Interprétation d’une enquête épidémiologique Cours de santé publique
Types d’études épidémiologiques
:
La recherche épidémiologique procède par enquêtes.
L’enquête est un outil de recherche mais une étude
épidémiologique ne se résume pas à la réalisation d’une
enquête.
La démarche suit différentes étapes : formulation
d’un objectif ou d’une hypothèse, élaboration
d’un protocole, déroulement de l’enquête, analyse et
diffusion des résultats.
Les études épidémiologiques
peuvent être classées selon leur objectif, selon l’attitude
de l’investigateur, selon la période d’étude et selon la
population étudiée.
A - Selon les objectifs
:
On peut définir 3 types d’études épidémiologiques :
– étude descriptive qui est une description de la fréquence
et de la répartition des maladies et des indicateurs de
santé dans la population ;
– étude étiologique qui consiste dans la recherche des
causes et facteurs de risque des maladies ;
– étude d’évaluation qui étudie l’évaluation de l’efficacité
d’une thérapeutique (essais thérapeutiques), d’un
examen diagnostique, d’une intervention de santé
publique (campagne de vaccination, programme de
dépistage, etc.).
B - Selon l’attitude de l’investigateur
:
1- Études d’observation
:
Elles reposent sur l’observation de phénomènes de santé
et des facteurs qui les sous-tendent.
Elles présentent
l’inconvénient de rendre l’interprétation des résultats
plus difficile, notamment pour affirmer la nature causale
d’un facteur de risque dans les études étiologiques.
2- Études d’intervention
:
On parle d’étude d’intervention chaque fois qu’il y a
intervention de l’investigateur.
Celle-ci peut être une
exposition à une thérapeutique, à un examen diagnostique,
à une campagne de prévention, à une politique des
soins, etc.
L’investigateur choisit les sujets qu’il expose
et ceux qu’il n’expose pas : l’intervention est contrôlée.
Une étude d’intervention est randomisée, si l’attribution
de l’exposition est réalisée de manière aléatoire, par tirage
au sort (randomisation).
Le principal avantage de l’expérimentation
(intervention randomisée) sur l’observation
est la puissance de l’information causale qu’elle
permet (niveau de preuve élevé), la randomisation
permettant d’assurer au mieux la comparabilité des
groupes.
Ainsi, si une différence est observée entre les
deux groupes, elle est exclusivement due à l’effet de
l’intervention étudiée.
Cette situation se rencontre
principalement dans les essais thérapeutiques.
L’évaluation de programmes de santé publique, comme
un programme de dépistage, repose le plus souvent sur
des études d’intervention non randomisées.
C - Selon la période d’étude
:
1- Études transversales
:
Elles consistent à mesurer à un moment donné la fréquence
d’une maladie ou d’un facteur, par exemple le
nombre de cas d’infections urinaires parmi les femmes hospitalisées à une date donnée.
Leur intérêt est essentiellement
descriptif.
Elles ont l’avantage d’être faciles à
réaliser et peu onéreuses.
On peut réaliser des études
transversales répétées qui permettent d’avoir une idée de
l’évolution dans le temps d’un phénomène.
2- Études longitudinales
:
Elles couvrent une période de temps donnée, et consistent
à suivre au cours de cette période une population
pour s’intéresser à un événement ou à rechercher dans le
passé une exposition à un facteur.
Ces études revêtent un
intérêt descriptif, étiologique, ou évaluatif.
Elles peuvent
être longues si l’on s’intéresse à un événement dont
le délai de survenue est long.
Les études permanentes
sont des études longitudinales qui se poursuivent de
façon indéfinie, comme l’enregistrement de différentes
pathologies par des registres constitués au niveau de certaines
régions ou départements.
D - Selon la population étudiée
:
1- Études exhaustives
:
Elles portent sur une population étudiée dans sa globalité
(par exemple les études de mortalité de l’Institut national
de la statistique et des études économiques – INSEE – à partir des enregistrements de décès). Elles sont d’organisation
souvent difficile.
