Latérodysmorphose mandibulaire
Cours de Médecine Dentaire
Terminologie
:
En orthopédie dentofaciale, sous le terme latéromorphose mandibulaire
sont réunies des pathologies très différentes qui ont pour symptôme
commun une déviation et/ou une déformation mandibulaire d’un
côté et qui sont caractérisées cliniquement et radiologiquement par
une position latérale du menton plus ou moins importante et par
des relations dentaires transversales maxillomandibulaires altérées
plus ou moins sévèrement.
La position latérale de la mandibule entraîne une asymétrie faciale.
Il est communément admis que les latéromorphoses mandibulaires
se répartissent en deux groupes :
– les anomalies de position latérale de la mandibule appelées latérodéviations ou latéroglissements mandibulaires, c’est-à-dire un
déplacement latéral de la mandibule jugé par rapport à un plan
sagittal médian de la face et qui, bien souvent, sous-entend par
rapport au maxillaire supérieur, mais la forme et les dimensions de
la mandibule sont normales ou subnormales ;
– les latérognathies mandibulaires qui sont des anomalies osseuses,
basales.
Elles sont elles-mêmes regroupées en deux catégories : celles
dues à une anomalie de dimensions, de forme ou de volume de la
mandibule, celles dues à une asymétrie de la base du crâne qui
engendre une implantation asymétrique de la mandibule.
Les deux
causes peuvent coexister.
Les latéromorphoses sont également répertoriées en orthopédie
dentofaciale dans le chapitre des dysmorphoses transversales.
Différentes définitions des latérognathies sont proposées :
– « déformation de la mâchoire observée quand le milieu d’une
arcade dentaire ne coïncide pas avec le plan de symétrie du visage » ;
– « déformation structurale dissymétrique de la mandibule » ;
– « asymétrie faciale causée par la déviation latérale, permanente,
du corps du maxillaire inférieur ».
D’emblée, l’on perçoit la difficulté de reconnaître et de classer ces
différentes anomalies.
Peu de travaux ont été publiés depuis le rapport de la SFODF
(Société française d’orthopédie dentofaciale) en 1974.
Notons
cependant les travaux de l’école lilloise en 1988 : Danguy,
Delachapelle, Thilloy, de Ricketts en 1995, et de Deblock et al
en 1998.
Le mot « latéromorphose » provient de later(o) du latin latus, lateris
qui signifie côté et du grec morph(o) morphé qui signifie forme.
L’adjectif latéral signifie de côté, sur le côté ; qui se rapporte au côté
d’une chose.
Littéralement « latéromorphose » signifie « forme de
côté » où le caractère pathologique n’apparaît pas.
Pour traduire
l’aspect pathologique de ces anomalies, il faut ajouter la racine
« dys » du grec dus qui signifie « difficulté, mauvais état ».
Nous
adoptons donc le terme « latérodysmorphose » en remplacement de
« latéromorphose ».
Remarquons que la notion de déplacement
latéral n’existe pas dans ce terme et, par conséquent, les latérodéviations mandibulaires, les latéropositions dues à des
asymétries de positions des articulations temporomandibulaires (ATM) ou à des luxations méniscales ne font pas partie des
latérodysmorphoses ; elles sont néanmoins évoquées au titre du
diagnostic différentiel.
Le mot « transversal » (du latin transversus, de trans, à travers et
versus, tourné, qui est disposé en travers, implique donc une étude
de la largeur c’est-à-dire des deux côtés de la mandibule.
Ainsi, dans
certaines pathologies coexistent des latérodysmorphoses et des
anomalies transversales (qui peuvent être symétriques ou non) et
où la mandibule peut présenter ou non des déviations par rapport
au plan sagittal médian, ce qui permet de classer dans les
latérodysmorphoses mandibulaires certaines pathologies qui n’y
figurent pas habituellement (syndrome de Pierre Robin, syndrome
d’Hanhart, syndrome de Jussieu, hypertrophie massétérine…).
Nous proposons comme définition de latérodysmorphose : anomalie
de forme ou de dimensions ou de volume affectant un ou deux côtés
de la mandibule et s’accompagnant le plus souvent, mais non
obligatoirement, d’une déviation latérale de la mandibule par
rapport au plan de symétrie du visage.
Nous adoptons la
classification suivante.
Classification des latérodysmorphoses
:
1- Latérodysmorphoses d’origine mandibulaire pure
ou prédominante
:
– Par hypercondylie unilatérale ou bilatérale asymétrique.
