Bien que la leucémie lymphoïde chronique (LLC), la plus fréquente
des leucémies dans les pays occidentaux, ait été décrite il y a près
d’un siècle, elle a pendant longtemps été négligée par les
hématologistes.
La situation a été transformée il y a une vingtaine
d’années par l’apparition des classifications pronostiques qui ont
permis de mieux comprendre l’évolution d’une affection qui
apparaissait jusque-là comme totalement imprévisible, et
d’entreprendre des essais thérapeutiques adaptés à la gravité de la
maladie.
Par la suite, les progrès de l’immunologie ont conduit à
une meilleure définition de la maladie qui a servi de modèle à
l’étude de la lymphopoïèse des cellules B.
Plus récemment,
l’apparition de nouvelles molécules comme les analogues des
purines, et le développement des techniques d’intensification
thérapeutique, ont entraîné un regain d’intérêt pour le traitement
d’une maladie dont le pronostic n’a jusqu’alors été modifié par
aucune thérapeutique.
Définition :
La LLC est une hémopathie lymphoïde chronique définie par
l’accumulation, dans le sang (lymphocytose supérieure à 4 X 109/L)
et la moelle osseuse, de petits lymphocytes B d’aspect mature et
d’origine monoclonale, qui présentent un phénotype caractéristique.
Biologie de la leucémie lymphoïde
chronique :
L’origine de la maladie est inconnue, mais au sein des hémopathies
lymphoïdes B, la LLC se caractérise par trois grandes particularités :
– défaut d’apoptose : il ne s’agit pas d’une maladie proliférative, mais
d’une dysrégulation de l’apoptose conduisant à une accumulation
de cellules ;
– grande prévalence des phénomènes auto-immuns, principalement
dirigés contre des cellules hématopoïétiques ;
– déficit immunitaire sévère, notamment hypogammaglobulinémie
s’aggravant au cours de la maladie.
A - LE LYMPHOCYTE DE LA LEUCÉMIE LYMPHOÏDE
CHRONIQUE :
Le lymphocyte de la LLC est un lymphocyte B monoclonal.
Il
exprime une immunoglobuline (Ig) de surface (IgS), avec une
restriction dans les chaînes légères (kappa dans 60 % des cas, lambda
dans 40 % des cas).
Dans 60 % des cas, la cellule exprime à la fois
une IgM et une IgD (ayant les mêmes déterminants idiotypiques, ce
qui atteste bien de la nature monoclonale de la cellule), dans 25 %
des cas exclusivement une IgM, et très rarement une IgA, une IgG
ou une IgD seule.
Cette monoclonalité a été confirmée par l’étude
du réarrangement des chaînes des Ig.
Les cellules expriment les antigènes HLA de classes I et II et les
antigènes de la lignée B, essentiellement CD19, CD20 (faible densité).
Le CD23 est exprimé dans 71 % des cas.
Le FMC7 et le CD10 sont en
général négatifs. Le CD79b est très faiblement exprimé.
Le phénotype des cellules tumorales est très particulier, en raison de
l’expression de faibles taux de plusieurs récepteurs de surface comme les Ig de membrane ou les molécules CD79b, et
CD20, et en raison de la coexpression du CD5 dans 93 % des cas,
marqueur habituellement présent sur les cellules T matures et
également exprimé dans une sous-population de cellules B.
En dépit de l’expression du récepteur pour le virus d’Epstein-Barr,
les lymphocytes B de la LLC ne sont pas immortalisables par ce
virus.
Les cellules tumorales expriment fortement la protéine antiapoptotique bcl-2, malgré l’absence de réarrangement du gène.
Cette surexpression de bcl-2 pourrait expliquer le blocage des
cellules B de la LLC en phase G0, malgré l’expression de certains
marqueurs d’activation comme le CD23.
La stimulation par la voie du récepteur pour l’antigène permet de
déceler, dans un pourcentage important de cas, une anomalie de
transduction du signal, définie par une réponse proliférative
défectueuse, ainsi qu’une phosphorylation des tyrosines et une
mobilisation calcique anormales.
La faible expression du
récepteur pour l’antigène pourrait être à l’origine de ces différentes
anomalies de l’activation.
B - CONTREPARTIE NORMALE :
Des cellules B exprimant le CD5 ont été décrites par Caligaris-Cappio.
La cellule B de la LLC ressemble au petit lymphocyte
trouvé dans la zone du manteau des follicules lymphoïdes
secondaires.
L’étude de leur fonction anticorps a montré que ces
cellules correspondent fréquemment à des lymphocytes B impliqués
dans la production d’autoanticorps et qu’elles expriment, dans la
moitié des cas, des gènes d’Ig n’ayant pas subi de mutations
somatiques, alors que dans l’autre moitié des cas, de nombreuses
mutations somatiques sont observées.
Les cellules B CD5+ du
manteau produisent des anticorps naturels, polyréactifs, utilisant le
même répertoire de gènes que dans la LLC, d’où l’hypothèse que la
LLC est une maladie des populations lymphocytaires CD5+ de la
zone du manteau, anergisées par la rencontre avec des antigènes du
soi et impliquées dans la production d’anticorps naturels
polyréactifs.
Ceci implique l’intervention d’un antigène, et donc de mutations
dans les gènes des Ig.
Or, ces mutations sont observées seulement
dans la moitié des cas.
Dans l’autre moitié des cas, les gènes des Ig
n’ont pas subi de mutations somatiques (cellules naïves).
Le
pronostic de ces dernières formes est plus mauvais que celui des LLC à cellules ayant subi des mutations.
Ces faits suggèrent que la transformation maligne peut survenir à
différents stades de développement du lymphocyte B.
Les LLC
exprimant des Ig non mutées correspondraient à la transformation
maligne d’une cellule B naïve, n’ayant pas transité par le centre
germinatif, alors que les LLC exprimant des Ig mutées
correspondraient à la transformation maligne d’une cellule mémoire
ayant traversé le centre germinatif.
C - ÉVÉNEMENTS TRANSFORMANTS :
1- Anomalies cytogénétiques
:
Le processus de la cancérogenèse est inconnu dans la LLC.
À la
différence d’autres hémopathies lymphoïdes B dans lesquelles des
translocations chromosomiques vont mettre en contact des
oncogènes avec les gènes des Ig, les anomalies cytogénétiques de la
LLC sont le plus souvent des gains ou des pertes de matériel
génétique.
En utilisant des méthodes sensibles comme l’hybridation
in situ, des anomalies du caryotype sont retrouvées dans 50 à 80 %
des cas.
– Délétion 13q14.
C’est la plus fréquente (50 % des anomalies).
L’hypothèse la plus
probable est celle de la perte d’un gène suppresseur de tumeur dans
la délétion (ou perte d’un allèle et mutation de l’autre).
Le gène du rétinoblastome a d’abord été évoqué, mais sa responsabilité a été
écartée.
Deux gènes candidats ont été récemment clonés, LEU1 et
LEU2, mais aucune mutation n’a été trouvée dans ces gènes qui ne
semblent donc pas impliqués.
La délétion 13q14 est considérée
comme de bon pronostic, mais une étude récente a montré qu’elle
était associée à une plus grande évolutivité dans les formes précoces
de la maladie.
– Délétion 11q22-23.
Elle représente 13 à 19 % des anomalies.
Elle s’observe dans des LLC
tumorales et de mauvais pronostic.
Le gène ATM est localisé dans
cette partie du chromosome et pourrait être impliqué dans la
maladie.
Cependant, malgré des travaux récents montrant des
mutations de ce gène dans la LLC, ce phénomène n’est observé que
dans un nombre marginal de cas.
– Trisomie 12.
C’est l’anomalie le plus anciennement décrite, présente dans 20 %
des cas où il existe des anomalies cytogénétiques.
Pour certains, elle
serait associée à une maladie plus agressive, avec une morphologie
anormale des lymphocytes et l’expression de gènes des Ig non
mutés.
Cette trisomie 12 résulte de la duplication d’un des deux
chromosomes.
