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Ophtalmologie
Kératites bactériennes
Cours d'Ophtalmologie
 
 
 

Épidémiologie :

L’incidence des kératites bactériennes n’est pas connue de façon précise.

Néanmoins, des études américaines montrent une augmentation de l’incidence de 2/100 000, dans les années 1950-1960, à 11/100 000, dans les années 1980.

Le développement du port de lentilles de contact semble être le principal facteur de cette augmentation.

La connaissance de l’épidémiologie des kératites bactériennes est fondamentale pour le clinicien.

En effet, les techniques microbiologiques actuelles, même si elles doivent être systématiques, ne permettent pas toujours d’identifier le germe en cause ou ne l’identifient qu’avec retard.

De sorte que le traitement des kératites bactériennes demeure encore souvent empirique et que c’est à partir des données épidémiologiques que le clinicien va devoir déduire le meilleur traitement.

Nous allons donc étudier successivement les différences locales de prévalence des germes, puis les différents facteurs prédisposants d’une kératite bactérienne.

A - Différences locales de prévalence des germes :

La fréquence relative des différentes bactéries responsables des kératites bactériennes est très variable d’une région à l’autre, comme l’avait déjà souligné Jones en 1973 aux États-Unis, et comme l’ont confirmé ensuite de nombreuses études.

Ce point important incite donc l’ophtalmologiste confronté à une kératite bactérienne à s’enquérir de l’épidémiologie bactérienne locale.

Néanmoins, un certain nombre de traits communs peuvent être tirés de l’analyse des différentes études.

Ces études peuvent être classées en trois groupes : les études nord-américaines, les plus nombreuses et dont l’analyse révèle bien ces différences locales ; les études européennes et françaises, moins nombreuses mais primordiales pour notre pratique ; et, enfin, les études de diverses régions du monde dont l’analyse rend compte de la plus ou moins grande prévalence des kératites bactériennes.

En effet, la pratique clinique nous apprend que les kératites bactériennes ne peuvent s’étudier de façon isolée, et ce pour deux raisons :

– le diagnostic de kératite bactérienne nécessite d’éliminer de nombreux diagnostics différentiels parmi lesquels les kératites infectieuses non bactériennes (virales, fungiques ou parasitaires) qui peuvent donner un tableau clinique très proche, voire coexister avec une kératite bactérienne, d’autant que les facteurs favorisants sont souvent identiques ;

– le diagnostic de kératite bactérienne est, dans presque un cas sur deux, exclusivement clinique, la recherche microbiologique restant négative ; cette part non contributive de la microbiologie pourrait s’expliquer par l’utilisation au préalable d’antibiotiques, ce qui est un argument supplémentaire, s’il le fallait, au prélèvement bactériologique systématique devant toute suspicion d’abcès de cornée.

L’analyse globale de ces études permet de citer les germes le plus fréquemment en cause lors de ces kératites bactériennes.

Ceux-ci peuvent être classés en fonction de la coloration de Gram, étape préliminaire à la décision thérapeutique initiale. Parmi ces germes, trois sont nettement plus fréquents : staphylocoque, pneumocoque et Pseudomonas.

Une règle peut être tirée de l’analyse des études nord-américaines : la prédominance du staphylocoque dans les régions tempérées et la prédominance du Pseudomonas dans les régions chaudes.

Néanmoins, cette règle ne peut être appliquée dans toutes les régions du monde.

Les études européennes montrent des différences régionales de prévalence des germes.

Sur le plan global, il faut noter la prépondérance des cocci à Gram positif devant Pseudomonas.

Mais, si en France, en Angleterre et en Suède le germe le plus fréquent semble être le staphylocoque, au Portugal c’est le pneumocoque qui prédomine.

Les études des différentes régions du monde montrent encore des disparités régionales dans la fréquence des germes.

La prépondérance du Pseudomonas dans les régions sud du monde est à rapprocher de son caractère saisonnier estival dans les régions nord du globe et durant la période de la mousson au Bangladesh, ce qui fait supposer le rôle de la chaleur et de l’humidité dans le développement de cette infection.

Sur le plan bactériologique, il faut savoir que le Pseudomonas se cultive facilement dans des milieux humides et chauds.

Néanmoins, l’étiologie des kératites bactériennes est multifactorielle et explique la prépondérance de différents germes dans chaque région sud du globe.

Il est donc indispensable, afin d’orienter le diagnostic étiologique, de rechercher tous les facteurs favorisants à l’origine de la kératite.

B - Facteurs prédisposants :

Les facteurs prédisposants d’une kératite bactérienne sont multiples.

Ces facteurs favorisants peuvent être classés en trois groupes.

1- Facteurs locaux extraoculaires :

Les traumatismes cornéens agissent localement en créant une altération cornéenne qui empêche l’épithélium cornéen de jouer son rôle de barrière.

L’instillation de topiques favorise ces infections par d’autres mécanismes :

– les corticoïdes locaux inhibent la libération de facteurs chémotactiques pour les polynucléaires neutrophiles et la phagocytose ; de plus, ils masquent la symptomatologie de la kératite ;

– les antibiotiques locaux induisent un déséquilibre de la flore conjonctivale normale, permettant ainsi le développement de bactéries pathogènes ;

– l’implication des topiques antiglaucomateux s’explique par la contamination bactérienne des flacons, et leur reconnaissance comme facteur favorisant s’explique par leur fréquence de prescription, mais ce risque existe avec tous les types de topiques même les banals substitutifs de larmes.

* Lentilles de contact :

Elles méritent une attention particulière.

En effet, de nombreuses études épidémiologiques reconnaissent les lentilles de contact comme le facteur de risque principal de kératite bactérienne dans les pays développés.