– Par hypocondylie unilatérale ou bilatérale asymétrique.
– Par dysplasie condylienne.
– Par ankylose temporomandibulaire.
– Par latérogénie.
– Par hypertrophie massétérine dissymétrique.
– Par latérognathie
essentielle.
2- Latérodysmorphoses entrant dans le cadre
d’une asymétrie faciale ou craniofaciale
ou cervico-cranio-faciale :
*
Avec déviation latérale du menton
:
– Syndrome du premier arc brachial :
– dysostose mandibulofaciale (syndrome de Treacher Collins) ;
– microsomie hémifaciale (syndrome de Goldenhar).
– Torticolis congénital.
– Syndrome de Klippel-Feil.
– Syndrome asymétrique craniofacial.
– Hémihypertrophie faciale.
– Hémihypotrophie faciale.
– Scoliose dorso-cervico-craniofaciale.
* Sans déviation latérale du menton
:
– Syndrome d’Hanhart.
–
Syndrome de Jussieu.
–
Syndrome de Robin.
3- Latérodysmorphoses secondaires à une pathologie
de « voisinage »
:
– Atteinte tissulaire (maladie de Romberg, poliomyélite
unilatérale…).
– Irradiation faciale unilatérale.
– Paralysie faciale unilatérale.
– Rétraction tissulaire cicatricielle (brûlure).
– Insuffisance maxillaire transversale.
– Hypertrophie linguale (syndrome de Wiedemann-Beckwith,
angiome lingual, langue grosse et basse de certaines prognathies
mandibulaires).
– Dysplasie fibreuse.
– Pathologie tumorale (la parotide par exemple).
4- Diagnostic différentiel
:
Pour les latérodéviations mandibulaires dans lesquelles la forme de
la mandibule est normale ou subnormale, il s’agit d’un trouble
positionnel et fonctionnel, il faut distinguer les latérodéviations par :
– obstacle occlusal : syndrome de Cauhepe et Fieux, prolatérodéviation
avec articulé inversé d’une incisive par exemple, contact
prématuré entraînant une déviation du chemin de fermeture de la
mandibule.
Il convient de traiter dès que possible ces anomalies
pour ne pas risquer une évolution vers une latérodysmorphose ;
– luxation méniscale ;
– asymétrie d’implantation des ATM dans laquelle la forme et les
dimensions de la mandibule sont souvent subnormales.
Remarque : les dissymétries des parties molles sont exclues de ce
travail.
Méthodologie d’étude
des latérodysmorphoses :
A -
EXAMEN CLINIQUE
:
– L’examen direct du visage peut déceler une dissymétrie, mais ne
permet pas d’en préciser le siège exact, la dissymétrie cutanée
observée à la partie basse du visage ne témoignant pas
nécessairement de l’importance de la dissymétrie osseuse
sous-jacente.
– L’observation de la situation du menton doit se faire en position de
repos et dents serrées.
En effet, dans les latérodysmorphoses avec
déviation latérale du menton, celui-ci est dévié en position de repos
et dents serrées.
– L’observation intrabuccale et sur les moulages de la situation des
points interincisifs supérieur et inférieur l’un par rapport à l’autre et
par rapport au plan de symétrie du visage et des arcades dentaires,
la comparaison des côtés droit et gauche de la voûte palatine par
rapport au raphé médian, des rapports dentaires transversaux, de
l’orientation du plan d’occlusion, de l’inclinaison des procès
alvéolaires, la recherche de facettes d’abrasion anormales par leur
étendue et par leur localisation, peuvent orienter le diagnostic mais
ne sont jamais suffisants.
– L’examen fonctionnel comporte trois éléments importants : la
recherche de la relation centrée, l’observation des trajets d’ouverture
et de fermeture mandibulaire et l’observation des mouvements des
condyles ; ces éléments orientent la recherche de l’étiologie de la latérodysmorphose.
B - EXAMEN PHOTOGRAPHIQUE :
Les photographies devraient être réalisées en position de repos et
dents serrées, selon un protocole strict et reproductible, mais elles
sont incapables de révéler la nature exacte de la dissymétrie osseuse
sous-jacente.
C - EXAMEN ÉLECTROMYOGRAPHIQUE :
Il est peu utilisé en pratique courante, une asymétrie d’activité
musculaire est en faveur d’une étiologie musculaire de la
latérodéviation mandibulaire Dahan.
