Interruption volontaire de grossesse Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue à 53 millions le nombre
de grossesses terminées par un avortement volontaire chaque année dans le
monde, et pour un tiers d’entre elles dans des conditions désastreuses, non
médicalisées, provoquant 50 000 à 100 000 décès et un nombre encore
beaucoup plus conséquent de complications et de mutilations définitives.
Dans les années 1960, en France, une femme décédait chaque jour des
complications d’un avortement volontaire non médicalisé.
Heureusement durant les 10 dernières années du quart de siècle écoulé, depuis
le vote de la loiVeil dépénalisant et médicalisant l’avortement, c’est à près de
300 fois moins que se situe le taux de décès par avortement : un à
deux par an.
Le nombre moyen d’avortements par femme en France est
évalué, en 1992, à 0,55, ce qui signifie qu’une Française sur deux
aura recours au moins une fois dans sa vie à une interruption
volontaire de grossesse.
Tout médecin, a fortiori gynécologue, aura « affaire
» avec ces réalités-là.
Son rôle et sa mission sont essentielles afin que
chaque femme puisse accéder à ce « droit » que lui accordent la
nation et ses législateurs, dans de bonnes conditions et le respect
de sa dignité de femme et de personne.
La fréquence et la simplicité technique apparente de
cette prise en charge pourraient laisser à penser qu’il s’agit d’un
geste de seconde importance.
Il n’en est rien, car les enjeux tant de santé
publique qu’humains sont considérables, et la simplicité technique
n’est qu’apparente et trompeuse.
Législation et procédures réglementaires :
A - Obligations légales :
Les lois des 17 juillet 1975 et 31 décembre 1979 ont
légalisé la pratique de l’IVG sous certaines conditions, suspensives
de l’article 317 du Code pénal, qui reste par ailleurs toujours en
vigueur : « La femme enceinte que son état place dans une situation
de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa
grossesse. » (article L 162-1 du Code de la santé publique [CSP]).
Les conditions à respecter et la procédure sont complexes, elles ont été
enrichies par de nombreux textes réglementaires.
Principales conditions
:
L’âge de la grossesse ne doit pas dépasser 10 semaines.
L’intervention doit être pratiquée par un médecin, dans un établissement
d’hospitalisation publique ou privé agréé (article L 176 du CSP).
La femme doit être de nationalité française ou, à défaut, présenter un titre de
séjour attestant sa présence régulière en France depuis au moins 3 mois, ou
une attestation de demande du statut de réfugiée politique.
Si elle est mineure et célibataire, le consentement de l’un des parents ou du
représentant légal est requis.
Celui de l’intéressée doit être recueilli hors la
présence de ceux-ci.
La femme doit exprimer et confirmer sa demande d’IVG à un médecin lors de
deux consultations espacées par un délai minimal de 7 jours révolus, sauf au
cas où l’âge de 10 semaines de grossesse risquerait d’être dépassé lors de
l’intervention.
Un entretien social avec un professionnel agréé est obligatoire après la
première demande auprès du médecin, dans un établissement agréé (CPEF
[centre de planification et d’éducation familiale]) ou un service social qui ne
peut être localisé dans l’établissement d’hospitalisation, s’il est privé, où aura
lieu l’intervention.
B - Tarifs et remboursement par l’assurance maladie :
La loi n° 82-1172 du 31décembre 1982 [III] prescrit la couverture par
l’assurance maladie des frais de soins et d’hospitalisation afférents à l’IVG.
Le budget annuel correspondant est remboursé par l’État à l’assurance
maladie.
Le taux de remboursement est fixé à 80 %.
Les honoraires des
médecins et les tarifs forfaitaires d’hospitalisation sont déterminés par arrêté
gouvernemental.
C - Obligations du médecin
:
1- Première sollicitation :
Le médecin doit :
– établir ou confirmer le diagnostic de grossesse et son âge ;
– informer la patiente des dispositions de la loi et des « risques médicaux pour
elle-même et les maternités futures, ainsi que de la gravité biologique de
l’intervention » ;
– remettre le dossier-guide distribué par la Direction départementale des
affaires sanitaires et sociales (DDASS), comportant tous les renseignements
et adresses utiles à l’intéressée, en particulier celles des centres de
planification familiale, des services sociaux et des établissements
d’hospitalisation où sont pratiquées les IVG ;
– remettre une attestation de demande d’IVG et de respect de l’article
L 162-3 du CSP ;
– orienter la patiente vers un établissement où sont pratiquées les
interventions ;
– l’informer, le cas échéant, de son souhait de bénéficier de la clause de
conscience et l’adresser alors immédiatement à un autre médecin ou
établissement.
2- Deuxième consultation de confirmation
:
– Vérifier l’âge de la grossesse.
– Respecter le délai de 7 jours avec la première demande sauf en cas de
dépassement possible de 10 semaines de grossesse où ce délai peut être réduit
autant que nécessaire.
Généralement, cette deuxième consultation est
concomitante de la réalisation de l’IVG.
– Demander à la femme une confirmation écrite et l’attestation d’entretien
social datant d’au moins 2 jours, ainsi que le consentement de l’autorité
parentale le cas échéant.
– S’il ne pratique pas lui-même l’intervention, restituer à la femme sa
demande confirmée et un certificat attestant qu’il s’est conformé aux
dispositions des articles L 162-3 et L 162-5 du CSP.
3- Lors de la pratique de l’intervention
:
Établir la déclaration anonyme d’IVG sur le formulaire (bulletin statistique)
approprié et le remettre au directeur de l’établissement (article L 162-10 du CSP [VII]).
D - Obligations des établissements d’hospitalisation
pour la pratique de l’IVG [VII]
:
Les centres hospitaliers régionaux universitaires et les centres hospitaliers
généraux ainsi que tous les établissements d’hospitalisation publique
comprenant un service de chirurgie ou de maternité sont tenus de se doter des
moyens permettant la pratique des IVG (décret n° 82-826 du 26 septembre
1982).
Les services ou unités des établissements publics où sont pratiquées les IVG
sont tenus de demander leur agrément comme CPEF afin d’assurer
l’information et la prescription de contraceptifs (décret n° 82-826 du
26 septembre 1982).
Les établissements d’hospitalisation privés qui souhaitent pratiquer des IVG
doivent avoir l’agrément prévu par l’article L 176 du CSP et, comme les
établissements publics, être en mesure de dispenser une information complète
en matière de contraception ou, à défaut, être en liaison avec un CPEF.
Les établissements d’hospitalisation publics ou privés doivent par ailleurs :
– conserver pendant 1 an les attestations fournies par les femmes justifiant
qu’elles ont satisfait aux consultations prescrites par les articles L 162-3 à
L 162-5 du CSP, ainsi que les consentements parentaux pour les mineures
célibataires ;
– tenir à jour un registre des titres de séjour ou autres documents fournis par
les femmes étrangères ;
– adresser à la fin de chaque mois les bulletins statistiques de déclarations
anonymes d’IVG au médecin inspecteur régional de la Santé.