Il semble qu’environ 40 % des kératites bactériennes dans les pays développés soient associées au port des lentilles de contact.

Ce risque de kératite bactérienne existe avec tous les types de lentilles et avec tous les types de port.

Ainsi, s’il est beaucoup plus élevé avec les lentilles de contact souples en port permanent, il existe tout de même avec les lentilles dites « one day ».

De même, les études anglo-américaines mettent l’accent sur le fait que le développement des lentilles jetables n’a pas réduit le risque de kératite bactérienne et même que le port de telles lentilles constitue le risque le plus élevé de toutes les formes de kératite.

Les seules kératites bactériennes décrites après laser Excimer surviennent sous une lentille pansement.

De nombreuses raisons peuvent l’expliquer : le manque d’information par les fabricants et les vendeurs sur les risques de kératite et les règles d’hygiène qui en découlent, un port prolongé au-delà du délai conseillé.

Plusieurs mécanismes concourent à la survenue de kératite bactérienne sous lentilles.

Tout d’abord, la lentille de contact agit comme un véritable corps étranger qui perturbe la physiologie normale de la surface oculaire.

Elle est aussi un facteur de lésion épithéliale s’ajoutant aux effets cytotoxiques des solutions de stockage.

Et, enfin, elle apporte souvent elle-même les germes à l’origine de la kératite par une solution de conservation ou de désinfection contaminée, une mauvaise hygiène.

Il faut d’ailleurs noter que les germes peuvent adhérer à sa surface.

2- Facteurs locaux oculaires :

Ils sont représentés par toutes les pathologies altérant la surface oculaire :

– les pathologies palpébrales (lagophtalmie, entropion, ectropion) suppriment la protection mécanique des paupières et sont à l’origine d’un mauvais étalement du film lacrymal ;

– la blépharite, comme la dacryocystite, sont des foyers infectieux primitifs ;

– le syndrome sec prive la cornée du rôle de protection mécanique, nutritionnelle et immunologique (immunoglobulines et lysosyme) du film lacrymal ;

– toutes les kératopathies entraînant une rupture épithéliale (kératite neurotrophique, kératopathie bulleuse, herpès oculaire) créent ainsi la porte d’entrée bactérienne ;

– les pathologies conjonctivales (conjonctivite printanière, trachome, pemphigoïde oculaire, syndrome de Stevens-Johnson, xérophtalmie) peuvent également être incriminées.

En pratique, une kératite bactérienne est souvent associée à plusieurs facteurs favorisants concomitants.

Par exemple, en cas de kératite sur kératoplastie transfixiante, d’autres facteurs favorisants sont le plus souvent retrouvés, tels un traitement corticoïde local au long cours, des sutures cornéennes détendues ou cassées, le port de lentilles de contact ou une chirurgie réfractive comme une kératotomie radiaire ou un laser Excimer.

* Altération de la réponse immunitaire :

Un autre groupe de facteurs favorisants est constitué par toutes les causes de diminution générale des défenses immunitaires (déficits immunitaires congénitaux et acquis, alcoolisme, allergies, collagénoses, troubles de la vigilance, diabète, prématurité, corticoïdes généraux, déficience nutritionnelle).

Et il est tout à fait remarquable, comme l’a bien démontré l’équipe du Bascom Palmer Eye Institute, de constater que les facteurs généraux prédominent chez l’enfant de moins de 3 ans.

Physiopathologie :

A - Moyens de protection bactérienne de la cornée :

C’est une altération dans les moyens de protection du globe qui va créer une situation propice au développement d’une kératite bactérienne.

Ces moyens de protection sont nombreux et de natures diverses : anatomique, mécanique, biochimique, immunologique...

Ils concernent aussi bien la cornée que les tissus oculaires adjacents (conjonctive et paupières), sans oublier la sécrétion lacrymale.

La protection du globe résulte d’une intrication de ces différents moyens qui forment ainsi un équilibre.

1- Paupières :

Le globe oculaire est protégé d’éventuels corps étrangers par les paupières qui forment une barrière anatomique en s’interposant devant le globe luimême.

Les paupières agissent également de façon mécanique par différents systèmes.

Les cils jouent un véritable rôle de filtre des poussières contenues dans l’air adjacent au globe oculaire.

Le réflexe de clignement évite à un éventuel corps étranger d’entrer en contact avec la cornée.

Les clignements normaux étalent les larmes sur la surface cornéenne, formant ainsi un film lacrymal stable précornéen, et permettent un débridement épithélial physiologique.

2- Film lacrymal :

La qualité du film lacrymal est elle-même sous la dépendance de lipides, qui proviennent de la sécrétion de glandes sébacées situées au niveau des paupières, et de mucine, qui provient de la sécrétion de glandes situées au niveau de la conjonctive.

Le film lacrymal précornéen a lui aussi une action anatomique de barrière, mais aussi une action mécanique en permettant l’évacuation d’éventuels corps étrangers, aidé en cela par la sécrétion réflexe aqueuse provenant des glandes lacrymales.

Son action est aussi biochimique par lubrification de la cornée et apport de nutriments.

Enfin, son action est immunologique par la présence, dans le film lacrymal, d’agents antimicrobiens : immunoglobulines A, lysozyme, lactoférine, bêtalysine, orosomucoïde, céruléoplasmine.

3- Flore bactérienne commensale :

Elle est présente au niveau de la muqueuse conjonctivale et un équilibre entre ces bactéries et les cellules conjonctivocornéennes est maintenu grâce à ces moyens de défense (sous l’influence notamment des cellules lymphoïdes conjonctivales) dont l’action est continuelle.

Cette flore bactérienne normale, d’ailleurs en perpétuel changement, va s’opposer, par sécrétion de substances antibiotiques ou toxiques, à l’implantation de nouvelles bactéries pathogènes.

