Syndrome de l’artère poplitée piégée et kyste adventiciel de l’artère poplitée

0
4487

Introduction :

La pratique régulière et intensive du sport peut induire ou révéler précocement une pathologie vasculaire et plus particulièrement au niveau de l’artère poplitée.

L’artère poplitée peut être le siège de pathologies qui lui sont spécifiques : le piège poplité et le kyste adventiciel.

Ces deux pathologies s’expriment par une symptomatologie souvent identique et sans particularité clinique, ce sont les examens complémentaires qui peuvent permettre de faire le diagnostic.

Les deux affections ont un traitement chirurgical.

Syndrome de l’artère poplitée :

A – GÉNÉRALITÉS :

1- Définition :

Syndrome de l’artère poplitée piégée et kyste adventiciel de l’artère poplitée

Le syndrome de l’artère poplité est dû à la compression de l’artère poplitée par des structures musculaires ou tendineuses avoisinantes, dans son trajet depuis l’arcade des adducteurs jusqu’à l’arcade du soléaire.

2- Historique :

En 1965, Love et Whelant ont proposé le terme universellement accepté de « syndrome de l’artère poplitée piégée » (popliteal entrapment syndrome).

En 1985, Rignault a décrit le syndrome de l’artère poplitée piégée d’origine fonctionnelle.

B – ANATOMOPATHOLOGIE :

La mise en tension des éléments tendineux et musculaires dans les mouvements d’extension de la jambe et de dorsiflexion du pied provoque une compression de l’artère poplitée à l’effort.

Le traumatisme répété de l’artère engendre des lésions de l’intima, qui peuvent conduire à des complications graves : thrombose, embolie, anévrisme artériel.

Il existe de nombreuses classifications des anomalies du piège de l’artère poplitée.

Sur le plan pratique, nous retenons trois groupes :

– les anomalies musculaires ;

– les anomalies du trajet artériel ;

– les compressions d’origine fonctionnelle.

1- Anomalies musculaires :

Le trajet de l’artère poplitée est normal, mais il existe une insertion haute, ou trop externe ou trop courte, sur le condyle fémoral interne du muscle gastrocnémien médial ; il peut également exister des faisceaux surnuméraires musculaires ou tendineux du muscle gastrocnémien médial qui s’insèrent dans l’échancrure intercondylienne : ces faisceaux passent habituellement entre l’artère et la veine poplitée et compriment l’artère poplitée.

Les anomalies musculaires représentent environ 50 % des cas.

2- Anomalies de trajet artériel :

Lors du développement embryonnaire de l’artère poplitée au stade de remodelage à la septième ou huitième semaine de l’embryon, une anomalie de développement fait passer l’artère poplitée en dedans et en avant du muscle gastrocnémien médial.

Les anomalies de trajet représentent environ 30 à 40 % des cas.

3- Compressions d’origine fonctionnelle :

Il n’existe parfois aucune anomalie de trajet artériel ou d’insertion musculaire ; la compression de l’artère est due au développement d’une hypertrophie musculaire par l’entraînement sportif.

B – TABLEAU CLINIQUE :

1- Circonstances de découverte :

La fréquence de la pathologie est rare, bien qu’elle soit fréquemment évoquée.

Son diagnostic n’est pas facile à confirmer, surtout si l’artère est totalement oblitérée.

Le sexe masculin (90 %) est beaucoup plus souvent atteint que le sexe féminin.

L’affection est reconnue le plus souvent chez l’adulte jeune.

Chez 30 % des sujets, le piège poplité est bilatéral.

La pratique de certains sports favorise le déclenchement de la symptomatologie par hypertrophie des muscles du genou : ce sont le cyclisme, la danse, la natation, le basket, la marche.

2- Signes fonctionnels :

En fonction de l’état de perméabilité artérielle, et en dehors des formes latentes, on est amené à voir le patient dans trois circonstances.

* Stade de compression simple :

La pathologie se manifeste par une claudication intermittente à type de douleurs vives et de crampes du mollet, et qui parfois se singularise par un mode d’apparition particulier :

– sous la forme d’une claudication paradoxale survenant à la marche alors que la course est normale ;

– la claudication peut prendre une expression classique à l’effort ;

– certains signes peuvent être atypiques, ce sont une cyanose de la jambe et du pied à la station debout prolongée ou lors d’efforts musculaires et un oedème de jambe ou de la cheville ; ils orientent vers un piège veineux associé au piège artériel.

* Stade d’oblitération chronique :

Le tableau clinique prend l’aspect d’une artériopathie de type athéromateux, s’exprimant par une claudication intermittente d’effort.

Le diagnostic est évoqué par son apparition chez un sujet jeune, sportif, n’ayant pas de facteur de risque athéroscléreux.

* Stade d’ischémie artérielle aiguë :

Le tableau d’ischémie artérielle aiguë pulmonaire peut être inaugural, ou avoir été précédé par une claudication intermittente, évocatrice ou non.

