Linsuffisance aortique est caractérisée par le reflux anoqrmal
de sang de laorte dans le ventricule gauche pendant
la diastole.
Causes
:
Elles sont multiples, mais trois causes dominent par leur
fréquence : le rhumatisme articulaire aigu, lendocardite
infectieuse et les insuffisances aortiques dégénératives.
1- Rhumatisme articulaire aigu :
Il reste une étiologie majeure même si sa fréquence a diminué
dans les pays développés. Linsuffisance aortique est
secondaire à une rétraction valvulaire qui est parfois (un
tiers des cas) associée à une fusion commissurale, réalisant
une maladie aortique quand le fusion est importante. Une valvulopathie mitrale coexiste avec latteinte aortique une
fois sur deux.
2- Endocardite infectieuse :
Dans plus dun cas sur deux, elle survient sur des valves
pathologiques dont environ la moitié est bicuspide.
Responsable
souvent de fuites importantes, elle est la cause la
plus fréquence des insuffisances aortiques aiguës.
Les
lésions valvulaires sont souvent sévères (perforation, ulcération,
végétations) et peuvent sétendre aux structures paravalvulaires (abcès de lanneau).
3- Insuiffisances aortiques
dégénératives
:
Les formes sans anévrisme sont secondaires à une
atteinte isolée des valves qui sont minces, falsques, siège
dune infiltration myxoïde et qui ont tendance à ce prolaber
(floppy valve syndrome des auteur anglo-américains).
Deux formes peuvent être distinguées selon les simensions
de laorte ascendante.
Dans la moitiè des cas environ, son
diamètre est normal, inférieur à 40 mm, alors que dans
lautre moitié, laorte, tout en gardant des bords parallèles,
est dilatée.
Le dernier groupe semble correspondre à des
formes intermédiaires avec la maladie annulo-ectasiante
comme le prouve la fréquence des complications évolutives
aortiques.
La maladie annulo-aortique ectasiante : latteinte valvulaire
dégénérative sassocie alors à une dilatation anévrismale
dystrophique de laorte initiale (sinus de Valsalva)
sétendant à la partie initiale ou à la totalité de laorte ascendante.
La maladie annulo-aortique ectasiante peut être idiopathique
ou sintégrer dans le cadre dune dystrophie généralisée
du tissu élastique (essentiellement maladie de
Marfan).
4- Autres causes :
Les insuffisances aortiques congénitales relèvent de plusieurs
mécanismes :
prolapsus valvulaire sur bicuspidie ;
rupture dune fenestration ;
syndrome de Laubry-Pezzi qui associe une communication
interventriculaire haute et antérieure et une insuffisance
aortique évolutive (par prolapsus de la sigmoïde
antéro-droite).
La dissection aortique : dimportance habituellement
modérée, linsuffisance aortique a surtout une grande valeur
diagnostique dans le cadre dun syndrome douloureux thoracique.
Elle a également une incidence thérapeutique, car
témoignant dune atteinte de laorte ascendante, elle impose
la chirurgie.
Les aortites : la syphilis est actuellement rare. Linsuffisance aortique peut sassocier à une coronarite ostiale et à
un anévrisme de laorte ascendante.
Dans la spondylarthrite ankylosante, linsuffisance aortique
apparaît tardivement dans lévolution et est souvent précédée
de troubles conductifs auriculo-ventriculaires.
Citons seulement la maladie de Takayasu, le lupus érythémateux,
la polyarthrite rhumatoïde.
Linsuffisance aortique traumatique est une étiologie
rare, mais latteinte aortique est la plus fréquente des lésions
valvulaires post-traumatiques.
Linsuffisance aortique fonctionnelle est secondaire à
la dilatation de lanneau aortique sous leffet dune poussée
hypertensive.
Elle reste habituellement modérée et est
souvent transitoire.