C’est dire que la connaissance de cette flore est importante, puisque ces bactéries peuvent devenir des bactéries pathogènes opportunistes dans certaines situations, comme un ulcère de cornée, en permettant leur prolifération.

Ces bactéries commensales sont variées et, parmi elles, les plus fréquentes et par ordre décroissant de fréquence : Staphylococcus epidermidis, Propionibacterium, les corynébactéries commensales (c’est-àdire non diphteriae), Micrococcus, le staphylocoque doré, les streptocoques non groupables, Branhamella catarrhalis.

4- Épithélium cornéen :

Il forme une véritable barrière anatomique et mécanique en s’opposant à l’adhésion bactérienne, étape préliminaire à l’invasion bactérienne du stroma.

En cas d’infection conjonctivocornéenne, il y a libération de facteurs chémotactiques pour les polynucléaires neutrophiles.

Enfin, la réponse immunitaire cellulaire spécifique à une infection conjonctivocornéenne est initiée par les cellules de Langerhans situées au niveau du limbe cornéoscléral.

B - Pathogénie :

1- Adhérence bactérienne :

L’étape préliminaire d’une infection stromale est l’adhésion des bactéries à la surface de la cornée.

Or, des travaux expérimentaux ont prouvé que sur l’épithélium sain et intègre les bactéries adhèrent peu, alors qu’elles adhèrent facilement sur les berges de la zone d’altération épithéliale.

Barret précise que cette adhésion bactérienne sur une surface épithéliale altérée serait due à l’apparition de molécules glucuroconjuguées sur la membrane des cellules épithéliales.

Néanmoins, certaines bactéries particulièrement virulentes et disposant d’enzymes spécialisées peuvent traverser directement l’épithélium cornéen intact et initier une suppuration stromale.

Ce sont : Neisseria meningitidis, Neisseria gonorrhoeae, Haemophilus influenzae et aegyptius, Corynebacterium diphteriae, Shigella et Listeria monocytogenes.

L’adhésion des bactéries à la membrane cellulaire des cellules basales de l’épithélium se fait grâce à des récepteurs membranaires et, parfois, par l’intermédiaire de pili.

2- Invasion bactérienne :

L’invasion bactérienne initie l’infection en permettant une migration progressive des germes dans la profondeur de l’épithélium, puis au niveau du stroma cornéen.

Elle est sous la dépendance des protéines de surface bactériennes, les invasines, ou de la sécrétion, par ces mêmes bactéries, de toxines de plusieurs types dont les protéases.

Malgré la présence dans les larmes d’inhibiteurs des protéases, l’action de ces enzymes initie la destruction tissulaire.

3- Réponse de l’hôte à l’invasion :

La nécrose cellulaire induite par l’invasion bactérienne entraîne la libération de facteurs chémotactiques cytoplasmiques (interleukine 1 et autres cytokines) pour les polynucléaires neutrophiles.

Ceux-ci atteignent le site de l’infection via le film lacrymal au début, puis via les arcades vasculaires limbiques.

 Les polynucléaires neutrophiles vont eux-mêmes libérer d’autres facteurs chémotactiques tels les leucotriènes et des facteurs du complément, ce qui amplifie la réaction inflammatoire locale.

Les bactéries phagocytées par les polynucléaires sont détruites par les enzymes lysosomiales.

Ainsi, ces polynucléaires permettent la stérilisation de l’ulcère.

Une réponse immunitaire cellulaire spécifique est ensuite initiée par les cellules de Langerhans du limbe cornéoscléral.

4- Progression de l’infection :

Elle dépend de la balance entre les facteurs de virulence du germe et l’importance des réactions immunitaires de l’hôte contre le germe.

5- Destruction tissulaire :

Deux types de facteurs concourent à la destruction du tissu cornéen.

* Facteurs bactériens :

La multiplication bactérienne est à l’origine de la libération d’exotoxines de différents types qui vont détruire les différents constituants cornéens.

À ces exotoxines s’ajoutent des endotoxines qui sont des constituants membranaires libérés après la mort des bactéries à Gram négatif.

* Facteurs de l’hôte :

La destruction tissulaire est aussi le résultat de la réponse immunitaire de l’hôte.

En effet, lors de la phagocytose, une libération d’enzymes lysosomiales par les polynucléaires va entraîner la destruction de la matrice de collagène.

Cette libération extracellulaire peut être due à des incidents survenant au cours de la phagocytose ou à la destruction bactérienne des lysosomes.

Ce caractère potentiellement délétère de la réaction inflammatoire explique l’intérêt des médications locales anti-inflammatoires dans le traitement des kératites bactériennes.

La nécrose cellulaire épithéliale et stromale peut, elle aussi, libérer des enzymes protéolytiques.

De plus, la nécrose tissulaire stimule la sécrétion de métalloprotéinases (collagénase) par les cellules voisines, qui est elle-même un facteur de destruction tissulaire.

* Cicatrisation :

Après le contrôle de l’infection, la réponse inflammatoire stromale aboutit à la formation d’un tissu cicatriciel ou taie cornéenne. Une néovascularisation cornéenne peut également être le mode de guérison de cet abcès.

Là encore, les anti-inflammatoires topiques jouent un rôle déterminant dans la qualité de cette cicatrisation.

Diagnostic clinique :

A - Diagnostic positif :

1- Motifs de consultation - Signes fonctionnels :

Le diagnostic d’abcès de cornée doit être évoqué chez tout patient qui consulte pour la survenue d’un oeil rouge douloureux avec baisse d’acuité visuelle.

La baisse d’acuité visuelle est d’importance variable en fonction de la localisation de l’abcès (sur l’axe optique ou à distance), de ses dimensions et de l’intensité de la réaction inflammatoire.