La surexpression d’un gène pourrait contribuer à la leucémogenèse, peut-être le gène MDM2 qui est surexprimé, mais
en fait non muté.
– Délétion 6q.
Elle est retrouvée dans 5 % des cas.
Elle touche deux régions, 6q21-
q23 ou 6q25-q27.
Aucun gène candidat n’a, à l’heure actuelle, été
identifié dans ces régions.
– Mutation ou délétion de p53 sur le chromosome 17.
Elle est retrouvée dans 15 % des LLC et signe toujours des
formes graves.
Cette mutation pourrait apparaître au cours de l’évolution de la
maladie, particulièrement en cas de syndrome de Richter,
conférant un avantage prolifératif aux cellules mutées qui
deviennent résistantes aux traitements antimitotiques.
2- Apoptose :
Il existe, dans la LLC, une inhibition importante de l’apoptose.
Cet
effet, observé in vivo, est très différent des observations faites in
vitro.
En effet, après quelques heures en culture, les cellules meurent
rapidement par apoptose, ce qui rend l’étude de ce phénomène
difficile.
Les phénomènes d’apoptose sont sous la dépendance de nombreux
gènes, qui aboutissent à l’activation des caspases qui vont
fragmenter l’acide désoxyribonucléique (ADN).
Le gène BCL-2, situé
sur le chromosome 18, est le gène inhibiteur de l’apoptose qui a été
le plus étudié.
Dans la translocation 14-18, caractéristique du
lymphome folliculaire, le gène BCL-2 est mis en contact avec le gène
des chaînes lourdes d’Ig, entraînant la surexpression de BCL-2 et
une inhibition de l’apoptose dans ces cellules.
Dans la LLC, il existe presque toujours une surexpression de BCL-2
sans translocation 14-18.
Le mécanisme de cette surexpression est
encore inexpliqué.
Son implication dans l’inhibition de l’apoptose
n’est pas claire, car il n’y pas de corrélation entre le degré d’apoptose
in vitro et le niveau d’expression de BCL-2.
Il a été démontré que,
dans les cellules de LLC, l’interleukine (IL) 4, l’IL13 et l’interféron
(IFN) gamma inhibent l’apoptose in vitro.
De plus, les cellules de LLC n’expriment que peu ou pas Fas (CD95) à leur surface, alors
que la stimulation de Fas a un effet inducteur de l’apoptose. Cette
stimulation n’est que rarement observée dans la LLC.
D - DÉFICIT IMMUNITAIRE ET AUTO-IMMUNITÉ
:
Une profonde hypogammaglobulinémie est fréquente dans la LLC
(jusqu’à 60 % des cas selon les séries).
Il existe un défaut de réponse
par des anticorps spécifiques à des nouveaux antigènes.
La
pathogénie de cette hypogammaglobulinémie est mal connue.
Elle
est rare dans les autres hémopathies lymphoïdes, à l’exclusion du
myélome.
Une anomalie de la régulation des lymphocytes T a été
évoquée mais non prouvée, de même que la diminution des cellules
B normales. L’accumulation des cellules B malignes, en elle-même,
pourrait être en cause.
En effet, la cellule B de la LLC sécrète du transforming growth factor (TGF) bêta, qui est un inhibiteur de la
prolifération B, et relargue du récepteur de l’IL2, qui pourrait
adsorber l’IL2 circulante et gêner la fonction des cellules T.
Des phénomènes auto-immuns sont fréquemment observés dans la LLC, dirigés principalement contre les cellules hématopoïétiques.
Les plus fréquents sont les anémies hémolytiques auto-immunes,
essentiellement à anticorps chauds, de type IgG, dirigés contre des
antigènes du système Rh.
Dans certaines séries, jusqu’à 35 % des
patients ont un test de Coombs direct positif.
Les thrombopénies
auto-immunes sont plus rares et plus difficiles à mettre en évidence.
Plus rarement encore, sont observées des neutropénies ou des érythroblastopénies auto-immunes.
Les autoanticorps responsables des manifestations auto-immunes
sont des IgG polyclonales, de forte affinité, et donc non sécrétées
par le clone malin. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la
production de ces anticorps.
L’hypogammaglobulinémie pourrait entraîner un dysfonctionnement
du réseau idiotypique.
Les anticorps anti-idiotypes,
dirigés contre les clones auto-immuns, pourraient ne plus être
sécrétés.
Une autre hypothèse découle du fait que ces anticorps sont presque
toujours dirigés contre des cellules hématopoïétiques et qu’un
traitement par fludarabine (FDR), substance connue pour induire
une sévère dépression des cellules T, augmente les complications
auto-immunes.
Dans certaines conditions, les lymphocytes B
de la LLC peuvent être activés, et passer de l’état anergique à l’état
fonctionnel.
Si ces cellules sont dans un environnement adéquat, par
exemple la rate, en présence d’un grand nombre de cellules
hématopoïétiques, elles peuvent être activées et présenter les
antigènes du milieu.
Les cellules B résiduelles normales peuvent
alors fabriquer des anticorps contre les hématies ou les plaquettes.
Si l’on suppose que certaines sous-populations T sont capables de
prévenir le développement de ces clones B autoréactifs, cela explique
pourquoi un traitement par FDR, qui diminue ces clones T, peut
augmenter les phénomènes auto-immuns.
Épidémiologie :
La LLC est la plus fréquente des leucémies dans les pays
occidentaux, quels que soient le sexe et la race.
L’incidence de la
maladie est de 5/100 000 après 50 ans, et de 30/100 000 après
80 ans.
Très rare avant 40 ans, sa fréquence augmente avec l’âge.
Dans les séries prospectives de groupe français, la médiane d’âge
est de 64 ans, avec la répartition suivante : moins de 40 ans : 1 %,
40-50 ans : 7 %, 51-60 ans : 23 %, 61-70 ans : 37 %, 71-75 ans : 18 %,
plus de 75 ans : 14 %.
La répartition hommes-femmes est
respectivement de 65 % et 35 %.
Des facteurs génétiques semblent jouer un rôle dans la pathogénie
de la maladie.
En effet, l’incidence varie selon les pays, allant de
2,5 % de toutes les leucémies de l’adulte au Japon, jusqu’à 38 % au
Danemark.
Cette faible incidence dans la population d’origine
japonaise se retrouve chez les Japonais ayant émigré à Hawaii.
De
plus, il existe une prédisposition familiale, le risque étant accru de
deux à sept fois pour la famille au premier degré, avec un
phénomène d’anticipation (apparition de plus en plus tôt de la
maladie au cours des générations).
Les facteurs environnementaux ne semblent pas jouer un rôle
important dans la pathogénie de la maladie.
Bien qu’une
augmentation du risque ait été évoquée dans différentes professions
(producteurs de soja, utilisateurs d’herbicides, travailleurs dans
l’industrie du caoutchouc ou de l’amiante), la LLC est la seule
leucémie pour laquelle n’a jamais été mise en évidence une relation
avec l’irradiation.
Présentation clinique :
Dans 30 % des cas, il n’y a aucun signe clinique et les anomalies
sont uniquement biologiques.
A - CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE
:
C’est le plus souvent lors d’un hémogramme demandé à titre
systématique qu’est retrouvée une lymphocytose sanguine chez un
sujet apparemment en bonne santé.
Parfois, c’est la découverte
d’adénopathies superficielles par le patient ou le médecin, ou d’une
splénomégalie, qui amènent à demander un bilan sanguin.
Beaucoup plus rarement, la maladie est découverte devant une
complication infectieuse ou une complication auto-immune,
essentiellement une anémie hémolytique auto-immune.
Une
altération de l’état général, une fièvre ou des sueurs nocturnes,
doivent faire rechercher une surinfection, un cancer associé, ou une
transformation en lymphome de haut grade de malignité (syndrome
de Richter).
Quelles que soient les circonstances de découverte, il est important
de rechercher des hémogrammes antérieurs, même très anciens, qui
peuvent apporter des renseignements précieux sur l’évolutivité de
la maladie.
Il est également important d’interroger le patient sur
l’existence d’autres lymphopathies dans la famille, compte tenu de
l’intérêt de l’étude des formes familiales.