E -
Entretien social
:
Il ne peut avoir lieu moins de 2 jours avant la deuxième consultation de
confirmation à un médecin (article L 162-5 du CSP) et est sanctionné par la
délivrance d’une attestation d’entretien social.
Obligatoire, il a été voulu par le législateur dans un but avoué de dissuasion et
de contrôle social de l’IVG : «
Entretien particulier au cours duquel une
assistance et des conseils appropriés à la situation de l’intéressée lui seront
apportés ainsi que les moyens nécessaires pour résoudre les problèmes
sociaux posés... en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son
enfant... ».
Les praticiens sociaux (assistantes sociales, conseillères conjugales)
responsables de la conduite de cet entretien en ont élargi sensiblement la
vocation et le contenu en proposant, en plus du temps d’information et
d’orientation prévus par la loi, un colloque singulier.
Il devient ainsi un temps
essentiel de parole et d’écoute où peuvent émerger un sens et des repères,
inscrivant cet événement dans l’histoire de la patiente, du couple.
À travers le
praticien social, c’est la société qui « entend » la souffrance et la détresse
singulières de la femme et l’accompagne dans un inévitable travail de deuil.
Les enjeux et l’importance de cet entretien exigent qu’il soit confié à des
praticiens compétents et chevronnés, travaillant en équipe et en relation avec
les intervenants médicaux et paramédicaux.
Pratique de l’interruption volontaire
de grossesse :
A - Première consultation médicale :
Tout médecin peut la réaliser.
Néanmoins, s’il ne pratique pas lui-même
l’intervention, il doit en avertir la patiente, lui délivrer le certificat prévu par
la loi et lui indiquer un établissement approprié.
L’importance et la
complexité de ce premier contact médical justifient qu’il soit
préférentiellement géré par le médecin ou l’équipe médicale qui pratiquera
l’intervention, permettant l’utilisation du délai de 7 jours pour compléter et
programmer les gestes préalables sans allonger inutilement l’attente de la
femme.
Examen :
Il est conduit dans un climat bienveillant et attentif ; il permettra une
évaluation de l’équilibre psychologique, de l’environnement social de la
patiente et l’instauration d’une relation confiante, essentielle pour la qualité
de la prise en charge et le conseil contraceptif ultérieurs.
* Interrogatoire :
Il permettra de noter les antécédents personnels et familiaux :
– allergies, asthme, troubles métaboliques, cardiovasculaires, de
l’hémostase ;
– tolérance aux anesthésies locales et générales antérieures ;
– tabagisme, traitements médicamenteux en cours ;
– historique gynécologique, obstétricale ;
– infections pelviennes ;
– dépistages réalisés ou à prévoir.
Il permettra de préciser les caractères des dernières menstruations et les
événements éventuellement anormaux survenus depuis : douleurs,
métrorragies.
Enfin, il sera l’occasion d’analyser les mécanismes éventuels de l’échec de la
démarche contraceptive et de poser les repères de la prescription
contraceptive ultérieure.
* Examen physique général :
Il s’attachera surtout au dépistages des affections cardiovasculaires et
respiratoires.
* Examen gynécologique
:
Il sera orienté vers le dépistage des facteurs de risque : cervicite, dysplasies
cervicales, et des anomalies utérines ou annexielles (malformations,
infections, diéthylstilboestrol [DES]-syndrome).
Il permettra de vérifier la concordance du volume utérin et de l’aménorrhée.
Des prélèvements pour examens cytologiques et bactériologiques seront
pratiqués au moindre doute, ainsi que les dépistages sérologiques utiles ou
souhaités par la patiente (virus de l’immunodéficience humaine [VIH]).
Il faudra, au cours de cet examen :
– confirmer la réalité de la grossesse par l’interrogatoire et la recherche
éventuelle d’un taux seuil (diagnostic) de bêta-hCG (bêta-human chorionic
gonadotrophin) plasmatiques ;
– déterminer avec précision l’âge gestationnel et la localisation intra-utérine
de l’oeuf.
Si l’évaluation clinique du volume utérin, confrontée à
l’aménorrhée, peut, pour un praticien expérimenté, apporter une sécurité
suffisante, la diffusion de l’échographie doit inciter à sa pratique
systématique, permettant de lever toute ambiguïté ;
– organiser la prévention de l’allo-immunisation
Rhésus : groupe phénotypé
et recherche éventuelle d’agglutinines irrégulières ;
– prévenir les complications infectieuses par la prescription d’une antibioprophylaxie ou d’un traitement adapté à une pathologie en cours ou
antérieure ;
– choisir avec la patiente la technique instrumentale ou médicamenteuse
ainsi que le mode d’anesthésie ;
– programmer les examens complémentaires et les prémédications qui y sont
liées en coordination avec le médecin-anesthésiste ;
– donner toutes les explications à la patiente sur la suite de la prise en charge :
l’intervention, ses suites, la surveillance postopératoire et les orientations
contraceptives.
* Cas particuliers :
– La grossesse interrompue spontanément est suspectée par l’existence de
métrorragies ; elle est confirmée par un aspect échographique d’oeuf clair
intra-utérin, sans écho embryonnaire, ou sans signe d’activité cardiaque après
5 semaines d’aménorrhée (SA).
Elle pourra être affirmée par la stagnation ou
la décroissance des taux plasmatiques de bêta-hCG.
– Lagrossesse ectopique est dix fois moins fréquente dans cette situation que
lors d’une grossesse désirée : 1,35/1 000 ou 1/1 485, contre 1/100.
Elle
sera suspectée devant l’absence d’image, en échographie vaginale, d’un sac
gestationnel intra-utérin contenant vésicule vitelline et embryon
(normalement repérable à partir de 6 SA), surtout si le dosage des bêta-hCG
plasmatiques est supérieur à 1 000 UI/L.
Elle peut aussi être repérée d’emblée
par la visualisation d’une grossesse tubaire ou d’un hémopéritoine, associés
ou non à la symptomatologie clinique habituelle : métrorragies, douleurs,
lipothymies, douleur du cul-de-sac de Douglas ou annexielle.
– Si le dosage des bêta-hCG est inférieur à 1 000 UI, la vérification du
doublement à 48 heures permettra d’éliminer une grossesse non évolutive ou
pathologique, et en cas de stagnation ou de baisse des taux, la répétition des
examens cliniques et échographiques permettra le diagnostic de grossesse
extra-utérine (GEU) ou d’avortement spontané.
Au moindre doute, la femme
sera confiée en urgence à une équipe gynécologique spécialisée.
– Lagrossesse môlaire est exceptionnelle avec son image échographique
en « flocons de neige » confirmée par un taux plasmatique anormalement
élevé de bêta-hCG (supérieur à 500 000 UI/L en général).
– Lagrossesse cervicale rarissime mais au potentiel évolutif redoutable, est
repérable échographiquement.
– La myomatose utérine est banale et rarement problématique pour l’IVG,
mais trompeuse pour l’évaluation clinique de l’âge de la grossesse.
– Les malformations utérines ou vaginales pouvant induire des difficultés
d’accès à la cavité gravide lors de l’aspiration.
