Interruption partielle de la veine cave inférieure

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Introduction :

Alors que l’on dispose de filtres caves percutanés de plus en plus élaborés, l’indication de l’interruption partielle de la veine cave inférieure est confrontée aux progrès des connaissances dans l’évaluation précise des embolies pulmonaires et des thromboses veineuses profondes avec dans leurs traitements préventifs et curatifs, une efficacité accrue sans augmentation du risque hémorragique.

La confrontation de la gravité des embolies pulmonaires avec la qualité des résultats à distance des filtres caves, concernant leur perméabilité et leur efficacité, mais aussi avec leurs inconvénients, aura pour objectif une discussion soigneuse avant d’entreprendre la mise en place d’un filtre cave, dont le matériel doit être par ailleurs éprouvé, et l’introducteur expérimenté pour éviter toute complication iatrogène.

Le but de l’interruption partielle de la veine cave est de faire un barrage mécanique contre les embolies pulmonaires provenant des veines profondes drainées par la veine cave inférieure (VCI), en particulier, quand le traitement anticoagulant est contre-indiqué, inefficace ou responsable de complications graves.

Interruption partielle de la veine cave inférieure

Passé le cap aigu, le barrage cave ne doit pas contrecarrer la prévention de l’extension du thrombus, ou des récidives, et la limitation des séquelles veineuses.

Comme le barrage cave ne favorise aucune de ces dernières exigences, ses indications méritent d’être âprement discutées.

Au cours des années 1980, le nombre de mises en place s’est considérablement accru avec des indications liées, non plus aux inefficacités et aux accidents des anticoagulants, mais aux risques potentiels de ceux-ci.

L’origine de cet accroissement tient à la simplicité de la procédure et aux améliorations technologiques, ainsi qu’à la participation, à côté des chirurgiens vasculaires qui s’étaient impliqués initialement, des radiologues et des cardiologues.

Cependant, d’autres hypothèses font part d’une morbidité associée accrue des patients, en particulier en ce qui concerne le risque des anticoagulants.

Certains rapports reconnaissent que l’augmentation des applications n’a pas résulté en bénéfice prouvé de survie.

En fait, des éléments nouveaux militent contre l’explosion des indications.

Il n’est plus indispensable de pratiquer une phlébocavographie dans le cours de thrombose veineuse profonde et/ou d’embolie pulmonaire, l’implication due aux radiologues et aux thromboses « à risque » devrait diminuer.

Des progrès sont apparus en ce qui concerne la fibrinolyse des embolies pulmonaires et la surveillance de celles-ci grâce au scanner spiralé.

Surtout, l’amélioration du traitement à la fois préventif et curatif de la thrombose veineuse profonde et des embolies pulmonaires, grâce à une meilleure surveillance des anticoagulants et à l’introduction des héparines de bas poids moléculaire (HBPM), augmente l’efficacité thérapeutique sans accroître les risques hémorragiques.

Les HBPM exercent un effet anticoagulant mieux prévisible que l’héparine non fractionnée (HNF) standard, sont plus faciles à administrer, et n’imposent pas la même surveillance.

L’effet anticoagulant plus prévisible des HBPM s’explique par un plus grand rapport entre l’effet anti-facteur Xa et l’effet anti-facteur IIa, et par leur résistance à l’inhibition due aux plaquettes activées, en s’opposant au facteur plaquettaire 4 ; les HBPM peuvent même inhiber le facteur Xa situé sur les plaquettes. Enfin, elles ont une meilleure biodisponibilité ; se fixant moins aux protéines plasmatiques et des tissus, elles ont un effet plus durable.

L’âge d’or de l’interruption partielle de la VCI, pic atteint en France en 1986 avec 10 000 procédures, reposait sur la conjonction de la bénignité relative des méthodes d’interruption partielle endoveineuse de la VCI face aux risques relatifs des anticoagulants et à leur insuffisance.

Au contraire, la diminution du risque relatif des anticoagulants et l’augmentation de leur rapport efficacité/ complications contribuent à réduire les indications des interruptions partielles de la VCI, estimées autour de 4 500 filtres en 1996.

Historique et classification des filtres :

L’interruption partielle de la VCI a succédé à l’interruption complète de la VCI entamée avec le siècle.

