Invagination intestinale aiguë du nourrisson et de l’enfant Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les premières descriptions anatomiques de
l’invagination intestinale aiguë (IIA)
remontent au XVIIe siècle.
L’IIA ou
intussusception se définit par la pénétration
d’un segment intestinal dans un segment
sous-jacent.
Le boudin d’invagination
correspond à l’ensemble formé par le
cylindre interne ou invaginé et le cylindre
externe ou invaginant et le ou les cylindres
intermédiaires.
L’IIA est une urgence
thérapeutique.
La prise en charge au fil des années est
devenue de moins en moins chirurgicale.
La
réduction de l’IIA est de plus en plus du
domaine de la radiologie interventionnelle.
Le traitement chirurgical est réservé aux
échecs des réductions radiologiques et aux
formes évoluées ou d’emblée compliquées.
Il est classique de distinguer deux types
d’IIA :
– IIA primitive qui représente 90 à 95 % des
IIA.
C’est l’IIA du nourrisson ;
– IIA secondaire dont le point de départ est
une cause locale, ou bien qui s’intègre dans
une pathologie plus générale du tube
digestif ou qui survient dans un contexte
particulier (IIA postopératoire).
Généralités
:
A - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
L’IIA est la première cause d’occlusion chez
le nourrisson. Son incidence est difficile à
préciser.
Les chiffres classiquement retenus,
de 2 à 4 pour 1 000 naissances, sont issus de
trois études anglo-saxones.
L’Europe
semble plus touchée que les États-Unis.
Comme dans bon nombre d’affections
digestives de l’enfant, il existe une nette
prédominance masculine (sex-ratio : 2/1).
L’IIA idiopathique du nourrisson survient
classiquement entre 2 mois et 2 ans avec un
pic de fréquence entre 6 et 9 mois (65 %
dans la première année de vie).
Au-delà
de la deuxième année de vie ou chez le
nourrisson de moins de 2 mois, l’IIA
s’intègre plus volontiers dans le cadre des
IIA secondaires.
Il est classiquement retenu que les IIA
surviennent à la fin de l’automne et à la fin
du printemps, rythmées en cela par les
infections virales.
L’IIA touche le nourrisson bien portant.
Pour
autant, aucune étude épidémiologique n’a
pu mettre en évidence de facteurs
nutritionnels particuliers.
B - ÉTIOPATHOGÉNIE
:
L’IIA correspond à la pénétration de
l’intestin d’amont dans l’intestin d’aval.
Cette imbrication de tuniques digestives
forme le boudin d’invagination qui
comporte une tête et un collet. L’IIA
est secondaire à un trouble du péristaltisme
dont l’étiologie reste encore mal connue.
1- Invagination intestinale aiguë
du nourrisson
:
Les troubles du péristaltisme sont
vraisemblablement secondaire s à
l’hyperplasie lymphoïde contemporaine de
l’adénolymphite mésentérique.
En effet, la
région iléocæcale est riche en plaques de
Peyer (densité augmentée chez le garçon) et
en ganglions mésentériques.
La densité de
ces formations lymphoïdes décroît avec l’âge
et au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la
valvule de Bauhin en direction du grêle.
L’hypertrophie d’une plaque de Peyer,
habituellement située sur le bord antimésentérique du tube digestif, est le
point de départ de l’IIA en créant un
obstacle au péristaltisme intestinal.
L’origine
virale est fortement suspectée sur des
données épidémiologiques (épidémies saisonnières) et sur la concomitance
d’infection otorhinolaryngologique (ORL) ou
respiratoire dans les jours précédant l’IIA.
Des données immunologiques e t
anatomopathologiques viennent conforter
ces constatations : la présence d’adénovirus
dans les selles, l’appendice et les
ganglions mésentériques a été retrouvée
associée de façon significative chez les
nourrissons présentant une IIA.
Des
infections à herpesvirus, à rotavirus, et
à Yersinia enterocolitica ont été également
retrouvées.