– L’utérus cicatriciel et un antécédent de césarienne n’entraînent pas de
risque spécifique, pourvu que le geste soit prudent.
B - Seconde consultation médicale :
Elle n’a de justification essentielle que légale, permettant au médecin de
recueillir la confirmation de la demande d’IVG.
Elle peut être réalisée le jour
même de l’intervention.
Elle est quelquefois programmée plus tôt, avant
l’IVG, afin de compléter le bilan initial ou de préciser des données encore
insuffisantes ou partielles du premier examen (répétition de l’examen
échographique ou du dosage des bêta-hCG.
C - Interruption volontaire de grossesse
par aspiration instrumentale
:
1- Anesthésie. Analgésie :
* Anesthésie locale :
Si l’IVG par aspiration endo-utérine a pu être pratiquée sans anesthésie, en
particulier dans le cadre des aspirations précoces avant 6 ou 7 SA, l’utilisation
d’une anesthésie locale est maintenant reconnue comme efficace et utilisée
systématiquement par la quasi-totalité des praticiens de l’IVG.
Son
efficacité propre reste cependant discutée par certains auteurs.
Elle a pour avantages :
– la simplicité de sa réalisation par le praticien lui-même, qui permet un geste
rapide et parfaitement ambulatoire, autorisant la reprise précoce des activités
professionnelles ou familiales ;
– une diminution sensible de la morbidité et de la mortalité comparativement
à l’anesthésie générale : quatre fois moins de décès (0,15/100 000),
moins d’hémorragies et de perforations.
Elle nécessite en revanche une plus grande disponibilité du praticien, des
gestes doux et attentifs et l’aide d’une assistante entraînée et motivée.
La prise
en charge relationnelle est capitale afin de permettre à la patiente la gestion de
l’angoisse et des affects.
Elle ne permet pas pour autant une analgésie parfaite et constante.
En effet,
son action se limite au col et à l’isthme, effaçant au mieux les sensations liées
à la dilatation cervicale, mais souvent sans effet sur les sensations
douloureuses, rarement intenses et toujours brèves (quelques minutes), liées
à la rétraction utérine qui suit l’évacuation.
+ Rappel anatomique :
La sensibilité douloureuse de l’isthme et du col utérins est transmise par les
fibres sensitives nociceptives des rameaux cervico-isthmiques.
Ceux-ci sont
issus des nerfs utérins qui cheminent derrière les artères utérines.
Ils
dépendent du plexus utérovaginal qui naît de la partie supérieure du plexus
hypogastrique inférieur, situé dans la partie externe des ligaments utérosacrés.
Les rameaux cervico-isthmiques pénètrent l’isthme utérin au niveau de sa
face postérieure, près des bords latéraux dans une région très vascularisée.
La technique vise à bloquer les fibres sensitives au niveau de ces rameaux,
soit au niveau de leur pénétration paracervicale bilatérale (bloc paracervical),
soit dans leur diffusion intracervicale (infiltration intracervicale).
Les neurofibres parasympathiques cervicales proviennent du noyau central du
vague, ce qui pourrait expliquer la survenue de réactions vagales et digestives
quelquefois intenses lors de la stimulation de la région isthmique.
L’inflammation locale tissulaire est susceptible de majorer considérablement
l’activation des neurones nociceptifs, et donc les phénomènes douloureux.
+ Produits et doses
:
La lidocaïne (Xylocaïnet) appartient au groupe des anesthésiques locaux à
liaison amide.
Parmi ceux-ci, elle présente les caractéristiques les plus
appropriées : action rapide, faible toxicité cardiovasculaire, réactions
anaphylactiques exceptionnelles, ratio élevé entre la concentration
plasmatique entraînant les premiers signes sensoriels et neurologiques de
surdosage et celle correspondant à l’apparition des signes d’intoxication,
présentations nombreuses.
Elle est utilisée par la totalité des praticiens français et anglo-saxons dans cette
indication.
La dose maximale est de 3 mg/kg, soit environ 150 à 200 mg pour une femme
de 50 à 70 kg.
Au-delà peuvent apparaître des signes de surdosage.
Elle est utilisée concentrée à 1 %, présentée en flacon de 20 mL, pure ou en
association avec de l’adrénaline (épinéphrine) diluée au 1/100 000 qui a
l’inconvénient d’être conservée par du métabisulfite potentiellement
allergisant.
Le mélange à parts égales de la solution pure à 1 % avec la
solution adrénalinée permet d’obtenir une solution à 1 % de lidocaïne
adrénalinée au 1/200 000 qui convient mieux dans cette indication.
La concentration à 2 % s’est montrée moins active paradoxalement, sans
doute par la diffusion moins étendue du produit dans un plus faible volume
tissulaire.
+ Réglementation :
La pratique de l’anesthésie locale exige des locaux pourvus d’une source et
du nécessaire d’oxygénothérapie, d’un matériel de perfusion avec des solutés
de remplissage et une réserve de pharmacie.
Un matériel de réanimation doit
être accessible et un anesthésiste-réanimateur joignable.
+ Prémédication
:
Elle n’est nullement obligatoire.
Certains administrent 0,5 ou 0,75 mg de
sulfate d’atropine par voie intramusculaire 20 minutes avant l’intervention (la
voie sublinguale est utilisée par d’autres), en prévention des manifestations
vagales, bien que l’utilité de cette précaution n’ait pas été évaluée
rigoureusement.
En cas d’anxiété forte, il est possible d’administrer une benzodiazépine
d’action rapide et brève.
Le midazolam (Hypnovelt) peut être utilisé à la dose
de 0,05 à 0,12 mg/kg par voie intrtamusculaire 30 à 60 minutes avant
l’intervention.
Une dose de 0,25 mg d’alprazolam (Xanaxt) par voie
sublinguale est préconisée par certains praticiens 30 minutes avant le geste.
Il faudra avertir la patiente de la nécessité d’être accompagnée et
d’éviter la conduite automobile pendant les 12 heures suivantes.
La qualité de l’aide apportée par l’assistante, son écoute chaleureuse et
l’utilisation de techniques simples de relaxation sont susceptibles de
remplacer avantageusement ces médications dont les effets indésirables ne
sont pas toujours prévisibles et contrôlables.
+
Matériels
:
Le produit est injecté à l’aide d’une seringue à usage unique de 20 mL sur
laquelle sera montée une aiguille « à boule » (dispositif pour bloc paracervical, laboratoires Plastimed réf 8752-10) équipée d’un mandrin et
d’une cale permettant le positionnement précis et l’injection à une profondeur
calibrée à 0,5 cm.
Le dispositif spécifique « à boule » peut être remplacé par
une aiguille à ponction lombaire fine et longue dont la pénétration sera limitée
par la pose d’une pince longuette à 0,5 cm de son extrémité ou une aiguille à
intramusculaire longue et fine pour l’injection intracervicale.
+ Technique d’injection :
La pose d’une pince à col précédée d’une légère anesthésie superficielle
cervicale permettra, par une traction sur le col, de dégager parfaitement la vue
des sites d’injection ; l’aiguille « à boule » peut se positionner préalablement
à la pose de la pince sans contrôle visuel direct.
