale du traitement par IFN est habituellement de
12 mois : la dose préconisée est de 3 millions d’unités trois fois par
semaine.
Avec ce schéma, une réponse hématologique basée sur la
disparition de la splénomégalie et la normalisation des paramètres
sanguins est obtenue rapidement après le début du traitement.
Le
chiffre des plaquettes se corrige en 2 mois environ, l’hémoglobine
en 4 mois et les polynucléaires neutrophiles en 4 à 6 mois.
Si le
traitement par IFN permet la normalisation des paramètres
hématologiques sanguins, la disparition médullaire des
tricholeucocytes est rarement obtenue.
Même lorsqu’elle semble
obtenue après un examen morphologique attentif, la persistance des
cellules tumorales médullaires est souvent mise en évidence par le
marquage des cellules tumorales résiduelles par le DBA44.
Des rechutes cliniques et/ou sanguines sont habituelles après arrêt
du traitement par IFN.
Elles surviennent, dans environ trois cas sur
quatre, entre 6 et 24 mois après l’arrêt du traitement.
Pour réduire le
risque de rechute, le traitement par IFN peut être administré à faible
dose (1 à 2 millions d’unités deux à trois fois par semaine) en
traitement continu prolongé.
Chez 93 patients avec une LT confirmée
et traités par IFN, une réponse définie par une normalisation des
paramètres hématologiques a été observée dans neuf cas sur dix
après 12 mois de traitement.
Aucune rechute cliniquement
symptomatique n’a été observée chez les 23 patients traités par IFN
à faibles doses (1 à 2 X 106 U une à deux fois par semaine) en
traitement prolongé (30 mois) alors qu’elle est survenue chez 37 des
56 patients sans traitement d’entretien prolongé.
La rechute a été
sensible dans la plupart des cas à un nouveau traitement par IFN.
La tolérance du traitement par IFN est variable : tandis que les
syndromes pseudogrippaux sont contrôlés en partie par la prise de
paracétamol et s’atténuent après quelques mois, une asthénie parfois
très invalidante est observée dans les traitements prolongés.
Des
hépatites, des états dépressifs et des troubles psychiatriques sont
possibles.
En cas de rechute après IFN, le traitement de seconde ligne par la
désoxycoformycine (DCF) permet l’obtention d’une réponse
complète ou partielle dans plus de huit cas sur dix.
Il n’existe pas
de résistance croisée entre les différents traitements de la LT.
C - ANALOGUES DES PURINES :
Les analogues des purines sont utilisés de plus en plus fréquemment
en première ligne.
Ils comprennent trois drogues : la fludarabine, la
DCF et la 2-chlorodésoxyadénosine (2-CdA).
La fludarabine a été
peu utilisée dans la LT mais son efficacité est très inconstante.
Les deux autres agents, la DCF et le 2-CdA, sont très efficaces : ce
sont des analogues de l’adénosine, créant artificiellement les effets
d’un déficit en adénosine désaminase et provoquant une
lymphopénie.
Le premier est un inhibiteur de l’adénosine désaminase et le
second un analogue purique insensible à l’action de cette
enzyme.
Désoxycoformycine (Nipentt)
:
Elle a été utilisée initialement chez 27 patients, à la dose de 5 mg/m_
pendant 2 jours consécutifs, tous les 14 jours.
Vingt patients
avaient été traités antérieurement, 14 par splénectomie et six par
splénectomie et IFN.
Seize (59 %) RC prolongées (médiane :
228 jours) définies par une absence de cellules tumorales sanguines
et médullaires ont été obtenues en 3 mois et ont persisté à l’arrêt de
tout traitement ultérieur.
Dix rémissions partielles (37 %) et un échec
ont été observés.
Le type de la réponse n’a pas été influencé par la
nature du traitement administré antérieurement.
Des résultats similaires ont été observés dans d’autres études
prospectives, avec un taux de RC plus élevé et estimé globalement à
environ 80 % des cas.
Le pourcentage de réponse est
identique chez les patients non traités ou traités antérieurement par IFN.
Les doses et les schémas d’administration ont varié dans le temps
mais la tendance actuelle est d’administrer 4 mg/m2 tous les 15 jours
jusqu’à un maximum de huit à dix cycles.
La réponse au traitement
est rapide, avec une amélioration des paramètres hématologiques
sanguins en 15 jours environ et obtention d’une RC dans un délai
de 2 à 6 mois.
Malgré une disparition des tricholeucocytes, les études moléculaires
ont permis de montrer la persistance de cellules tumorales
résiduelles, suggérant que l’éradication des cellules tumorales est
difficile, voire impossible.
Le risque de rechute symptomatique
reste à évaluer chez les patients avec une maladie résiduelle minime.
Les rechutes sont observées dans un peu plus de 15 % des cas, avec
des extrêmes allant de 8 % à 47 %.
Ces différences sont
expliquées par une définition très variable de la rechute, basée soit
sur des critères histologiques, soit sur des critères morphologiques
associés à des critères immunohistochimiques ou moléculaires.
Les effets secondaires de la DCF associent un effet myélosuppressif,
de la fièvre, des infections sévères sans obligatoirement de
neutropénie associée, des troubles digestifs, hépatiques et/ou
neurologiques.
Un des effets marquants de la DCF est la diminution
du nombre de cellules lymphoïdes CD4+ avec un retour à la normale
obtenu en moyenne 2 ans après la dernière injection de DCF.
Les risques inhérents aux modifications du nombre de lymphocytes
T sanguins restent à évaluer.
Des rémissions ont été obtenues avec la 2-CdA après échec ou
rechute d’un traitement par DCF.