Par ailleurs, l’infection virale et
sa conséquence anatomique, l’adénolymphite
mésentérique, joueraient le rôle
d’épine irritative, augmenteraient le
péristaltisme intestinal et favoriseraient par
là même l’IIA.
L’allaitement maternel, en augmentant le
péristaltisme intestinal, pourrait être un
facteur de risque.
2- Invagination intestinale aiguë
secondaire :
Elle est secondaire à des lésions pariétales
localisées (diverticule de Meckel, duplication
digestive, polype, tumeur bénigne ou
maligne, hétérotopie tissulaire) ou bien à des
lésions localisées s’intégrant dans des
maladies plus générales du tube digestif
(lymphome, purpura rhumatoïde, syndrome
hémolytique et urémique, mucoviscidose).
De même, une IIA peut survenir chez un
enfant aux décours de chimiothérapie.
L’invagination postopératoire constitue une
entité particulière qui correspond le plus
souvent à une invagination iléo-iléale.
Elle
survient dans les suites d’interventions
abdominales comprenant de grandes
mobilisations intestinales, des décollements
ou des exérèses de masses tumorales
volumineuses.
Plus récemment, les essais de vaccination
contre le rotavirus ont été interrompus aux
États-Unis en raison de la survenue d’IIA
dans les cohortes de malades impliqués.
B - FORMES ANATOMIQUES
:
Les différents types d’IIA tirent leur
dénomination d’abord du segment d’intestin
invaginé, puis du segment d’intestin
intermédiaire entraîné et enfin du segment
invaginant.
On distingue donc :
– IIA iléocolique transvalvulaire : l’iléon
terminal s’invagine dans le côlon, plus ou
moins loin ;
– IIA iléo-cæco-colique : la valvule de
Bauhin et l’appendice s’engagent dans le
côlon et constituent la tête de l’invagination ;
– IIA iléo-iléale ou colocolique : ce sont des
variétes rares de l’invagination du
nourrisson ;
– invagination de l’appendice : c’est une
forme exceptionnelle.
C - PHYSIOPATHOLOGIE
:
Le boudin de l’invagination comporte un
collet et une tête.
La tête est le point le plus
avancé de l’intestin invaginé et est le siège
de l’obstacle sur lequel bute le péristaltisme
intestinal.
Comme nous l’avons vu dans les
formes anatomiques, la tête est généralement
située près ou au niveau de la valvule
iléocæcale.
Le collet correspond au point de
pénétration du segment invaginé.
Au cours
de sa progression dans le sens péristaltique,
la tête entraîne le mésentère qui sera
étranglé au niveau du collet.
La progression
du boudin n’est limitée que par la longueur
du mésentère et est favorisée par les défauts
d’accolement coliques.
La superposition des
tuniques intestinales engendre des
phénomènes de strangulation qui génèrent
une stase veineuse et un oedème qui à leur
tour majorent la compression vasculaire.
Par
voie de conséquence, des lésions muqueuses
du segment invaginé apparaissent et sont
responsables de rectorragies.
L’ischémie
installée conduit à la nécrose intestinale du
segment invaginé : 2,5 % de nécrose avant
48 heures, 82 % après 72 heures.
Toutefois, l’IIA peut être lâche, la striction
peu importante.
Ceci explique la bonne
tolérance de certaines IIA, et ce malgré
plusieurs jours d’évolution.
Diagnostic
:
A - DIAGNOSTIC CLINIQUE
:
Y penser devant toute douleur abdominale
aiguë du nourrisson suffit le plus souvent
pour faire le diagnostic.
Le diagnostic
clinique de l’IIA repose sur la triade
classique des signes révélateurs que sont :
les crises douloureuses paroxystiques, les
vomissements et les rectorragies.
1- Crises douloureuses
paroxystiques
:
La douleur est le plus souvent le maître
symptôme.