Physiopathologie :
1- Importance de la régurgitation aorto-ventriculaire gauche
:
Le volume du sang régurgité à chaque battement dépend
de 3 paramètres principaux : la surface fonctionnelle de
lorifice régurgitant en diastole, le gradient de pression diastolique aorto-ventriculaire gauche et la durée de la diastole.
Ces facteurs ne sont pas fixes. La régurgitation est
ainsi augmentée par ladministration de vasoconstricteurs
et diminués par celle de vasodilatateurs.
Parallèlement,
laccélération du rythme cardiaque diminue par le biais
dun raccourcissement de la diastole, le volume régurgité
par battement et, dans une moindre mesure, la régurgitation
par minute.
2- Mécanismes dadaptation du ventricule
gauche :
Linsuffisance aortique impose au ventricule gauche une
surcharge mixte, à la fois volumétrique (par augmentation
du volume sanguin en fin de diastole) et barométrique (augmentation
du volume déjection systolique face aux résistances
systémiques).
Les conséquences de cette double surcharge
dépendent essentiellement du mode de survenue de
la fuite.
Insuffisance aortique chronique : linsuffisance aortique
est responsable, par le biais dune augmentation de la tension
pariétale diastolique, dune dilatation ventriculaire
gauche qui entraîne elle-même, suivant la loi de Laplace
(tension = pression x diamètre/épaisseur), une augmentation
de la tension pariétale systolique.
Cette augmentation
de la contrainte systolique va stimuler la réplication des
sarcomères en parallèle, aboutissant à lhypertrophie des
parois tendant à normaliser la contrainte avec maintien dun
rapport épaisseur/diamètre pratiquement normal.
Cette hypertrophie-dilatation permet dassurer une augmentation
du volume déjection systolique et le maintien pendant une
durée prolongée dun débit cardiaque normal.
Au fur et à mesure de lévolution, ce processus dhypertrophie-dilatation
va être limité avec une altération progressive de la
contractilité et de la compliance ventriculaire gauche doù
une augmentation de pression télédiastolique ventriculaire
gauche qui va se répercuter en amont, avec apparition à un
stade tardif de signes de congestion.
Laugmentation des
besoins myocardiques en ocygène secondaire à laugmentation
de la masse et la baisse des apports (baisse de la pression
diastolique de perfusion) expliquent la possibilité de
survenue dune insuffisance coronaire fonctionnelle.
Dans linsuffisance aortique aiguë : si elle est importante,
les mécanismes dadaptation nont pas le temps de
sinstaller.
Il en résulte une augmentation rapide importante
de la pression télédiastolique ventriculaire gauche qui
dépasse la pression auriculaire gauche, entraînant une fermeture
prématurée de la mitrale, protégeant partiellement
la circulation pulmonaire.
La diminution de limpédance
aortique et la tachycardie jouent également un rôle dadaptation
mais ces mécanismes sont vite insuffisants et en cas
de fuite importante, la situation hémodynamique se dégrade
rapidement.
Diagnostic :
A - Insuffisance aortique chronique :
1- Circonstances de découverte :
La bonne tolérance prolongée de linsuffisance aortique
explique la fréquence de sa découverte lors dun examen
systématique.
Les symptômes napparaissent que tardivement et témoignent
dune dysfonction ventriculaire gauche, quil sagisse
dune dyspnée deffort voire de décubitus, ou dun angor
volontiers nocturne, prolongé et peu nitrosensible.
2- Examen clinique :
La palpation, en cas de fuite importante, note un choc de
pointe en règle violent, étalé (choc en dôme), dévié en bas
et en dehors en fonction de la dilatation ventriculaire
gauche.
Lauscultation affirme le diagnostic en retrouvant le
souffle diastolique qui débute dès le 2e bruit puis décroît
pendant la diastole, se terminant avant le 1er bruit.
Il est souvent
mieux perçu le long du bord gauche du sternum quau
foyer aortique.
Son intensité souvent faible nest pas proportionnelle
à limportance de la fuite, justifiant pour ne
pas le méconnaître dausculter en position assise ou debout
en expiration.