Des efforts ont été réalisés pour diviser et interrompre partiellement le flux dans la VCI, d’abord de manière chirurgicale par des sutures, des agrafes ou par des clips pour filtrer sans occlure.

Néanmoins, un taux important de thromboses caves était noté, et la procédure chirurgicale paraissait souvent excessive en raison du terrain, de l’âge ou de la pathologie associée.

De ces techniques, seule subsiste encore la mise en place de clips périveineux à l’occasion de procédures chirurgicales, tout en sachant qu’on peut mettre en place facilement un filtre endoveineux en se repérant manuellement et visuellement par rapport aux veines rénales.

Les procédés endoveineux d’interruption partielle de la VCI ont débuté par l’ombrelle de Mobin-Uddin (1967), introduite par voie jugulaire, efficace certes mais responsable de thromboses.

Comme tant d’autres matériels endoveineux, celle-ci a été retirée.

Le filtre conique de Greenfield, constitué de six tiges d’acier réunies à leur extrémité apicale, s’est développé depuis 1972.

La forme des tiges permet un effet de chicane et non d’obstruction.

Il était initialement assez volumineux et devait être mis en place par voie jugulaire, après abord chirurgical de celle-ci.

L’étape suivante a été celle de l’introduction par voie fémorale. Une autre étape a été celle des filtres introduits par voie percutanée.

L’avantage est celui de la plus grande facilité d’insertion, la rapidité, la diminution du coût et la possibilité d’être mis en place en radiologie plutôt qu’au bloc opératoire.

Ces filtres sont introduits de préférence par voie fémorale droite.

La voie jugulaire, qui fait courir le risque d’embolie gazeuse, reste nécessaire en cas de thrombose veineuse iliofémorale extensive ; la fréquence des thromboses fémorales in situ est un autre argument pour la voie jugulaire.

De nouveaux filtres peuvent être introduits par voie périphérique, sous-clavière ou veine basilique, mais des difficultés propres à la progression du filtre ou du cathéter porteur sont inhérentes à ces voies très périphériques.

Jusqu’en 1985, l’interruption partielle de la VCI consistait à interrompre définitivement la VCI par un filtre permanent arrimé à la VCI par des crochets.

Le caractère permanent des filtres a été l’objet de réticences théoriques, notamment quand il s’agit de sujets jeunes et lorsque le filtre n’apparaît nécessaire que pendant quelques heures à quelques jours. Pour ces raisons, sont apparus plusieurs systèmes de filtration temporaire, de courte durée.

Leur particularité est d’être démunis de crochets de fixation, la cage de filtration étant reliée à un cathéter porteur, dont l’extrémité distale a une émergence cutanée.

Les voies d’abord utilisées sont la veine fémorale, la veine jugulaire interne, voire la veine basilique.

Cette dernière voie entraîne moins de complications hémorragiques au point d’émergence cutanée en cas de fibrinolyse associée.

Ces filtres caves temporaires ont une forme de panier ou une forme conique.

Le cathéter porteur du filtre possède, dans la plupart des systèmes, une lumière interne qui permet soit d’injecter du produit de contraste, soit de perfuser le système.

Un cathéter de fibrinolyse de petit calibre 3F peut être introduit dans le cathéter porteur, l’extrémité distale étant placée soit au niveau de la cage de filtration, soit au-delà pour réaliser une fibrinolyse in situ.

L’ablation du filtre doit être envisagée après cavographie : dans un certain nombre de cas, le filtre temporaire doit être remplacé par un filtre permanent, notamment lorsqu’il persiste une thrombose proximale.

Entre ces deux extrêmes, filtration définitive et filtration de quelques jours, le concept du filtre temporaire de longue durée permet de couvrir le risque pendant quelques semaines.

Cela a pour but également de répondre à l’inflation des indications ; un filtre permanent chez le sujet jeune ne doit être placé qu’en dernier recours.

Le filtre cave temporaire de longue durée a vu le jour en 1989 (Tempofiltert).

Ce filtre peut être laissé en place 4 à 6 semaines.

Il est placé uniquement par voie jugulaire interne droite.

Contrairement aux autres filtres temporaires, le cathéter porteur n’a plus d’émergence cutanée : son extrémité distale est enfouie sous la peau (au niveau du peaucier du cou, repérable par l’intermédiaire d’une olive en silicone), cela pour éviter les complications infectieuses signalées avec les filtres temporaires.