Elle est évocatrice lorsqu’elle
survient par accès paroxystiques séparés par
des intervalles libres.
Elle peut réveiller
l’enfant la nuit, le jour elle interrompt
brutalement son activité, l’enfant crie, replie
ses jambes, son teint devient pâle.
La crise
cesse au bout de quelques minutes.
Les
crises suivantes se succèdent à une
fréquence variable.
Il arrive souvent que le
nourrisson émette une selle normale au
décours de cette première crise.
Il s’agit en
fait d’une vidange de l’intestin d’aval. Le
transit cesse ensuite ou bien persiste sous
forme de s e l l e s diarrhéiques très
trompeuses.
2- Vomissements
:
La première crise est souvent accompagnée
d’un vomissement alimentaire.
Le refus du
biberon est un très bon signe d’orientation
car très fréquemment présent.
Les
vomissements bilieux sont plus tardifs, ils
correspondent souvent à des formes
évoluées ou à des IIA survenant sur le grêle
proximal (iléo-iléale haute ou jéjunojéjunale).
3- Rectorragies
:
Contrairement à une idée reçue, elles n’ont
pas forcément une valeur péjorative.
Elles
témoignent de lésions muqueuses
superficielles liées à l’ischémie mésentérique.
Initialement, on constate des stries
sanglantes rouges ou des glaires sanglantes ;
plus tardivement, il s’agit d’un saignement
plus important (rectorragies ou melena) qui
peut faire redouter des lésions intestinales
avancées.
L’examen clinique est souvent assez pauvre.
La fièvre est retrouvée dans 35 % des cas ;
l’atteinte de l’état général est présente dans
un tiers des cas (asthénie, pâleur,
déshydratation).
Cette adynamie peut aller
jusqu’au coma léger. Après avoir vérifié la
vacuité des orifices herniaires, la palpation
recherche, souvent en vain, le boudin
d’invagination.
En effet, la localisation la
plus fréquente correspond au côlon
transverse.
La palpation est donc gênée par
l’auvent hépatique.
Le boudin n’est retrouvé
que dans un tiers des cas.
Le toucher rectal,
dont l’intérêt peut être discuté, peut
percevoir la tête du boudin lorsque celui-ci
a cheminé jusqu’à l’ampoule rectale ou
provoquer l’émission de selles sanglantes.
B - DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE
:
1- Abdomen sans préparation
:
Il n’a que peu de valeur diagnostique dans
l’IIA. Toutefois, il est souvent la première
étape devant toute douleur abdominale de
l’enfant.
On recherche :
– en priorité, la faible quantité, voire
l’absence de gaz digestifs et de matières
coliques.
Toutefois, la notion de fosse
iliaque droite « déshabitée » ou absence du
granité cæcal, qui est une notion très
répandue, est inconstante ;
– une opacité sous-hépatique ou
épigastrique correspondant à l’image
tissulaire du boudin ;
– une image en « cible » faite d’un anneau
de densité graisseuse entourant une opacité
hydrique contenant elle-même un centre
graisseux ;
– une image en « croissant » qui correspond
à la tête du boudin cerclée par l’air du
segment digestif invaginant ;
– des signes d’occlusion du grêle : on
retrouve classiquement un ou deux niveaux.
Un syndrome occlusif complet témoigne,
soit d’une forme évoluée, soit d’une IIA
iléo-iléale ;
– un pneumopéritoine qui est une contreindication
formelle à une tentative de
réduction par lavement.
2- Échographie
:
C’est l’examen clé du diagnostic, puisqu’à
l’heure actuelle, certains auteurs accordent à
cet examen une sensibilité et une spécificité
proches de 100 %.
Les seules limites de
l’exploration aux ultrasons sont l’interposition
gazeuse telle que l’on peut la
rencontrer dans les syndromes occlusifs
majeurs d’IIA évoluées ou iléo-iléales.
Le
boudin d’IIA en coupe transversale se
traduit par une image en « cocarde » formée
par une couronne périphérique hypoéchogène
entourant un centre hyperéchogène.