Linsensité du 2e bruit dépend de létiologie ;
elle peut être diminuée en cas de mutilation ou de rétraction
valvulaire, ou à linverse clangoreux dans les anévrismes
dystrophiques.
Un souffle systolique daccompagnement
est fréquent.
Elle permet de préjuger du degré de la fuite en retrouvant certains éléments qui témoignent dune fuite importante :
diminution voire abolition du 1er bruit mitral, remplacement
du souffle systolique carotidien par un pistol shot,
roulement présystolique de Flint.
Elle recherche des signes de valvulopathie associée.
Les signes périphériques : leur importance est corrélée
au volume de la fuite.
La pression artérielle diastolique est
abaissée, inférieure à 50 mmHg dans les fuites massives,
alors que la pression systolique est conservée, voire augmentée
doù un élargissement de la différentielle.
Les pouls
artériels sont exagérément amples, entraînant certains
signes de moindre valeur sémiologique que la simple prise
de la pression artérielle : pouls capillaire visible sur le lit
unguéal, double souffle crural de Duroziez.
3- Signes radiologiques :
Ils sont surtout utiles pour apprécier le retentissement et
limportance de la fuite car la silhouette cardiaque reste
normale dans les fuites discrètes ou modérées.
La dilatation ventriculaire gauche se traduit de face par une
augmentation du rapport cardiothoracique avec un allongement
de larc inférieur gauche qui devient convexe avec
une pointe plongeant sous le diaphragme.
Son association
avec une dilatation de laorte ascendante réalise une silhouette
aortique.
Les signes de poumon cardiaque témoignant
dune insuffisance ventriculaire gauche, ne surviennent
que dans les formes évoluées.
4- Signes électrocardiographiques :
Lélectrocardiogramme reste normal en cas de fuite isolée
de faible ou moyenne importance.
Il inscrit, en cas de fuit eimportante, des signes dhypertrophie ventriculaire
gauche de type diastolique puis systolique. Des troubles
conductifs auriculo-ventriculaires ou intraventriculaires
ainsi que des grandes ondes Q en D2, D3, VF, pouvant faire
discuter une nécrose inférieure peuvent sobserver dans les
formes évoluées.
Le rythme reste en règle sinusal.
Des
troubles du rythme ventriculaire sont possibles, facteurs de
pronostic postopératoire péjoratif.
5- Échocardiogramme :
Il a une énorma valeur, essentiellement pour le diagnostic
étiologique et lappréciation de limportance de la fuite et
de son retentissement ventriculaire gauche.
Le diagnostic de la fuite aortique est aisé par les différentes
méthodes doppler qui permettent de dépister des
régurgitations même de faible imporante.
Léchographie bidimensionnelle transthoracique et surtout
léchographie transoesophagienne sont utiles pour
préciser létiologie et le mécanisme de la régurgitation :
épaississement avec ou sans calcification des valves dans
le rhumatisme articulaire aigu ;
valves fines, ayant tendance à se prolaber dans les insuffisances
aortiques dégénératives ;
mise en évidence de végétations voire dabcès annulaires
dans lendocardite ;
prolapsus dune sigmoïde dans les bicuspidies.
Léchographie transoesophagienne analyse parfaitement
la morphologie et le diamètre du culot aortique ; elle est
donc particulièrement utile dans la maladie annulo-ectasiante.
La quantification de la fuite repose sur le doppler et fait
appel à plusieurs méthodes (cf. encadré).
Léchocardiogramme est la méthode de choix pour
apprécier et suivre le retentissement ventriculaire gauche
de la régurgitation en mesurant le degré de dilatation, la
fonction systolique, lhypertrophie et son adaptation à la
dilatation.
6- Techniques isotopiques :
Elles ont surtout lavantage dapprécier, de manière fiable,
reproductible et non invasive la fraction déjection ventriculaire
gauche.
7- Exploration hémodynamique :
Elle nest effectuée que lorsquun geste chirurgical est discuté.