2- Études par échantillonnage
:
Elles consistent à extraire de la population un échantillon
quand on ne peut pas étudier toute la population
(population source).
Pour constituer l’échantillon, la
technique utilisée est celle du sondage.
Cet échantillon
doit être représentatif de la population initiale, c’est-àdire
que tous les individus de la population doivent avoir
la même probabilité de figurer dans l’échantillon.
La
représentativité est assurée au mieux par un tirage au
sort (ou sondage aléatoire) des individus, ce qui suppose
de disposer d’une liste complète et actuelle de la population
où chaque individu ne figure qu’une seule fois (liste
électorale, liste INSEE…).
Il est toujours nécessaire de
préciser de quelle population est représentatif l’échantillon
dont on parle.
Sur cet échantillon, on calcule la
fréquence observée du facteur de risque ou de la maladie,
cette fréquence observée est une estimation de la
vraie fréquence dans la population source.
Cette estimation
peut être biaisée si la population étudiée n’est pas
représentative de la population initiale.
L’échantillon
doit être de taille suffisante car la puissance de l’étude et
la précision de l’estimation dépendent du nombre de
sujets dans l’échantillon.
E -
Épidémiologie descriptive
:
Les études descriptives ont pour objectif de rendre
compte d’un phénomène de santé, de sa fréquence, de sa
répartition géographique et de son évolution dans le
temps au sein d’une population donnée.
Les résultats
s’expriment en terme de fréquences brutes ou spécifiques
: prévalence et taux d’incidence d’une maladie,
taux de mortalité, etc.
Ces résultats peuvent être ajustés
ou non sur certaines caractéristiques de la population
comme l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle.
Les principaux outils de l’épidémiologie descriptive
sont les statistiques de mortalité, les enregistrements
permanents de morbidité (déclarations obligatoires,
registres…) et les études ponctuelles.
L’enregistrement
des décès, et celui des pathologies par un registre, sont
des études permanentes faites sur une population
exhaustive.
L’épidémiologie descriptive représente souvent une première
approche d’une question.
Elle permet de formuler
des hypothèses étiologiques pour expliquer les phénomènes
de santé observés.
Ces hypothèses doivent être
confirmées par d’autres types d’études.
1- Études de prévalence
:
Les études de prévalence étudient la présence d’un facteur
donné ou d’une maladie dans une population à un
moment précis : c’est l’équivalent d’un instantané photographique.
Elles permettent d’apprécier l’importance
d’une maladie, de connaître les groupes à risque, et ainsi
d’orienter des programmes de santé publique (par
exemple, l’étude de la prévalence des formes résistantes
et non résistantes du paludisme au niveau des diverses
régions du monde).
Les études transversales sont généralement
peu coûteuses car rapides à réaliser.
Cependant, elles ne permettent pas d’établir la séquence
temporelle des événements.
2- Études d’incidence
:
L’investigateur suit l’évolution d’une population sur une
période donnée.
Durant la période d’étude, on observe
l’apparition d’une ou plusieurs maladies.
Le taux d’incidence
permet d’évaluer l’évolution d’une maladie et
l’impact de mesures préventives.
Un des objectifs des
études d’incidence est la surveillance épidémiologique.
La surveillance de la rougeole a permis de vérifier que le
programme national de vaccination contre cette maladie
lancé dans les années 1960 modifie la distribution des
cas selon l’âge, tout en réduisant globalement et de
façon sensible son incidence.
Les difficultés de ces
études sont liées à la difficulté de suivi des individus, à
leur durée et à leur coût.
3- Séries de cas
:
Les séries de cas correspondent à l’observation détaillée
d’un certain nombre de patients et ne permettent pas de
tirer des conclusions que l’on puisse généraliser à
d’autres cas.
Cependant, une série de cas peut suggérer
parfois très fortement un facteur étiologique.
