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Hématologie
Manifestations hématologiques des infections à Rétrovirus
Cours d'hématologie
 


 

Introduction :

Les Rétrovirus sont des virus dont le génome est constitué d’acide ribonucléique (ARN), transcrit en une copie d’acide désoxyribonucléique (ADN) par une enzyme cellulaire, la transcriptase inverse.

Cet ADN viral, encore appelé « provirus », s’intègre dans le génome de la cellule hôte et sert de base à la réplication virale en utilisant les enzymes cellulaires.

Les cellules hématopoïétiques sont les principales cellules cibles des Rétrovirus humains.

Il existe deux grandes familles de Rétrovirus humains.

– Les virus cytopathiques, VIH-1 et VIH-2, infectent les cellules porteuses du récepteur CD4 et des corécepteurs CCR5 (présents uniquement sur les monocytes) ou CXCR4 (présents sur les monocytes et les lymphocytes) et entraînent à long terme leur destruction, source d’immunodépression.

– Les virus transformants, HTLV-1, endémiques dans certaines zones géographiques, infectent sélectivement les lymphocytes CD4 et peuvent les transformer en un clone malin.

L’amélioration de la prise en charge des patients infectés par le VIH, la prophylaxie des infections opportunistes, l’allongement de la durée de vie donnent une place plus importante aux manifestations hématologiques.

Par ailleurs, de nouvelles voies thérapeutiques, telle l’association interféron et antirétroviraux, s’ouvrent également dans les hémopathies liées au HTLV-1.

Nous étudierons successivement les manifestations hématologiques liées aux virus cytopathiques (VIH) puis celles en rapport avec les virus transformants (HTLV-1).

Pathologie hématologique liée au VIH :

A - Hémopathies malignes :

Les hémopathies malignes sont développées essentiellement aux dépens de la lignée lymphoïde B.

1- Lymphomes non hodgkiniens (LNH) de phénotype B :

* Fréquence :

Dès 1982, des LNH ont été rapportés chez les homosexuels, puis chez tous les sujets infectés par le VIH.

Les LNH représentent, après le sarcome de Kaposi, la deuxième pathologie tumorale observée au cours de l’infection par le VIH.

Contrairement au sarcome de Kaposi, dont l’incidence diminue, celle des LNH croît régulièrement depuis l’allongement de l’espérance de vie des patients ; elle est passée d’environ 5 à plus de 10 %.

Dans certains groupes, notamment chez les hémophiles et les hétérosexuels où le sarcome de Kaposi est rare, les LNH représentent la première pathologie tumorale ; chez les sujets hémophiles infectés par le VIH, le risque relatif d’avoir un LNH est multiplié par 60 à 100.

La constatation d’un LNH du système nerveux central (SNC) ou d’un LNH de haut grade de malignité (immunoblastique ou Burkitt), quelle qu’en soit la localisation, est un événement classant en sida avéré (stade C).

* Clinique :

Le terrain est celui de l’infection par le VIH : sujets jeunes, le plus souvent de sexe masculin.

Des signes généraux (fièvre, amaigrissement, sueurs) sont souvent présents lors du diagnostic (de 80 à 90 %).

Il existe une prépondérance de stades IV d’extension (environ 60 %) par rapport aux stades I, II et III.

Par opposition, dans les LNH non liés au VIH, on retrouve 38 %de stades IV et 62 % de stades I, II, III.

Il existe fréquemment des formes extraganglionnaires (60 %) qui sont parfois localisées (stade IE).

Les localisations digestives (bouche, oropharynx, estomac, voies biliaires, foie, grêle, côlon, rectum), médullaires, osseuses et encéphaliques sont les plus fréquentes, mais des localisations cardiaques, pulmonaires, cutanées, musculaires, rénales, surrénaliennes, laryngées, hypophysaires, oculaires et du système nerveux périphérique ont été rapportées.

* LNH du SNC :

Ils sont fréquents au cours de l’infection par le VIH (15 % contre 0,1 % dans la population générale).

Ils sont de haut grade de malignité et il s’agit le plus souvent de LNH immunoblastiques avec différenciation plasmocytaire, ou de LNH diffus à grandes cellules avec un composant immunoblastique.

La présence du génome de l’EBV, recherchée par amplification génique (PCR), est constante.