D’autres symptômes sont habituellement associés : photophobie, larmoiement, sensation de corps étranger, blépharospasme.

En revanche, les sécrétions purulentes ne sont présentes qu’en cas de conjonctivite associée, comme lors d’infection par gonocoque, pneumocoque, Haemophilus, Pseudomonas.

2- Signes d’examen à la lampe à fente :

Le diagnostic positif est posé à l’examen à la lampe à fente qui retrouve une infiltration stromale blanchâtre située en regard d’un ulcère.

Cette atteinte infectieuse siège classiquement à la partie centrale de la cornée, au contraire des infiltrats inflammatoires qui prédominent en région limbique.

Une infiltration stromale multifocale évoque une kératite polymicrobienne.

Il est important d’évaluer la profondeur de cette infiltration à la recherche d’un amincissement important causé par la nécrose tissulaire.

Les amincissements cornéens importants, et a fortiori les descemetocèles, sont observés lors d’infections à germes virulents, surtout celles dues aux germes à Gram négatif (Pseudomonas).

De même, un chémosis peut exister en cas d’infection par ces germes virulents.

La réaction inflammatoire de la chambre antérieure est variable selon la sévérité de l’infection.

Un hypopion peut être noté, celui-ci est typiquement stérile sauf en cas de lésion de la membrane de Descemet.

Son intégrité est donc un élément systématique à rechercher.

Il est important de noter que, en cas de pathologie cornéenne préexistante, les signes fonctionnels et cliniques d’infection stromale peuvent être non spécifiques.

Il faut alors se fier à l’évolution pour faire le diagnostic d’infection : augmentation des douleurs, augmentation de l’hyperhémie conjonctivale, augmentation du tyndall de chambre antérieure, augmentation de la taille de l’ulcère ou de l’importance de l’infiltration, infiltrat limbique associé plus ou moins à un ulcère à extension centrale.

Le diagnostic peut être rendu difficile par la prise de médications comme les antibiotiques ou les corticoïdes locaux qui vont masquer les signes cliniques de kératite bactérienne.

B - Diagnostic différentiel :

Toutes les opacités cornéennes ne sont pas d’origine bactérienne.

Ainsi, il faut savoir distinguer l’abcès de cornée bactérien des cas indiqués ci-dessous.

1- Infiltrats inflammatoires :

Ils sont typiquement superficiels, de localisation limbique et à extension circonférentielle.

L’épithélium est en règle intact ou le siège d’une kératite ponctuée superficielle, mais un ulcère cornéen vrai peut être associé.

Le début est plutôt subaigu et la symptomatologie est souvent moins bruyante avec une sensation de corps étranger et l’absence de sécrétions purulentes.

Le terrain permet alors souvent le diagnostic : collagénose, allergie, réaction de rejet du greffon cornéen, brûlure oculaire chimique.

Néanmoins, une surinfection bactérienne est possible, elle doit être suspectée en cas d’aggravation brutale des symptômes, d’apparition de sécrétions purulentes, d’augmentation de l’oedème stromal et surtout d’extension centrale de cet infiltrat et/ou de l’ulcère limbique.

2- Kératites infectieuses non bactériennes :

– La kératomycose doit être recherchée en présence d’une ulcération torpide à bords surélevés d’évolution lente et résistant aux antibiotiques, avec microabcès satellites ou ramifications radiaires.

Sur le plan microbiologique, il est nécessaire de connaître la très nette supériorité de la biopsie cornéenne pour la mise en évidence des mycoses, les autres types de prélèvements restant très insuffisants.

– La kératite amibienne est à évoquer systématiquement chez le porteur de lentilles de contact qui présente un ulcère récidivant très douloureux en regard d’un infiltrat disciforme central ou paracentral autour duquel on trouve un infiltrat annulaire.

– La kératite herpétique disciforme est caractérisée par une opacité discoïde avec plis descemétiques et réaction inflammatoire de chambre antérieure, sans ulcère, mais qui peut se compliquer d’infection.

3- Effets toxiques de certains topiques :

Certains topiques sont toxiques pour la cornée et peuvent être à l’origine d’ulcères épithélial et stromal associés à un infiltrat stromal et une réaction inflammatoire de chambre antérieure.

Ce sont les aminosides, les antiviraux, les anesthésiques et l’amphotéricine B.

C - Orientation étiologique clinique :

Une fois le diagnostic d’abcès de cornée posé, il est nécessaire de rechercher la bactérie en cause. Cette recherche comprend deux étapes : la première, clinique, et la seconde, microbiologique.

1- Circonstances de survenue :

Déjà, les circonstances de survenue de l’ulcère peuvent faire suspecter tel ou tel germe.

2- Aspect clinique :

L’aspect clinique peut également donner une orientation étiologique et permet d’évoquer un germe.

* Staphylocoque :

Une kératite staphylococcique peut avoir deux formes.

L’aspect le plus fréquent est celui d’une ulcération épithéliale en regard d’un infiltrat stromal périphérique rond à bords nets, sec, entouré par un stroma clair.

En général, il s’agit alors d’un staphylocoque à coagulase négative.

Un fil de suture est souvent la cause de tels abcès.

Le staphylocoque doré est classiquement à l’origine d’une ulcération épithéliale centrale en regard d’un infiltrat stromal ovale jaune dense et profond, recouvert de sécrétions jaunâtres et parfois associé à un hypopion.

* Streptocoque :

Streptococcus pneumoniae doit être évoqué devant une ulcération centrale large, profonde, ovale, à bords irréguliers.

Une infiltration stromale dense circonscrit cet ulcère.

Elle est profonde et peut atteindre la membrane de Descemet, donnant alors des plis radiaires.