Le diagnostic de pneumonies à Pneumocystis carinii à Los
Angeles chez 5 hommes jeunes, homosexuels, sans
antécédent particulier, a conduit à la découverte du sida
et suggérait déjà la reconnaissance d’un des facteurs de
risque de la maladie.
F - Épidémiologie étiologique
:
Les études étiologiques cherchent à mettre en évidence
l’association entre l’exposition à un facteur de risque et
la survenue d’une maladie.
Quel que soit le type d’étude
étiologique, l’objectif est de savoir si les patients
exposés à un facteur de risque ont plus de chance d’être
malades que les patients non exposés.
Les études
étiologiques sont toujours comparatives (comparaison
de groupes de sujets qui diffèrent soit sur la présence de
la maladie, soit sur la présence du facteur de risque).
Il est essentiel que la maladie, comme l’exposition,
soient définies précisément et de façon identique dans
les deux groupes comparés.
Ce sont des études d’observation
car l’investigateur ne contrôle pas l’affectation du
facteur d’exposition (éthique).
Les études étiologiques sont classées selon la chronologie
du recueil de données :
– étude prospective lorsque l’enregistrement du facteur
de risque a lieu avant l’enregistrement de la maladie ;
– étude rétrospective lorsque l’enregistrement du facteur
de risque se fait après la survenue de la maladie.
1- Études de cohorte
:
Ce sont des études prospectives au cours desquelles on
suit, pendant une période de temps donnée, une cohorte
d’individus exposés ou non à un facteur de risque.
On
note au cours du temps l’apparition de la maladie étudiée
pour chaque individu.
Ce type d’étude est envisagé
lorsque l’exposition et la maladie sont fréquentes dans
la population, et que le délai d’apparition de la maladie
est court.
Pour connaître la relation entre tabagisme et
infarctus du myocarde, on suit une cohorte sur une
période pendant laquelle on note la consommation de
tabac et la survenue de l’infarctus.
La fréquence de
l’infarctus sera comparée chez les fumeurs et chez les
non-fumeurs.
N.B. : une cohorte est un ou plusieurs groupes de sujets,
suivis au cours du temps et définis à partir de caractéristiques
personnelles connues (comme l’âge, le sexe, le
milieu professionnel, l’origine géographique…).
La mesure de l’association entre l’exposition et la maladie
est donnée par le risque relatif.
La valeur du risque relatif (RR) permet de dire que le
risque d’être malade est RR fois plus important chez les personnes exposées que
chez celles qui sont non exposées.
Une étude de cohorte historique associe la recherche
rétrospective de l’exposition à un facteur de risque et le
suivi de la cohorte pour l’apparition de la maladie.
La
durée de l’étude est ainsi diminuée pour les maladies
dont le délai de survenue après l’exposition est long.
2- Études sujets « exposés/non-exposés »
:
Ce sont des études prospectives portant sur 2 cohortes de
sujets constituées de façon distincte. Une cohorte est
exposée au facteur de risque, l’autre n’est pas exposée.
Ces 2 cohortes sont suivies pendant une période de temps
au cours de laquelle est notée l’apparition de la maladie.
L’estimation de la proportion de sujets exposés dans la
population générale n’est pas possible dans ce type
d’étude, puisqu’on étudie séparément les deux cohortes.
De même, l’incidence de la maladie dans la population
ne peut pas être estimée car cette incidence est par hypothèse
dépendante de la proportion de sujets exposés au
facteur de risque.
Pour le calcul des risques absolus et
relatifs, on utilise la même méthode que pour une étude
de cohorte.
Ce type d’étude nécessite moins de sujets qu’une étude
de cohorte puisqu’on ne respecte plus la proportion réelle
de sujets exposés.
Les études sujets « exposés/nonexposés
» trouvent leur indication lorsque l’exposition
au facteur de risque est rare.
3- Études « cas-témoins »
:
L’enquêteur choisit les groupes étudiés sur la base de
leur statut de sujets malades (cas) ou non malades
(témoins).