Il est habituellement dû à la thrombose plus ou moins étendue de l’artère poplitée ou à l’embolie artérielle distale.

3- Examen clinique :

Il est le plus souvent normal, l’examen des pouls révèle parfois une diminution ou une abolition du pouls tibial postérieur ou pédieux, en extension du genou et en flexion plantaire active contrariée ou en flexion dorsale passive du pied.

La palpation du creux poplité peut parfois découvrir un anévrisme.

C – EXPLORATIONS ULTRASONIQUES :

1- Doppler continu :

Au repos, le doppler continu est le plus souvent normal en l’absence de thrombose.

Ce sont les manoeuvres dynamiques posturales qui mettent en évidence un frein circulatoire poplité.

La vitesse circulatoire de l’artère tibiale antérieure enregistrée au niveau de la loge antéroexterne ou au cou-de-pied est modifiée ou abolie lorsque la jambe est mise en extension et le pied en dorsiflexion passive, ou lorsque le sujet met le pied en flexion active plantaire.

Ces manoeuvres sont à analyser avec prudence, car elles sont souvent positives chez un grand nombre de sujets normaux.

2- Échographie :

Cet examen permet de mettre en évidence un trajet anormal de l’artère poplitée.

Il peut révéler un anévrisme poststénotique ou un anévrisme vrai rempli de caillots endoluminaux.

Il peut également objectiver une thrombose de l’artère poplitée.

Il peut repérer un faisceau musculaire ou tendineux anormal ou un trajet anormal de l’artère poplitée.

3- Artériographie :

Elle doit toujours être bilatérale et comparative des deux membres.

L’artériographie doit visualiser l’ensemble de l’arbre artériel à partir de l’aorte abdominale sous-rénale ; il est nécessaire de réaliser des manoeuvres dynamiques qui sont identiques à celles réalisées pour l’examen doppler continu.

L’artériographie permet de visualiser une déviation artérielle interne quasi pathognomonique d’une anomalie de trajet artériel ; lorsque le trajet de l’artère poplitée est normal, la compression par un faisceau musculaire surnuméraire ou anormal est visualisée par des images variées.

Typiquement, il peut s’agir d’une sténose en « sablier » dont les deux pointes ne sont pas strictement juxtaposées sur l’incidence de face.

Cette sténose siège au-dessus de l’interligne.

D’autres aspects ont été décrits :

– sténose régulière par compression extrinsèque ;

– sténose en « sablier » à pointe en regard ;

– sténose siégeant sur l’artère poplitée basse par compression de l’anneau du soléaire ;

– thrombose poplitée ;

– anévrisme poplité.

Ces images sont fréquemment retrouvées chez des sujets asymptomatiques ; elles doivent être interprétées en fonction du contexte clinique.

Parfois, il est possible de visualiser une dilatation de l’artère poplitée poststénotique, voire un anévrisme vrai, hautement évocateur du diagnostic d’artère poplitée chez un sujet jeune.

Lorsqu’il existe une artère poplitée piégée fonctionnelle due à une hypertrophie musculaire, il a été décrit une image évocatrice par Turnipseed : il s’agit d’un déplacement latéral de l’artère poplitée contre le condyle externe du fémur et la partie externe de l’anneau du soléaire lorsque les clichés sont réalisés pied en flexion plantaire ou dorsale forcée.

4- Scanner :

Il visualise les anomalies de trajet de l’artère poplitée et peut également mettre en évidence des faisceaux surnuméraires musculaires ou tendineux ou des anomalies d’insertion des muscles poplités.

D – TRAITEMENT :

Le traitement de l’artère poplitée piégée ne peut être que chirurgical.

Il a deux objectifs :

– de supprimer le piège par un geste musculaire ou vasculaire en cas d’oblitération artérielle ;

– restaurer un flux artériel distal d’aval normal.

Voies d’abord

La voie d’abord est postérieure le plus souvent ou latérale interne.

Geste chirurgical

Lorsqu’il existe une anomalie de trajet artériel, la section artérielle et la réanastomose terminoterminale permettent de recentrer l’artère poplitée.

Lorsqu’il existe une anomalie musculaire, on réalise des sections musculaires ou tendineuses qui doivent libérer la compression artérielle et parfois veineuse.

La thrombose poplitée est habituellement réparée par une résection de la thrombose et une interposition par une greffe veineuse grande saphène inversée.

Il peut être également réalisé un pontage de la zone pathologique par un greffon grande saphène inversée.

Kyste adventiciel poplité :

A – GÉNÉRALITÉS :

Définition :

C’est une pathologie artérielle poplitée par sténose ou par thrombose ; elle est due au développement d’une cavité kystique dans la paroi artérielle.

Elle siège dans l’adventice, parfois dans les couches externes de la média.

Elle est remplie d’un liquide visqueux.

L’affection a plusieurs appellations :

– dégénérescence colloïdale de l’adventice ;

– dégénérescence mucoïde ou kyste mucoïde ;

– dégénérescence kystique myxomateuse ;

– bursite de l’artère poplitée.