B - SYNDROME TUMORAL :
– Adénopathies.
Les adénopathies superficielles ont été signalées dès les premières
descriptions de la maladie et sont présentes dans environ 70 % des
cas.
Elles sont classiquement bilatérales, symétriques, indolores,
mobiles par rapport aux plans superficiels et profonds.
Elles sont
généralement de taille modérée, ne dépassant 4 cm que dans 7 %
des cas.
Leur répartition est variable selon les patients, et
l’importance de l’atteinte des différents territoires a une valeur
pronostique importante dans la classification de Binet.
L’examen de choix pour l’étude des adénopathies profondes est la
tomodensitométrie, mais celle-ci n’est pas systématiquement
réalisée.
Dans une étude ancienne utilisant la lymphographie, il
avait été montré que la taille des adénopathies profondes était
corrélée à celle des adénopathies superficielles.
L’augmentation rapide de la taille d’une adénopathie ou l’apparition
de signes de compression doivent faire suspecter un syndrome de
Richter.
– Splénomégalie.
Elle est retrouvée dans environ 20 % des cas et est prise en compte
dans les classifications pronostiques.
Elle est généralement de taille
modérée.
Des formes splénomégaliques pures de bon pronostic
avaient été individualisées il y a plusieurs années, mais il est
possible que ces formes aient en fait été des lymphopathies
apparentées, tels par exemple les lymphomes à lymphocytes
villeux.
– Hépatomégalie.
Présente dans 5 à 10% des cas, elle est comptabilisée comme un
territoire ganglionnaire dans la classification de Binet.
– Autres. L’atteinte d’autres organes comme la peau, les amygdales, le tube
digestif, la plèvre et les poumons, le système nerveux, les reins, est
décrite mais rarement rencontrée.
Signes biologiques :
A - HÉMOGRAMME :
Il est bien évidemment indispensable au diagnostic de la maladie.
Il
comporte systématiquement une étude des lymphocytes sur frottis
et le compte des réticulocytes.
– Lymphocytose. C’est un signe constant de la maladie, indispensable pour porter le
diagnostic.
Le seuil au-dessus duquel on peut évoquer l’existence
d’une LLC est de 4 à 5 X 109 lymphocytes/L.
Il était classique,
lorsque la lymphocytose était modérée, de dire que celle-ci devait persister durant plusieurs mois avant de porter le diagnostic de LLC.
À l’heure actuelle, la pratique systématique d’un immunophénotypage
cellulaire permet de porter le diagnostic de LLC, même
en cas de lymphocytose modérée. Cette lymphocytose est très
variable d’un patient à l’autre, pouvant dépasser le seuil de
200 X 109/L.
Dans les protocoles du groupe français, la médiane de
la lymphocytose est d’environ 30 X 109/L.
Elle a une valeur
pronostique puisqu’elle est corrélée au stade de la maladie
(25 X 109/L dans les stades A, 45 X 109/L dans les stades B et
60 X 109/L dans les stades C), mais elle perd sa valeur prédictive à
l’intérieur d’un stade.
– Aspect cytologique des lymphocytes.
Les cellules de la LLC sont des petits lymphocytes très proches des
lymphocytes normaux.
Les cellules sont de petite taille, d’aspect
mature ; le rapport nucléocytoplasmique est élevé, le noyau et le
cytoplasme sont de profil régulier, la chromatine est dense et le
nucléole est non visible.
Sur le frottis, se retrouvent fréquemment
des cellules altérées et des noyaux nus, appelés « ombres de Gümprecht ».
Il est cependant fréquent d’observer parmi ces petits
lymphocytes un certain nombre de prolymphocytes, cellules de plus
grande taille et nucléolées.
Le pourcentage de ces cellules ne doit
pas excéder 10 % des lymphocytes.
Entre 10 et 55 %, on parle de LLC mixte, au-dessus de 55 %, on parle de leucémie
prolymphocytaire.
– Autres lignées.
Il existe parfois une neutropénie, mais le chiffre réel des polunucléaires neutrophiles (PN) est parfois difficile à apprécier,
notamment en cas de grande lymphocytose.
Les complications
infectieuses semblent corrélées au taux de PN.
Une anémie (inférieure à 10 g/dL) est observée dans 8 à 10% des
cas.
Cette anémie peut relever de plusieurs mécanismes : insuffisance
médullaire, anémie hémolytique auto-immune, hypersplénisme ou érythroblastopénie.
La numération des réticulocytes permet de
mieux préciser le mécanisme de l’anémie.
Une thrombopénie (inférieure à 100 X 109/L) est également présente
dans environ 10 % des cas.
Le mécanisme de cette thrombopénie,
insuffisance médullaire, auto-immunité ou hypersplénisme, est
difficile à préciser.
L’anémie et la thrombopénie ont une valeur pronostique
considérable ; elles apparaissent comme le signe de gravité majeur
dans toutes les classifications.
B - EXAMEN IMMUNOPHÉNOTYPIQUE :
Il est actuellement indispensable pour porter le diagnostic de LLC
et a remplacé le myélogramme.
Il montre l’existence de cellules B
(CD19, CD20), monoclonales (expression d’une seule chaîne légère),
exprimant de faibles taux d’Ig de membrane et de CD79b,
coexprimant CD5 et CD23, et n’exprimant pas FMC7.
Matutes a proposé un score prenant en compte la présence de faibles
taux d’IgS, l’expression du CD5, du CD23, la très faible expression
du CD79b, et l’absence d’expression du FMC7.
La présence d’au
moins quatre ou cinq de ces critères affirme le diagnostic de LLC.
Un score inférieur doit faire discuter d’autres diagnostics.
Lorsqu’un diagnostic ne peut être affirmé, l’étude d’autres
marqueurs immunophénotypiques, la recherche de l’expression de
la cycline D1 (lymphome du manteau), un caryotype, ou une étude
en biologie moléculaire, peuvent s’avérer nécessaires.
C - MYÉLOGRAMME :
Il était classiquement indispensable au diagnostic de LLC, montrant
une infiltration de plus de 30 % de la moelle par des cellules
lymphocytaires d’aspect mature. Avec le développement de l’étude
immunophénotypique des lymphocytes sanguins, cet examen n’a
plus d’intérêt diagnostique.
L’importance de l’infiltration médullaire
a une valeur pronostique.
Dans le protocole LLC-80, le pourcentage
d’infiltration médullaire était de 55 % dans les stades A, 73 % dans
les stades B et 85 % dans les stades C, mais cette valeur pronostique
s’efface devant le stade de la maladie.
D - BIOPSIE MÉDULLAIRE :
Elle n’est pas indiquée dans tous les cas.
Actuellement, les seules
indications sont soit de rares cas de diagnostic difficile, soit
lorsqu’une évaluation complète de la maladie est nécessaire, dans le
cadre de protocoles prospectifs d’essais thérapeutiques, par exemple.
La topographie de l’infiltration médullaire n’est pas paratrabéculaire, contrairement aux lymphomes malins non
hodgkiniens.
Quatre types histologiques ont été décrits : nodulaire,
interstitiel modéré, mixte (nodulaire et interstitiel à renforcements
focaux) et diffus.
Le type d’infiltration a une valeur pronostique.
E - BIOPSIE GANGLIONNAIRE :
Elle n’a pas d’utilité dans les formes classiques de la maladie. Les
seules indications de la biopsie sont les cas de diagnostic difficile,
ou s’il y a suspicion de transformation en un lymphome de haut
grade (syndrome de Richter).
F - BILAN SÉRIQUE :
Il comprend systématiquement une électrophorèse des protéines, un
test de Coombs direct, un ionogramme avec dosage de créatinine,
calcium, acide urique et glycémie, un bilan hépatique avec
bilirubine, et un dosage de lacticodéshydrogénase (LDH).
Une hypogammaglobulinémie est très fréquente dans la maladie
(60 % des patients).
Un dosage pondéral des Ig peut alors
compléter le bilan.
Une Ig monoclonale, le plus souvent une IgM, peut être retrouvée, à
un faible taux, dans 5 % dans cas.