Autour, la cornée est souvent claire ou, au maximum, le siège d’un oedème modéré.

Classiquement, cet abcès s’accompagne d’un hypopion stérile s’intégrant dans le cadre d’une réaction uvéale.

Les streptocoques bêtahémolytiques donnent un aspect clinique similaire d’abcès rapidement progressif (quelques jours).

En revanche, les autres espèces de streptocoques donnent classiquement des abcès plus localisés, ronds à bords nets, secs, entourés par un stroma clair.

Un aspect particulier est réalisé par la kératopathie cristalline infectieuse.

Celle-ci survient dans un contexte de diminution des réactions inflammatoires (corticoïdes locaux).

Les bactéries prolifèrent alors entre les lamelles stromales et réalisent des opacités stromales arborescentes caractéristiques.

Cet aspect peut se voir notamment en cas de kératoplastie transfixiante où ces opacités surviennent sous un épithélium intact au niveau des points de suture.

Les streptocoques sont les germes le plus souvent en cause.

* Pseudomonas :

Pseudomonas aeruginosa donne un abcès nécrotique diffus, très rapidement évolutif, pouvant conduire à la perforation en 24 à 72 heures.

Il est humide car recouvert d’un enduit mucopurulent jaune verdâtre fortement adhérent à l’ulcère.

Il est entouré d’un oedème cornéen important et est souvent associé à un hypopion.

Les autres bacilles à Gram négatif (Klebsiella, Serratia, Enterobacter, Shigella) donnent souvent un aspect clinique identique. Mais il faut se souvenir que, pour ces germes, le defect épithélial n’est pas indispensable à l’invasion stromale.

* Moraxella :

L’abcès à Moraxella est superficiel, de forme ovale, paracentral, prédominant en cornée inférieure, à bords irréguliers.

L’évolution typique est indolente et torpide ; néanmoins, certaines souches plus virulentes peuvent gagner rapidement les couches profondes du stroma.

* Neisseria :

L’abcès à Neisseria succède à une conjonctivite chémotique très purulente négligée ou mal traitée.

La conjonctivite bactérienne elle-même produit des ulcérations épithéliales périphériques (kératites ponctuées superficielles, ulcère de Dellen) permettant la pénétration des germes.

Néanmoins, ces germes peuvent aussi pénétrer au travers d’un épithélium sain.

La kératoconjonctivite à Neisseria gonorrhoeae est à évoquer chez le nouveau-né avant le quatrième jour de vie ou chez l’adulte sexuellement actif.

La kératoconjonctivite à Neisseria meningitidis, beaucoup plus rare, coexiste avec une méningite à méningocoque.

* Autres germes :

La kératite à Haemophilus influenzae est souvent la complication d’une conjonctivite.

Il s’agit alors souvent d’un abcès superficiel associé à un hypopion.

La kératite à Bacillus commence typiquement avec des opacités épithéliales multifocales qui peuvent évoluer vers une infiltration stromale focale.

Un abcès à Clostridium est à évoquer devant la présence de bulles de gaz en chambre antérieure ou dans le stroma.

Le Corynebacterium diphteriae peut être responsable de kératoconjonctivite pseudomembraneuse avec une opacité épithéliale diffuse évoluant rapidement vers la nécrose stromale.

Cette atteinte oculaire vient compliquer une atteinte cutanée ou nasopharyngienne.

Les germes anaérobies ne donnent pas d’aspect clinique spécifique par rapport aux germes aérobies. Nocardia est responsable d’ulcération située au-dessus d’un infiltrat grisblanc superficiel de localisation paracentrale.

Diagnostic microbiologique :

Il est essentiel puisqu’il permet d’établir avec certitude le diagnostic de kératite bactérienne en isolant le germe en cause.

Il permet aussi de sélectionner le traitement adapté par la réalisation de l’antibiogramme.

Williams et al ont bien démontré son utilité puisque sa réalisation permet de diminuer le taux d’énucléation lié aux kératites bactériennes.

A - Types de prélèvements :

La recherche bactériologique est obligatoire devant tout abcès de cornée.

Les prélèvements doivent se faire au niveau du site de l’infection, c’est-à-dire au niveau de l’abcès cornéen lui-même.

Mais une étude bactériologique de toute la surface oculaire est également utile par des prélèvements conjonctivaux et du bord libre palpébral.

Les examens microbiologiques doivent rechercher tous les germes possibles : bactéries aérobies et anaérobies, mais aussi les mycoses et les amibes, voire, selon les circonstances, les virus.

Selon les cas, l’étude microbiologique doit concerner les lentilles de contact et leur étui, le corps étranger, le flacon de collyre contaminé...

En raison du nombre relativement faible de micro-organismes présents au sein d’un prélèvement cornéen, l’ensemencement immédiat de ces prélèvements est à préférer à l’utilisation de milieux de transports.

C’est ainsi que la présence du microbiologiste est souhaitable lors de ces prélèvements.

Et, en l’absence d’amélioration sous traitement, les prélèvements doivent être renouvelés.

Dans tous les cas, la recherche microbiologique doit précéder le début de toute antibiothérapie.

Pour les patients déjà traités, si l’état clinique le permet, une fenêtre thérapeutique de 12 heures permet d’améliorer l’efficacité de ces prélèvements.

1- Prélèvements conjonctivaux et palpébraux :

C’est un écouvillonnage des culs-de-sac conjonctivaux et des bords libres palpébraux pour examen direct et mise en culture.

Il peut se réaliser sans anesthésie locale.

2- Prélèvements cornéens :

Ils sont habituellement pratiqués sous anesthésie topique, sauf chez l’enfant où une anesthésie générale est souvent nécessaire.