Les facteurs de risque sont recherchés dans le passé par l’interrogation des individus ou la collecte de
données dans les dossiers médicaux.
Ce sont toujours des
études rétrospectives. Une des contraintes vient du fait
que l’on doit s’assurer que l’exposition au facteur de
risque est survenue avant la maladie (séquence temporelle).
Les témoins sont des individus qui n’ont pas la maladie
étudiée : il peut s’agir de sujets sains ou de sujets atteints
d’une autre maladie que celle ayant servi à constituer les
cas.
Les témoins doivent être théoriquement représentatifs
de la population dont sont issus les cas : parmi les patients
hospitalisés, dans la population générale d’où proviennent
les cas, parmi la famille et les voisins des cas.
Ce type d’étude est indiqué lorsque la maladie est rare
ou que la durée entre l’exposition au facteur de risque et
la maladie est longue ou lorsqu’on souhaite étudier une
maladie et un ou plusieurs facteurs de risque qui lui sont
attachés.
Par exemple, on souhaite étudier l’exposition
aux solvants organiques comme facteur de risque de
glomérulonéphrite chronique.
Le groupe des cas est
constitué dans un service de néphrologie, celui des
témoins est constitué dans un autre service de l’hôpital
(traumatologie).
On interroge les sujets des deux
groupes sur leur passé professionnel afin de mesurer la
fréquence d’exposition dans chaque groupe.
L’incidence de la maladie étudiée ne peut pas être calculée
puisque le nombre de sujets malades (échantillon de
cas) est fixé a priori.
La proportion de sujets exposés
peut être estimée chez les sujets malades ou non
malades, mais pas pour la population générale.
La proportion
de sujets exposés est par hypothèse différente
chez les malades et les non-malades (pour pouvoir estimer
la proportion de sujets exposés dans la population,
il faudrait connaître la proportion de malades dans la
population).
Les risques absolus ne peuvent pas être
estimés, car ils dépendent directement, dans ce type
d’étude, de la taille des deux échantillons constitués
(malades et non malades).
On ne peut donc pas calculer
le risque relatif.
Si la maladie est rare (prévalence < 10 %),
l’odds ratio est une bonne estimation du risque relatif.
Comme le risque relatif, l’odds
ratio permet de dire que le risque d’être malade est OR fois plus
important chez les sujets exposés que chez les sujets non exposés.
4- Analyse des résultats des études étiologiques
:
Le risque relatif ou l’odds ratio mesure l’association entre
le facteur de risque et la maladie.
Si la mesure du risque
est supérieure à 1, alors le facteur augmente d’autant le
risque d’avoir la maladie.
Si la mesure du risque est inférieure
à 1, alors le facteur est dit « protecteur » et diminue
d’autant le risque d’avoir la maladie.
Il est indispensable
dans un 2e temps de calculer l’intervalle de confiance de
cette valeur.
Celui-ci permet d’indiquer la précision de la
mesure et de tester sa significativité : si l’intervalle de
confiance ne comprend pas la valeur 1, on conclut alors
que la mesure d’association entre le facteur de risque et la
maladie est statistiquement significative.
G - Épidémiologie évaluative
:
L’évaluation utilise des outils épidémiologiques pour
étudier aussi bien des stratégies thérapeutiques et
diagnostiques que des programmes de prévention des
maladies : essais thérapeutiques, essais de prévention
(vaccination), évaluation de programmes de dépistage,
évaluations de pratiques professionnelles ou de techniques
médicales.
On procède toujours par comparaison
entre différents groupes : un groupe dont les sujets sont
soumis au facteur étudié, et un groupe dont les sujets ne
sont pas soumis à ce facteur.
Ce sont le plus souvent des
études d’intervention.
Les critères de jugement pour mesurer l’effet du facteur
étudié peuvent être un indicateur de santé (morbidité,
mortalité, survie), mais aussi être un critère de coût
(coût d’un traitement par rapport à un autre, coût d’une
stratégie diagnostique par rapport à une autre…) ou de
qualité de vie.