D - EXAMEN RADIOLOGIQUE :
C’est le seul capable d’étudier la dissymétrie squelettique.
Toutes les latérodysmorphoses, même celles d’origine mandibulaire
pure, s’accompagnent de déformations secondaires au niveau de la
face.
Ainsi, toute latérodysmorphose mandibulaire implique non
seulement une étude structurale et positionnelle de la mandibule, mais
aussi une étude structurale et de symétrie de l’ensemble de la face et de
l’extrémité céphalique.
Ces latérodysmorphoses ont également des
répercussions sur les relations antéropostérieures et verticales
maxillomandibulaires.
Dans les latérodysmorphoses d’étiologie
mandibulaire unilatérale, l’hémimandibule opposée est souvent
affectée et ne peut donc servir valablement de référence pour
apprécier l’amplitude de l’atteinte du côté pathologique.
La mise en évidence des anomalies primitives et secondaires repose
actuellement sur un bilan radiographique qui comprend : une
radiographie panoramique, une téléradiographie de profil, une
téléradiographie de face et une téléradiographie en incidence basale.
Plus exceptionnellement, des scanners, des reconstructions 3 D
peuvent être demandés ; leurs coûts et leurs modalités de réalisation
font qu’ils sont très peu utilisés en ODF.
Cependant, ils apportent
des avantages incontestables, en particulier grâce aux possibilités
d’étudier indépendamment en « volume », le maxillaire et la
mandibule, la charnière craniorachidienne.
Il est même possible d’y
ajouter une analyse céphalométrique. Souhaitons que, dans un
avenir proche, ces examens prennent toute la place qu’ils méritent.
1- Radiographie panoramique
:
Bien qu’imprécise, elle permet de comparer la symétrie :
– de forme et de dimensions des deux hémimandibules ;
– de volume des cols et des têtes condyliennes ;
– de situation du canal dentaire par rapport au bord basilaire
2- Bilan téléradiographique tridimensionnel
:
Il s’est imposé depuis les travaux de Nardoux et surtout depuis
le rapport du congrès d’ODF en 1974 présenté à Nantes par
Choquin, Duchateaux, Ferré, Vion sous la direction de Delaire.
Une méthode d’étude du bilan est nécessaire ; toutes les méthodes
proposées se heurtent à une difficulté : celle du choix du plan de
symétrie du visage ; mais quel plan de symétrie choisir ?
Pour Topinard : « Dans le crâne, on ne saurait trouver ni un point,
ni une ligne invariable à l’abri de toute objection pour servir de
comparaison ou de point de départ à un système de mensuration. »
Pour Wackenheim « Lorsqu’un organe aussi complexe que le
squelette craniofacial est asymétrique, il est très difficile de trouver
quelle est la structure primitivement anormale puisque l’asymétrie
est une comparaison droite-gauche qui implique qu’au préalable,
nous ayons fixé un système de références. »
Rappelons la définition de la symétrie : du grec sun : avec et metron :
mesure, harmonie résultant de certaines combinaisons et
proportions régulières ; la définition mathématique est : disposition
de deux figures qui se correspondent point par point, de telle sorte
que deux points correspondants de l’une ou de l’autre soient à égale
distance d’un point, d’une droite ou d’un plan donné et de part et
d’autre.
On ne peut aborder le problème du choix du plan de symétrie sans
remarquer un paradoxe dans la littérature orthodontique.
En effet, il
est admis que la symétrie parfaite n’existe pas chez l’homme, la
parfaite symétrie est illusoire au niveau de la face même chez les
sujets cliniquement normaux, ni même dans la nature.
Pour Izard
« L’asymétrie de la figure est une caractéristique de l’espèce
humaine. »
La symétrie peut même être nuisible à l’harmonie du
visage, pour Baud « un visage d’une symétrie rigoureuse
donnerait une impression de géométrie absolue et
invraisemblable »… et pourtant, tous recherchent dans leur
diagnostic à visualiser et à quantifier les défauts de symétrie et à
rétablir par leur thérapeutique une symétrie des arcades dentaires,
une symétrie squelettique des maxillaires et un fonctionnement
symétrique des mâchoires.
D’où leur recherche d’un système médian
de référence.
De nombreux axes, plans, croix de symétrie ont été
proposés, la croix semble être le meilleur procédé et nous l’avons
retenu, mais aucun n’est totalement satisfaisant.