Dans tous les cas, l’injection devra être précédée par une aspiration énergique
afin de vérifier l’absence d’issue de sang.
Il est conseillé d’attendre 3 à 5 minutes avant de commencer le
cathétérisme du col, bien que certains remettent en cause l’utilité de ce temps
d’attente.
Le bloc paracervical est le plus utilisé.
L’injection est réalisée à une
profondeur de 0,5 cm, à 0,5 cm de la jonction du col et du vagin, sur le versant
vaginal.
Une résistance importante à l’injection traduit un positionnement
inadéquat et nécessite le retrait et un repositionnement plus superficiel.
L’injection doit être facile, à résistance faible, lente.
L’aiguille est placée à
4 et 8 heures, ou 3 et 9 heures pour certains.
La lidocaïne n’est jamais
adrénalinée dans cette technique. Une dose de 15 mL répartie à parts égales
entre les deux côtés suffit en général. La dose de 20 mL ne sera jamais
dépassée.
L’anesthésie intracervicale utilise la solution adrénalinée à 1/200 000
préparée extemporanément.
Quinze à 20 mL sont répartis en deux ou quatre
sites : 0, 3, 6 et 9 h, ou 3 et 9 h.
L’aiguille est enfoncée dans le col selon une
direction parallèle à son axe, assez profondément (3,5 à 4 cm).
L’injection
n’est commencée qu’à partir de la profondeur après vérification par aspiration
de l’absence de sang.
La dose est injectée en retirant progressivement mais
assez rapidement l’aiguille (injection traçante).
L’injection intracervicale se
traduit presque toujours par une sensation angoissante et passagère de
palpitations avec tachycardie ressentie par la patiente qui traduit un passage
intravasculaire souvent minime, mais quasi inévitable dans cette région très
vascularisée.
Il n’existe pas de preuve d’une meilleure efficacité d’une
technique comparativement à l’autre.
La moins bonne tolérance de l’injection intracervicale incite la majorité des opérateurs à privilégier le bloc
paracervical.
Certains opérateurs associent les deux techniques : 10 mL en paracervical et
10 mL répartis en quatre ou six points intracervicaux.
+ Contre-indications à l’anesthésie locale
:
Elles sont très rares :
– la lidocaïne est contre-indiquée en cas :
– d’allergie au groupe des anesthésiques locaux amidés (interrogatoire) ou
au parahydroxybenzoate de méthyle (excipient) ;
– de bloc auriculoventriculaire de haut degré non appareillé ;
– de traitement anticoagulant par les antivitamines K ;
– de porphyrie ;
– d’épilepsie avec traitement non contrôlé ;
– d’antécédent d’hyperthermie maligne ;
– la lidocaïne adrénalinée est de plus contre-indiquée en cas :
– d’allergie aux sulfites (excipient) ;
– de traitement par inhibiteur de la monoamine-oxydase (IMAO) ou
antidépresseurs tricycliques ;
– d’hyperthyroïdie ;
– des interactions médicamenteuses sont connues avec les bêtabloqueurs
(dépression ventriculaire), les digitaliques (bradycardie, troubles de
conduction+++), la cimétidine ;
– l’inflammation locale (cervicite) diminue l’efficacité de l’anesthésie locale
et doit être traitée préalablement ;
– la cocaïnomanie justifie le recours à d’autres modes d’analgésie.
+ Incidents
:
Un malaise vagal est assez fréquent : bradycardie, sueurs, nausées,
vomissements.
Il est le plus souvent passager, sinon une injection
intramusculaire ou intraveineuse de 0,75 à 1 mg de sulfate d’atropine en vient
rapidement à bout.
Son intensité peut aller jusqu’à la pause cardiaque avec
perte de connaissance.
Une tachycardie, des tremblements, voire une poussée hypertensive, des
extrasystoles sont possibles et traduisent un effet fugace de l’adrénaline, leur
persistance peut nécessiter très rarement un traitement par bêtabloquants
intramusculaire (esmolol 0,5 mg/kg).
Les manifestations neurosensorielles du surdosage de lidocaïne doivent être
recherchées systématiquement : goût métallique, hypoesthésie faciale,
acouphènes, vertiges, céphalées, difficultés d’élocution. Elles doivent faire
interrompre immédiatement l’injection.
+ Complications
:
Elles sont exceptionnelles si les règles d’utilisation sont respectées.
Les convulsions représentent la complication neurologique majeure et
justifient un traitement par le diazépam ou le clonazépam par voie
intraveineuse lente.
Le choc anaphylactique (rarissime) nécessite l’injection immédiate
d’adrénaline par voie intraveineuse directe de 1mg dilué dans 10 mL d’eau
distillée par bolus de 0,1 mg, répétée, sous oxygénothérapie, accompagnée
de la pose d’une voie veineuse avec apport de solutés de remplissage en
attendant la prise en charge par un réanimateur.
Le décès lié à l’anesthésie locale paracervicale est rarissime et lié, le plus
souvent, à un surdosage avec injection intravasculaire massive.
Quels que soient les mérites de l’anesthésie locale qui en font le mode
anesthésique de référence, il est des situations où elle est insuffisante ou
impraticable : patientes angoissées de manière incontrôlable, inexaminables
cliniquement (vaginisme), ayant subi des violences sexuelles, aux
antécédents d’IVG très pénibles sous anesthésie locale.
Il faudra alors
envisager une anesthésie générale.
Le choix devrait être laissé aux femmes après un entretien où seront exposées
les procédures, leurs avantages et inconvénients. La relation de confiance
instaurée à cette occasion permettra en général de faire accepter l’anesthésie
locale.
La pathologie psychiatrique en cours n’est pas nécessairement une
indication d’anesthésie générale.
*
Anesthésie générale :
Elle peut être pratiquée en hospitalisation de jour dans le cadre d’une
anesthésie générale ambulatoire, chez des femmes jeunes, en bonne santé,
concernées par une intervention brève, programmée, à risques faibles et aux
suites simples (classées ASA I ou ASA II).
La durée d’hospitalisation sera
toujours inférieure à 8 heures, la sortie étant autorisée à partir de la cinquième
heure et après le contrôle par l’anesthésiste et l’opérateur.
L’activité sera
reprise dès le lendemain.
Elle devra néanmoins répondre aux exigences réglementaires de la sécurité
[VIII] : consultation préanesthésique à distance, recommandations
préanesthésiques, prévoyant les modalités de sortie avec accompagnant
obligatoire, bloc équipé selon les règles de sécurité légales, salle de réveil,
possibilité de prolonger l’hospitalisation en cas de difficultés.
Les produits administrés doivent être d’action rapide et courte, d’élimination
rapide et entraînant peu d’effets secondaires.
+ Prémédication :
On fait appel soit à l’hydroxyzine (Ataraxt, 100 mg de solution dans 30 mL
d’eau per os 2 heures avant), soit au midazolam (Hypnovelt 5 mg
intramusculaire, 1 heure avant l’intervention) qui semble altérer la vigilance
plus longtemps.