Avec des méthodes très sensibles,
il est même possible de mettre en évidence, dans 60 % des cas, un
composé monoclonal dans les urines.
L’existence d’un test de Coombs positif, retrouvé chez environ 5 %
des patients, nécessite la recherche d’une hémolyse et impose la
prudence dans l’utilisation des analogues des purines.
G - BILAN RADIOLOGIQUE :
Une radiographie du thorax doit faire partie du bilan systématique.
Dans la mesure où il a été démontré que la taille des adénopathies
profondes était corrélée à celle des adénopathies superficielles, il
ne semble pas nécessaire d’effectuer systématiquement un examen
tomodensitométrique thoraco-abdomino-pelvien.
Cet examen garde
cependant toute sa place en cas de suspicion de compression par de
volumineuses masses ganglionnaires, ou dans des protocoles
prospectifs, afin de juger de façon précise la réponse thérapeutique.
D’autres examens tels que les dosages de la bêta-2-microglobuline
ou du CD23 sériques, la réalisation d’un caryotype, l’étude du profil
mutationnel des gènes VH des Ig peuvent être réalisés, mais leur
intérêt reste à démontrer dans des études prospectives.
Enfin, la congélation du sérum et des cellules, après obtention du
consentement éclairé des patients, est souhaitable.
Pronostic :
A - CLASSIFICATIONS ANATOMOCLINIQUES :
Le pronostic de la LLC a pendant longtemps été considéré comme
imprévisible.
La survie de certains patients ne semblait pas
raccourcie par l’affection, alors que pour d’autres, le décès survenait
en quelques mois.
Jusqu’en 1975, de nombreux auteurs ont décrit
des facteurs pronostiques comme l’âge, le sexe masculin, l’existence
d’une anémie ou d’une thrombopénie, la présence d’adénopathies
ou d’une splénomégalie, la non-réponse au chlorambucil (CLB)...
Aucun de ces éléments, cependant, ne suffisait à lui seul à prévoir
l’avenir de la maladie.
Les publications étaient contradictoires et les
médianes de survie très variables d’une série à l’autre.
Rai, en 1975, a publié une classification pronostique en cinq stades,
établie à partir d’une série de 125 patients.
La valeur
pronostique de cette classification a été par la suite validée à maintes
reprises, et elle reste très utilisée aux États-Unis.
La difficulté d’adapter la classification de Rai à la réalisation d’essais
thérapeutiques en raison du trop grand nombre de stades, et la
possibilité d’utiliser des méthodes statistiques plus performantes, en
particulier le modèle de Cox, ont conduit Binet à proposer, en 1981,
une classification en trois stades, largement utilisée en
Europe.
L’étude comparative de ces deux classifications, dans une série
prospective de 973 malades du groupe français, a montré que les
malades à faible risque selon Rai (stade 0) correspondent à
seulement 30 % des patients, alors que les malades à faible risque
selon Binet (stade A) correspondent à 63 % des patients, avec des
médianes de survie peu différentes entre les deux classifications.
Dans la mesure où la classification de Binet inclut deux fois plus de
patients dans le groupe de bas risque, et que l’attitude préconisée
pour ces patients est l’abstention, l’International Workshop on CLL
a conseillé l’adoption de la classification de Binet comme
classification de référence et d’inclure une sous-classification suivant
la classification de Rai (A0, AI, AII et AIII ; BI, BII et BIII ; CIII et
CIV).
Cette classification assez complexe est en réalité peu
utilisée.
D’autres classifications anatomocliniques, plus ou moins proches de
celles de Rai et Binet, ont été proposées, mais leur application à la
pratique clinique est restée très limitée.
Les deux classifications utilisées discriminent très bien les formes
graves de la maladie.
En revanche, parmi les stades A qui
représentent à l’heure actuelle une large majorité des malades,
certains patients vont rester stables durant des années et d’autres
vont évoluer en stade B ou C.
Il est donc nécessaire de trouver des
facteurs pronostiques permettant de prédire cette évolution. Deux
grandes approches ont été utilisées, celle de l’étude statistique de
larges séries prospectives, et celle de marqueurs biologiques.
B - PRONOSTIC DES STADES A
:
1- Définition des formes indolentes :
À partir de paramètres cliniques et biologiques simples étudiés sur
de larges séries de patients, trois propositions ont été faites pour
définir les formes indolentes de la maladie : les stades 0 de Rai, la
classification de Montserrat, et celle du groupe coopérateur français.
Le stade 0 de Rai a déjà été défini : il représente 30 % des patients,
qui ont seulement une lymphocytose sans aucun signe clinique.
Montserrat et al ont proposé de définir les formes indolentes de la
maladie comme étant les stades A ayant une lymphocytose
inférieure à 30 X 109/L, un temps de doublement de cette
lymphocytose supérieur à 12 mois, un taux d’hémoglobine supérieur
à 13 g/dL, et une infiltration à la biopsie médullaire de type non
diffus.
Le groupe coopérateur français a proposé de scinder les stades A en
A' et A".
Les patients en stade A', qui représentent 80 % des stades
A, ont un taux d’hémoglobine supérieur ou égal à 12 g/dL et une
lymphocytose inférieure ou égale à 30 X 109/L.
Les malades en stade
A ont un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/L et/ou une
lymphocytose supérieure à 30 X 109/L et représentent 20 % des
stades A.
Quelle que soit la classification utilisée, elle discrimine bien les
formes indolentes de la maladie mais, alors que la médiane de
survie à 10 ans est identique dans les trois systèmes, le groupe A'
correspond à 80 % des patients de stade A, le stade 0 à seulement
50 %, et le groupe défini par Montserrat à 58 %.
Plus récemment, le National Cancer Institute a défini des critères
d’« agressivité de la maladie », mais ceux-ci sont en pratique très
rarement présents dans les stades A.
2- Paramètres biologiques
:
De très nombreux paramètres biologiques ont été étudiés et ont,
pour certains, une grande valeur pronostique dans la maladie.
Cependant, comme nous l’avons dit, les classifications cliniques
permettant de très bien détecter les formes graves, c’est surtout dans
les stades A qu’il est nécessaire de trouver des éléments biologiques
prédictifs du passage à un stade plus agressif.
Un temps de doublement de la lymphocytose inférieur à 12 mois est
associé à un mauvais pronostic et fait partie des critères de
définition des smouldering CLL selon Montserrat.
L’aspect cytologique des lymphocytes sanguins, et notamment le
pourcentage des prolymphocytes, définissent des formes de mauvais
pronostic lorsque ce pourcentage est compris entre 10 et 55 % (audelà
de 55 %, le diagnostic est celui d’une leucémie prolymphocytaire).
L’aspect de l’envahissement de la biopsie médullaire, nodulaire,
interstitiel modéré, mixte (nodulaire et interstitiel à renforcements
focaux) et diffus, est corrélé au pronostic avec les formes les plus
graves lorsque l’envahissement est diffus.
Rozman a proposé de
scinder les stades B en fonction de l’envahissement nodulaire ou
diffus et le type d’envahissement est un de critères des smouldering
CLL.
Les taux sériques de LDH, bêta-2-microglobulines et CD23 sériques,
ont été étudiés par plusieurs groupes.
Ces dosages ont été effectués
séparément ou comparés dans des analyses mutivariées.
Pour M Sarfati, l’élévation du CD23 sérique est un élément majeur du
pronostic.
Dans les stades A, le temps médian de progression est lié
au taux de CD23 initial, et lors du suivi régulier de ce dosage,
l’augmentation du taux précède de 48 mois la progression de la
maladie.
Dans une étude multivariée, Molica a accordé une
valeur prédictive importante à l’augmentation simultanée des taux
de CD23 et bêta-2-microglobuline.
Les anomalies du caryotype, déjà décrites plus haut, ont une valeur
pronostique importante.
La délétion 11q22-23, les mutations ou
délétions de la p53 et la trisomie 12 sont des facteurs de mauvais
pronostic.
La délétion 13q14 est classiquement considérée comme
de bon pronostic, mais une étude récente a montré que cette
délétion, dans les formes précoces de la maladie, était associée à
une plus grande évolutivité.