Le cathétérisme droit et gauche apprécie le retentissement
de la fuite sur :
la pression télédiastolique ventriculaire gauche ;
les pressions droites qui ne sélèvent quau stade évolué
de défaillance cardiaque gauche ;
le débit cardiaque qui reste longtemps conservé.
Laortographie sus-sigmoïdienne permet de quantifier
limportance de la fuite de manière qualitative et quantitative,
la taille et la morphologie de laorte ascendante.
Lopacification ventriculaire gauche (soit directement,
soit à partir de laortographie) permet de mesurer les
volumes et les indices de fonction ventriculaires.
La coronarographie est réalisée en cas dangor, chez les
patients au-delà de 50 ans ou chez les sujets plus jeunes,
ayant de multiples facteurs de risque vasculaire.
B - Insuffisance aortique aiguë :
En cas de fuite importante, les symptômes sont précoces
et demblée sévère : oedème pulmonaire, crise angineuse.
Les signes dexamen se distinguent de ceux de la forme
chronique : le choc de pointe est normal, la différentielle tensionnelle peu élargie ou normale, les signes périphériques
moins nets, le souffle diastolique plus bref.
Radiologiquement il existe un contraste entre labsence de cardiomégalie et limportance des signes de congestion
pulmonaire.
Électriquement, en labsence de cardiopathie préexistante
il ny a pas de signes dhypertrophie ventriculaire gauche.
Les paramètres échographiques des régurgitations aiguës
sont particuliers : le ventricule gauche nest pas dilaté,
volontiers hyperkinétique.
La pression diastolique sélève
rapidement ce qui conduit à la fermeture prématurée de la
valve mitrale.
Lanalyse des lésions (habituellement infectieuses
dans ce contexte) est particulièrement importante.
Évolution :
Lévolution dune insuffisance aortique dépend de limportance
de la fuite, de la rapidité de sa constitution, de
létiologie et de la survenue éventuelle de complications.
A - Importance de la fuite :
Les insuffisances aortiques discrètes ou modérées restent
en règle longtemps, voire indéfiniment bien tolérées en
labsence de greffe infectieuse secondaire.
Même en cas de régurgitation importante, la période
asymptomatique est souvent prolongée.
Toutefois les fuites
volumineuses ont à terme un mauvais pronostic en raison
dun retentissement ventriculaire gauche progressif,
conduisant à la dysfonction ventriculaire gauche non toujours
réversible après cure chirurgicale.
Cela souligne limportance
dune surveillance régulière clinique et échographique.
B - Rapidité de constitution :
Lévolution de linsuffisance aortique aiguë, le plus souvent
dorigine infectieuse, est caractérisée par la fréquence,
la précocité et la sévérité des signes dinsuffisance cardiaque,
contrastant avec labsence ou la discrétion de la
cardiomégalie. Des complications septiques (abcès périaortiques
ou septaux) peuvent sajouter au retentissement
hémodynamique, ce qui explique la grande sévérité évolutive
justifiant des indications opératoires précoces.
C - Étiologie
:
À volume égal, une fuite rhumatismale est mieux tolérée
quune fuite oslérienne même stérilisée.
De même, les insuffisances aortiques dystrophiques avec
anévrisme de lascendante sont habituellement évolutives
et comportent, outre le risque du retentissement ventriculaire
gauche, un risque propre de dissection ou de rupture
aortique.
D - Survenue de complications
:
Certaines complications peuvent émailler lévolution.
1- Greffe infectieuse :
Elle peut survenir indépendamment du volume de la fuite
et de son origine. Linsuffisance aortique est la valvulopathie
native la plus exposée à lendocardite infectieuse, ce
qui justifie une prophylaxie rigoureuse.
2- Insuffisance ventriculaire gauche :
Elle a un pronostic sévère.
Elle est de survenue tardive et
précédée dune période de dysfonction ventriculaire gauche
progressivement croissante asymptomatique, période où
doit être portée lindication opératoire.