+ Produits
:
L’association de l’alfentanil (Rapifent), morphinique le mieux adapté
(rapidité, brièveté d’action et dépression respiratoire courte), et d’un
hypnotique dont le propofol (Diprivant) s’avère pour la majorité des auteurs
la plus maniable dans ce type d’indication, la plus utilisée, permettant
un réveil rapide, de qualité et sûr.
L’étomidate (Hypnomidatet), la kétamine
(Kétalart) sont peu utilisés.
Le thiopenthal (Nesdonalt) et les halogénés ne
garantissent pas un réveil d’aussi bonne qualité.
Le méthohexital (Briétalt)
peut entraîner des effets hémodynamiques indésirables.
Les dérivés fluorés
ont été accusés de contrarier la rétraction du myomètre.
+ Diazanalgésie :
Elle associe benzodiazépines et morphiniques et ne présente pas un avantage
notable, exigeant les mêmes contraintes de surveillance et de sécurité.
+ Contre-indications :
Elles sont rares : pathologie aiguë ou chronique exigeant une surveillance
particulière et prolongée ou isolement social ou géographique.
+ Complications
:
Ce sont celles de toute anesthésie générale et, si la mortalité reste très faible
pour l’IVG, elle reste plus élevée que lors de la pratique sous anesthésie
locale, ainsi que la morbidité.
* Antalgiques
:
+ Analgésie complémentaire médicamenteuse
:
Peu d’études ont évalué les différents antalgiques utilisables dans le cadre
particulier des IVG.
L’objectif est surtout de calmer les sensations douloureuses liées au spasme myométrial, qu’elles soient per- ou postopératoires.
Les produits doivent
donc avoir une action rapide et courte.
Parmi les antalgiques périphériques purs, seul le paracétamol est utilisable,
l’acide acétylsalicylique étant connu pour ses propriétés antiagrégantes
plaquettaires.
Le pic plasmatique est obtenu plus rapidement par voie orale
(30 minutes) que par voie rectale (2 heures).
Une dose de 1 g est utilisable en
prémédication tardive ou en traitement de la douleur installée.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont doués de propriétés
antalgiques particulièrement adaptées à ce type de douleur
(antiprostaglandines) comme dans les algoménorrhées.
Parmi les nombreuses
molécules disponibles, le diclofénac a l’avantage d’une absorption et d’une
action rapides par voie rectale : pic plasmatique à 30 minutes.
Il peut être
utilisé en suppositoires dosés à 100 mg (Voltarènet, Voldalt, Xenidt).
Les
contre-indications spécifiques à cette famille devront bien sûr être
scrupuleusement respectées, les effets indésirables pouvant survenir dès la
première prise !
Le naproxène a été évalué contre placebo ainsi que l’ibuprofène
(600 mg) en prise unique per os 30 minutes avant la procédure d’aspiration
et ont démontré leur efficacité. Le second a l’avantage du faible coût et d’une
bonne tolérance.
L’administration d’unAINS ne semble pas modifier l’action
du misoprostol par voie vaginale.
Le dextropropoxyphène peut être utilisé pour des douleurs plus intenses et
durables en association avec le paracétamol (Di-Antalvict) dosé à 400 mg de
paracétamol et 30 mg de dextropropoxyphène : deux gélules en une prise
renouvelée une à deux fois par 24 heures.
2- Matériels et instruments :
* Locaux :
Que la pratique des IVG soit intégrée dans l’activité normale d’un service de gynécologie-obstétrique ou de chirurgie, ou qu’elle soit localisée dans une
unité dédiée, elle doit bénéficier d’une section d’accueil et d’hospitalisation
permettant le séjour et le repos en chambre individuelle, respectant l’intimité
de la femme ou du couple, permettant le colloque singulier avec le personnel
soignant ou d’accompagnement.
Idéalement, cette section est différenciée et
permet d’éviter la promiscuité toujours pénible pour les patientes avec des
parturientes ou des accouchées.
* Salle d’intervention :
Elle doit, si elle n’est pas intégrée à un bloc chirurgical polyvalent, satisfaire
les mêmes exigences réglementaires d’équipement et de sécurité que toute
salle d’intervention de chirurgie ambulatoire : oxygène, matériels de
réanimation, produits d’urgence, solutés, accès rapide au service de
réanimation.
La présence en salle d’un appareil d’échographie n’est pas
impérative mais sa disponibilité et sa proximité doivent permettre sa
mobilisation immédiate.
L’éclairage doit être mobile et focalisable.
* Instruments
:
Disposés sur une table mobile et vaste, ils comporteront au minimum : une
pince à col de type Pozzi ou de préférence de type Museux à petits mors
multiples moins agressive pour le col (nullipares), des spéculums à valve, de
calibre et de largeur divers, un jeu de dilatateurs souples gradués, de diamètre
croissant de 0,5 en 0,5 mm, allant de 6 à 10 mm, une pince porte-tampon et
une petite pince à faux germe pouvant être facilement introduite dans
l’endocol.
* Champs opératoires :
Ils sont utilisés systématiquement par certains ainsi qu’une tenue stérile, mais
la technique non touch permet à des opérateurs entraînés de s’en dispenser.
Le port de gants latex stériles, d’un masque et de lunettes de protection est
conseillé pour les opérateurs et les aides.
* Source de vide :
Ce peut être une seringue à butée pour les grossesses d’âge inférieur à
8 SA, mais le confort apporté par les unités d’aspiration électriques modernes,
robustes et fiables, est maintenant incomparable.
Elles permettent un contrôle
précis de la dépression à tout moment, réglable entre 600 et 800 millibars, une
interruption à la pédale, avec repressurisation immédiate à la demande.
Ainsi
les risques de lésions de l’endocol lors du retrait de la sonde sont réduits.
Elles
doivent comporter un jeu de deux bocaux, raccordés en série, transparents,
permettant la visualisation et la mesure du volume d’aspiration, le recueil des
produits et la protection du moteur.
Les modèles les plus récents améliorent le
confort des femmes par leur silence de fonctionnement.
L’aspirateur est relié à la canule par un tuyau souple, long, suffisamment
rigide pour ne pas se collaber, stérilisable et présenté stérilement avec les
instruments.
Si l’aspirateur n’est pas équipé du dispositif de repressurisation instantanée,
un manchon métallique doté d’un orifice d’ouverture masqué par une bague
cylindrique mobile doit être interposé entre la sonde et la tubulure de
raccordement à l’aspirateur.
* Canules
:
Elles sont maintenant exclusivement à usage unique, stériles, en polyéthylène
et de deux types :
– souples, droites, opaques et longues de 20 cm, présentant deux ouvertures
latérales opposées et biseautées près de l’extrémité fermée et arrondie
(canules de Karmann).
Elles sont calibrées de 4 à 8mm de diamètre ; le
fenêtrage provoque la pliure lors du contact avec la paroi utérine, protégeant
d’une perforation, mais lors du retrait, les biseaux peuvent agresser l’endocol.