La présence de mutations somatiques dans les gènes des chaînes
lourdes des Ig est retrouvée dans la moitié des cas.
Le pronostic de
ces formes est meilleur que celui des LLC à cellules naïves, non
mutées.
Histoire naturelle de la maladie. Évolution. Complications :
La réalisation actuellement fréquente d’hémogrammes à titre
systématique conduit à porter le diagnostic de LLC beaucoup plus
tôt qu’auparavant, et dans environ 60 % des cas, les patients sont
totalement asymptomatiques.
Au moins 50 % des stades A restent
stables pendant très longtemps. Habituellement, la masse tumorale
a tendance à augmenter et à s’étendre progressivement.
Parmi
308 patients de stade A non traités dans le protocole LLC-80, 49 %
des patients restaient de stade A sans traitement après une médiane
de suivi de 11 ans ; cependant, 27 % des patients non traités
mouraient des complications de la maladie, essentiellement des
complications infectieuses.
La médiane de survie globale de la maladie s’est donc allongée,
traduisant principalement un diagnostic plus précoce.
Dans une
étude récente, Molica a comparé la survie de 508 patients
diagnostiqués dans les périodes 1970-1980, 1981-1990 et 1991-1998.
Les survies sont respectivement de 38 mois, 54 mois et 93 mois.
Les complications les plus fréquentes sont les complications
infectieuses, les complications auto-immunes, les transformations de
la maladie et la survenue de néoplasies secondaires.
– Les complications infectieuses sont observées plus fréquemment
dans les formes les plus avancées de la maladie.
Elles sont en
général la conséquence de l’hypogammaglobulinémie, d’une
altération de l’immunité cellulaire, de la neutropénie et d’un défaut
d’opsonisation.
L’infection est la première cause de mortalité dans
la LLC.
Les plus fréquentes sont les infections bactériennes, et parmi
les infections graves, les pneumonies à pneumocoques.
L’utilisation des analogues des purines, qui induisent une
importante déplétion lymphocytaire T, a modifié le spectre des
infections, avec l’émergence de pneumocystoses, de listérioses et
d’infections herpétiques et fungiques.
– Les complications auto-immunes, touchant préférentiellement les
cellules hématopoïétiques, sont une des particularités de la LLC.
La
plus fréquente est l’anémie hémolytique auto-immune.
Un test de Coombs direct positif, le plus souvent de type IgG, est retrouvé chez
environ 5 % des patients, le plus souvent dans les formes agressives
de la maladie.
Les traitements par analogues des purines
favorisent la survenue des complications auto-immunes, et leur
utilisation en cas d’anémie hémolytique auto-immune est
controversée.
Les thrombopénies auto-immunes ne sont
vraisemblablement pas rares, mais difficiles à mettre en évidence.
Les érythroblastopénies auto-immunes, caractérisées par une anémie
arégénérative sévère avec disparition des érythroblastes de la moelle
sont rares, mais sont souvent sensibles à la ciclosporine en cas
d’échec de la corticothérapie.
– La survenue d’une leucémie aiguë est un événement très rare, et il
est difficile de dire s’il s’agit d’une réelle transformation, d’une
seconde maladie, ou d’une leucémie induite par les traitements
antimitotiques.
En revanche, la survenue d’un lymphome de haut
grade de malignité (syndrome de Richter) est beaucoup plus
fréquente, dans 3 à 10% des cas selon les séries.
Les signes habituels
sont l’augmentation rapide de volume d’une ou plusieurs
adénopathies, une altération de l’état général, et une élévation du
taux des LDH.
Ces lymphomes peuvent être sensibles aux
traitements classiques des lymphomes de haut grade de malignité,
mais la médiane de survie, après transformation, est inférieure à
6 mois.
Les transformations en leucémies prolymphocytaires
surviennent graduellement, avec une augmentation progressive du
nombre des prolymphocytes dans le sang.
– Il est classique de dire que le risque de cancer est accru chez les
patients atteints de LLC.
Cependant, l’incidence des cancers a été
évaluée uniquement sur des petites séries ou des séries
rétrospectives.
Dans les stades A des protocoles LLC-80 et LLC-85, il
a été retrouvé une augmentation de l’incidence des cancers par
rapport à la population française appariée pour l’âge et le sexe.
Cette
différence n’est statistiquement significative que dans le groupe ayant reçu du chlorambucil (CLB) en continu.
Les cancers les plus
fréquents sont ceux de la peau, du sein et du côlon.
Dans une
étude récente, Cheson n’a pas mis en évidence d’augmentation de
l’incidence des cancers pour les patients traités par les analogues
des purines.
Diagnostic différentiel
:
Le diagnostic de la LLC ne pose habituellement pas de problème,
surtout depuis la réalisation systématique d’un immunophénotypage
cellulaire.
L’apport de cet immunophénotypage a été
particulièrement déterminant pour démembrer les syndromes
lymphoprolifératifs chroniques.
Les proliférations polyclonales réactionnelles à des infections,
essentiellement virales, sont facilement éliminées, l’aspect
cytologique étant plutôt celui d’un syndrome mononucléosique.
Seule la coqueluche peut simuler une LLC, mais le contexte clinique
est totalement différent.
Parmi les lymphopathies chroniques B, la leucémie à
tricholeucocytes, dans sa forme classique ou variante, ou les
lymphomes à lymphocytes villeux, sont en général faciles à
différencier cytologiquement.
Le diagnostic différentiel peut parfois être plus difficile avec d’autres lymphopathies chroniques lorsqu’il existe un passage sanguin de
cellules malignes, essentiellement les phases leucémiques des
lymphomes du manteau ou de lymphomes folliculaires, les
leucémies prolymphocytaires et les proliférations T telles que la
leucémie à grands lymphocytes granuleux ou la leucémielymphome
T de l’adulte.
Le diagnostic repose alors principalement,
outre l’aspect cytologique, sur l’immunophénotypage cellulaire,
parfois sur la biopsie ganglionnaire, sur le caryotype ou la biologie
moléculaire.
Traitement
:
La LLC reste une maladie incurable.
Il est néanmoins possible
qu’une guérison puisse être obtenue par une greffe allogénique, mais
ceci reste encore à démontrer.
En dehors des intensifications
thérapeutiques, les progrès observés durant les 10 dernières années
concernent essentiellement l’apparition de nouvelles molécules, au
premier rang desquelles les analogues des purines, et surtout une
meilleure définition des patients susceptibles d’être traités.
En effet,
porter le diagnostic de LLC n’implique pas la mise en route d’un
traitement.
Afin de déterminer l’utilité d’un traitement dans les stades A de la
maladie, le groupe français a réalisé deux essais thérapeutiques
randomisés comparant une attitude d’abstention thérapeutique à un
traitement par CLB en continu dans le protocole LLC-80, et à une
association de CLB et de prednisone (PRD) prescrite en discontinu
dans le LLC-85 ; 1 535 patients ont été inclus dans ces études dont
les résultats sont les suivants :
– ni le CLB en continu, ni l’association CLB + PRD n’allongent la
survie par rapport à l’abstention thérapeutique ;
– le traitement est efficace sur les signes cliniques de la maladie, et
l’obtention d’un rémission est corrélée à une meilleure survie, mais
cet effet est contrebalancé par une mauvaise survie chez les patients
résistants au traitement ;
– le CLB donné en continu pourrait favoriser l’apparition de cancers
épithéliaux.
À la suite de ces résultats, il existe à l’heure actuelle un consensus
pour que les patients en stade A (qui représentent 65 % de tous les
patients) ne soient pas traités en première intention.
Tous les
traitements dont nous parlerons sont donc réservés aux stades B ou
C.
L’évaluation du traitement dans la LLC est rendu difficile par
l’hétérogénéité des critères de rémission, très variables selon les
études.
L’International Working Group on CLL et le NCI-Sponsored
Working Group ont publié des critères d’évaluation thérapeutique
qui ont été réactualisés en 1996 par ce dernier groupe de travail.