En coupe longitudinale, le boudin
prend un aspect en « sandwich ».
Outre sa
valeur diagnostique indiscutable,
l’échographie aurait une valeur prédictive
quant aux possibilités de réduction.
Certains
auteurs s’attachent à étudier la couronne hypoéchogène périphérique.
Une épaisseur
supérieure à 8 mm serait un critère en faveur
d’une irréductibilité.
De même, l’absence de
signal doppler couleur pulsé au niveau du
boudin serait un signe de souffrance
digestive et donc une contre-indication à
toute tentative de réduction radiologique.
3- Lavement baryté
:
Il a perdu, à l’heure actuelle, son intérêt dans
l’étape diagnostique.
Il peut conserver un
certain intérêt lorsqu’il existe un doute
clinique et que l’échographie ne peut
trancher de façon formelle.
Formes cliniques
:
A - INVAGINATION INTESTINALE
AIGUË IDIOPATHIQUE
DU NOURRISSON
:
C’est la forme de loin la plus fréquente.
Si la
tranche d’âge de 2 mois à 2 ans est la plus
souvent impliquée, il semble exister un
deuxième pic de fréquence vers 4 ans.
Il
convient tout particulièrement de se méfier
de certaines formes trompeuses qui mettent
en avant un signe clinique inhabituel et
conduisent à des errances diagnostiques et
par voie de conséquence à des retards de
prise en charge :
– formes entérocolitiques : le tableau est
dominé par une diarrhée parfois sanglante
et des vomissements abondants ;
– formes hémorragiques ;
– formes pseudoméningées : la fièvre, les
vomissements, l’hypotonie importante
orientent vers une méningite ;
– formes occlusives : ce sont le plus souvent
les formes diagnostiquées avec retard ou des IIA siégeant sur le grêle proximal.
B - INVAGINATIONS INTESTINALES
AIGUËS SECONDAIRES :
1- Invagination intestinale aiguë
néonatale ou chez le nourrisson
prématuré
:
Moins de 1 % des invaginations surviennent
dans la période néonatale. L’IIA est
souvent induite par une malformation du
tube digestif (diverticule de Meckel,
duplication digestive).
Le tableau clinique
correspond à une occlusion basse du grêle.
Le diagnostic se fait le plus souvent lors de
l’intervention.
L’IIA a aussi été décrite chez
le prématuré.
C’est une éventualité rare ; une
revue récente de la littérature en rapporte
18.
Le tableau clinique chez ces enfants est
très proche de celui de l’entérocolite ulcéronécrosante.
2- Invagination intestinale aiguë
secondaire à une cause organique :
* Diverticule de Meckel
:
Cela concerne habituellement l’enfant plus
grand au-delà de l’âge de 2 ans.
Le
diverticule de Meckel est responsable de
50 % des formes secondaires d’IIA.
Le
diverticule de Meckel est fortement suspecté
à l’échographie lorsqu’on retrouve une
masse centrale hyperéchogène au niveau de
la tête du boudin.
* Tumeurs
:
Elles représentent la deuxième cause d’IIA
secondaire.
Il peut s’agir de polype isolé,
juvénile ou hamartomateux, ou bien de
polypes multiples s’intégrant dans une
polypose juvénile ou un syndrome de Peutz-
Jeghers.
Des tumeurs malignes telles
que des sarcomes ou des lymphomes
peuvent être à l’origine d’une IIA.
Lorsque
le diagnostic de lymphome digestif, lors
d’une IIA, est porté avec certitude (ponction
de la masse ou cytologie du liquide d’ascite),
chez un enfant ne présentant pas de critère
clinique et radiologique de souffrance
digestive, la chimiothérapie doit être
débutée sans attendre.
Une surveillance
échographique régulière permet de
dédouaner tout signe de souffrance digestive
et de voir la réduction progressive de l’IIA.