Tous les auteurs essaient de différencier les asymétries
« acceptables » considérées comme normales, des asymétries
pathologiques.
L’objectif du diagnostic est de mettre en évidence le
siège et l’importance des asymétries et de préciser les possibilités
thérapeutiques. À partir de quelle amplitude une asymétrie doitelle
être traitée ?
La difficulté à obtenir un bilan tridimensionnel correct, à repérer
certains points, à trouver un plan de symétrie irréprochable fait que
malgré une méthodologie rigoureuse, il persiste des erreurs.
Beaucoup d’analyses de symétrie sont longues et complexes à mettre
en oeuvre et ne sont guère utilisables en pratique courante.
Le
praticien doit utiliser une méthode simple, même approximative, qui
permet d’obtenir une précision de résultats supérieure à la somme
des erreurs inévitables et qui lui donne des renseignements
suffisants.
Les progrès de l’informatique, le logiciel Cephalo 2000t de la société
Nantes Ortho pour l’analyse de profil et la méthode de visualisation
des asymétries proposée ici permet une étude précise, complète et
rapide du bilan tridimensionnel facilement utilisable en pratique
quotidienne.
Avant étude de ces téléradiographies, il est indispensable de vérifier
si elles ne comportent pas d’erreurs dues à une mauvaise orientation
de la tête lors de la prise des clichés.
La critique du bilan
tridimensionnel a été bien étudiée par Vion et Verdon.
Ces
auteurs insistent sur le caractère exceptionnel d’obtenir un bilan
tridimensionnel rigoureusement réalisé c’est-à-dire trois incidences
parfaitement orthogonales entre elles, avec notamment une
incidence frontale orthogonale à la vue latérale et une incidence
axiale orthogonale à la vue latérale : en obtenir deux chez un même
patient à 1 an d’intervalle, par exemple pour suivre l’évolution d’une latérodysmorphose relève presque de l’impossible.
Les principales causes d’erreurs dans l’interprétation des clichés
sont :
– la qualité des documents radiographiques ;
– l’erreur personnelle de l’opérateur dans le relevé des points, des
mesures… ;
– l’erreur de méthode qui conduit à des conclusions erronées.
* Téléradiographie de profil
:
Bien qu’elle ne permette ni l’étude transversale ni l’étude de la
symétrie de la mandibule, elle demeure indispensable pour
l’appréciation de l’architecture craniofaciale dans sa globalité, des
relations mandibulomaxillaires, des relations mandibulocrâniennes,
des relations mandibulorachidiennes.
C’est l’incidence de choix pour
l’étude :
– de la situation de l’angle mandibulaire par rapport au rachis
cervical supérieur (notamment par rapport à l’angle antéro-inférieur
de C2) dans les latérodysmorphoses mandibulaires par anomalie
verticale d’une ou des deux branches montantes de la mandibule ;
– des décalages sagittaux d’une branche montante par rapport à
l’autre ;
– pour la recherche de l’image d’un double contour sans intersection
des branches montante et horizontale de la mandibule qui serait un
signe pathognomonique des latérognathies mandibulaires pour
Choquin.
* Téléradiographie de face
:
Elle est souvent réalisée en position d’intercuspidation terminale ce
qui peut faire apparaître des fausses asymétries mandibulaires qui
sont en réalité des anomalies de position mandibulaire.
Nous
partageons l’avis de Deblock, Groshens-Royer et Counot-Nouqué
de réaliser les téléradiographies frontales en relation centrée.
Elle ne
permet de juger de la position réelle de la mandibule par rapport au
maxillaire supérieur et par rapport au crâne qu’à cette condition.
Remarque : cette incidence permet de comparer la forme, l’orientation
et les dimensions transversales des branches montantes, mais ne
permet pas d’apprécier les dimensions antéropostérieures des
branches montantes et horizontales.
+ Étude de la symétrie générale de la tête en incidence frontale
:
L’étude de la symétrie verticale et transversale s’effectue par
comparaison des côtés droit et gauche par rapport à une croix dite
croix de symétrie.
Lorsqu’il existe une symétrie crânienne, les points et structures
suivants sont alignés de haut en bas : la sommet du crâne : point SC, l’apophyse crista galli : point ethmoïdien central (Ec), la lame
perpendiculaire de l’ethmoïde, la suture intermaxillaire, le centre de
l’apophyse ondontoïde (Od), le point interincisif supérieur, le point
interincisif inférieur, le point menton (Me).