Néanmoins, tout anesthésique, comme tout conservateur, a un effet bactériostatique diminuant les chances d’isolement du germe.

L’hydrochlorure de proparacaïne à 0,5 % sans conservateur a le moins d’effet antibactérien.

Les différents grattages cornéens sont pratiqués à l’aide d’instruments stériles de type vaccinostyle (un pour chaque grattage) sous contrôle biomicroscopique.

Ils doivent intéresser le fond et les berges de l’abcès.

En effet, certains organismes, comme le pneumocoque, sont surtout présents sur les berges de l’abcès alors que d’autres, comme Moraxella, prédominent au fond de l’ulcère.

Chaque échantillon prélevé est immédiatement ensemencé dans un milieu de culture ou étalé sur lame par le microbiologiste présent.

3- Ponction de chambre antérieure :

Elle est rarement utile, sauf en cas de kératite bactérienne évoluant vers une endophtalmie sans germe isolé par les autres prélèvements, ou de kératite bactérienne profonde secondaire à un traumatisme cornéen perforant.

L’hypopion, dans le cas de kératite sans descemetocèle, est inflammatoire et donc stérile.

La ponction de chambre antérieure est donc inutile, voire dangereuse en raison du risque d’inoculation intraoculaire.

4- Biopsies cornéennes :

Elles ne s’envisagent qu’en seconde intention lorsque les prélèvements précédents sont restés négatifs ou lorsqu’une mycose est suspectée.

Dans les abcès superficiels, elles consistent en une trépanation cornéenne de 2 mm de large sur 0,2 mm de profondeur.

Dans les abcès profonds, des prélèvements peuvent être obtenus en passant un fil de soie 6/0 dans le stroma.

Différentes sections de ce fil sont ensuite ensemencées dans les divers milieux de culture.

B - Techniques de laboratoire :

1- Examen direct :

Cet examen direct consiste en l’examen sous microscope de l’étalement sur lame des différents prélèvements après fixation.

Chaque site de prélèvement doit bénéficier d’un examen direct.

Le microbiologiste choisit les colorations nécessaires.

La coloration de Gram est habituelle et rapide (15 minutes).

Elle permet de classer les bactéries en fonction de la structure de leur paroi : germes à Gram positif et germes à Gram négatif.

La mise en évidence sur les grattages cornéens de germes à Gram négatif est plus difficile que pour les Gram positifs.

La forme des bactéries ainsi colorées permet de classer le germe en bacilles ou cocci.

La coloration de Giemsa, plus longue, est surtout utile pour différencier une infection bactérienne, fungique et amibienne.

D’autres colorations sont utilisées pour la recherche de germes spécifiques (Nocardia, Mycobacterium, Actinomyces, Chlamydia).

La suspicion clinique de ces germes doit donc être communiquée au microbiologiste.

2- Culture :

Tout prélèvement cornéen devrait idéalement être ensemencé directement.

La majorité des micro-organismes à l’origine d’une infection cornéenne peut être isolée par mise en culture systématique sur quelques milieux.

La gélose au sang est un milieu non sélectif qui permet la croissance de la plupart des agents aérobies bactériens, mais aussi fungiques et amibiens.

Cependant, Haemophilus et Neisseria prolifèrent difficilement sur ce milieu.

La gélose chocolat permet, quant à elle, la multiplication de ces germes.

Le milieu de Sabouraud est nécessaire pour la mise en évidence d’une éventuelle infection fungique.

Et la gélose enrichie en Escherichia coli permet la multiplication des amibes.

Le choix d’autres milieux de culture se fait par le microbiologiste en fonction des germes suspectés par le clinicien (exemple : germes anaérobies).

C - Interprétation des résultats :

Les prélèvements sont positifs dans environ 50 %des cas. Il n’y a pas toujours de correspondance entre les résultats de l’examen direct et ceux des cultures.

Lorsqu’une bactérie est identifiée, l’antibiogramme est indispensable.

Même si un germe pousse en culture, rien ne confirme que ce germe est à l’origine de l’infection.

Différents arguments permettent de faire du germe isolé un germe pathogène :

– il y a un seul germe isolé ;

– il y a correspondance entre le germe isolé à l’examen direct et en culture ;

– le germe est isolé sur plusieurs milieux ;

– le germe isolé est connu comme pathogène pour la cornée ;

– les données cliniques sont compatibles avec le germe isolé.

Les résultats microbiologiques doivent toujours être interprétés en tenant compte du contexte clinique.

Ainsi, si certaines bactéries sont toujours pathogènes (exemple Pseudomonas), d’autres bactéries, considérées généralement comme des contaminations de voisinage (exemple : Propioni bacterium, Staphylococcus epidermidis), peuvent être néanmoins des agents réellement pathogènes dans certaines circonstances (exemple : facteur favorisant local, tel le port de lentilles de contact).

L’interprétation de ces études bactériologiques de prélèvements oculaires peut être difficile en présence de bactéries commensales.

Il faut les considérer comme pathogènes lorsqu’elles sont mises en évidence sur des prélèvements cornéens.

Un antibiogramme est alors indispensable.

En revanche, ces germes isolés sur les seuls prélèvements conjonctivaux ne doivent être considérés comme pathogènes qu’en cas de surpopulation massive ou de contexte clinique alarmant.

Complications :

La plupart des complications des kératites bactériennes sont des altérations de la structure cornéenne.

Elles sont le résultat de la destruction cornéenne par le germe mais aussi de la réaction inflammatoire à cette infection, ainsi que de la toxicité du traitement.

1- Ulcère cornéen persistant :

Il est à mettre sur le compte de la toxicité des collyres antibiotiques fortifiés et notamment des aminosides.