L’expression de bcl-2 et de la protéine LMP-1 est intense. En revanche, on ne retrouve habituellement pas de réarrangement de c-myc ou d’expression de p53.

* Lymphomes des cavités :

Il s’agit d’une entité de description récente caractérisée par un développement sous forme d’épanchements, sans masse tumorale, de la plèvre, du péricarde ou du péritoine.

Ils sont associés à la présence de l’HHV-8 initialement décelé au cours du sarcome de Kaposi (KSHV : Kaposi sarcoma herpes virus).

* Biologie :

Les lacticodéshydrogénases (LDH) sont souvent élevées (de signification pronostique péjorative) et il existe une hypergammaglobulinémie polyclonale.

Dans certaines observations, il existe une hypercalcémie liée à une élévation du calcitriol.

* Histologie :

Il s’agit de LNH de haut grade de malignité, presque toujours de phénotype B.

Ils se répartissent essentiellement en trois catégories : LNH diffus à petites cellules non clivées (Burkitt), LNH à grandes cellules immunoblastiques, LNH à grandes cellules non clivées.

Ces deux dernières catégories sont regroupées sous le terme de LNH diffus à grandes cellules, auquel on rattache également les LNH anaplasiques porteurs du marqueur CD30.

En fait, au cours du sida, les LNH ont un polymorphisme beaucoup plus important que chez les sujets immunocompétents et des formes mixtes sont fréquentes.

Certains formes histologiques, tels les LNH plasmablastiques, sont « spécifiques ».

Exceptionnellement, des LNH de faible grade de malignité ont été rapportés : LNH folliculaire à petites cellules ou mixte, LNH B monocytoïde, lymphome du MALT (mucosa-associated lymphoid tissue), leucémie à tricholeucocytes.

* Immunologie :

Ils sont de phénotype B et le plus souvent monoclonaux, comme cela est affirmé par l’étude des marqueurs de membrane des immunoglobulines intracytoplasmiques ou des réarrangements du gène des immunoglobulines en PCR. Des cas de LNH oligoclonaux ou polyclonaux ont été rapportés.

* Physiopathologie :

L’activation et la prolifération des cellules B peut résulter directement de certaines protéines du VIH, de l’activation par d’autres virus tel l’EBV, ou des cytokines.

Les cellules B activées vont ensuite subir des modifications génétiques telles que le réarrangement de c-myc ou de BCL-6 et la mutation de la p53, responsables d’un avantage de prolifération favorisant l’émergence du LNH.

Le génome de l’EBV est présent dans les cellules tumorales dans plus de la moitié des cas, et dans la quasi-totalité des LNH du SNC.

Il est plus fréquemment retrouvé dans les LNH immunoblastiques que dans les LNH diffus à grandes cellules et les Burkitt.

Les cellules infectées par l’EBV expriment EBNA-2 et parfois LMP-1, protéine oncogénique.

Des mutations de LMP-1 survenant sur le site d’activation du système NF-kappa-B accroissent l’activité oncogénique et augmentent ainsi la prolifération cellulaire.

L’EBV induit également une production de cyclines D1 et D2 qui peuvent jouer un rôle dans la lymphomagenèse.

En revanche, le génome du VIH n’a jamais été mis en évidence dans les cellules tumorales.

La translocation du chromosome 8 avec un des gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines (chromosome 14) ou des chaînes légères (chromosomes 22 et 2) entraîne une activation de c-myc.

La translocation de c-myc est retrouvée dans la quasi-totalité des formes Burkitt mais plus rarement (20 %) dans les LNH immunoblastiques : globalement, il y a donc une discordance entre la présence du génome de l’EBV et l’existence d’un réarrangement de c-myc.

Le réarrangement de BCL-6 s’observe dans 20 % des LNH diffus à grandes cellules mais il est absent au cours des formes de type Burkitt. Enfin, 15 % des LNH liés au VIH présentent une mutation de ras.

Des mutations de la p53, gène de suppression tumorale, sont observées, plus souvent au cours des LNH de type Burkitt (60 %).

L’interleukine 6 (IL6), produite par les monocytes et par les cellules tumorales infectées par l’EBV, exerce un effet paracrine sur la croissance tumorale.