Elles portent une marque déterminant l’hystérométrie théorique pour l’âge de
la grossesse correspondant au calibre utilisé ;
– rigides, transparentes, droites ou courbées au tiers de la longueur près de
l’extrémité.
Elles présentent un seul orifice latéral près de leur extrémité
arrondie qu’il entaille légèrement en biais, prenant une forme elliptique
(canules de Berkeley).
Leur calibre va de 8 à 12mm.
Elles présentent une
marque annulaire dépolie permettant de repérer la profondeur de pénétration
par rapport à l’orifice externe du col.
Elles s’adaptent directement sur la tubulure ou le manchon métallique
intermédiaire.
3- Accompagnement :
L’accompagnement de la femme par l’aide-soignante ou l’infirmièreassistante
du médecin en salle d’intervention est essentiel, surtout lors de
l’intervention sous anesthésie locale ou lors de l’IVG médicamenteuse.
Il
permet une prise en charge relationnelle (utilisant en particulier les techniques
élémentaires de relaxation) et verbale, rassurante.
Les explications fournies,
les commentaires concernant les sensations ressenties, la possibilité de parler
avec une interlocutrice bienveillante et d’exprimer ses affects soulagent la
patiente et permettent au médecin de se consacrer à son travail technique.
Ceci
ne doit pas pour autant exclure la nécessité d’une écoute et d’une relation
attentive et privilégiée par le praticien.
La présence du conjoint ou d’une amie
ou d’un membre de la famille sera mieux gérée et permise par cette assistance.
Ce travail coopératif sera favorisé par l’utilisation d’un dossier regroupant les
notes des différents intervenants, consultable en salle, et la réunion régulière
d’un groupe permanent d’échanges entre les membres de l’équipe médicale,
sociale et administrative participant à la prise en charge des patientes.
4- Installation et préparation :
La patiente est installée, vessie vide, sur une table d’intervention
gynécologique confortable.
Une application externe d’antiseptique aura pu
être préalablement réalisée par l’aide-soignante.
La prémédication éventuelle
aura été administrée.
5- Bilan et examen clinique
:
Quelles que soient les qualités des examens médicaux et paracliniques
préalables, dont les résultats reportés sur le dossier sont relus en salle, un
dernier examen s’impose avant tout geste :
– vérification du groupe sanguin phénotypé et de la recherche d’agglutinines
irrégulières, de la disponibilité des globulines anti-D, des résultats des
éventuels examens bactériologiques ou sérologiques, des examens
échographiques préalables ;
– interrogatoire à la recherche d’événements intercurrents depuis la
précédente consultation, d’antécédents d’allergie aux produits à utiliser.
Inventaire des traitements en cours.
Reprise des historiques gynécologiques
et obstétricales ;
– enfin examen clinique attentif vérifiant volume, position, flexion,
sensibilité, consistance et mobilité de l’utérus et des annexes.
L’aspect du col
est revu ainsi que son orientation.
Toute anomalie imprévue doit faire réévaluer la praticabilité immédiate de
l’intervention et la repousser à une date ultérieure si nécessaire.
Il en est de
même en cas d’agitation incontrôlable de la patiente remettant en cause une
prise en charge légère sous anesthésie locale.
6-
Dilatation cervicale
:
Le col utérin est un manchon de tissu conjonctif tonique et peu extensible.
Le
diamètre de l’orifice interne, à moins de 12 SA, atteint au mieux 3 à 4mm
chez la nullipare, un peu plus chez la multipare.
Il se laisse mieux dilater en se
ramollissant avec la progression en âge de la grossesse, surtout après 9 SA.
Il
est parfois préférable de retarder la date de l’intervention chez les patientes
susceptibles de l’accepter, lors des demandes trop précoces qui ont opté pour
la méthode instrumentale ; 7, 8 et 9 SA sont les âges présentant le meilleur
compromis entre la facilité de la dilatation, et la simplicité et la rapidité de
l’aspiration.
La dilatation de la filière cervicale nécessitée par l’aspiration est modérée, par
opposition au curetage, n’exigeant pas plus, classiquement, en millimètres au
niveau de l’orifice interne, que l’aménorrhée comptée en semaines (en fait,
un niveau de 1 à 2mmen moins est souvent suffisant).
Cette étape de l’IVG
n’en reste pas moins un temps délicat, nécessitant prudence et douceur.
C’est
lors de sa réalisation que se produisent la majorité des perforations utérines et
des déchirures cervicales et que se déclenchent les réactions vagotoniques les
plus intenses.
Plusieurs procédés sont utilisables : mécaniques (dilatateurs, laminaires),
pharmacologiques (prostaglandines synthétiques, mifépristone).
* Mécanique :
+ Dilatation instrumentale
:
Elle utilise des dilatateurs semi-rigides ou rigides de calibres croissants
introduits et remplacés successivement dans la filière cervicale.
Les bougies de Hegar, métalliques, sont de moins en moins utilisées car leur
extrémité arrondie, de diamètre peu progressif, et leur rigidité les rendent
dangereuses et peu maniables même dans leur variété en gomme rigide.
Les
dilatateurs de Pratt ou de Deniston sont peu répandus en France.
Les bougies
ou hystéromètres de Dalsace sont les plus utilisés car ils présentent une
extrémité conique et effilée très progressive terminée par un renflement qui,
associée à leur souplesse et une gradation de 0,5 en 0,5 mm, permet une
dilatation très progressive, douce, et garantit une grande sécurité.
Technique :
L’antisepsie cervicale est complétée après nettoyage des sécrétions cervicovaginales.
Une pince à col est mise en place en position radiaire ou transversale,
permettant une prise efficace minimisant les risques de déchirure, en veillant
à ne pas brider ou encombrer l’orifice externe.
Une traction permanente et
contrôlée maintient l’utérus et sa filière dans l’axe du vagin et expose
parfaitement l’orifice externe du col.
Les hystéromètres de Dalsace sont introduits et poussés très progressivement,
tenus entre pouce, index et majeur comme un crayon, par leur extrémité
postérieure.
Généralement le franchissement de l’isthme à 3 ou 4 cm de
l’orifice externe est perçu comme une résistance souple dès l’hystéromètre
n° 18 (6,5 mm) ou n° 16 (6 mm) chez la nullipare.
Cette résistance doit être
vaincue progressivement, à pression constante et légère.
Il est inutile de
rechercher le contact appuyé avec le fond utérin, la valeur notée sur les
graduations de l’hystéromètre étant souvent erronée du fait de la butée sur les
structures ovulaires ou par enroulement de la sonde et les risques de
perforation majorés.
La progression se fera régulièrement de gradation en gradation, en attendant
que l’isthme se relâche après quelques dizaines de secondes entre chaque
changement de calibre.
La dilatation ne doit jamais être poussée au-delà de
9 mm pour la nullipare et 10 mm pour la multipare, elle nécessiterait
alors un véritable forçage de l’orifice interne susceptible de produire des
lésions irréversibles.
En fait une dilatation de 8 mm, voire 9 mm pour les
aménorrhées de 11 ou 12 semaines, est généralement très suffisante.