Cette dernière est mesurée à l’aide de questionnaires standardisés qui permettent d’établir des
échelles de qualité de vie.
Ces critères, indicateurs de
santé, coût et qualité de vie, sont souvent associés et le
critère de jugement devient alors, par exemple, un ratio coût-morbidité.
1- Essais cliniques contrôlés randomisés
:
L’intervention évaluée est un traitement.
Ces études
portent sur des groupes constitués par tirage au sort.
L’investigateur contrôle l’administration du traitement :
un groupe est soumis au traitement étudié, et l’autre non.
Le tirage au sort assure la comparabilité des groupes.
2- Études « avant après » et « ici ailleurs »
:
L’évaluation d’un programme de santé publique (de
dépistage par exemple) peut se faire par des études
« avant après » et « ici ailleurs ». Les études « avant
après » comparent des sujets avant la mise en place de
l’intervention, et après.
La situation « avant » sert de
référence pour évaluer l’efficacité de l’intervention.
Les
sujets peuvent être leur propre témoin, par exemple dans
une étude sur le comportement vis-à-vis du tabagisme
avant et après une campagne de prévention contre le
tabac.
Les difficultés d’interprétation des études « avant
après » proviennent d’une possible variation spontanée
des indicateurs qui se serait produite même en l’absence
de l’intervention (mise en place au même moment
d’autres mesures de santé, changements socioculturels,
etc.).
Les études « ici ailleurs » comparent, au même
moment, des communautés distinctes géographiquement
dont l’une reçoit l’intervention et l’autre pas (ex. :
2 services hospitaliers).
Les difficultés d’analyse et d’interprétation
de ce type d’étude sont liées à la possibilité
d’une différence initiale entre les populations comparées.
Notions de biais
:
Un biais, en épidémiologie, se définit comme une erreur
systématique entre la valeur de la mesure d’un paramètre
dans un échantillon et la vraie valeur dans la population
(entre le résultat des estimations et la réalité).
Ils masquent,
renforcent, voire créent une liaison entre un facteur
et une maladie.
Si ces biais sont importants, les
résultats de l’étude peuvent être remis en cause.
On distingue
les biais de sélection et les biais de classification.
Ces biais doivent être limités dès l’élaboration du protocole
d’étude, et ils ne peuvent pas être pris en compte au
moment de l’analyse statistique.
Il est donc indispensable
de les apprécier avant la réalisation de l’étude.
Les biais
se distinguent des erreurs aléatoires (ou fluctuations
aléatoires) qui représentent seulement un manque de
précision. L’imprécision fait que l’intervalle de confiance
autour de la valeur mesurée est très large.
A - Biais de sélection
:
On regroupe sous ce terme tous les biais qui peuvent
conduire à ce que les sujets effectivement observés dans
l’étude ne forment pas un groupe représentatif de la
population étudiée.
Ces biais peuvent se produire lors de
la constitution de l’échantillon (biais de recrutement) ou
lors du suivi des groupes étudiés (biais de non-réponse
et de perdu de vue).
1- Biais de recrutement
:
Ils résultent de la façon dont l’échantillon est choisi au
sein de la population (biais dans la constitution de
l’échantillon).
Ces biais peuvent s’observer lorsqu’on
constitue un échantillon par un autre moyen que le tirage
au sort.
On parle aussi de biais d’échantillonnage.
Par
exemple, si les sujets sont des volontaires, l’échantillon
n’est pas représentatif de la population générale (biais
d’autosélection).
Si on prend des patients hospitalisés,
ils correspondant le plus souvent à des formes plus
graves de la maladie et sont différents de la population
générale (dans les études « cas-témoins » : recrutement
de cas à partir de services hospitaliers).
Dans les études
transversales, seuls les sujets présents au moment de
l’étude peuvent faire partie de l’échantillon.
Ainsi dans
une étude en milieu professionnel sur l’association entre
fonction respiratoire et exposition aux isocyanates, ceux
qui ont une mauvaise fonction respiratoire ont été soustraits
à l’exposition (effet du travailleur en bonne santé).