* Duplication digestive
:
Étiologies rares, ce sont les duplications du
carrefour iléocæcal qui sont le plus
fréquemment incriminées.
Le diagnostic est
le plus souvent opératoire, même s’il peut
être fortement suspecté à l’échographie.
* Hétérotopies tissulaires
:
Il peut s’agir d’îlots pancréatiques ou
gastriques.
* Purpura
rhumatoïde :
Le diagnostic est difficile car la douleur
abdominale, les vomissements et les rectorragies font partie du tableau du
purpura qui est lié à une vascularite diffuse
responsable d’oedème et d’hémorragie de la
paroi digestive.
L’IIA est iléo-iléale dans
deux tiers des cas et donc le plus souvent
inaccessible à une réduction radiologique.
Des invaginations transitoires spontanément
résolutives sont possibles.
L’indication
opératoire est difficile à porter ; elle doit être
guidée par l’évolution radiologique et
clinique.
* Mucoviscidose
:
L’invagination est rare dans cette pathologie.
Elle ne concernerait que moins de 1 % des
cas. Elle est liée à l’impaction de mucus.
Elle survient à un âge plus avancé (entre 9
et 12 ans).
La réduction radiologique doit
faire appel à un produit hydrosoluble hyperosmolaire.
* Syndrome hémolytique et urémique
:
L’invagination est rare et aggrave la
morbidité de cette pathologie.
* Chimiothérapie
:
Le méthotrexate a été incriminé.
* Invagination primaire de l’appendice
C’est une affection peu fréquente qui
concerne des enfants plus âgés (âge moyen
16 ans).
L’enfant se présente avec un tableau
clinique d’authentique appendicite ou de
douleurs abdominales chroniques.
* IIA postopératoire
:
Comme nous l’avons précédemment dit, elle
survient dans les suites d’interventions
abdominales comprenant de grandes
mobilisations intestinales, des décollements
ou des exérèses de masses tumorales
volumineuses.
Le diagnostic est suspecté
devant la réapparition de douleurs
abdominales ou de vomissements chez un
enfant dont les suites, jusque-là, avaient été
simples ou bien devant la persistance d’un
syndrome occlusif postopératoire.
Il s’agit le
plus souvent d’une invagination iléo-iléale
ou jéjuno-jéjunale.
Le diagnostic
échographique pourra être rendu difficile
par l’interposition gazeuse.
La reprise
chirurgicale est obligatoire, la réduction est
souvent aisée.
Traitement
:
A - MÉTHODES NON CHIRURGICALES
:
Toutes les équipes sont unanimes, à l’heure
actuelle, pour préconiser de première
intention une réduction radiologique de
l'IIA en dehors de certaines
contre-indications :
– découverte d’un pneumopéritoine sur le
cliché d’abdomen sans préparation qui signe
une perforation ;
– altération importante de l’état général
avec état de choc.
À l’inverse de l’opinion de certains, la
découverte d’un épanchement intrapéritonéal
(suspecté sur l’abdomen sans
préparation ou détecté à l’échographie) n’est
pas une contre-indication à une tentative de
réduction radiologique, sauf s’il s’intègre
dans un tableau péritonéal.
De même, une
récidive de l’IIA ne contre-indique pas une
nouvelle tentative, sauf si l’on suspecte une
cause organique sous-jacente.
Les équipes de radiologie disposent de trois
techniques de désinvagination :
– le lavement à la baryte ou aux
hydrosolubles sous contrôle scopique ;
– le lavement pneumatique à l’air sous
contrôle scopique ;
– le lavement hydrostatique à l’eau sous
contrôle échographique.
1- Lavement baryté
ou aux hydrosolubles
:
Les hydrosolubles ont été proposés dans les
invaginations vues tardivement où le risque
de perforation est élevé.
Toutefois, la baryte
reste le produit le plus largement utilisé.