Le segment SC-Ec
correspond à la voûte du crâne, le segment Ec-ENA correspond à
l’étage supérieur de la face, le segment ENA-Me correspond à l’étage
inférieur de la face. Dans beaucoup d’asymétries cranio-faciomandibulaires,
l’alignement de ces trois secteurs n’existe plus.
Cependant, le secteur base de la crista galli lame perpendiculaire de
l’ethmoïde n’est pas, ou peu, affecté, aussi l’axe vertical de la croix
est positionné sur ce segment.
Normalement, ces trois segments sont
confondus avec l'axe vertical de la croix.
Ainsi les déviations des
trois segments par rapport à l’axe de la croix apparaissent nettement.
Ce procédé est particulièrement intéressant dans les grandes
asymétries où, comme le souligne Talmant, « il n’y a plus de plan
de symétrie ».
Ils sont construits et tracés de couleurs différentes comme suit :
– le supérieur à partir du point Ec situé à l’union de la lame criblée
et de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et d’un point de la lame perpendiculaire (LP) pris en regard du renflement de la muqueuse
pituitaire, cette ligne est prolongée vers le haut jusqu’au sommet de
la voûte du crâne qu’elle coupe au point SC.
Il objective les
anomalies de situation du sommet du crâne et les dissymétries de la
voûte ;
– un moyen tracé de la crista galli (point Ec) au point LP ; prolongé
vers le bas, il s’arrête au niveau du centre de l’image de l’odontoïde
(il correspond au segment Na-ENA de la ligne F5 de l’analyse de
profil) il objective les dissymétries de l’étage supérieur de la face et
les anomalies de position transversale de l’odontoïde ;
– un inférieur pour l’étude de l’étage inférieur de la face, ENA-Me
qui objective les dissymétries transversales des deux hémimandibules (segment qui peut être divisé en deux ENA- point
interincisif supérieur et point interincisif inférieur-Me).
La branche horizontale de la croix est positionnée, au niveau des eminentia arcuata (ou sur l’axe des trous grands ronds), pour l’étude
de la voûte et de la face supérieure, au niveau des arcades
zygomatiques pour l’étude de la mandibule.
L’étude de la symétrie se fait selon trois procédés qui peuvent se
compléter :
– par repérage de points d’un côté et comparaison de leur situation
par rapport à celle de leurs homologues de l’autre côté ;
– par comparaison (après tracé) des structures droites et gauches,
par retournement d’un côté sur l’autre par rapport à la branche
verticale de la croix de symétrie ; le double contour visualise la
dissymétrie ;
– par report sur la vue frontale des points et lignes de l’analyse de profil
de Delaire-Salagnac ; ce procédé est simple puisqu’il utilise les
mêmes points et lignes, d’exécution facile, il est précis et complet.
Remarques : les lignes C1, F4 apparaissent sous forme d’un point sur
la vue frontale, tandis que la ligne F2 (Pts-Pti) peut être assimilée à
un ligne GRd-Mx (trou grand rond-point maxillaire situé à la
jonction de la face externe de la tubérosité et de l’apophyse
pyramidale du maxillaire ; le tracé de cette ligne n’est pas
indispensable).
Le tracé obtenu apporte une excellente
visualisation de la symétrie ou de la dissymétrie générale de la tête
et de la mandibule et met bien en évidence les différents secteurs
concernés.
Ce procédé est bien souvent suffisant pour le clinicien,
même s’il ne montre pas toutes les caractéristiques d’une
dissymétrie.
Comme pour l’analyse de profil, il est possible d’ajouter une étude
des structures dentoalvéolaires qui visualise bien leurs
normalités ou leurs dissymétries, c’est-à-dire leur adaptation et leur
participation à la pathologie mandibulaire.
+ Étude de la symétrie de la mandibule
:
Remarque : lorsque la pathologie affecte les deux ATM, l’étude de la
symétrie de la mandibule ne peut plus se faire par rapport à l’axe
médian de référence et nécessite un système de référence spécifique
pour la mandibule.
* Téléradiographie en incidence axiale (Hirtz ou Bouvet)
:
C’est l’incidence de choix pour visualiser la forme et les dimensions
de la mandibule et pour étudier la symétrie des deux hémimandibules droite et gauche, mais sa position transversale par
rapport à la base du crâne peut comporter des erreurs s’il existe une
latérodéviation mandibulaire.