2- Biais de non-réponse et de perdus de vue
:
Ils sont liés au fait que l’analyse n’est faite que sur les
patients qui répondent aux questionnaires et qui n’ont
pas été perdus de vue.
Les causes peuvent être diverses :
refus de répondre, incapacité de répondre pour cause de
maladie ou de barrière linguistique, déménagement,
décès, etc.
Si des patients n’ont pas répondu ou ont été
perdus de vue pour des raisons directement liées au facteur
de risque ou à la maladie, le fait de ne pas pouvoir
les utiliser pour l’analyse va entraîner des biais importants dans les résultats obtenus.
Il faut donc tenter de
connaître quelques caractéristiques essentielles des nonrépondants
et perdus de vue (telles que le sexe, l’âge, la
profession).
Si ces caractéristiques ne sont pas différentes
de celles des répondants, on considère habituellement
qu’un biais est peu probable ou peu important
quantitativement. Toute étude doit faire mention de ces non-répondants et perdus de vue.
On doit limiter les biais de sélection dès la planification
de l’étude : tirage au sort, rigueur dans le suivi des
sujets, multiplication des investigations, etc.
On peut
aussi prévoir dès l’élaboration du protocole des effectifs
suffisants pour ne pas avoir une trop faible puissance de
l’étude lors de l’analyse des résultats.
B - Biais de classement
:
On parle de biais de classement quand il existe une
erreur systématique dans la mesure de l’exposition et
(ou) de la détermination de la maladie.
Ils sont aussi
appelés biais de mesure ou biais d’information, et interviennent
lors du recueil des données.
Dans les études
étiologiques, lorsque l’erreur est faite systématiquement
dans les 2 groupes, cela conduit en général à sous-estimer
la force de l’association exposition-maladie.
Lorsque l’erreur est faite dans un des 2 groupes, on ne
peut pas toujours prévoir le sens de l’erreur d’estimation
de la force de l’association.
1- Biais de mémorisation et biais de déclaration
:
Un « cas » se souvient parfois plus facilement d’une
exposition ancienne, parce qu’il se sent plus concerné
qu’un « témoin ».
Les mères d’enfants malformés se
souviennent mieux des médicaments pris pendant leur
grossesse que les mères d’enfants normaux (biais de
mémorisation).
Un sujet peut avoir tendance à minimiser
une exposition (maladies vénériennes, prise de drogue,
consommation d’alcool).
2- Biais de comportement
:
Ils sont dus à une modification du comportement du
groupe observé, soit par le simple fait qu’il est observé
(biais d’observation), soit parce que l’étude est effectuée
sur une période longue. Une personne peut décider d’arrêter
de fumer du fait qu’il s’agit d’un facteur de risque
du cancer du poumon.
3- Biais d’interrogation ou biais
de subjectivité de l’enquêteur :
Ils peuvent survenir lorsque l’enquêteur connaît le
diagnostic (étude « cas-témoins ») ou le facteur
de risque (étude « exposés/non-exposés »).
Il peut
inconsciemment suggérer au sujet des réponses qui
vont dans le sens de ses convictions, notamment
concernant l’exposition aux facteurs de risque.
L’enquêteur peut également interpréter plus ou moins
des réponses faites, d’autant plus qu’elles portent
sur des domaines où la subjectivité joue un rôle.
Si les
enquêteurs sont différents entre les 2 groupes comparés, on peut avoir un biais dans le recueil des données.
En général, on recherche avec plus d’insistance une
exposition chez des sujets malades que chez des non
malades.
Par ailleurs, le recours à des examens complémentaires
est plus fréquent chez les sujets exposés qui
sont suivis plus soigneusement.
Dans ces 2 situations,
cela aboutit à une surestimation de la force de la relation.
On peut également avoir des biais liés à des erreurs de
mesure (appareil mal réglé).
Il faut éviter les biais de classement dès l’élaboration du
protocole.