L’effet de l’IL10 sur la croissance tumorale s’exercerait plutôt par un mécanisme autocrine.

Enfin, il existe peut-être un rôle pour le KSHV (HHV-8) puisqu’il est présent avec une grande fréquence dans lesLNHdéveloppés aux dépens des séreuses et au cours des syndromes de Castleman liés au VIH.

* Traitement :

Quelle que soit la polychimiothérapie employée, la médiane de survie reste habituellement inférieure à 1 an.

Les facteurs pronostiques sont clairement établis : nombre de CD4 inférieur à 100/mm3 ; antécédent d’infection opportuniste ; mauvais état général.

Des protocoles comparant des chimiothérapies à pleines doses, sous couvert de facteur de croissance, et des chimiothérapies à doses réduites n’ont pas montré de différence significative, ni en termes de survie, ni en termes de réponse.

Une étude utilisant une polychimiothérapie lourde a montré un taux de réponse plus élevé (63 %) mais pas d’amélioration de la survie (9,3 mois).

L’association méthotrexate et zidovudine à hautes doses donne 77 %de réponses dont 46 % de complètes avec une médiane de survie de 12 mois.

L’association cyclophosphamide, doxorubicine et étoposide en perfusion continue sur 96 heures semble encourageante avec 58 % de rémission complète et une médiane de survie à 18 mois.

Dans les formes de mauvais pronostic, l’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-IL6 a été tentée avec des résultats médiocres.

Pour les LNH isolés du SNC, la radiothérapie externe associée à la corticothérapie à fortes doses donne des résultats médiocres, avec une survie médiane à 2,1 mois.

Des polychimiothérapies ou l’utilisation de méthotrexate à hautes doses sont en évaluation.

2- Hémopathies B en dehors des LNH :

* Leucémies aiguës lymphoblastiques :

Quelques leucémies aiguës lymphoblastiques de phénotype B, de type L3, avec parfois présence du génome EBV, d’un réarrangement de c-myc, d’une translocation 14-18, ont été rapportées.

* Syndromes immunoprolifératifs :

Des cas de myélome, de plasmocytome extramédullaire, de maladie de Waldenström, de gammapathie monoclonale de signification indéterminée, de leucémie lymphoïde chronique B ont été signalés.

Enfin, compte tenu de la fréquence de l’hépatite C chez ces patients, une cryoglobulinémie peut être observée.

3- Maladie de Hodgkin (MH) :

Incidence. L’association MH et infection par le VIH est signalée depuis 1984.

Dans certaines études, l’incidence de laMHchez les patientsVIH est augmentée mais l’existence d’une MH n’est toujours pas retenue comme un critère diagnostique de sida.

La proportion de patients toxicomanes est élevée chez les patients VIH ayant une MH. Clinique.

L’infection par le VIH modifie la présentation clinique de la MH, avec une grande fréquence de stades III et IV, de signes généraux et de localisations extraganglionnaires.

Histologie. On note une prédominance des formes à cellularité mixte et déplétion lymphocytaire aux dépens des scléroses nodulaires.

Traitement. La réponse aux traitements classiquesMOPP(moutarde à l’azoteoncovin- procarbazine-prednisone) ou ABV (adriamycine, bléomycine, vinblastine) est bonne, mais le pronostic reste médiocre (12 à 18 mois).

Il est davantage fonction du stade de l’infection par le VIH que de celui de la MH.

Physiopathologie. La mise en évidence du gène de la protéine LMP-1 au sein des cellules tumorales fait envisager un rôle de l’EBV.

4- Hémopathies malignes T :

Lymphomes T. Quelques rares LNH T, le plus souvent de phénotype CD4+, de haut grade de malignité, souvent extraganglionnaires (avec atteinte cutanée) ont été rapportés, de même qu’un LNH avec un phénotype de précurseur T (CD3- 4- 7+ 8-) et un lymphome T anaplasique avec marqueur CD30+.

Le génome du VIH n’a pu être mis en évidence dans les cellules tumorales que dans un cas de présentation proche d’une leucémie-lymphome T de l’adulte, mais en l’absence d’HTLV-1.

L’ADN de l’EBV a pu être mis en évidence dans les cellules tumorales. Hyperlymphocytose CD8+.