Il est nécessaire de ne pas insister si une résistance anormale se manifeste et
analyser les causes possibles de cette situation.
Difficultés :
Une des plus fréquentes est une fausse route dans le canal cervical,
l’hystéromètre s’égare dans une crypte endocervicale, butant
irrémédiablement à une faible profondeur (moins de 5 cm).
Ceci se produit
surtout en début de dilatation avec une sonde de faible calibre de type
hystéromètre de Dalsace.
Il est alors préférable de reprendre la dilatation avec
une sonde plus grosse dont l’extrémité plus volumineuse et la rigidité plus
importante éviteront la reprise du trajet erroné.
Il faudra aussi veiller dans ce
cas à bien maintenir le col en traction et guider la sonde dans l’axe du col.
Il
est exceptionnel qu’avec un peu de patience cette difficulté ne soit pas
vaincue.
Les sténoses cicatricielles de l’orifice cervical après électrocoagulation
deviennent heureusement exceptionnelles et sont repérables lors de l’examen
préalable.
Rarement un spasme de l’isthme peut poser problème, il cède avec un peu de
patience en cessant temporairement la stimulation de l’endocol.
Certains
utilisent dans ce cas la prise d’une dragée de trinitrine sublinguale.
Le très jeune âge de la grossesse (inférieur à 6 semaines) peut aussi poser
problème et justifier le report à 1 ou 2 semaines de la réalisation de
l’intervention.
Enfin, rarement, ce sera une malformation cervico-utérine méconnue ou
simplement une conformation inhabituelle (filière cervicale en « baïonnette »
ou en « spirale »).
Dans tous ces cas, il ne doit jamais être tenté de passage en force.
Le guidage
sous échographie permettra de mieux suivre et contrôler le trajet du dilatateur
et d’éviter une perforation utérine dont 20 % surviennent à ce stade.
Échecs
:
Il paraît difficile d’insister au-delà de 1 à 2 minutes de tentative prudente, et il
vaudra mieux abandonner provisoirement et se tourner vers une autre
solution : reprise ultérieure sous anesthésie générale ou après usage préalable
d’un autre procédé de dilatation.
+
Laminaires :
Ce sont des tiges d’algues séchées et compressées.
Dans l’eau, elles se dilatent
en multipliant leur diamètre par trois ou quatre en quelques heures.
Elles sont
commercialisées en présentation à usage unique stérilisées, de diamètre
variable et calibré, et munies d’un fil repère sur l’extrémité vaginale.
Elles
présentent beaucoup d’avantages quant à l’efficacité et la tolérance, mais ont
comme inconvénient le délai nécessaire à leur action (6 à 12 heures) et
l’insertion par un médecin expérimenté.
Aussi sont-elles quelque peu
délaissées au profit de dilatateurs hydrophiles synthétiques et surtout
médicamenteux.
+ Dilatateurs hydrophiles synthétiques :
Ils ont les avantages des laminaires mais agissent plus rapidement quoique
moins intensément. Ils restent d’usage encore marginal, nécessitant aussi
un geste médical préalable supplémentaire.
Le plus utilisé est le Dilapant.
* Médicaments :
+ Prostaglandines et analogues
:
In vitro, les prostaglandines augmentent l’extensibilité du tissu cervical.
Au cours du premier trimestre, les prostaglandines naturelles (PGF2alpha et
PGE2) entraînent ramollissement et ouverture du col mais les effets
secondaires sont importants : contractions et troubles gastro-intestinaux,
même par la voie intracervicale qui, de plus, nécessite pour la pose du gel un
geste gynécologique.
Les analogues synthétiques des prostaglandines ont moins d’effets
secondaires (digestifs en particulier), une durée d’action plus longue et sont
plus maniables.
Les premières molécules utilisées ont été :
– le méténéprost par voie vaginale, non commercialisé en France ;
– le sulprostone (Naladort) administrable par voie parentérale intraveineuse
en perfusion ou intramusculaire, mais avec des risques cardiovasculaires
inacceptables par la voie intramusculaire qui l’ont fait abandonner par cette
voie dans les IVG du premier trimestre ;
– le géméprost (Cervagèmet) par voie vaginale est peu maniable
(conservation au froid) et en monodose non fractionnable : 1 mg.
De plus, tous ces produits sont coûteux.
Depuis plusieurs années, le misoprostol (Cytotect, comprimés dosés à
200 mg) s’est imposé par son faible coût, sa tolérance et son efficacité au moins égale aux autres molécules.
Il semble que le meilleur
compromis efficacité-tolérance soit apporté par la voie vaginale à la dose de
400 mg (deux comprimés) mis en place entre 3 et 4 heures avant l’aspiration
dans le cul-de-sac vaginal postérieur, permettant de gagner en
moyenne entre 3 et 4 mm de diamètre de dilatation, tant chez la nullipare que
chez la multipare.
L’allongement du temps d’application ne semble pas
améliorer le résultat et augmente l’incidence des métrorragies et leur
abondance. Le temps d’intervention est raccourci.
Les bénéfices en termes de
douleur pour la patiente restent à évaluer.
La douleur induite par les
prostaglandines pourrait être calmée par les AINS sans pour autant en diminuer
l’activité.
+
Mifégyne :
Elle possède également des effets dilatateurs qui ont été évalués cliniquement
et a obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette
indication à la dose de 200 mg, mais son délai d’action et surtout son prix
l’écartent des pratiques actuelles.
Certains ont proposé avec des résultats intéressants des dérivés nitrés par voie
vaginale (mononitrate d’isosorbide).
7- Aspiration :
* Mise en place de la canule :
Lorsque la dilatation est obtenue, la canule d’aspiration à usage unique est
introduite prudemment en respectant l’absence de contact avec la paroi
vaginale et la vulve (non touch) ; tenue par le manchon ou sa base, elle est
poussée doucement et doit pénétrer sans force dans la cavité utérine.
Il est
utile, pour les canules rigides coudées, de présenter la partie distale dans l’axe
du col jusqu’à ce que le passage de l’isthme par la coudure libère le
mouvement et permette de ramener la partie proximale dans l’axe à son tour.
Il est utile de tenir compte de la flexion antérieure ou postérieure de l’utérus
pour diriger la courbure vers le haut ou le bas, la pénétration de la canule en
sera facilitée.
La canule est ensuite poussée prudemment au contact du fond
utérin, permettant d’évaluer l’« hystérométrie » et de vérifier par la position
de l’anneau dépoli le placement correct de la sonde.
L’hystérométrie est en moyenne de :
– à 85mm à 6 et 7 SA ;
– à 95mm à 9 SA ;
– à 110mm de 10 à 12 SA.
Le maintien dosé mais ferme de l’utérus par la pince posée sur le col, facilitera
la manoeuvre en présentant la filière cervicale dans l’axe vaginal.
* Aspiration :
La canule étant fixée au dispositif d’aspiration (tubulure ou manchon), la
dépression est mise en route et réglée entre - 700 et - 800 mbar, la canule est
légèrement retirée (- 2 cm) du contact avec le fond et mobilisée lentement en
combinant de très légers va-et-vient (5 mm à 10 mm au maximum) et une
rotation progressive permettant de présenter l’orifice d’aspiration à toutes les
faces de la cavité.