B – HISTORIQUE :

En 1947, Atkins et Rey ont décrit pour la première fois une localisation au niveau de l’artère iliaque externe.

En 1954, Ejrup et Hierton ont rapporté la première observation de dégénérescence kystique de l’artère poplitée.

C – ANATOMOPATHOLOGIE :

1- Aspect macroscopique :

La lésion se présente sous la forme d’une tuméfaction oblongue, de coloration foncée qui tranche avec celle de l’artère ; elle est longue de 2 à 3 cm, le diamètre varie de 1,5 à 3 cm.

Le siège est habituellement à la partie haute de l’artère poplitée sus-articulaire ; le kyste peut être circonférenciel ou localisé à une face de l’artère. Dans quelques cas, il a été retrouvé une véritable communication avec l’articulation du genou.

L’incision du kyste fait s’écouler une substance gélatineuse épaisse plus ou moins brunâtre, décrite comme une « gelée de groseilles ».

2- Aspect histologique :

Il existe dans la paroi artérielle des cellules mucosécrétantes, dont l’inclusion remonte vraisemblablement au développement embryologique.

D – TABLEAU CLINIQUE :

1- Circonstances de découverte :

L’affection se révèle en règle générale chez un adulte jeune, l’âge moyen est environ de 43 ans, les extrêmes allant de 11 à 70 ans.

Près de 70 % des cas sont diagnostiqués entre 25 et 55 ans.

L’affection est retrouvée le plus souvent chez l’homme (85 % des cas).

L’affection touche indifféremment le côté gauche ou le côté droit, elle est unilatérale, les sujets le plus souvent exposés sont des sportifs (cyclistes et coureurs de fond).

2- Signes fonctionnels :

Le tableau clinique est en général celui, au moins au début, d’une forme classique d’artériopathie chronique des membres inférieurs.

3- Examen clinique :

En règle générale, l’inspection est normale : à la palpation, on ne perçoit pas habituellement la tuméfaction kystique et la palpation des pouls en position basale est habituellement normale.

E – EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

1- Doppler continu :

Au repos, le doppler continu permet d’apprécier le degré de sténose par compression du kyste.

Le frein circulatoire peut être accentué par la mise en extension du genou.

Après effort de marche sur home-trainer, les signes doppler peuvent apparaître ou être accentués.

En effet, s’il existe une communication entre le kyste et l’articulation du genou, l’augmentation de la pression intrasynoviale aggrave la compression de l’artère poplitée par le kyste.

2- Échographie :

Elle visualise le kyste sous la forme d’une image iso- ou hypoéchogène ; cette image doit être distinguée de celle d’une dissection artérielle ou d’un anévrisme de l’artère poplitée.

3- Artériographie :

Elle permet de faire le diagnostic de sténose de l’artère poplitée.

Des aspects morphologiques variés ont été décrits :

– sténose en « sablier » à pointe en regard ;

– empreinte latérale cupuliforme décrite comme une image en « verre de montre » ;

– arrêt complet en « bec d’oiseau » ou en « bec de flûte » du produit de contraste.

Les images siègent habituellement au-dessus de l’interligne.

4- Scanner :

L’examen tomodensitométrique peut être réalisé avec injection de produit iodé.

On réalise les coupes axiales et des reconstructions qui permettent de visualiser le kyste développé dans la paroi de l’artère poplitée.

5- Imagerie par résonance magnétique :

Les images réalisées en écho de spin T1 et T2 montrent les images hypodenses du kyste poplité.

F – TRAITEMENT :

Le traitement du kyste adventiciel de l’artère poplitée ne peut être fait que selon les deux modalités suivantes.

1- Ponction du kyste :

Sous contrôle échographique ou scanner, cette technique est l’objet de récidives nombreuses.

2- Traitement chirurgical :

Le traitement chirurgical est réalisé le plus souvent par une voie postérieure selon Triquet :

– si le kyste est de petit volume et ne semble pas avoir engendré de lésion de la média et de l’intima, il est possible de faire la résection de la poche kystique sans restauration vasculaire ;

– devant un kyste étendu avec des lésions pariétales, il est fait une résection du segment artériel sur toute la zone pathologique et le remplacement par une greffe veineuse réalisée à partir d’un segment de veine grande saphène inversée.

Conclusion :

Lorsqu’il existe une pathologie artérielle de l’artère poplitée chez un sujet jeune de moins de 40 ans, l’apparition d’une claudication intermittente ou d’une ischémie subaiguë doit faire évoquer le diagnostic d’artère poplitée piégée ou de kyste adventiciel.

Ce sont les examens complémentaires qui permettent habituellement de confirmer le diagnostic de lésion de l’artère poplitée par la réalisation d’un échodoppler et le diagnostic étiologique par scanner ou IRM.

Les deux pathologies relèvent d’un traitement chirurgical le plus souvent réalisé par une voie postérieure. Dans la grande majorité des cas, le pronostic de ces affections, quand elles sont traitées, est excellent.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.