Ce cliché devrait être réalisé en
relation centrée… ce qui est très difficile, voire impossible à réaliser.
+ Étude de la symétrie générale du crâne en incidence axiale
:
Dans un crâne symétrique, les points et structures suivantes sont
alignés d’avant en arrière : point interincisif supérieur, point
interincisif inférieur, crête frontale interne, crista galli, lame perpendiculaire de l’ethmoïde, vomer, tubercule antérieur de l’atlas,
basion, centre de l’odontoïde, point occipital postérieur.
Cette ligne
est divisée en trois segments, ce sont :
– segment moyen : voméro-occipital (partie postérieure du vomerbasion),
ce segment est généralement le moins affecté par les
dissymétries ;
– segment postérieur : basion-occipital postérieur.
Aussi la branche verticale de la croix est-elle placée sur le segment
moyen.
La branche transversale de la croix de symétrie est placée soit au
niveau des apophyses ptérygoïdes pour étudier la symétrie
d’implantation des maxillaires supérieur droit et gauche, soit au
niveau des ATM pour étudier la symétrie de leur implantation sur
la base du crâne.
L’étude de la symétrie des structures se fait soit :
– par comparaison de la situation de points anatomiques
homologues par rapport à l’axe médian antéropostérieur de
symétrie ;
– par comparaison (après tracé) des structures homologues par
rapport à l’axe médian antéropostérieur de symétrie.
* Analyse de la symétrie de la mandibule
:
Elle se fait soit :
– par comparaison de la position de points anatomiques
homologues par rapport à l’axe de symétrie ;
– par construction de mandibulogramme à partir des points
anatomiques repères.
Remarque : les mandibulogrammes construits à partir du repérage
de quelques points « géométrisent » la mandibule, mais ne sont en
aucun cas le reflet de sa forme réelle ;
– par comparaison (après tracé) des structures droites et gauches
par la méthode d’inversion-superposition autour de l’axe vertical
de la croix de référence (si la pathologie mandibulaire n’affecte pas
les ATM et si la base du crâne est symétrique) : c’est le meilleur
procédé pour comparer la forme des branches horizontales droite et
gauche de la mandibule et pour l’étude des dissymétries des unités
structurales : condylienne, ramale, corps angulaire.
Pronostic et traitement
:
Le pronostic et le traitement dépendent du diagnostic étiopathogénique qui doit être aussi précoce et précis que possible.
Seuls les latérodysmorphoses mineures sans troubles esthétiques et
fonctionnels importants peuvent trouver une solution dans un
traitement orthopédique et orthodontique.
Les traitements orthopédiques fonctionnels par appareillage,
destinés à recentrer la mandibule par rapport au plan sagittal
médian et à assurer une mastication prédominante du côté opposé à
l’insuffisance de l’hémimandibule, peuvent être utilisés chez de
jeunes patients dans certaines latérodysmorphoses comme les
hypocondylies, les dysplasies condyliennes, le syndrome du premier
arc…
Ils peuvent apporter une amélioration de la fonction
masticatrice et même de la forme de la mandibule, mais ils ne sont
jamais suffisants pour obtenir une forme normale de la mandibule
en fin ce croissance.
Le plus souvent, le traitement associe orthopédie, orthodontie et
chirurgie orthognathique.
L’objectif des traitements orthopédiques
et orthodontiques est de rendre congruentes les deux arcades
dentaires pour permettre la prise en charge chirurgicale.
Ils ne
doivent surtout pas provoquer des adaptations dentoalvéolaires
pour compenser l’anomalie squelettique, ce qui pourrait gêner la
chirurgie.
La chirurgie est spécifique à chaque type de latérodysmorphose et
peut intervenir à différents niveaux de la mandibule : condyle, col
du condyle, branche montante, branche horizontale, symphyse
mentonnière.
Des interventions complémentaires peuvent parfois
être nécessaires lorsqu’ils existe des déformations secondaires au
niveau du squelette facial.
Un traitement orthodontique
postopératoire est parfois nécessaire pour améliorer les rapports
occlusaux.
La latérodysmorphose du syndrome de Robin constitue une
exception.
Très élargie au départ, la forme de la mandibule se
normalise progressivement après les traitements chirurgicaux
initiaux et les traitements orthopédiques.
Des asymétries mandibulaires modérées, « acceptables », souvent
associées à des asymétries de la base du crâne et/ou des maxillaires
supérieurs droit et gauche présentent des occlusions dentaires
asymétriques de type classe I d’Angle d’un côté et classe II d’Angle
de l’autre côté.