Même si la perforation reste rare (0,39 %),
c’est une complication grave car le sulfate
de baryum entraîne une agression
péritonéale avec ascite, adhérences et
granulomes.
Une canule en caoutchouc,
reliée à une poche de baryte, est introduite
dans le rectum de l’enfant.
Le pied de
perfusion est fixé à une hauteur de 1 m par
rapport à la table d’examen.
Certaines
images sont typiques de l’invagination :
image en « cupule » ou en « pince de
homard » (boudin vu de profil) ou
image en « cocarde » (boudin vu de face).
La progression de la colonne opaque est suivie
sous contrôle scopique.
En cas de
progression insuffisante, la hauteur de la
poche peut être portée à 1,5 m.
Plusieurs
tentatives peuvent être nécessaires.
Les
critères de désinvagination sont très précis :
– critères radiologiques : on doit obtenir une
inondation massive du grêle (il faut se
méfier d’une invagination iléo-iléale
persistante).
Il persiste souvent une lacune
cæcale, conséquence de l’oedème de la
valvule ;
– critères cliniques : une fois la désinvagination réalisée, on constate la
sédation de l’enfant.
Devant tout doute d’une réduction
incomplète, une échographie est réalisée.
2- Lavement à l’air
:
La réduction pneumatique à l’air a été mise
au point par les équipes chinoises.
Elle
semble plus rapide, plus propre et moins
irradiante que la réduction hydrostatique.
Le
risque de perforation (environ 1 %) est, en
revanche, plus élevé.
Cette technique
nécessite la mise en place d’une sonde à
ballonnet intrarectale.
L’insufflation d’air est
sous contrôle d’un manomètre permettant
de vérifier la pression d’insufflation qui doit
se situer entre 80 et 120 mmHg.
La
progression de la colonne d’air est suivie
sous scopie. Le critère de
désinvagination est l’inondation aérique du
grêle.
La distension aérique secondaire à
cette technique peut rendre plus difficile
l’usage de l’échographie en fin d’examen
pour confirmer la réduction.
Certains
auteurs, afin de diminuer la distension
secondaire à l’utilisation de l’air, ont
préconisé l’usage du gaz carbonique qui
serait plus rapidement absorbé par le tube
digestif.
3- Réduction hydrostatique
sous contrôle échographique :
Cette technique est d’utilisation plus récente.
L’avantage majeur reste bien évidemment
l’absence d’irradiation et le faible risque de
perforation.
On utilise une solution
isotonique, tiède, additionnée ou non à un
produit de contraste hydrosoluble.
La
progression de la colonne d’eau est suivie
sous échographie.
La désinvagination est
complète dès que l’eau reflue dans l’iléon.
4- Conditionnement de l’enfant
en vue d’une réduction radiologique
et intérêt de la sédation
intraveineuse :
Il est classiquement admis que la réduction
doit se dérouler en présence du chirurgien,
de l’anesthésiste et bien sûr du radiologue.
On ne doit pas perdre de vue qu’une IIA
réalise avant tout un tableau d’occlusion.
De
ce fait, il faut mettre systématiquement une
sonde gastrique en décharge et perfuser
l’enfant.
Le recours à une prémédication est
largement admis par les équipes.
Certains
auteurs préconisent la voie rectale.
Elle
nous paraît mal adaptée et peu efficace.
La
réalisation d’une sédation intraveineuse
pendant la réduction radiologique d’une IIA
est un élément important de la prise en
charge.
Cette approche est la conséquence
de la constatation de réductions spontanées
(environ 14 %) lors de laparotomies, ce
qui a fait recommander par certains une
nouvelle tentative de réduction radiologique
au bloc après l’induction anesthésique.
Néanmoins, l'anesthésie générale
n’augmenterait pas le succès de la réduction
radiologique lorsque celle-ci est effectuée au
cours d’un lavement baryté.
L’association
sédation intraveineuse et réduction à l’air
offrirait les meilleures possibilités de
succès.