Le cône de filtration comporte huit branches munies à leur extrémité de patins.

Cette forme du filtre permet un appui large sur la paroi de la VCI, et donc retarde l’incorporation du filtre dans la VCI. Le cathéter est à rigidité variable : très souple au niveau de la veine jugulaire et de la veine cave supérieure pour le confort du patient, un peu plus rigide dans sa partie moyenne (le cathéter prend la mémoire de forme au niveau de l’oreillette droite, permettant un effet amortisseur et réduit ainsi le risque de perforation de la VCI ou l’apparition de réactions inflammatoires), dans sa partie distale au niveau de la VCI, il est plus rigide afin de prévenir la remontée du filtre. L’avantage des filtres temporaires est théorique.

Le bénéfice de la protection sans une implantation définitive comporte des inconnues et quelques inconvénients.

Le bénéfice de la protection immédiate a rarement été démontré.

L’implantation définitive d’un filtre de Greenfield comporte à distance un risque extrêmement faible que nous reverrons.

Le coût est voisin. Le risque infectieux a été réduit par les nouveaux filtres temporaires.

Il est certain, qu’après l’ablation du filtre, le patient n’est plus protégé : dès lors, il ne faut poser ce type de filtre qu’aux patients qui n’ont que des contre-indications temporaires aux anticoagulants.

Leur utilisation reste du domaine expérimental tant qu’on n’aura pas précisé leur durée d’efficacité et la durée du risque encouru.

Ils représentent pourtant en France, en 1996, 10 à 15 % des filtres caves.

Technique d’insertion :

A – FILTRE PERMANENT :

Il est impératif de respecter les précautions d’utilisation propres à chaque filtre qui figurent sur la notice d’emploi.

Sous anesthésie locale, une incision de quelques millimètres est faite en face de la veine fémorale droite. Une aiguille fine permet l’introduction d’un guide de 0,035 in.

Le guide est placé dans la VCI, après quoi le dilatateur et l’introducteur sont introduits et placés dans la VCI.

Le dilatateur est retiré et le porteur pré-chargé est introduit, sous contrôle scopique, à travers l’introducteur jusqu’au niveau souhaité.

Si une résistance est rencontrée au niveau de la veine iliaque primitive, en raison de ses courbures sur le pelvis, l’introducteur et les cathéters porteurs doivent être avancés ensemble pour faciliter le passage.

Dès que l’on voit poindre le cathéter porteur de l’introducteur, la base de l’introducteur doit être fixée au cathéter porteur, et l’extrémité du filtre est positionnée au bon niveau.

L’extrémité supérieure sera positionnée juste en amont ou en regard de l’ostium de la veine rénale la plus basse. Le guide permet le contrôle et la stabilité du filtre pendant sa mise en place.

Il faut éviter de mettre l’extrémité distale du filtre au contact du thrombus, afin de prévenir une extension du thrombus autour du filtre ou de risquer de modifier les conditions d’ancrage et de positionnement du filtre.

Le cathéter porteur et l’introducteur sont alors retirés ensemble pour libérer le filtre.

Puis, cathéter porteur et introducteur sont retirés de la veine fémorale et une pression douce sera appliquée pour faire l’hémostase.

Cette technique permet d’éviter la libération intempestive du filtre.

Une circulaire du Ministère du Travail et des Affaires Sociales a rappelé, le 3 avril 1997, les recommandations à observer avant l’implantation définitive des filtres à veine cave.

Il faut donc réaliser une cavographie de face, documentée, avant la procédure de largage du filtre, afin :

– d’apprécier le diamètre de la veine cave, en tenant compte du facteur d’agrandissement, et choisir le matériel adéquat en fonction des spécifications des différents fabricants ;

– de vérifier la perméabilité de la veine cave ;

– de vérifier l’absence d’anomalies anatomiques de la veine cave ;

– de repérer l’abouchement des veines rénales.

D’où la conduite pratique :

– en cas de doute sur la morphologie ou la taille de la veine cave, de nouveaux clichés doivent être réalisés avec des incidences différentes ;

– en cas de difficulté de progression du filtre dans la gaine d’introduction, ne pas insister si la résistance est prononcée, retirer l’ensemble et choisir une autre voie d’abord pour introduire un nouveau filtre ;

– réaliser un cliché radiographique de face de l’abdomen sans préparation, immédiatement après la pose du filtre.