Des hyperlymphocytoses chroniques CD3+ 8+ 4- Leu7- Leu11- ont été décrites.

Leur nature monoclonale est démontrée par l’étude du réarrangement du récepteur membranaire des lymphocytes T (TCR).

Une co-infection par le HTLV-1 est parfois signalée. Hyperlymphocytose à grands lymphocytes granuleux (LGL).

Des hyperlymphocytoses CD8+ CD3+ à LGL ont été rapportées après splénectomie chez des patients VIH. Elles ne sont pas monoclonales.

Un cas de prolifération monoclonale de phénotype T (CD3+ 8+ 56-) à LGL a été décrit ainsi qu’un cas de phénotype natural killer (CD3- 8- 16+), de monoclonalité non démontrée.

5- Leucémies aiguës myéloblastiques (LAM) :

Une quinzaine d’observations de LAM de type myélomonocytaire (LAM4) ou monoblastique (LAM5) ont été signalées.

Le caractère monocytotropique du VIH explique probablement cette association.

Dans une observation, une activité transcriptase inverse et la présence de l’antigène p24 ont été retrouvées dans les surnageants de culture des cellules malignes.

B - Cytopénies :

1- Anémie hémolytique :

Anémie hémolytique auto-immune.

Quelques cas ont été rapportés, contrastant avec la grande fréquence de la positivité du test de Coombs sans hémolyse.

Hémoglobinurie paroxystique nocturne.

Un cas avec test au sucrose et test de Ham positifs a été rapporté.

2- Érythroblastopénie :

Des observations d’érythroblastopénie en rapport avec des infections persistantes à Parvovirus B19 ont été rapportées.

Le diagnostic repose sur la détection en PCR de l’ADN du Parvovirus B19, le traitement sur les immunoglobulines polyvalentes par voie veineuse.

Une thrombopénie périphérique peut s’y associer.

3- Purpura thrombopénique (PT) :

Fréquence. Les PT ont été reconnus dès 1982 chez les homosexuels puis dans tous les autres groupes.

Leur fréquence varie suivant les études de 4 à 16 %, mais est plus élevée chez les toxicomanes où elle peut atteindre 36 %.

Le PT peut survenir à tous les stades de l’infection VIH, y compris au cours de la primo-infection.

L’existence d’un PT ne modifie pas le pronostic.

Clinique. Souvent asymptomatique, le PT peut aussi être à l’origine d’un syndrome hémorragique révélateur de l’infection VIH.

Des adénopathies et une splénomégalie sont fréquentes.

Biologie. Les mégacaryocytes médullaires sont en nombre normal ou augmenté.

Une hypergammaglobulinémie polyclonale, une lymphopénie CD4, un test de Coombs plaquettaire positif sont présents.

Étude cinétique. La thrombopénie résulte d’un double mécanisme : diminution modérée de la durée de vie des plaquettes et diminution de la production.

La zidovudine améliore la production médullaire.

Physiopathologie :

– anticorps antiplaquettes : des anticorps dirigés contre la protéine membranaire GPIIb/IIIa ont été mis en évidence.

Il existe des analogies moléculaires entre la GPIIb/IIIa et les protéines d’enveloppe du VIH : gp160/120 ;

– immuns complexes liés aux membranes plaquettaires : la présence d’antigènes viraux au sein de ces immuns complexes a été démontrée ;

– trouble de production : un certain nombre d’arguments sont en faveur d’un tel mécanisme.

Les mégacaryocytes expriment le récepteur CD4 et peuvent être infectés par leVIH in vivo.

L’apoptôse des mégacaryocytes exprimant la glycoprotéine GPIIb/IIIa est augmentée chez les sujets VIH par rapport à celle observée chez des sujets sains ou des sujets non VIH ayant un PT. Traitement :

– antirétroviraux : la zidovudine représente le traitement de fond de référence.

Des doses plus élevées (1 g/j) ont une efficacité plus rapide et plus importante que des doses standards (500 mg/j). Le taux de réponse moyen est de 64,8 %.

En cas d’intolérance, la didanosine (ddI) à hautes doses peut être efficace.