Cela requiert un choix de cas et de témoins
(ou de sujets exposés et non exposés) dont la coopération,
les capacités de recours à la mémoire ou la surveillance
médicale sont a priori comparables.
Les questionnaires
doivent comporter des questions habilement
présentées, se recoupant, ou recherchant un ensemble
d’expositions ne focalisant pas sur un facteur de risque
bien précis.
On peut parfois compléter les réponses fournies
par les individus par des données venant d’autres
sources (dossiers médicaux).
L’évaluation de l’exposition ou le diagnostic de la maladie
doivent être réalisés sans connaître le statut de cas ou
de témoin (ou d’exposé et de non-exposé) : interview par
téléphone, codification des expositions par une personne
ne connaissant pas l’état de santé du sujet.
Les conditions
de recueil de l’information doivent être standardisées :
conditions d’interview identiques et questionnaires standardisés,
définition précise et description détaillée de
l’exposition et de la maladie, possibilité de suivi comparable
entre les sujets exposés et les sujets non exposés.
C - Biais et type d’étude
:
Les biais de sélection et de classification peuvent se rencontrer
dans tout type d’étude épidémiologique (descriptive,
étiologique, évaluative).
Cependant, les biais
liés aux perdus de vue, aux non-répondants et aux modifications
de comportement se retrouvent plus particulièrement
dans les études avec un suivi prolongé des individus
(étude de cohortes, études sujets « exposés/nonexposés
»).
Les biais de mémorisation sont attachés
principalement aux études « cas-témoins ».
Causalité
:
A - Facteurs de confusion
:
Pour établir qu’un facteur de risque est responsable
d’une maladie, il faut s’assurer qu’il n’existe pas
d’autres facteurs de risque « cachés » qui seraient à l’origine
de cette maladie.
Ce sont les facteurs de confusion.
Ils sont liés à la maladie et au facteur de risque étudié.
Ils augmentent ou diminuent la force de l’association
entre le facteur de risque étudié et la maladie.
Par exemple, une étude est réalisée pour savoir si la
consommation de café est un facteur de risque pour la
maladie coronaire, et elle conclut qu’il existe un lien
significatif entre la consommation de café et la maladie coronaire.
En fait, les buveurs de café ont aussi tendance à
être des fumeurs de cigarettes, or on sait que le tabac est
fortement associé à la maladie coronaire.
Si on isole
l’effet de la consommation de café de la consommation
de tabac, on s’aperçoit que l’effet de la consommation
du café sur la maladie coronaire disparaît.
Les facteurs de confusion peuvent être pris en compte et
contrôlés au moment de la planification de l’étude et
lors de l’analyse statistique.
Ils doivent donc être identifiés
dès le début de l’étude de façon à figurer parmi les
informations qui seront relevées.
Au moment de la planification
de l’étude, on peut restreindre la population
d’étude (si l’âge est facteur de confusion, on peut restreindre
l’étude à une classe d’âge particulière) ou réaliser
un appariement (équilibrer la distribution des facteurs de
confusion entre les groupes d’étude) : appariement par
strates (stratification) ou appariement individuel.
Au
moment de l’analyse, les facteurs de confusion sont pris
en compte par la méthode d’ajustement de Mantel-Haenszel et l’analyse multivariée.
B - Critères de causalité
:
Seule l’approche expérimentale donne une méthode
directe pour établir une relation causale entre 2 événements.
En revanche, dans les études étiologiques
(qui sont des études d’observation), l’interprétation des
données doit être particulièrement prudente, en particulier
quant à une éventuelle relation de causalité entre
l’exposition à un facteur de risque et la survenue d’une
maladie. Une association statistiquement significative
n’est pas synonyme d’une relation causale.
En l’absence
de preuve expérimentale, c’est sur un ensemble d’arguments
que l’on peut parler de causalité.