Dans plusieurs études prospectives testant l’utilisation de la fludarabine (FDR) dans la LLC, le groupe de Keating a retrouvé une
différence importante en termes de durée de rémission entre les
patients obtenant une réponse médullaire complète, c’est-à-dire
normalisation de la biopsie médullaire, ou une réponse nodulaire,
avec persistance de quelques nodules lymphoïdes.
Il semble cependant nécessaire, en plus des critères classiques de
rémission complète, rémission partielle, stabilité et progression
–
évalués sur les signes cliniques, l’hémogramme, et l’étude
cytologique ou histologique de la moelle
– de mieux définir l’intérêt
d’une rémission au niveau phénotypique et au niveau moléculaire.
Dans un travail récent, M Brugiatelli a étudié des patients en
rémission complète après traitement, y compris avec normalisation
de l’histologie médullaire.
Pour certains de ces patients, la
population monoclonale avait disparu du sang (patients en
rémission phénotypique), pour d’autres, une population
lymphocytaire B monoclonale était encore décelable en faible
quantité.
Les patients en rémission phénotypique rechutaient plus
tardivement que les autres, mais la survie était identique dans les
deux groupes.
La qualité de la rémission évaluée au niveau moléculaire par polymerase chain reaction (PCR) sur les gènes des chaînes lourdes des
Ig semble être un facteur essentiel du pronostic après intensification
thérapeutique.
A - MOYENS THÉRAPEUTIQUES CONVENTIONNELS :
1- Monochimiothérapies :
– Le CLB est l’agent alkylant qui a été le premier et le plus
largement utilisé dans la maladie.
Il est prescrit soit en
continu (généralement à la dose de 0,1 mg/kg/j), soit en discontinu,
et alors souvent associé à une corticothérapie.
La durée du
traitement n’est pas réellement établie, ni l’éventuel intérêt à
poursuivre ce traitement lorsqu’une réponse est obtenue. Une durée
de traitement de 12 à 24 mois est l’attitude la plus fréquente.
Le CLB donne des taux de réponse compris entre 27 % et 100 % selon
les études.
Dans les protocoles LLC-80 et LLC-85, les taux de
réponse dans les stades A avec du CLB en continu ou une
association de CLB + PRD est d’environ 70 %, dans les stades B de
60 %.
Cependant, dans aucune étude cette efficacité ne s’est traduite
par un allongement de la survie.
La réponse au CLB est en revanche
un élément de pronostic favorable et la survie est corrélée à la
qualité de la réponse ; inversement, la résistance au CLB est un
élément de pronostic très défavorable.
Les seules études ayant
montré un avantage en termes de survie avec du CLB sont celles du
groupe de Jaksic, utilisant de fortes doses de CLB (10 mg/m2/j)
jusqu’à obtention de la rémission.
Ce groupe a comparé, dans
plusieurs essais randomisés successifs, ce protocole de CLB à fortes
doses au CLB donné à des doses classiques, au CHOP
(cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, PRD) et à la
FDR.
En termes de survie, le CLB à fortes doses est plus efficace
que le CLB à doses classiques et que le CHOP. Il est équivalent à la
FDR.
Ces résultats sont cependant ceux d’un seul groupe et n’ont
pas été validés dans d’autres essais.
Sous l’égide de l’International
Workshop on CLL, a été réalisée une méta-analyse concernant
l’utilisation du CLB dans la maladie.
Ce travail a démontré qu’il n’y
avait aucun intérêt en termes de survie à traiter les patients par du CLB.
– Les corticoïdes, utilisés seuls, ont un effet antitumoral dans 40 %
des cas, mais cet effet est de courte durée.
Ils ont été fréquemment
utilisés en association au CLB et font partie de presque tous les
protocoles de polychimiothérapie.
Il est difficile de dire quel est leur
intérêt réel ; ils ont un effet bénéfique sur l’état général, mais
favorisent les complications infectieuses.
Une corticothérapie à fortes
doses (1 mg/kg/j de PRD) est une prescription classique dans le
traitement des complications auto-immunes de la maladie.
– Le cyclophosphamide et le busulfan ont également été utilisés en
monochimiothérapie dans la LLC.
Leur efficacité semble voisine de
celle du CLB, mais en raison du faible nombre de patients traités et en
l’absence d’essais randomisés, il est difficile de conclure
réellement.
2- Polychimiothérapie :
L’impossibilité d’obtenir un allongement de la survie avec le CLB a
conduit très tôt à appliquer des schémas de polychimiothérapie dans
la LLC.
Diverses associations ont été proposées : COP
(cyclophosphamide, vincristine, PRD), MOPP (chlorméthine,
vincristine, procarbazine, PRD), cytarabine + cyclophosphamide, M2
(vincristine, cyclophosphamide, carmustine, melphalan, PRD), CAP
(cyclophosphamide, doxorubicine, PRD), CHOP, POACH (PRD,
vincristine, cytarabine, cyclophosphamide, doxorubicine).
Globalement, tous ces traitements donnent des résultats identiques
au CLB, c’est-à-dire 70 % de taux de réponse, mais pas de bénéfice
en termes de survie.
Cependant, dans la majorité des cas, ces
protocoles ont été évalués en dehors d’études randomisées, et
surtout avant la publication des classifications pronostiques, ce qui
rend difficile leur interprétation, en raison de l’hétérogénéité des
patients traités.
Dans le cadre d’études randomisées, le COP a été fréquemment
comparé au CLB, et il est bien établi qu’il n’y a aucun avantage à
utiliser cette association par rapport au CLB seul.
En revanche,
l’utilisation des anthracyclines dans la LLC a été l’objet de
nombreuses controverses.
Dans le protocole LLC-80, le COP
(vincristine 1 mg/m2 à j1, cyclophosphamide 300 mg/m2 per os de
j1 à j5, PRD 40 mg/m2 de j1 à j5) a été comparé au mini-CHOP
(COP plus doxorubicine 25 mg/m2 intraveineux à j1) chez
70 malades stade C.
La survie médiane a été de 22 mois pour le
COP et de 62 pour le CHOP, soit très fortement en faveur de
l’adjonction d’anthracyclines à faibles doses. Par la suite, des
schémas avec anthracylines ont été testés par différents groupes
(CHOP contre CLB à fortes doses pour Jaksic, CHOP contre CVP
[variante du COP] pour l’Eastern Cooperative Group, CHOP
contre CLB + PRD pour le groupe danois, CHOP contre CLB +
PRD dans le LLC-85 du groupe français pour les stades B), sans
qu’un effet bénéfique sur la survie puisse être mis en évidence, alors
que les protocoles avec anthracyclines apportaient en général un
bénéfice en termes de réponse.
L’ensemble de ces essais a été soumis
à une méta-analyse qui n’a pas pu confirmer l’hypothèse que les
anthracyclines étaient capables d’induire un bénéfice en termes de
survie.
3- Analogues des purines :
– La FDR a été largement utilisée dans la maladie et, à moindre
degré, la 2-chloro-désoxyadénosine (2-CdA).
Après les premiers essais de Grever, c’est surtout M Keating qui
a développé l’utilisation de la FDR dans la LLC selon le schéma
classique de 25 mg/m2/j, 5 jours consécutifs, une fois par mois
pendant 6 mois.
Les taux de réponse sont de l’ordre de 55 %
pour des patients préalablement traités et de 80 % pour des patients
non traités (dont 30 % de RC).
Le temps médian de progression,
après arrêt du traitement, est de 30 mois et dépend de la qualité de
la rémission initiale.
Environ 60 % des patients ayant répondu à la FDR peuvent, lors de la rechute, obtenir une deuxième rémission.
En revanche, la survie, en comparaison avec des séries historiques,
n’est pas allongée par la FDR.
La tolérance est globalement
meilleure que celle des schémas de polychimiothérapie ; comparée
au CHOP ou au CAP dans le protocole LLC-90 du groupe français,
la myélosuppression est identique, mais il n’y a pas d’alopécie et les
troubles digestifs sont nettement moins importants.
Des infections
opportunistes et des complications auto-immunes ont été largement
rapportées avec la FDR, mais en général chez des patients
multitraités.