Ce document servira de référence pour la stabilité, l’intégrité, et le positionnement du filtre, et doit pouvoir être consulté ultérieurement (il sera conservé dans le dossier du patient avec la cavographie initiale) ;

– afin d’assurer la « traçabilité » des filtres définitifs et d’éviter les migrations iatrogènes, il est souhaitable que toutes les informations concernant le filtre soient portées sur un carnet de santé.

Il faut également rappeler, qu’en dehors des malades ayant une thrombopénie induite par l’héparine, il faut « hépariner » la gaine et le filtre pendant toute la procédure.

Il est également souhaitable de disposer de matériel pouvant être mis en place aussi bien par voie haute que par voie basse. L’existence d’une mégacave (diamètre supérieur ou égal à 28 mm) impose le choix d’un matériel adapté ou d’une autre technique (double filtre dans les veines iliaques primitives).

Les conseils de suivi sont aussi importants.

Il est souhaitable de réaliser, dans la semaine qui suit la pose, à 3 mois et à 1 an, un contrôle du filtre par un cliché d’abdomen sans préparation, ainsi qu’une échographie veineuse afin de juger de la position du filtre, de son intégrité et de la perméabilité de la VCI.

Le patient doit être averti qu’il est porteur d’un filtre cave définitif, et il doit le signaler à tout médecin, et en particulier avant tout geste de cathétérisme veineux.

B – TECHNIQUE DE MISE EN PLACE D’UN FILTRE TEMPORAIRE :

La particularité d’un filtre cave temporaire est d’être dépourvu de crochets de fixation, la cage de fixation restant reliée au cathéter porteur dont l’extrémité distale a une émergence cutanée ou sous-cutanée.

Le filtre est mis en place suivant la même technique. Les voies d’abord utilisées sont la veine fémorale, la jugulaire interne et la voie basilique, sauf pour le filtre temporaire de longue durée qui doit être placé par voie jugulaire.

Une iliocavographie préalable est nécessaire.

La cage de fixation restant reliée au cathéter porteur pendant la procédure, et le filtre cave temporaire n’ayant aucun système d’amarrage, il est toujours possible de refermer le filtre pour le repositionner.

Les systèmes de courte durée ont un système de fixation au point d’émergence cutanée, ces matériaux sont prévus pour être laissés en place 10 à 14 jours. Un retrait plus rapide est souhaitable pour éviter les complications infectieuses et l’extension de la thrombose dans le filtre.

Dans certains cas, il doit être alors remplacé par un filtre permanent, notamment lorsqu’il existe une thrombose proximale associée ou non à une embolie pulmonaire.

Le filtre temporaire de longue durée (Tempofiltert) peut être laissé en place 4 à 6 semaines par voie jugulaire interne droite. La durée d’implantation se situe en moyenne à 30 jours.

Il peut être placé en position sus-rénale, et il est le plus souvent retiré sans aucune difficulté. Une cavographie est nécessaire avant le retrait pour montrer l’absence de thrombose entourant le filtre.

Dans ce cas, il est préconisé un renforcement de la thérapeutique, soit une fibrinolyse.

Là encore, un filtre cave permanent peut être nécessaire.

Indications :

Depuis de nombreuses années, la littérature médicale rappelle l’existence d’indications standards dites encore généralement adoptées, acceptées, et d’indications relatives ou discutées.

On peut signaler également qu’il n’y a jamais eu de travail rigoureux, mais une appréciation entre les risques potentiels de récidive d’embolie pulmonaire ou d’accident des anticoagulants, et les bénéfices que le patient pourrait tirer d’un barrage cave, tout en ne méconnaissant pas les complications survenant au moment de l’insertion, ou les conséquences ultérieures d’un matériel endoveineux permanent.

À cela il faut ajouter l’expérience nécessaire pour implanter avec sécurité le matériel, et aussi l’apparition de matériels nouveaux qui concurrencent un temps le matériel établi avant de disparaître ou d’évoluer.

Quand la mise en place d’un filtre est précédée d’un bilan correct de l’état du patient pour déterminer les risques et les bénéfices d’un traitement alternatif, il y a peu de danger d’abus.