2- Amincissement cornéen et perforation cornéenne :

L’amincissement cornéen est le résultat de la nécrose stromale.Au maximum, il engendre la perforation cornéenne qui est la complication majeure des kératites bactériennes.

Des plis radiaires de la descemet, et a fortiori la descemetocèle, sont des signes d’une perforation imminente justifiant d’une kératoplastie à chaud.

3- Endophtalmie :

Elle est due au passage de germes cornéens dans la chambre antérieure.

4- Taie cornéenne :

C’est la complication évolutive la plus fréquente (un cas sur deux) des kératites bactériennes.

Son siège sur l’axe optique explique les cécités cornéennes secondaires.

Un des objectifs du traitement des kératites bactériennes est de prévenir ces taies. Sinon, elles peuvent imposer un traitement chirurgical.

5- Éviscération - Énucléation :

La perte du globe oculaire est toujours à craindre.

C’est le stade ultime de la perforation cornéenne ou de l’endophtalmie.

Cette complication survient encore dans 10 % des kératites bactériennes.

Traitement :

Dès les prélèvements microbiologiques réalisés, le traitement doit être débuté sans délai.

Celui-ci a quatre objectifs : stériliser le foyer infectieux, réduire la réaction inflammatoire, prévenir la destruction tissulaire et, enfin, reconstruire la surface épithéliale.

A - Critères d’hospitalisation d’un abcès de cornée :

Le praticien de ville doit d’abord évaluer le degré de gravité de la kératite afin d’adapter les modalités thérapeutiques et, en premier lieu, la nécessité d’hospitalisation.

Un abcès bénin (diamètre de l’ulcère inférieur à 2 mm, profondeur de l’ulcère inférieure à 20 % de l’épaisseur cornéenne, infiltrat stromal superficiel et limité à la taille de l’ulcère, absence de réaction inflammatoire endoculaire ou de sclérite) peut être traité en externe. Une surveillance quotidienne s’impose alors.

Les abcès de gravité sévère (diamètre de l’ulcère inférieur à 5 mm, profondeur de l’ulcère supérieure à 50 % de l’épaisseur cornéenne, infiltrat stromal dense étendu au-delà de la moitié de la profondeur du stroma, présence de sclérite ou de réaction inflammatoire endoculaire) nécessitent une hospitalisation.

Les abcès de moyenne gravité, dont les caractéristiques sont intermédiaires entre les deux formes précédentes, relèvent également d’une hospitalisation en raison de la virulence de certains germes.

Certaines situations cliniques justifient à elles seules l’hospitalisation, quelle que soit la gravité de l’abcès : aggravation d’un abcès bénin après 24 heures de traitement, monophtalmie, enfant, observance thérapeutique douteuse, déficit immunitaire, suspicion d’un germe virulent (Pseudomonas...).

B - Antibiothérapie :

1- Prescription initiale d’un antibiotique spécifique :

Elle se base sur les résultats des prélèvements microbiologiques (morphologie et coloration de Gram des micro-organismes), sur l’épidémiologie bactériologique locale et sur les facteurs favorisants de cette kératite.

Si un cocci à Gram positif (staphylocoque, pneumocoque) est suspecté, une céphalosporine est un choix adapté.

La vancomycine est une alternative efficace, notamment en cas d’allergie aux bêtalactamines ; néanmoins, sa toxicité cornéenne est plus importante et ralentit la cicatrisation épithéliale.

La bacitracine peut également être utilisée. Si un bacille à Gram positif (corynébactéries, mycobactéries) est suspecté, les aminosides sont l’antibiotique de choix.

De plus, en cas d’erreur de coloration, ils sont aussi efficaces sur les Gram négatifs.

Si un cocci à Gram négatif (Moraxella, Neisseria) est suspecté, la pénicilline G peut être utilisée.

Néanmoins, si le tableau clinique évoque un abcès à Neisseria, l’augmentation des souches résistantes de Neisseria gonorrhoeae par production de pénicillinases doit faire choisir d’autres antibiotiques, tels la ceftriaxone, la ciprofloxacine, le chloramphénicol.

Si un bacille à Gram négatif (Pseudomonas, Serratia) est suspecté, les quinolones sont l’antibiotique de choix : ciprofloxacine ou péfloxacine.

Les aminosides sont également le plus souvent efficaces, mais les résistances au Pseudomonas et à d’autres germes à Gram négatif empêchent leur utilisation isolée.

Ils sont, en revanche, l’antibiotique de choix en cas d’association avec les nouvelles bêtalactamines comme les céphalosporines de troisième génération (ceftriaxone), les uréidopénicillines (ticarcilline ou pipéracilline), les monobactames (aztréonam) ou les carbapénèmes (imipenem).

Si aucun germe n’est isolé, l’antibiothérapie doit être à large spectre, couvrant les germes les plus fréquents dans l’épidémiologie locale tout en tenant compte des facteurs favorisants.

L'association d’une céphalosporine et d’un aminoside semble logique, d’autant qu’existe une synergie antibiotique.

Certains auteurs évoquent une équivalence d’efficacité des fluoroquinolones seules par rapport à l’association céphalosporines (céfazoline) et aminosides (tobramycine).

Dans tous les cas, le choix d’une antibiothérapie doit tenir compte d’éventuelles contre-indications dues au terrain : enfants, femme enceinte.

Dans un second temps, l’antibiothérapie est adaptée à l’antibiogramme.

2- Voies d’administration et posologies :

La voie topique est la règle, à la condition d’utiliser des collyres fortifiés.

Le collyre fortifié est constitué par la dilution, dans du sérum physiologique ou une autre solution, d’un antibiotique parentéral pour obtenir des concentrations beaucoup plus importantes que celles des collyres du commerce.