L’importante immunosuppression induite par la FDR
pourrait éventuellement favoriser la survenue de cancers
secondaires.
Une étude récente du National Cancer Institute semble
cependant démentir cette hypothèse.
L’adjonction de corticoïdes à la FDR n’apporte pas de bénéfice, mais
augmente les risques d’infections opportunistes.
L’association à
d’autres antimitotiques (anthracyclines, cytarabine, CLB,
cyclophosphamide) a été évaluée.
Ces associations ne sont pas plus
efficaces, ou bien augmentent considérablement la toxicité ; seule
l’association avec le cyclophosphamide semble intéressante, et est
testée à l’heure actuelle dans plusieurs protocoles prospectifs.
– Comme la FDR, la 2-CdA a été initialement utilisée dans le
traitement de malades résistants à des traitements préalables.
Les
résultats obtenus montrent un taux de réponse proche de celui
obtenu avec la FDR.
Trois études non randomisées, menées par les
équipes de Saven, Delannoy et Juliusson, sur 102 patients,
montrent que la 2-CdA est capable d’induire des taux de rémission
complète de 37 % et des taux de rémission partielle de 39 %, ce qui
est très proche des résultats obtenus avec la FDR.
Il existe une
résistance croisée entre les deux drogues.
– Cinq essais randomisés ont comparé des analogues des purines
au CLB ou à des polychimiothérapies contenant des anthracyclines :
– dans l’essai américain coordonné par K Rai, des patients atteints
de LLC, préalablement non traités, appartenant à des stades
agressifs, ont été randomisées entre du CLB, de la FDR ou une
association de FDR + CLB.
La réponse dans le bras FDR a été de
70 %, dont 27 % de rémission complète, et dans le bras CLB, de
45 % dont 3 % de rémission complète, mais ceci ne s’est pas
traduit par une amélioration de la survie, ce qui peut
éventuellement s’expliquer par la possibilité de rattraper par la
FDR les malades ne répondant pas initialement au CLB.
La durée
de la réponse et la médiane d’évolution sans progression étaient
plus longues dans le bras FDR (respectivement 32 et 27 mois) que
dans le bras CLB (respectivement 18 et 17 mois).
Quarante-trois
pour cent des patients initialement randomisés dans le bras CLB
ont reçu ensuite de la FDR, alors que seulement 16 % des patients
initialement randomisés dans le bras FDR ont dû recevoir du CLB.
Une toxicité acceptable a été retrouvée pour les deux bras, alors
qu’une toxicité importante a obligé à l’arrêt du bras FDR +
CLB ;
– un essai européen a comparé la FDR (25 mg/m2/j, j1 à j5, une
fois par mois pendant 6 mois), au CAP (cyclophosphamide
650 mg/m2 à j1, doxorubicine 50 mg/m2 à j1, PRD 40 mg/m2 de
j1 à j5, une fois par mois pendant 6 mois) chez des malades de
stade B ou C, soit préalablement traités, soit vierges de tout
traitement.
Dans le bras FDR, un taux de réponse plus important
a été observé, se traduisant par un allongement de la durée de
rémission, mais pas par une prolongation de la survie.
Un taux
significativement plus important de réponse a été observé chez
les malades préalablement traités ;
– en 1990, le groupe français a mis en route un essai randomisé
(LLC-90), dans lequel des patients atteints de LLC de stade B ou
C, non traités auparavant, ont été randomisés entre FDR, mini-
CHOP et CAP.
La principale
différence entre les bras CHOP et CAP était la dose de doxorubicine (25 mg/m2 dans le mini-CHOP et 50 mg/m2 dans
le CAP).
Lors de la deuxième analyse intermédiaire, le bras CAP
a été arrêté à cause d’un faible taux de réponse et d’un risque de
décès accru.
La FDR a induit une réponse meilleure et plus longue
que le CHOP, mais elle n’a pas permis d’allonger la survie.
Une
toxicité acceptable a été retrouvée, avec une myélosuppression
plus importante dans le bras FDR et moins d’alopécie et de
manifestations digestives.
Aucune différence n’a été retrouvée sur
le plan des complications infectieuses ou auto-immunes ;
– Jaksic, pour l’EORTC, a comparé, dans un essai randomisé, la
FDR à du CLB à fortes doses (10 mg/m2/j jusqu’à rémission).
Les
taux de réponse sont comparables dans les deux groupes, ainsi
que la médiane sans évolution et la survie.
– Robak et al ont comparé un schéma intermittent associant
2-CdA et PRD sur 5 j/mois, à un régime intermittent de 7 jours
associant CLB et PRD.
Une différence significative dans le taux de réponse en faveur du régime contenant la 2-CdA a été observée
(86 % comparé à 55 %), mais encore une fois, aucune différence
au niveau de la survie.
* Synthèse
:
En résumé, des résultats cohérents émergent de ces différentes
études.
– Les analogues de la purine semblent être les drogues
individuellement les plus efficaces dans cette maladie.
– Puisqu’il n’y a pas de résistance croisée avec les agents alkylants,
leur indication est formelle dans le cas de résistance à ces drogues.
– Puisqu’une amélioration dans la survie n’a pas pu être démontrée
à ce jour, leur indication en première intention demeure l’objet de
débat.
Si l’objectif thérapeutique est d’obtenir la rémission la plus
complète possible, avant intensification thérapeutique par exemple,
leur indication semble indiscutable.
En revanche, si l’objectif est
d’obtenir un contrôle de la maladie, le CLB, de par sa plus faible
toxicité, sa facilité d’administration, et son coût plus faible, semble
devoir être prescrit en première intention.
B - INTENSIFICATION THÉRAPEUTIQUE :
Trois raisons essentielles ont conduit depuis une dizaine d’années à
proposer dans la LLC des essais d’intensification thérapeutique
suivis d’autogreffe ou d’allogreffe de cellules souches
hématopoïétiques :
– la LLC reste une maladie incurable ;
– les progrès de la réanimation hématologique permettent
d’envisager ces traitements jusqu’à un âge de plus en plus avancé
(parfois 70 ans, voire davantage) ;
– des traitements plus actifs sont apparus, permettant d’obtenir une
meilleure qualité de rémission avant greffe.
Plusieurs séries ont été rapportées, dépassant 400 patients dans le
groupe européen.
L’interprétation des résultats est rendue difficile
par l’hétérogénéité des patients et des traitements reçus avant
intensification, et ces techniques souffrent du manque d’essais
randomisés.
Les principales conclusions de ces différents essais sont les
suivantes :
– l’intensification suivie d’autogreffe est une méthode envisageable
avec un taux de mortalité inférieur à 10 % ; elle entraîne des
rémissions de qualité, et même des rémissions complètes clonotypiques (confirmées par PCR), et la durée de rémission
est corrélée à la qualité de celle-ci.
Cependant, les courbes de survie
ne montrent pas de plateau, suggérant que la maladie ne peut être
guérie par cette technique ; chez des patients déjà multitraités,
l’autogreffe doit être envisagée car il est possible chez ces patients
d’obtenir des rémissions ;
– les transplantations allogéniques sont grevées d’une mortalité
importante (jusqu’à 50 % dans certaines séries).
Comme dans
l’autogreffe, la survie est corrélée à la qualité de la réponse, mais le
taux de rechute est moins important que dans l’autogreffe, suggérant
un effet « greffon contre leucémie », et même la possibilité par là
d’une guérison de la maladie ; l’intérêt des « miniallogreffes »
avec conditionnement non myéloablatif semble a priori évident dans
la LLC, particulièrement en raison de l’âge des patients, mais les
études sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir en tirer des
conclusions ;
– le statut de la maladie au moment de la greffe, qu’elle soit
autologue ou allogénique, est un élément important du résultat,
d’autant meilleur que la réponse a été favorable.
C - ANTICORPS MONOCLONAUX :
– Le CAMPATH est l’anticorps monoclonal qui a été le plus utilisé
dans la LLC.
Cet anticorps murin, qui reconnaît le CD52, récepteur
exprimé sur les lymphocytes B et T, a été par la suite humanisé.