Les indications sont fondées sur la confrontation de trois paramètres :

– le risque de récidive embolique apprécié sur l’aspect et le siège de la thrombose veineuse profonde, la persistance ou non des circonstances thrombogènes ;

– l’état des réserves cardiorespiratoires du malade ; – l’efficacité du traitement anticoagulant, ses risques éventuels ou ses contre-indications.

A – INDICATIONS ACCEPTÉES :

Les indications couramment acceptées pour l’insertion d’un filtre cave, en cas de thrombose veineuse profonde drainée par la VCI, sont les suivantes :

– thrombose veineuse ou embolie pulmonaire, avec contreindication temporaire ou définitive aux anticoagulants ;

– embolie pulmonaire récidivée malgré un traitement anticoagulant correct ;

– complications hémorragiques nécessitant la discontinuation des anticoagulants ;

– après embolectomie pulmonaire ;

– après échec d’un premier procédé d’interruption de la VCI, avec embolie pulmonaire démontrée et récidivée.

B – INDICATIONS RELATIVES :

D’autres indications sont relatives, et doivent être d’autant plus discutées qu’il n’y a pas de contre-indication dans ces cas aux anticoagulants, et que le filtre peut être placé en conjonction avec un traitement anticoagulant efficace ou à doses modérées :

– thrombose iliofémorale avec un caillot d’au moins 5 cm de long, avec une tête flottante ;

– extension documentée d’un thrombus veineux sous anticoagulants ;

– présence d’une embolie pulmonaire septique ;

– embolie pulmonaire « subaiguë » chez un patient présentant une hypertension artérielle pulmonaire ou un coeur pulmonaire chronique ;

– altération cardiopulmonaire importante chez un patient risquant de ne pas tolérer une nouvelle embolie pulmonaire.

Ces indications relatives méritent d’être discutées dans le cadre d’une interruption veineuse temporaire.

C’est aussi le cas si l’on envisage un traitement thrombolytique, mais il n’a jamais été démontré que celui-ci augmentait le risque d’embolie pulmonaire massive, ou lorsqu’on désire pratiquer une thrombectomie chirurgicale : le filtre peut servir de protection pendant la thrombectomie et dans les suites immédiates, sous couvert d’un traitement anticoagulant.

C – AUTRES INDICATIONS :

À côté de ces indications acceptées ou discutées qui concernaient les patients avec thrombose veineuse profonde, il est apparu avec les années une bascule des pourcentages vers des patients n’ayant pas eu d’embolie pulmonaire, et des indications prophylactiques chez des patients à risque de phlébite, indications qui n’existaient pas dans les premières années.

Ce sont les résultats favorables à distance et l’amélioration des filtres caves qui ont conduit à étendre les indications.

Ainsi, certains recommandent la mise en place régulière du filtre dans la prophylaxie de la thrombose veineuse profonde chez les cancéreux à risque, chez les patients chirurgicaux à haut risque, chez les personnes âgées avec thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire pour interrompre les anticoagulants rapidement, chez les femmes enceintes dans certaines conditions, voire chez l’enfant.

Encore est-il nécessaire de savoir ce que l’on appelle patients à risque.

Ce peut être des patients à risque accru de thrombose, des patients à risque d’embolie pulmonaire mortelle, et ceux chez lesquels la mise en route d’un traitement anticoagulant comporte des risques.

Aucun travail comparatif ne permet actuellement de démontrer le caractère approprié ou non d’un tel usage de première intention.

À la question : faut-il poser des barrages caves ?

Il y a deux préalables :

– la pose d’un barrage cave diminue-t-elle la mortalité globale des patients chez lesquels on a mis un filtre ?

La réponse est probablement non ;

– diminue-t-elle la mortalité par embolie pulmonaire des patients atteints de maladie thromboembolique veineuse ?

La réponse est globalement oui. Surtout si l’on n’étend pas les indications aux patients qui n’ont pas eu d’embolie pulmonaire, et qui seraient à risques en raison des anticoagulants, et à ceux qui n’ont pas eu de thrombose veineuse profonde et qui seraient à risque.

Réflexions concernant certaines indications :

A – CANCER :

L’association cancer et maladie thromboembolique a été identifiée par Trouseau, il y a plus de 130 ans. Le mécanisme exact de l’activation de la cascade de la coagulation chez le cancéreux est multifactoriel et source d’intéressants débats.