Ces concentrations fortes permettent d’augmenter la pénétration intracornéenne de l’antibiotique.

Néanmoins, ces concentrations élevées sont à l’origine d’une toxicité cornéenne dont il faut savoir tenir compte. Cette toxicité est en partie liée à l’osmolarité de la solution.

La ciprofloxacine à 0,3 %est une des rares préparations commerciales à avoir fait la preuve de son efficacité dans le traitement des kératites bactériennes.

Ces collyres fortifiés sont administrés au rythme d’une goutte toutes les heures après la réalisation d’une dose de charge (une goutte toutes les minutes pendant 5 minutes, répétée 30 minutes plus tard) augmentant rapidement la concentration de l’antibiotique au niveau du stroma cornéen.

Cette antibiothérapie intensive est poursuivie jusqu’à contrôle de l’infection, puis progressivement arrêtée.

Les pommades antibiotiques prolongent le contact cornéen et permettent d’obtenir une concentration élevée d’antibiotique dans le stroma cornéen.

Elles prennent le relais nocturne de l’antibiothérapie intensive par collyres fortifiés.

Elles ont un intérêt chez l’enfant lorsqu’un larmoiement intense chasse le collyre antibiotique.

Les injections sous-conjonctivales permettent d’obtenir des concentrations thérapeutiques intracornéennes d’antibiotique par fuite dans le film lacrymal et par diffusion du produit vers la sclère et la cornée adjacente au point d’injection.

Néanmoins, des modèles expérimentaux de kératites bactériennes ont démontré que ces injections sous-conjonctivales apportent peu à un traitement topique bien conduit.

Elles sont classiquement réservées aux formes sévères de kératites bactériennes préperforatives ou avec atteinte de la sclère adjacente.

Elles sont réalisées au rythme d’une ou deux par jour.

Chez le nouveau-né et chez le jeune enfant, elles peuvent être à l’origine d’un passage systémique non négligeable qui expose aux effets secondaires des antibiotiques.

La voie générale est réservée, en association avec la voie topique, aux kératites sévères, mais aussi lorsqu’il existe un risque de diffusion systémique, comme lors des kératoconjonctivites gonococcique ou méningococcique.

C - Critères du suivi d’une kératite bactérienne :

Le suivi d’une kératite bactérienne repose sur un examen quotidien jusqu’au contrôle de l’infection.

Cet examen est même biquotidien en cas de kératite sévère.

Les premiers examens jugent l’efficacité thérapeutique qui se traduit par l’absence d’aggravation de l’abcès.

Ce n’est souvent qu’au bout de 2 ou 3 jours de traitement qu’il est possible d’observer une amélioration clinique. Celle-ci est le témoin du contrôle infectieux.

D - Anti-inflammatoires :

Ils sont indispensables au traitement d’une kératite bactérienne, même si leur délai de prescription au cours de l’évolution d’une kératite reste discuté.

Il n’apparaît pas licite de les utiliser avant le contrôle de l’infection (amélioration clinique, isolement du germe, antibiothérapie validée par l’antibiogramme).

Leur rôle est double : d’abord diminuer la destruction tissulaire engendrée par la réponse inflammatoire et, dans un second temps, limiter l’intensité de la réaction inflammatoire cicatricielle.

Pour ces objectifs, les corticoïdes sont les anti-inflammatoires de choix car les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent augmenter l’inflammation en privilégiant la voie des leucotriènes.

En revanche, il ne faut pas oublier l’effet antalgique de ces anti-inflammatoires non stéroïdiens.

En général, les corticoïdes sont utilisés sous forme de topiques.

Ils peuvent être associés aux injections sous-conjonctivales d’antibiotiques.

E - Traitements adjuvants :

Les antimétalloprotéases (N-acétylcystéine, éthylène-diamine tétra-acétate [EDTA]) peuvent être utiles en diminuant la destruction tissulaire endogène.

La cycloplégie est indispensable.

Elle a un but antalgique, en supprimant le spasme ciliaire, et elle permet d’éviter la formation de synéchies iridocristalliniennes, en cas de réaction inflammatoire de chambre antérieure.

L’association tropicamide et atropine est classique.

La néosynéphrine est, en revanche, contre-indiquée en raison de son effet toxique sur l’épithélium cornéen altéré.

Les antalgiques sont indispensables au confort du patient. Le repos est aussi fondamental.

Parfois, des anxiolytiques sont nécessaires.

F - Traitement chirurgical :

Il peut s’agir d’une kératoplastie transfixiante réalisée à chaud devant une menace de perforation cornéenne.

Parfois, l’état oculaire oblige à réaliser une éviscération, voire une énucléation.

Lorsque l’infection est contrôlée, un recouvrement conjonctival peut permettre d’éviter la perforation cornéenne.

À distance, une photokératectomie thérapeutique peut diminuer la taie cicatricielle et améliorer la fonction visuelle.

G - Traitement préventif :

La kératite bactérienne demeure une affection grave qu’il faut savoir prévenir.

Cette prévention doit être l’objectif thérapeutique principal de l’ophtalmologiste.

Elle repose sur la suppression des facteurs favorisants.

En présence d’une ulcération épithéliale, l’ophtalmologiste doit reconnaître les facteurs favorisants présents, et adapter son antibiothérapie préventive.

Il peut également agir en amont d’une ulcération ; par exemple, en insistant sur les règles d’hygiène à respecter lors du port de lentilles de contact ou lors d’utilisation d’un collyre.

Cette prévention passe aussi par le respect des mesures d’asepsie lors de la chirurgie oculaire.

Enfin, il faut souligner la nécessité de la prévention gonococcique et chlamydiae chez le nouveau-né, au mieux assurée par l’instillation d’une goutte de collyre antibiotique.

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