Ces mouvements sont poursuivis en ramenant lentement la
canule vers la partie basse de la cavité. Les fragments ovulaires apparaissent
rapidement dans la sonde, aisément identifiables.
Progressivement, ils sont
remplacés par du sang, tandis que l’aspiration se termine en ramenant
progressivement la sonde vers l’opérateur sans jamais amener la fenêtre
d’aspiration au niveau de l’isthme ou de l’endocol.
* Contrôle de la vacuité
:
L’évacuation totale des produits ovulaires est marquée par deux phénomènes
aisément repérables :
– l’apparition de sang spumeux dans la canule sans aucun débris ovulaire de
membranes ou de déciduale ;
– le déclenchement brusque d’une rétraction-contraction du myomètre
« enserrant » la canule qui devient difficilement mobilisable.
Ce phénomène
est également signalé par la patiente qui le ressent douloureusement
lorsqu’elle n’est pas sous anesthésie générale.
L’opérateur perçoit alors le contact de la canule avec la paroi ferme et
rugueuse de la cavité, sensation bien identifiable qui doit faire cesser
l’aspiration, sauf à risquer une agression traumatisante pouvant entraîner des
phénomènes hémorragiques immédiats ou des synéchies ultérieures.
Certains préfèrent vérifier ce contact à l’aide d’une curette mousse afin de
s’assurer de l’absence de rétention de tout débris ovulaire.
Ce geste non
obligatoire doit être très prudent et en aucun cas un véritable curetage.
Il doit
rester une « palpation » instrumentale.
Après le retrait de la canule, précédé de la repressurisation du circuit, il est
possible d’observer l’absence de tout saignement significatif issu du col.
L’examen échographique permet de conforter au moindre doute cette
évaluation, en montrant la disparition de toute image évocatrice d’une
structure ovulaire ou trophoblastique, et surtout la présence d’un bon signe :
le double écho linéaire, parallèle, médio-utérin des parois de la cavité de
l’utérus vide. Cette image est moins facilement visible après plusieurs
minutes (présence de sang), aussi la vérification échographique est-elle
réalisée rapidement.
* Particularités
:
Le déroulement classique en un temps, décrit ci-dessus, ne correspond pas à
toutes les situations normales.
En effet, l’âge de la grossesse va moduler le
geste et ses difficultés.
+ À moins de 7 SA
:
Le temps aspiratif sera très court, ramenant un matériel de très faible volume :
moins de 30 mL.
La difficulté sera d’aspirer effectivement l’oeuf qui peut
échapper à la sonde, d’autant que la mobilisation de celle-ci est plus difficile
par défaut d’un ramollissement cervical suffisant.
Cette situation correspond
à ce qui était dénommé « induction de règles » ou « aspiration menstruelle »
avant l’apparition de l’IVG médicamenteuse et des progrès de la biologie
diagnostique de la grossesse et de l’échographie.
+ À plus de 9 SA :
À l’inverse, le volume et la consistance des produits, ainsi que le décollement
plus long et laborieux du sac trophoblastique vont nécessiter de la patience et
des manoeuvres plus complexes, tels des retraits réitérés de la sonde obstruée
pour la libérer.
L’absence de décollement franc et rapide du chorion trophoblastique sera
généralement résolue par la traction douce et régulière sur une pince à faux
germe de petit calibre, saisissant le pôle inférieur de l’oeuf dans l’orifice
externe ou il aura été abaissé, exposé à la vue, par l’aspiration.
Ce décollement
aidé à la pince peut demander 2 à 3 minutes mais permet ensuite une
évacuation en bloc, totale et rapide de la cavité.
Quelquefois lorsqu’on se rapproche du terme de 12 SA ou que, par erreur
d’évaluation, il est un peu dépassé, c’est à une aspiration associée à une
fragmentation à la pince à faux germe intra-utérine qu’il faudra procéder avec
des risques évidemment plus importants, mais contrôlables par un opérateur
expérimenté.
Dans ces deux dernières situations il peut être pertinent, lorsque
la rétraction utérine survient, de passer à une canule de plus petit calibre (1 ou
2 mm en moins) afin d’explorer plus librement la « niche » de l’oeuf et de
ramener les débris de membranes encore présents.
Enfin, si l’erreur de terme est importante et atteint 14 ou 15 SA, il faut confier
la patiente rapidement à une équipe hospitalière spécialisée, entraînée à la
pratique des interruptions thérapeutiques de grossesse du deuxième trimestre
autrement plus complexes et dangereuses.
Cette situation ne devrait plus
survenir avec l’utilisation large de la datation échographique.
* Contrôle du produit d’aspiration :
Il représente le dernier élément de sécurité permettant, par la visualisation
incontestable en suspension dans de l’eau de l’oeuf ou des produits de
l’aspiration, d’affirmer la vacuité utérine et la « normalité » de la grossesse
interrompue.
Les villosités choriales seront facilement reconnues par leur
aspect rose pâle, peu vascularisées avec un « chevelu » dense caractéristique,
léger, flottant au-dessus des autres produits.
Avant 8 SA, le sac chorial est
aspiré en bloc.
Après 8 SA, les fragments embryonnaires sont facilement
identifiables (embryon de plus de 15 mm) et le sac est fractionné.
Après
10 SA, les membranes de l’oeuf sont plus différenciées.
En cas de doute, un examen histologique sera demandé et, si la vacuité est
certaine, contrôlée par échographie, la mise en évidence d’une décidualisation
sans villosités incitera à la recherche d’une grossesse ectopique.
Le volume aspiré sera aussi mesuré.
À 9 SA, il est de 120 à 160 mL, il peut
atteindre 300 mL à 12 SA.
Il est anormal qu’il atteigne 500 mL.
* Soins associés :
+ Prévention de l’immunisation Rhésus :
Les femmes du groupe Rhésus négatif recevront une dose standard de 100 íg
d’immunoglobulines anti-D au décours immédiat de l’intervention et
bénéficieront d’un contrôle d’efficacité à 48 heures (test de Kleihauer) et à
3 mois.
+ Contraception
:
Il est souhaitable, sauf contre-indication formelle, de prescrire une
contraception orale débutant dès le jour de l’IVG.
Il est admis qu’à l’efficacité
contraceptive mise en place (beaucoup de femmes reprennent une activité
sexuelle dans les 2 semaines) s’ajoutent des effets de régénération de la
muqueuse utérine.
La plupart des auteurs prescrivent une association oestroprogestative normodosée bien que sa supériorité sur d’autres formules
n’ait pas été démontrée.
Il est possible d’insérer un dispositif intra-utérin (DIU) le jour de
l’intervention, pourvu que cela ait été prévu préalablement et organisé dans le respect des contre-indications.
Les suites ne semblent pas significativement
affectées par ce geste, comparativement aux femmes bénéficiant d’une
contraception orale.
L’insertion d’un DIU serait susceptible, pour certains,
de diminuer les risques de synéchies.