Les antirétroviraux d’introduction plus récente (antiprotéases, inhibiteurs non nucléosidiques) restent à évaluer ;

– immunoglobulines polyvalentes intraveineuses (1 g/kg/j x 2 j) : elles sont rapidement et fréquemment efficaces mais de façon transitoire, indiquées en cas d’accident hémorragique aigu ou en préopératoire ;

– immunoglobulines anti-Rh (25 à 50 mg/kg) : utilisables uniquement chez les patients Rh+, elles se révèlent efficaces au prix d’une hémolyse modeste.

Leur coût est beaucoup plus faible que celui des immunoglobulines polyvalentes ;

– interféron-alpha (3 MU x 3/semaine) : il s’est montré efficace sur des PT résistants à la zidovudine ;

– corticothérapie (1 mg/kg/j) : efficace dans 75 % des cas mais de façon transitoire, son utilisation chez ces patients immunodéprimés doit être prudente ;

– splénectomie : souvent efficace (65 à 100 %) de façon durable, elle ne s’accompagne pas d’un risque accru d’évolution vers le sida. Des complications infectieuses peuvent survenir à distance ;

– danazol et dapsone (50 à 125 mg/j) se sont montrés efficaces dans quelques cas ;

– schéma thérapeutique : en l’absence de syndrome hémorragique et avec des plaquettes au-dessus de 20 000/mm3 on propose l’abstention.

En cas de syndrome hémorragique, en première ligne la zidovudine ; en cas d’échec, la corticothérapie ou la splénectomie (après préparation ou non par immunoglobulines polyvalentes ou anti-Rh) seront proposées.

En fait, le recours de plus en plus large à des traitements antirétroviraux précoces devrait corriger ou prévenir la plupart des PT.

4- Purpura thrombotique thrombocytopénique :

Plus d’une trentaine d’observations associant anémie hémolytique à test de Coombs négatif, présence de schizocytes, élévation des LDH et insuffisance rénale ont été rapportées.

Le rôle direct duVIH ou de pathologies infectieuses intercurrentes a été évoqué, mais la physiopathologie reste incomprise.

5- Syndrome d’activation macrophagique :

Plusieurs observations d’un tableau associant splénomégalie, fièvre, cytopénies, élévation des LDH, à une hémophagocytose médullaire, ont été rapportées.

Le rôle direct du VIH a été évoqué ainsi que celui d’infections associées : EBV, Cytomégalovirus, Parvovirus B19.

6- Pancytopénies :

Elles étaient jusqu’à présent très fréquentes, surtout à un stade évolué, mais l’utilisation précoce de traitements antirétroviraux efficaces et la diminution des infections opportunistes vont probablement raréfier ces pancytopénies, si l’on en croit l’évolution souvent rapidement favorable de l’hémogramme des patients mis sous trithérapie.

* Démarche diagnostique :

Lorsqu’il existe un tableau fébrile et/ou des signes généraux, il faut évoquer une infection opportuniste (mycobactéries atypiques, tuberculose, Cytomégalovirus, leishmaniose, cryptococcose, toxoplasmose) ou un envahissement par une pathologie tumorale (LNH, MH).

Le diagnostic repose sur la biopsie médullaire et la myéloculture.

Lorsque la pancytopénie est isolée, il faut évoquer une cause médicamenteuse, ou un rôle direct du VIH.

Dans ce dernier cas, la moelle est de richesse normale avec un aspect de myélodysplasie prédominant sur les lignées érythroblastiques et mégacaryocytaires.

* Physiopathologie :

Elle est multifactorielle.

Il existe une diminution, plus marquée dans le sang que dans la moelle, de la croissance de tous les progéniteurs.

De plus, il semble exister au cours de l’infection par le VIH une diminution des cellules hématopoïétiques plus primitives (CD34+/CD38- et CD34+/Thy1+).

Le rôle direct du VIH (infection des précurseurs) n’est pas formellement établi. Plusieurs études montrent que les progéniteurs CD34+ et les précurseurs érythroïdes expriment faiblement le récepteur CD4.

Toutefois, les précurseurs semblent non infectés par le VIH en PCR.

Un rôle indirect du VIH peut être envisagé : induction d’une apoptose des CD34 par liaison de la gp120 au récepteur CD4 membranaire ; stimulation de la production, à partir des monocytes et des lymphocytes CD4, de facteurs inhibiteurs de l’hématopoïèse tels que les interférons alpha et delta et le TNF-alpha (tumor necrosis factor).