Il existe un risque thrombogène, et la thrombose veineuse profonde constituée répond mal au traitement médical standard.

Des doses fortes d’anticoagulants sont parfois nécessaires, ce qui augmente le risque hémorragique, en particulier quand il s’agit d’un cancer ulcéré, digestif, urinaire ou bronchique.

Il a été proposé de faire appel au filtre cave, bien que celui-ci se discute en raison de son propre risque thrombogène, mais aussi de la survie souvent limitée des patients.

Dans une étude récente de Greenfield, 166 patients avaient un cancer, leur survie moyenne a été de 10 mois ; des anticoagulants ont été associés dans plus d’un tiers des cas, ce qui a été responsable de complications.

Aucune donnée ne permet de dire si l’usage du filtre cave améliore la survie des patients.

Il autorise peut être le retour à domicile plus rapide, en particulier quand les patients ont eu une thrombose veineuse profonde associée ou non à une embolie pulmonaire.

L’appréciation sur l’efficacité du filtre, sa sécurité, le coût et l’amélioration de la qualité de vie mérite d’être faite.

Les indications restent ponctuelles à discuter comme dans le cadre général.

B – PROPHYLAXIE APRÈS EMBOLIE PULMONAIRE :

Malgré tous les progrès diagnostiques et thérapeutiques, l’embolie pulmonaire reste une affection très grave.

Sur un total de 320 patients ayant eu une embolie pulmonaire dans tous les services d’un hôpital du Michigan du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989, 121 patients sont décédés avant la sortie.

La prévalence est de 3,5/1 000 admissions avec une mortalité de 1/1 000.

Les chances de survie évaluées par l’odds ratio sont 3,6 fois plus grandes parmi ceux qui ont eu un filtre par rapport à ceux qui n’en ont pas bénéficié (tout en sachant que parmi ceux-ci, un certain nombre d’embolies n’ont été que des découvertes d’autopsie, ces patients n’ayant pas eu de diagnostic n’ont pas eu de traitement adéquat), alors que le traitement anticoagulant seul n’améliore pas la survie.

Quand il existe une embolie pulmonaire, il faut entreprendre un traitement efficace d’urgence, le surveiller, et réagir en fonction de l’évolution clinique, biologique et morphologique, ce que les moyens actuels permettent de façon non invasive, tant au niveau de la phlébothrombose que de l’artère pulmonaire et de ses branches.

S’il a été porté une indication d’embolectomie pour embolie pulmonaire aiguë ou chronique sous circulation extracorporelle, la mise en place d’un filtre cave est légitime.

C – ALTERNATIVE DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES :

En raison du risque des complications hémorragiques, le filtre cave a été discuté comme alternative.

Par ailleurs, la mortalité accrue de la thrombose veineuse profonde et des embolies pulmonaires chez les patients de plus de 80 ans a augmenté l’utilisation de ces filtres afin de réduire la mortalité.

D – INTERRUPTION PROPHYLACTIQUE CHEZ CERTAINS POLYTRAUMATISÉS :

Malgré la prévention actuelle par les HBPM, la protection contre l’embolie pulmonaire est en échec dans 1 à 2% de ces patients.

Certains, plus à risque de thrombose ou de mort par embolie pulmonaire, sont parfois l’objet d’une interruption de la VCI en fonction du type de polytraumatisme, de sa sévérité et de l’atteinte cardiorespiratoire, ou des complications et des contre-indications aux anticoagulants.

E – PROPHYLAXIE APRÈS CHIRURGIE DE LA HANCHE ET DU GENOU :

Chaque fois que le filtre a été utilisé dans ce groupe de patients, les résultats ont été favorables en ce qui concerne la prévention des complications hémorragiques et la prévention de l’embolie pulmonaire, sans faire apparaître de complications liées au filtre.

Si l’efficacité et l’innocuité de ces filtres utilisés à titre thérapeutique ou prophylactique est établie, il n’a pas été démontré d’effet supérieur aux thérapeutiques usuelles actuelles.

Dans ces conditions, il paraît raisonnable de réserver l’interruption de la veine cave aux patients qui ont des risques supplémentaires.

F – CONTRE-INDICATIONS AUX FILTRES :

En revanche, l’utilisation des filtres chez les patients terminaux, souffrant de défaillances multiviscérales, constitue un abus, et les indications doivent être exceptionnelles.