D - 2-CHLORODÉSOXYADÉNOSINE OU CLADRIBINE
(LEUSTATINEt)
:
Elle a été introduite en 1987 chez deux patients et a été administrée
en une seule cure, à la dose de 0,1 mg/kg/j en perfusion continue
pendant 7 jours. Une RC a été obtenue chez l’un d’entre eux pendant
plus de 1 an.
Ces résultats préliminaires encourageants ont été
confirmés ultérieurement, et des RC sont obtenues dans sept cas sur
dix.
La réponse est indépendante des traitements reçus
antérieurement.
Les modalités d’administration sont variables.
Si le traitement est
habituellement une perfusion continue pendant 7 jours, des
traitements discontinus (perfusion de 2 heures pendant 5 jours ou
3 heures une fois par semaine pendant 6 semaines) ont aussi donné
des résultats satisfaisants.
Les effets secondaires sont dominés par la neutropénie et
l’immunodépression induites par le traitement.
Dans une série
concernant 349 patients, 71 % ont présenté une neutropénie sévère
de grade 4, avec un chiffre de polynucléaires neutrophiles inférieur
à 0,5 X 109/L, et 42 % une fièvre avec une infection documentée dans
13 % des cas.
L’introduction conjointe de filgrastime ne réduit pas le
risque infectieux.
L’effet immunosuppresseur se traduit par une
diminution du nombre des lymphocytes CD4, pouvant persister
pendant plus de 1 an.
Malgré une diminution initiale des cellules
sanguines CD20 et CD8 (entraînant une augmentation transitoire du
rapport CD4/CD8), une augmentation des cellules CD8 apparaît
environ 3 mois après le début du traitement.
La normalisation du
nombre des cellules CD20 et CD4 est plus tardive (1 à 2 ans) et, de
ce fait, le rapport CD4/CD8 reste inférieur à 1 de façon prolongée.
La diminution du nombre de cellules CD4 est essentiellement une
réduction du nombre des cellules naïves CD4+ CD45RA+.
Des
infections opportunistes ont été rapportées, en relation probable avec
le traitement.
Les autres effets secondaires sont des hyperéosinophilies régressives 1 semaine après l’arrêt du
médicament et des syndromes myélodysplasiques.
Si la RC sanguine et médullaire est obtenue dans la plupart des cas,
les études moléculaires montrent malgré un examen morphologique
normal la persistance fréquente de cellules tumorales résiduelles.
Chez les patients en rechute après 2-CdA, les IFN sont efficaces et
ils peuvent être utiles chez les patients avec une lymphopénie
persistante.
Choix du traitement
:
Il existe peu d’études prospectives et randomisées permettant de
comparer entre eux les différents traitements de première ligne.
L’étude de Grever concerne 356 patients, 176 traités par IFN et
180 patients traités par DCF.
Une RC est observée dans 11 % des
cas dans le groupe IFN contre 76 % dans le groupe DCF : aucune
différence en termes de survie n’est observée entre les deux groupes.
Des effets secondaires plus fréquents sont observés dans le groupe
des patients traités par DCF.
Une myélosuppression de grade 4 est
observée dans 14 % contre 6 %, des infections dans 53 % contre 35 %
et une nécessité d’antibiotiques dans 27 % contre 14 %.
Il n’existe
pas d’études randomisées comparant les analogues des purines
entre eux ni d’études entre la 2-CdA et l’IFN.
La survie étant identique quel que soit le traitement initial, le
traitement optimal de la LT reste débattu.
Le choix
thérapeutique initial dépend essentiellement de quatre facteurs :
– facilité d’administration du produit : le traitement prolongé
(pendant plusieurs années) des IFN par voie sous-cutanée est à
comparer au traitement de 3 à 6 mois par la DCF et à la perfusion
continue pendant 7 jours de 2-CdA ;
– chiffre de polynucléaires neutrophiles au moment de la mise en
route du traitement.
Les traitements par analogues des purines vont
aggraver une neutropénie déjà existante et de ce fait peuvent
augmenter un risque infectieux déjà élevé ;
– coût inhérent à chaque traitement ;
– risque de cancers secondaires.
Depuis plusieurs années, un large débat s’est instauré concernant le
risque de cancers secondaires chez les patients atteints de LT.
Le risque de cancers secondaires existe chez les patients atteints de LT non traitée, mais aussi chez les patients traités par IFN ou
analogues des purines.
Des cancers secondaires sont observés dans
9 % des cas, avec des extrêmes allant de 2,5 % à 31%.
Le risque
est réduit à 6,3 % avec des extrêmes allant de 3 % à 21% si le
cancer survient dans les 6 mois, ou plus suivant le diagnostic de la LT.
Les tumeurs hématopoïétiques représentent environ 12 % des
cancers secondaires, avec des variations allant de 0 % à 46%.
Dans la série de Kampmeier, le risque de tumeurs hématopoïétiques
est multiplié par 40.
Ce risque très élevé n’est pas retrouvé dans
d’autres études. Un long suivi des patients avec une LT est justifié
afin d’évaluer le risque de cancers secondaires imputable à chaque
type de traitement.
Des progrès considérables ont été accomplis dans le traitement de la
LT.
Le traitement optimal en première intention est loin d’être
unanime. Les traitements par IFN doivent être prolongés, sont
contraignants, et les RC rarement obtenues.
Les analogues des
purines sont préférés aux traitements par IFN en raison d’un taux
de RC beaucoup plus élevé.
Cependant, le risque accru d’infections
liées à la myélosuppression et surtout à l’immunodépression,
constitue un inconvénient des analogues des purines, qui doit être
évalué par une surveillance hématologique prolongée.
Le risque de
cancers secondaires et d’hémopathies malignes lié à toute
immunodépression prolongée ne peut être négligé, même si les
études préliminaires apparaissent rassurantes.