* Traitement :

L’utilisation de l’érythropoïétine est efficace sur l’anémie de la zidovudine, le G-CSF ou le GM-CSF (granulocyte-macrophage colony stimulating factor) se sont montrés efficaces dans le traitement de certaines cytopénies, notamment liées à des traitements myélosuppresseurs.

L’utilisation thérapeutique du facteur humain de croissance des cellules souches (stem cell factor) semble envisageable in vitro.

C - Anomalies de l’hémostase :

De très nombreuses anomalies touchant les différentes phases physiologiques ont été décrites.

1- Hémostase primaire :

En dehors des thrombopénies, détaillées auparavant, une élévation du facteur de von Willebrand plasmatique (et du VIII coagulant) est fréquente et semble corrélée au stade de l’infection par le VIH.

Le mécanisme pourrait faire intervenir des phénomènes inflammatoires ou une stimulation de la cellule endothéliale.

2- Coagulation :

* Anticoagulants circulants (ACC) :

L’existence d’ACC de type lupique, dépistée sur un allongement du temps de céphaline avec activateur (TCA), a été largement rapportée avec une incidence variable.

Les anticorps anticardiolipide, corrélés ou non à la présence d’unACC, sont également fréquents.

Un cas d’ACC avec activité anti-facteur V et syndrome hémorragique a été décrit.

* Fibrinogène et fibrine :

L’élévation du fibrinogène est fréquente. Sa corrélation avec l’évolutivité est discutée.

L’allongement du temps de thrombine, lié à une polymérisation anormale de la fibrine, est corrélé à l’hypoalbuminémie et à la baissse des CD4.

* Inhibiteurs physiologiques :

+ Protéine S :

Un déficit en protéine S libre a été décrit avec une grande fréquence (30 à 80 %) chez les patients infectés par le VIH.

Le taux de C4BP, protéine de liaison, est normal.

Le mécanisme, non élucidé, pourrait faire intervenir des anticorps antiprotéine S.

Certains de ces patients ont présenté des accidents de thrombose veineuse en dehors de toute circonstance favorisante.

+ Cofacteur II de l’héparine :

Des déficits quantitatifs de mécanisme et de signification indéterminés ont été observés.

* Fibrinolyse :

La concentration et l’activité de l’activateur tissulaire du plasminogène sont augmentées et semblent corrélées avec l’évolution de l’infection par le VIH.

Enfin, il semble exister une activation de la fibrinolyse, se traduisant par une élévation des D-dimères et des produits de dégradation de la fibrine.

D - Conséquences des traitements :

1- Antirétroviraux :

* Inhibiteurs de la transcriptase inverse :

Le traitement par la zidovudine s’accompagne habituellement d’une augmentation du volume globulaire moyen (non corrigée par l’administration de B12, d’acide folique ou folinique).

L’anémie (< 7,5 g/dL) et la neutropénie profonde, initialement observées dans 34 et 16 % des cas à 6 semaines, sont fonction de la dose et du stade de la maladie.

Avec des traitements plus précoces et à doses plus faibles (500 à 600 mg/j au lieu de 1200 à 1500 mg/j) elles sont beaucoup plus rares.

Les autres inhibiteurs de la transcriptase inverse – lamivudine (3TC), didanosine (ddI), zalcitabine (ddc), stavudine (D4T) – sont moins cytopéniants.

* Antiprotéases :

Lors de traitements par les antiprotéases (indinavir, ritonavir, saquinavir, nelfinavir), des accidents hémorragiques nécessitant une augmentation du traitement substitutif ont été rappportés chez des patients hémophiles.

Le mécanisme en est inconnu. Une thrombopénie aiguë a été rapportée au cours d’un traitement par l’indinavir.

2- Traitements des infections opportunistes :

La prophylaxie et le traitement des infections opportunistes sont associés à des complications hématologiques : effet myélosuppresseur (et thrombopénie immunologique) du triméthoprime-sulfaméthoxazole et de la sulfadiazine ; anémie hémolytique avec la dapsone ; carence en folates avec la pyriméthamine (à prévenir par l’acide folinique) et le triméthoprime ; neutropénie avec le ganciclovir et le cidofovir ; thrombopénie aiguë immunologique avec la pentamidine.