G – INDICATIONS DANS LES CONTRE-INDICATIONS AUX ANTICOAGULANTS ET LES COMPLICATIONS DES ANTICOAGULANTS :

C’est dans ce groupe de patient avec des indications parfois relatives que peut se discuter le filtre temporaire, quand la contreindication ou la complication est due à un facteur réversible.

Dans les thrombopénies induites par l’héparine, les modalités thérapeutiques récentes, avec le retrait en urgence de l’héparine, permettent d’éviter une interruption cave sauf exception.

Chez les patients présentant une nécrose cutanée due aux antivitamines K, en revanche l’indication se discute.

Suivi à distance et complications :

Alors que les interruptions chirurgicales de la VCI avaient une efficacité parfaite sur la prévention des embolies pulmonaires, elles comportaient un risque important de thrombose cave, d’où leur abandon actuel.

Qu’en est-il pour les filtres caves ?

A – COMPLICATIONS LIÉES À LA MISE EN PLACE DU FILTRE :

Il ne faut jamais sous-estimer le risque potentiel d’une procédure endovasculaire.

Il faut adhérer strictement aux techniques décrites par le constructeur. De nombreux filtres ont été retirés ou modifiés ; l’expérience des praticiens est sans doute un élément important.

Il est important de surveiller pendant la mise en place du filtre non seulement celui-ci, mais les différents éléments des cathéters porteurs qui méritent d’être repérables sous amplificateur de brillance. Une complication reste fréquente : l’occlusion du site d’introduction du filtre.

Elle était évaluée à 7 % par Greenfield sur la série des patients étudiés sur 20 ans, en fait elle paraît plus fréquente dans l’étude d’Aswad puisqu’il a été retrouvé un quart d’obstructions du site.

La responsabilité du filtre dans la survenue de phlébites avec leurs séquelles reste préoccupante.

Cela est en faveur de l’introduction par la jugulaire interne droite, quand cela est possible, tout en sachant qu’il existe également un risque de thrombose à ce niveau, pouvant s’étendre au sinus longitudinal supérieur.

La thrombose de la jugulaire interne mérite d’être traitée activement.

Les complications propres aux filtres temporaires sont variées : section du cathéter porteur avec rétention totale ou partielle, mobilisation, thrombose étendue, etc.

B – RÉSULTATS À DISTANCE :

Peu d’études sont fournies. Les séries concernant certaines variétés de filtres sont faibles.

En ce qui ce qui concerne le filtre de Greenfield, dans l’étude de Kanter et Moser, le taux d’obstruction est de 3,1 % et le taux de récidives d’embolie pulmonaire de 2,4 %. Dans le registre de Greenfield avec un recul maximal de 20 ans, le taux de thrombose cave est de 4 % et le taux de récidive embolique de 4 %.

Aswad a comparé récemment quatre filtres caves, et a obtenu des résultats identiques dans les quatre variétés, avec un taux de thromboses caves nettement supérieur, puisqu’il atteint 12 % ; il s’agit d’une évaluation précoce et il est possible, qu’avec le temps, un certain nombre de thromboses caves se reperméabilisent, d’où la nécessité d’avoir une surveillance par échodopplers rapprochés de façon à poursuivre le traitement anticoagulant, si celui-ci est nécessaire.

En effet, si la perméabilité du filtre de Greenfield ne dépend pas du traitement anticoagulant prolongé, la poursuite de ce traitement reste indiquée tant que la maladie thromboembolique sous-jacente ou les désordres de la coagulation persistent.

Conclusion et arbre décisionnel :

La facilité d’introduction des filtres caves ne doit pas faire sousestimer le risque potentiel de cette procédure endovasculaire.

Il faut garder un haut index de suspicion pendant toute la procédure, et adhérer strictement aux indications du constructeur et aux directives ministérielles pour assurer la mise en place et le suivi.

Il ne faut utiliser que des matériaux radio-opaques pour l’introduction, ne mettre en place que des filtres à veine cave dont on est sûr, et à condition d’en posséder la formation nécessaire.

Plutôt que d’envisager des indications globales, celles-ci doivent être discutées pour chaque cas, après évaluation soigneuse du patient, pour déterminer les risques et les bénéfices du filtre.

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