Les
premiers résultats dans des formes réfractaires de la maladie sont
encourageants.
Il induit une importante et rapide réduction de la
lymphocytose périphérique, mais cet effet semble moins important
au niveau de la moelle et de la rate, et surtout au niveau des
adénopathies.
Comme CD52 n’est pas exprimé par les cellules
myéloïdes, l’anticorps a une faible activité myélosuppressive.
En
revanche, il induit une lymphopénie T importante et prolongée, qui
peut être à l’origine d’infections opportunistes.
Le CAMPATH
semble également très intéressant pour purger in vitro les cellules
malignes du greffon avant autogreffe.
Un essai prospectif, mené
conjointement en Europe et aux États-Unis, chez des patients
réfractaires à la FDR, est en cours d’évaluation.
– L’anticorps anti-CD20 humanisé (rituximab) a été employé avec
succès dans les lymphomes non hodgkiniens, mais dans la LLC, il
n’a pas été suffisamment utilisé pour permettre une conclusion.
De
plus, la faible expression de CD20 à la surface du lymphocyte
proliférant dans la LLC pourrait constituer un obstacle à l’utilisation
de cette molécule dans la maladie.
D - RADIOTHÉRAPIE :
Dans la LLC, la radiothérapie a été administrée sous forme
d’irradiation corporelle totale, irradiation extracorporelle, irradiation
thymique, irradiation des aires ganglionnaires résiduelles après
chimiothérapie, ou sous forme d’irradiation splénique.
L’irradiation
corporelle totale fait souvent partie du conditionnement dans les
intensifications thérapeutiques, et l’irradiation des aires
ganglionnaires résiduelles est rarement employée à titre palliatif.
L’irradiation splénique peut être envisagée en cas de splénomégalie
importante, chez des malades présentant des contre-indications à la
splénectomie.
Dans deux essais randomisés, le UK Medical
Research Council a observé un allongement de la survie, cependant
non statistiquement significatif, après irradiation splénique, en
comparaison à du CLB, ou du CLB associé à de la PRD.
E - SPLÉNECTOMIE :
Elle trouve ses indications principales dans les anémies
hémolytiques ou thrombopénies auto-immunes résistantes aux
corticoïdes et aux immunosuppresseurs, ou en raison de
manifestations d’hypersplénisme dans les volumineuses
splénomégalies.
Pour l’équipe de Grenoble, elle est pratiquement
systématique en cas de résistance au CLB.
F - AUTRES TRAITEMENTS :
– La ciclosporine a été employée avec un certain succès en cas
d’anémie hémolytique auto-immune résistante aux corticoïdes ou
d’érythroblastopénie auto-immune.
– L’IFNa a donné un très faible taux de réponse chez des patients
préalablement traités.
Il semble avoir une certaine efficacité
chez des patients non traités, mais son utilisation n’a jamais été
réellement bien évaluée.
– L’IL2 a montré une activité faible dans une petite série de malades
résistants à la chimiothérapie.
– Les gammaglobulines polyvalentes peuvent être prescrites, à titre
prophylactique, dans des LLC présentant une hypogammaglobulinémie
importante et des infections à répétition.
Plusieurs nouvelles molécules, telles que le flavopiridol, sont en
cours d’évaluation.
Des études préliminaires de vaccination anti-idiotypique et de
thérapie génique en transfectant le ligand de CD40 dans les cellules
tumorales sont également en cours.
G - INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :
1- Traitement de première intention
:
* Stades A :
Il existe à l’heure actuelle un consensus pour ne pas traiter les stades
A en première intention.
Cette règle est encore plus évidente pour
les patients en stade A' dont la survie est identique à celle d’une population normale.
Cette attitude d’abstention pourrait bien
évidemment être modifiée par la découverte d’un traitement efficace
et peu agressif, particulièrement pour les patients en stade A" et les
patients présentant une forme agressive selon les critères du
National Cancer Institute (NCI), ou des facteurs de pronostic
défavorables tels que des anomalies du caryotype ou une absence
de mutation des gènes des Ig.
* Stades B et C
:
Ces patients doivent être traités en première intention.
En l’absence
de traitement réellement efficace en termes de survie, il n’y a pas de
consensus sur le traitement à utiliser.
Les chimiothérapies de type mini-CHOP ou analogues des purines sont supérieures au CLB en
termes de réponse, mais n’ont pas d’intérêt en termes de survie.
La FDR n’a pas actuellement d’autorisation de mise sur le marché en
première intention, et son utilisation n’est pas aisée dans sa forme
actuelle, en perfusion intraveineuse, 5 jours consécutifs.
La stratégie dépend donc de l’âge du patient et du choix d’une
éventuelle intensification thérapeutique.
Cette dernière attitude,
suivie d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, peut être
envisagée chez les patients les plus jeunes, mais toujours dans le
cadre d’essais prospectifs permettant d’évaluer réellement l’intérêt
de cette méthode.
Dans ce cas, il paraît nécessaire d’obtenir, avant
intensification, une réponse optimale.
Les analogues des purines,
éventuellement en association à d’autres molécules
(cyclophosphamide par exemple), répondent à cette exigence.
Leur
efficacité pourrait être renforcée, toujours dans le cadre d’essais
prospectifs, par l’utilisation d’anticorps monoclonaux avant
intensification.
Les données sont insuffisantes à l’heure actuelle pour
proposer, dans la LLC, une allogreffe en première intention.
Lorsque l’indication d’une intensification thérapeutique n’est pas
retenue, les critères de tolérance du médicament, de qualité de vie
et de coût doivent guider le choix du traitement, en pratique CLB
associé ou non à la PRD, ou polychimiothérapie, le protocole le plus
utilisé étant le mini-CHOP.
2- Traitement des rechutes :
Les patients rechutant après une première ligne de traitement (ou
résistant à cette première ligne de traitement) doivent bénéficier d’un
traitement comportant un analogue des purines.
Il est encore trop
tôt pour dire si l’association de ces analogues des purines à une
autre drogue (cyclophosphamide par exemple) est intéressante.
Lorsque les patients on été traités en première ligne par de la FDR,
il est possible d’obtenir, lors de la rechute, une réponse dans plus de
50 % des cas avec un protocole contenant à nouveau de la FDR.
Dans une situation de rechute, même après plusieurs lignes de
traitement, une intensification thérapeutique peut être envisagée.
3- Traitement des complications :
– Pour les anémies hémolytiques auto-immunes, l’utilisation des
corticoïdes à la dose de 1 à 2 mg/kg/j durant 3 semaines, suivie
d’une diminution progressive des doses, reste le traitement
standard.
En cas de résistance, l’utilisation d’Ig polyvalentes, d’une
splénectomie, voire de ciclosporine, est discutée.
La mise en route
d’un traitement de fond de la maladie permet parfois d’améliorer
l’hémolyse.
L’utilisation des analogues des purines chez des patients
ayant une anémie hémolytique auto-immune ou un test de Coombs
direct positif est discutée.
Leur prescription risque d’aggraver
l’hémolyse, et l’indication ne doit être retenue que lorsqu’il n’existe
pas d’autre alternative thérapeutique.
– L’attitude thérapeutique peut être la même pour les thrombopénies
auto-immunes, en sachant qu’il est toujours difficile d’affirmer quelle
est la cause réelle de la thrombopénie.
– Les rares érythroblastopénies auto-immunes sont traitées par
ciclosporine en cas d’échec de la corticothérapie.
Les complications infectieuses nécessitent bien évidemment un
traitement anti-infectieux adapté.
Chez les patients déjà
antérieurement traités, recevant des analogues des purines, une
prévention des infections opportunistes est systématiquement
instituée.
Cette prévention est discutée lorsque les analogues des
purines sont prescrits en première ligne de traitement.
Les patients
présentant des infections à répétition et une hypogammaglobulinémie
peuvent bénéficier de perfusions régulières d’Ig
polyvalentes.
Des vaccinations antigrippales et antipneumococciques
systématiques peuvent être proposées, mais la réponse vaccinale est
souvent de mauvaise qualité.