Pathologie hématologique liée au HTLV-1 :

Le virus HTLV-1, découvert en 1980, est endémique au Japon, aux Caraïbes et en Afrique tropicale.

La séroprévalence peut atteindre 10 à 20 % dans ces zones. D’autres foyers existent au sud-est des États-Unis, en Amérique centrale, Jamaïque, à Taïwan, en Nouvelle-Guinée, Israël, Sicile. Son mode de transmission est sexuel, maternofoetal (transplacentaire, périnatal, allaitement) et sanguin (transfusion, toxicomanie).

Les pathologies le plus souvent observées sont neurologiques (paraparésie spastique tropicale) ou hématologiques.

Elles ne touchent que 2 à 5 % des patients infectés par le HTLV-1, après une phase de latence d’une trentaine d’années.

A - Leucémie-lymphome T de l’adulte (ATLL) :

En fonction du tableau clinique et de l’évolutivité, quatre grandes catégories sont décrites : forme aiguë leucémique et forme aiguë lymphomateuse, souvent résistantes à la chimiothérapie, dont la médiane de survie respective est de 6,2 et 10,2 mois ; forme chronique avec une médiane de survie supérieure à 2 ans, et forme indolente (smoldering).

1- Forme aiguë leucémique (ATL) :

* Clinique :

L’ATL survient chez l’adulte ; l’âge moyen est de 58 ans.

Il s’agit d’une forme agressive avec polyadénopathies, hépatosplénomégalie, signes généraux.

Le médiastin est respecté.

L’atteinte cutanée est fréquente sous forme de nodules, papules, érythrodermie.

L’envahissement médullaire est usuel.

Une atteinte diffuse pulmonaire ou digestive a été décrite.

Des signes osseux (ostéolyse) sont fréquents.

Un déficit immunitaire sévère compliqué d’infections opportunistes peut s’observer.

* Cytologie :

La leucocytose est très variable, pouvant atteindre des chiffres très élevés.

Les cellules leucémiques sont de taille différente, pléiomorphiques avec des noyaux polylobés, convolutés, cérébriformes (ressemblant à des cellules de Sézary).

* Immunologie :

Il s’agit en règle d’une population de lymphocytes CD4 activés dont le phénotype est : CD2+, 3+, 4+, 8-, 25+ (sous-unité alpha du récepteur de l’IL2) HLA-DR+.

Certains patients ont un phénotype mixte 4+, 8+ ou rarement 8+.

L’expression importante associée du Ki67 a une signification pronostique défavorable.

* Biologie :

L’élévation des LDH est fréquente, de même que l’hypercalcémie (33 à 75 % des cas).

Les taux de parathormone sont normaux, mais une élévation du calcitriol, du peptide dérivé de la parathormone (PTHrP), ou de certaines cytokines a été rapportée.

Les lymphocytes infectés par le HTLV-1 produisent du TNF alpha et bêta, activateur des ostéoclastes.

In vitro, l’infection de cellules T par la protéine tax du HTLV-1 s’accompagne de la sécrétion d’IL6 et de la transactivation du promoteur de l’interleukine- 1alpha, cytokines douées d’une puissante activité de résorption osseuse.

* Virologie :

Le sérum des patients contient des anticorps anti-HTLV-1.

Le provirus HTLV-1 est intégré de façon monoclonale dans les cellules leucémiques.

Les différents modes d’intégration du provirus de l’HTLV-1 dans les cellules tumorales sont corrélés avec le tableau clinique et se modifient lors de la transformation d’une forme indolente en forme aiguë.

* Caryotype :

De nombreuses anomalies cytogénétiques sont rapportées (trisomie 3, trisomie 7, absence de chromosome X, délétion du 6 (6q), anomalies du 14), aucune n’est spécifique.

* Pronostic :

Il est défavorable, avec une médiane de survie inférieure à 1 an, mais l’apparition des traitements antirétroviraux va peut-être améliorer le pronostic.

Les facteurs pronostiques défavorables sont l’hypercalcémie, le taux des LDH, l’état général, l’âge supérieur à 40 ans, les localisations multiples.

Le taux du peptide Tac est corrélé à l’évolution.

* Physiopathologie :

La protéine tax du HTLV-1 agit comme activateur de la transcription d’autres gènes de l’HTLV.