Elle doit faire appel à un
protocole bien établi : tous les patients
bénéficient d’un bilan préopératoire avec
ionogramme et bilan d’hémostase, et les
parents sont prévenus de la possibilité d’une
intervention chirurgicale en cas d’échec de
la réduction.
Le monitorage est habituel : cardioscope, tension artérielle, oxymètre de
pouls.
La sédation débute par
l’administration intraveineuse de 0,2 mg.kg-1
de nalbuphine suivie de 0,05 mg.kg-1 de
midazolam toutes les 5 minutes jusqu’à un
total maximal de 0,15 mg.kg-1.
Un mélange
équimolaire d’oxygène et de protoxyde
d’azote est également administré au masque
pendant la réduction.
Cette sédation est
en général suffisante, efficace et confortable
pour l’enfant et pour l’équipe.
Elle peut être
complétée si nécessaire, en cas de difficulté
de réduction (passage de la valvule
iléocæcale), par l’injection de propofol (1 à
2 mg.kg-1).
L’intubation trachéale n’est
pas indiquée car l’enfant conserve ses
réflexes pharyngolaryngés.
Le passage en
salle de surveillance postinterventionnelle
est néanmoins recommandé.
L’injection d’un
antibiotique à large spectre (amoxicilline,
acide clavulanique) est effectuée
systématiquement pendant 48 heures pour
éviter les conséquences d’une bactériémie,
possible au cours de ce geste de
réduction.
La sédation intraveineuse
semble diminuer le nombre d’interventions
chirurgicales inutiles ; elle autorise plus
facilement les manoeuvres de réduction transabdominales qui peuvent compléter
efficacement la réduction à l’air et éviter
des pics de pression trop élevés, diminuant
ainsi le risque de rupture viscérale.
La
surveillance postréductionnelle doit
s’effectuer en milieu hospitalier.
Elle doit
comprendre la réalisation, dans les heures
qui suivent la réduction, d’un cliché
d’abdomen sans préparation s’assurant
d’une bonne aération colique et/ou de
l’évacuation de la baryte.
Il est impératif de
s’être assuré d’une reprise sans problème de
l’alimentation.
La durée de l’hospitalisation
est sujet à controverse : elle est en moyenne
de 48 à 72 heures.
Certains, dans une
logique purement économique, préconisent
une prise en charge en ambulatoire.
Toutefois, il est difficile d’appliquer un
dogme, tant la prise en charge dépend de
nombreux facteurs : difficultés lors de la
réduction, reprise du transit, bactériémie postréduction, milieu social.
Le taux de
récidive postréduction radiologique,
classiquement retrouvé dans la littérature, se
situe entre 5 et 10 % ; 30 % de ces
récidives surviennent dans les 24 premières
heures, 50 % dans la première semaine et
74 % dans les 6 premiers mois.
On
peut penser que bon nombre de récidives
précoces sont des invaginations
incomplètement réduites.
Certains
auteurs préconisent l’utilisation en
intramusculaire de dexaméthasone (0,5 mg/kg), afin de diminuer le risque de
récidive. Une récidive, précoce ou tardive,
ne contre-indique pas une nouvelle tentative
de réduction radiologique.
Et de surcroît, les
taux de réduction lors de récidives sont
superposables aux taux de réduction
initiaux.
B - MÉTHODES CHIRURGICALES
:
1- Indications
:
L’intervention chirurgicale de principe n’a
plus sa place.
L’indication chirurgicale est
formelle lorsqu’il existe des contreindications
au lavement baryté et en
situation d’échec lors d’une réduction
radiologique.
Toutefois, comme le préconise Sarnacki : « si la réduction hydrostatique
a été effectuée dans un centre peu habitué à
cette technique, il est licite, en l’absence des
contre-indications sus-citées, de tenter une
deuxième réduction hydrostatique par une
équipe spécialisée ».