Ces situations sont relativement fréquentes et posent
aux orthodontistes un problème éthique : est-il licite dans ces cas
d’entreprendre des traitements orthodontiques, parfois longs,
difficiles, avec quelquefois des extractions dentaires pour essayer
d’établir des relations dentaires de classe I d’Angle, sur une base
asymétrique, rendant la stabilité des résultats très incertaine ?
Exemples cliniques
:
Pour illustrer la méthodologie décrite, nous présentons
deux observations.
A - LATÉRODYSMORPHOSE MANDIBULAIRE
PAR HYPERCONDYLIE :
Les hypercondylies mandibulaires sont rares, elles sont typiquement
caractérisées par une hypertrophie avec hyperactivité de croissance
de l’unité condylienne (condyle et col du condyle).
Elles sont le plus
souvent unilatérales mais peuvent être bilatérales et leurs origines
sont mal connues.
Elles apparaissent rarement avant 10-12 ans mais
peuvent survenir beaucoup plus tardivement et affectent légèrement
plus les filles que les garçons.
Lorsqu’elles apparaissent chez un sujet
jeune, elles s’accentuent pendant la croissance et se stabilisent
ensuite...
Il faut savoir reconnaître les signes cliniques et
radiologiques précurseurs ainsi que leurs caractéristiques cliniques
et radiologiques.
Il est alors facile de faire le diagnostic différentiel
avec :
– les prognathies mandibulaires, les prolatérognathies
mandibulaires dans lesquelles les condyles sont de volume normal
et l’un des cols est allongé ;
– les prognathies de l’acromégale ;
– les hypertrophies mandibulaires des dysplasies fibreuses ;
– les macromandibulies de certaines « classe II division 2 » ;
– les hypocondylies unilatérales.
1- Examen direct du visage
:
* De face
:
Cette anomalie se caractérise par :
– une asymétrie de l’étage inférieur de la face ;
– une augmentation de hauteur de l’étage inférieur de la face du
côté de l’hypercondylie ;
– un abaissement avec convexité du bord basilaire depuis l’angle
mandibulaire jusqu’au menton, avec accentuation de la convexité
en regard de la région prémolaire (que l’on perçoit nettement à la
palpation) ;
– un bombement de la région prétragienne dû à l’hypertrophie
condylienne ;
– un abaissement de la commissure labiale du côté de
l’hypercondylie ;
– une asymétrie de la symphyse mentonnière dont un côté peut être
hypertrophié et abaissé dans le prolongement du bord basilaire ;
– l’étage supérieur de la face (orbite, régions malaires et
zygomatiques) paraît normal ou subnormal ;
– dans les formes les plus sévères, le visage présente un aspect
« bovin » très disgracieux.
* De profil
:
Cette anomalie se caractérise par :
– une proéminence mentonnière du côté atteint ;
– un abaissement du bord basilaire ;
– un abaissement de l’angle mandibulaire en comparaison du côté
sain.
2- Examen intrabuccal :
L’occlusion dentaire présente des troubles plus ou moins sévères
selon les formes :
– soit elle est peu perturbée, avec conservation des contacts
dentaires ; le point interincisif inférieur n’est pas ou peu dévié par
rapport au supérieur, les relations dentaires normales sont
conservées dans le sens transversal, mais il existe toujours une
obliquité du plan d’occlusion qui est abaissé du côté de
l’hypercondylie ;
– soit il existe une inocclusion dentaire homolatérale prédominante
dans la région prémolaire ; les courbures des surfaces occlusales
supérieure et inférieure sont perturbées, mais les relations
transversales sont peu modifiées ;
– soit les rapports dentaires transversaux sont inversés (plus ou
moins gravement) du côté opposé à l’hypercondylie.
Dans les
formes les plus sévères, il peut y avoir une inocclusion totale de la
région incisive à la région molaire.
Les relations des points interincisifs sont alors fortement perturbées.
3- Examen radiologique :
Le bilan radiologique permet de mettre en évidence les
caractéristiques de l’hypercondylie, mais aussi les adaptations du
squelette facial en général et du squelette maxillaire en particulier.
* Orthopantomogramme
:
Il montre :
– une augmentation de volume de la tête du condyle associée à un
allongement et à un épaississement du col du condyle.