Les principaux critères de causalité sont les suivants :
• séquence dans le temps : l’exposition au facteur de
risque doit précéder l’apparition de la maladie ;
• force de l’association statistique : plus la liaison est
forte entre l’exposition et la maladie, plus il est difficile
d’imaginer qu’un autre facteur inconnu (facteur de
confusion) puisse l’expliquer ;
• spécificité de l’association : la relation entre l’exposition
et la maladie est exclusive ;
• existence d’une relation dose-effet : plus l’exposition
est importante, plus l’incidence de la maladie est
élevée ;
• constance de l’association et sa reproductibilité : il
faut une cohérence de résultats entre différentes études
réalisées sur des populations et des époques différentes ;
• plausibilité biologique et scientifique (cohérence
avec les connaissances actuelles) : il existe un mécanisme
d’action pouvant expliquer la relation entre le facteur et
la maladie ;
• effet d’une intervention supprimant le facteur de
risque (ou diminuant l’exposition à ce facteur) : si le
facteur joue un rôle causal, cela doit diminuer le risque
de maladie.
Ce critère, quand on peut l’observer, est un
bon argument en faveur de la causalité.
En résumé, dans les études étiologiques, pour interpréter
le risque en terme de causalité, il faut d’abord s’assurer
que la liaison entre le facteur de risque et la maladie est
statistiquement significative, que l’on a recherché et pris
en compte les facteurs de confusion, qu’il n’y a pas de
biais susceptible de modifier la relation.
Ensuite, on
regarde si un certain nombre de critères de causalité sont
réunis.
On peut conclure sur un faisceau d’arguments
mais on ne peut affirmer la nature causale de la relation
à partir d’une seule étude d’observation.
C - Risque attribuable et fraction étiologique
:
Le risque attribuable pour la population (RA) et la fraction
étiologique du risque (FE) sont destinés à mesurer a
priori l’intérêt d’une éventuelle intervention supprimant
ou réduisant le facteur de risque, à condition que l’on ait
pu démontrer qu’il existe un lien de causalité entre le
facteur de risque étudié et la maladie.
Le risque attribuable pour la population (ou pourcentage
de risque attribuable) mesure la proportion de cas de la
maladie qu’on peut attribuer au facteur de risque dans
l’ensemble de la population, incluant donc les sujets
exposés et les sujets non exposés.
En terme de santé
publique, cet indice est le plus intéressant puisqu’il
mesure l’impact global du facteur de risque sur la population,
en tenant compte de la proportion des personnes
exposées.
Si 20 % d’une population est exposée au facteur
de risque, et que le risque relatif correspondant à ce
facteur vaut 5, le pourcentage de risque attribuable vaut
0,44. Cela signifie que parmi l’ensemble des cas observés
dans cette population, 44 % sont attribuables à l’exposition
au facteur de risque.
Le risque attribuable pour les exposés (ou fraction étiologique
du risque) mesure la proportion de cas de maladie
qu’on peut attribuer au facteur de risque parmi les
sujets exposés à ce facteur.
Si le risque relatif (RR) vaut
5, la fraction étiologique vaut alors 0,8, c’est-à-dire que
80 % des cas survenus chez les sujets exposés peuvent
être attribués à l’exposition au facteur de risque et
auraient donc pu être évités.
À partir du tableau de contingence (cf. études de
cohortes et études « cas-témoins »), on peut estimer que
dans les études prospectives de cohortes :
Risque
attribuable pour la population (RA) =
Pe (Re - Ro)
Pe (RR - 1)
------------------- =
------------------
PE x Re + (1 - Pe) Ro
Pe (RR - 1) + 1
Avec la fréquence
de l’exposition
Pe = a + b / a +
b + c + d
Risque
attribuable pour les exposés = fraction étiologique
du risque (FE) =
Re - RO
RR - 1
--------
= ---------
Re
RR
Dans les études
rétrospectives « cas-témoin », quand la prévalence de la maladie est
faible, on remplace le risque relatif par la valeur de l’odds ratio
(OR @ RR) pour le calcul des risques attribuables.