Tax augmente notamment la transcription des gènes de l’IL2 et de la chaîne alpha de son récepteur.

Les cellules tumorales expriment le récepteur de l’IL2, reponsable d’une stimulation polyclonale chronique des cellules T par mécanisme auto- et paracrine. Une autre protéine virale, p12 récemment identifiée, joue également un rôle en se liant à la chaîne bêta du récepteur de l’IL2.

* Traitement :

La polychimiothérapie agressive a toujours donné des taux faibles de rémission complète, inférieurs à 30 %.

L’utilisation d’anticorps monoclonaux, couplés à des toxines ou des radioisotopes a donné des résultats encourageants.

L’association interféron alpha et zidovudine (AZT) permet d’obtenir des réponses complètes et partielles chez 58 à 100 % des patients.

Enfin, l’allogreffe médullaire a pu être efficace dans d’exceptionnelles observations.

2- Forme lymphomateuse :

Elle se caractérise par sa présentation : adénopathies prédominantes, absence d’hyperlymphocytose et moins de 1 % de cellules anormales circulantes.

Le diagnostic se fait par la biopsie ganglionnaire, qui montre un aspect de lymphome de haut grade, pléomorphe, de phénotype T.

3- Forme chronique :

Il existe une hyperlymphocytose modérée, avec un faible pourcentage de cellules tumorales circulantes.

Il peut y avoir des adénopathies, une hépatosplénomégalie, une atteinte cutanée et pulmonaire.

Il n’y a pas d’autres atteintes viscérales, ni d’hypercalcémie. Les LDH sont inférieures à deux fois la normale.

4- Forme indolente (« smoldering ») :

Il n’y a pas d’hyperlymphocytose, mais plus de 5 % de cellules anormales circulantes.

Seules les atteintes cutanée et pulmonaire sont possibles.

Il n’y a pas d’hypercalcémie, les LDH sont inférieures à 1,5 fois la normale.

B - Lymphomes T cutanés :

Les LNH-T cutanés mycosis fongoïde, syndrome de Sézary, LNH-T périphériques avec atteinte cutanée ont parfois été rattachés à une infection HTLV-1, notamment en raison de la présence d’anticorps anti-tax, notion contestée par l’absence d’ADN du HTLV-1 chez 50 patients japonais porteurs d’un LNH-T cutané.

D’autres types de LNH-T ont été décrits : avec atteinte gastrique ou intestinale ; exprimant le CD30 ; angiocentrique.

C - Autres anomalies hématologiques :

1- Prolifération à grands lymphocytes granuleux (LGL) :

Des anticorps anti-HTLV-1 ont été détectés chez 6 patients sur 12 atteints de LGL. Signalons un cas de LGL avec érythroblastopénie et population T cytotoxique HTLV-1+.

2- Syndrome hyperéosinophile :

La transformation possible en LNH-T a fait évoquer la possibilité d’une sécrétion, par les lymphocytes T, de lymphokines stimulatrices des éosinophiles, à l’origine de ce syndrome.

Des anticorps anti-HTLV-1 et/ou la présence du génome viral ont ainsi été détectés chez des patients ayant un syndrome hyperéosinophile évoluant vers un LNH-T.

3- Hémopathies de phénotype B :

Plusieurs observations d’hémopathies de phénotype B (leucémie lymphoïde chronique, LNH) et de maladie de Hodgkin ont été décrites chez des patients HTLV-1+.

L’HTLV-1 n’est pas présent dans les cellules tumorales, faisant évoquer un mécanisme indirect : réponse à une stimulation antigénique chronique liée à l’infection HTLV-1 ; sécrétion de cytokines stimulatrices des lymphocytes B, par les cellules T infectées par l’HTLV-1.

Pathologie hématologique et HTLV-2 :

Le virus HTLV-2 a été mis en évidence initialement chez deux patients atteints d’une leucémie à tricholeucocytes de phénotype T.

Il a été également retrouvé dans un cas de LLC T prolymphocytaire et chez un patient porteur d’une leucémie à grands lymphocytes granuleux.

Ces observations restent exceptionnelles et des études plus larges ne confirment pas l’existence d’un lien entre le virus HTLV-2 et une pathologie hématologique.

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