Ces deux
signes constituent la caractéristique fondamentale de l’affection ;
– des déformations secondaires notamment :
– un allongement de la branche montante de la mandibule ;
– le sommet du condyle est plus haut que le sommet du coroné ;
– l’échancrure sigmoïde est modifiée ;
– l’encoche rétrocondylienne est inexistante ;
– l’angle mandibulaire est abaissé du côté de l’hypercondylie ;
– une convexité globale du bord basilaire ;
– une disparition de l’encoche préangulaire ;
– un abaissement plus important en regard de la région canine-prémolaire ;
– une diminution de la distance canal dentaire-bord basilaire ;
– une augmentation de la distance apex des molaires-bord
basilaire ;
– quelquefois, une courbure apicale à concavité mésiale des
dernières molaires au niveau du maxillaire supérieur : un
abaissement du plancher du sinus maxillaire et un abaissement
de l’hémiarcade dentaire du côté de l’hypercondylie.
* Bilan téléradiographique
:
+ De profil
:
– Dissymétrie des deux condyles.
– Décalage vertical des deux angles mandibulaires.
L’angle du côté
de l’hypercondylie est nettement abaissé par rapport à celui du côté
sain (normalement situé au niveau de l’angle antéro-inférieur de
l’apophyse odontoïde).
– Décalage vertical des deux bords basilaires.
– Abaissement du plan d’occlusion du côté de l’hypercondylie.
– Obliquité du plan occlusal qui est abaissé du côté de l’asymétrie.
– Déviation de la symphyse mandibulaire.
– Obliquité compensatrice des axes des incisives inférieures.
– Abaissement du plancher du sinus maxillaire.
+ En incidence verticale
:
– Hypertrophie condylienne.
– Allongement de l’hémimandibule du côté de l’hypercondylie.
– Importance de la latérodéviation mandibulaire.
– Décalage des points interincisifs supérieur et inférieur.
4- Traitement
:
Un traitement d’orthopédie dentofaciale ne peut empêcher
l’évolution des déformations dentoalvéolaires consécutives à
l’hypercondylie ; il peut même être néfaste et ne doit jamais créer de
compensations dentoalvéolaires.
Il est donc très important de
reconnaître les premiers signes cliniques et radiologiques de
l’hypercondylie.
Pour Delaire, la condylectomie est l’indication
de choix quel que soit l’âge du sujet ; un néocondyle fonctionnel se
reformera ensuite.
Lorsqu’il existe des déformations secondaires
mandibulaires et maxillaires sévères, des ostéotomies
complémentaires sont parfois nécessaires ainsi qu’un traitement orthodontique pour parfaire l’occlusion dentaire.
B - LATÉRODYSMORPHOSE MANDIBULAIRE
PAR HYPOCONDYLIE :
1- Examen direct du visage
:
Il montre une asymétrie de l’étage inférieur de la face avec :
– ascension de la commissure labiale droite ;
– légère déviation vers la droite du menton ;
– élévation de l’angle mandibulaire droit/gauche.
2- Examen intrabuccal :
Il met en évidence :
– une non-concordance des points interincisifs supérieur et
inférieur ;
– une inclinaison vers la gauche des axes des incisives inférieures ;
– des rapports occlusaux transversaux conservés.
3- Examen radiologique :
* Orthopantomogramme
:
Il montre l’asymétrie des branches montantes de la mandibule avec
un petit condyle droit, un hypodéveloppemnent de la branche
montante droite,
* Téléradiographie de profil
:
Elle souligne :
– un contour de la branche montante droite totalement inclus dans
l’image de la branche montante gauche ;
– une ascension de l’angle mandibulaire droit par rapport au
gauche ;
– un dédoublement du plan d’occlusion.
* Téléradiographie de face
:
Elle visualise bien :
– l’hypodéveloppement de la branche montante ;
– l’ascension de l’angle mandibulaire droit/gauche ;
– un allongement du corps de la mandibule droit/gauche ;
– une ascension du plan d’occlusion droit/gauche ;
– une légère ascension des territoires alvéolaires supérieur et
inférieur.
* Téléradiographie en incidence axiale
:
Elle montre :
– la dissymétrie transversale d’implantation des deux ATM ;
– la dissymétrie des branches montantes ;
– la dissymétrie des corps mandibulaires.
* Traitement orthodontique et chirurgical
La chirurgie consiste en un allongement de la branche montante vers
l’âge pubertaire pour éviter l’apparition de déformations secondaires
au niveau de la face.