D’autres indications
sont relatives : la survenue de récidives
multiples (plus de trois), l’âge de survenue
de l’invagination (inférieur à 2 mois -
supérieur à 2 ans), font suspecter une IIA
secondaire.
Une vérification chirurgicale
peut dans ces situations s’imposer pour
dédouaner une cause locale qui, tant qu’elle
n’est pas traitée, expose le nourrisson ou
l’enfant à une récidive.
Toutefois, l’imagerie
actuelle, surtout l’échographie, permet de
diagnostiquer ou de fortement suspecter les
causes organiques responsables
d’invagination.
2- Protocole opératoire
:
On privilégie l’incision iliaque droite, que
l’on peut facilement agrandir vers la ligne
médiane.
On peut être gêné par la forte
distension gazeuse lors d’échec de réduction
pneumatique à l’air.
Le protocole chirurgical
comporte classiquement quatre temps :
– réduction manuelle douce de l’invagination :
si possible, on extériorise le boudin,
on exerce une pression sur la tête sans tirer
sur l’intestin d’amont.
On constate souvent
un aspect parfois presque pseudotumoral de
la valvule de Bauhin et/ou des derniers
centimètres de grêle.
Cet épaississement
pariétal est la conséquence de l’hyperplasie
lymphoïde des plaques de Peyer ;
– bilan lésionnel : en cas de réduction
impossible ou de lésions de souffrance
ischémiques de l’intestin, on réalise une
résection en respectant autant que faire se
peut la valvule de Bauhin.
Bien évidemment,
on recherche une cause organique locale
responsable de l’invagination et l’on en
réalise le traitement ;
– appendicectomie : elle est réalisée de
principe.
On pourrait toutefois en discuter la
nécessité eu égard à la morbidité induite par
ce seul geste (syndrome du cinquième jour,
occlusion sur bride...).
Elle reste pour autant
classique, se justifiant entre autres par le
trouble et la source d’erreur qu’une telle
cicatrice pourrait induire chez un patient pour
lequel l’appendice n’aurait pas été enlevée.
On
n’insistera jamais assez sur la nécessité de
bien remplir le carnet de santé de l’enfant ;
– cæcopexie : les différents procédés de
fixation du cæcum au péritoine pariétal ou
d’adossement de la dernière anse iléale au
cæcum ne font pas l’unanimité.
Nous
avons observé, dans notre propre
expérience, des récidives d’invagination
opérées dont on avait fixé le cæcum.
3- Intérêt de la coelioscopie
:
La coelioscopie peut être une alternative à la
chirurgie conventionnelle et de nombreux
auteurs rapportent des résultats
encourageants.
Il est bon de noter que
la réduction du boudin sans tirer sur
l’intestin d’amont n’est pas toujours facile et
que dans la moitié des cas, cela se traduit
par une conversion chirurgicale.
La
laparoscopie peut permettre, lorsqu’il existe
un doute après la réduction radiologique,
de confirmer ou d’infirmer la réduction.
Dans une étude récente, les auteurs
préconisent la réalisation, lors de la
laparoscopie, d’une réduction hydrostatique
par un lavement d’une solution saline, et
rapportent 30 % de réduction.
4- Surveillance postopératoire
:
La reprise de l’alimentation est bien
évidemment conditionnée par la reprise du
transit.
Une antibioprophylaxie contre les
bacilles à Gram négatif est la règle.
Les taux
de récidive des IIA opérées se situent aux
environs de 2 à 6% et sont donc moins
élevés qu’après prise en charge radiologique.
Conclusion
:
L’IIA du nourrisson est de bon pronostic.
Même si la mortalité actuelle est proche de
0 %, certains drames, dus souvent au fait
d’errance diagnostique ou d’approximation
thérapeutique, peuvent survenir.
La réduction
radiologique, sous sédation, en dehors de
contre-indications précises, doit être le
préalable.
La prise en charge actuelle de
l’invagination doit être le fait d’équipes
pédiatriques, anesthésiques, chirurgicales et
radiologiques spécialisées.