Infections aiguës naso-sinusiennes et pharyngées de l’enfant Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
Rhinopharyngites de l’enfant
:
A - Définition
:
Les rhinopharyngites de l’enfant réalisent une maladie
d’adaptation à un environnement donné.
Elles se caractérisent
par une atteinte inflammatoire du nez et du rhinopharynx.
Elles peuvent être aiguës, récidivantes ou chroniques.
Leur fréquence est particulièrement élevée entre
6 mois et 7 ans.
Le terme rhinopharyngite est souvent
confondu avec les appellations « rhume », « rhinite » ou
« adénoïdite ».
B - Étiologie :
À la naissance, l’enfant est protégé contre les germes de
l’environnement par les anticorps maternels.
Ces anticorps
vont progressivement disparaître alors que parallèlement
l’enfant va développer ses propres défenses immunitaires.
Celles-ci s’élaborent au fur et à mesure des contacts avec
les virus et les bactéries de l’environnement.
La voie de
pénétration de ces germes est avant tout respiratoire.
Les muqueuses nasale et rhinopharyngée se trouvent donc en
première ligne. Les rhinopharyngites sont l’expression clinique
habituelle de ces premiers conflits avec l’environnement
et constituent une véritable maladie d’adaptation.
Chez certains enfants, le conflit prend des caractéristiques
plus importantes sous forme de rhinopharyngites récidivantes,
compliquées ou chroniques.
Des facteurs favorisants
doivent alors être recherchés :
– une carence martiale est retrouvée dans 35 % des cas ;
Elle entraîne une altération des fonctions du polynucléaire
neutrophile (chimiotactisme, bactéricide) et une diminution
de l’immunité cellulaire (réponse des lymphocytes T
en présence d’un antigène).
– l’élévation des IgE sériques totales (retrouvée dans environ
50 % des cas).
Deux mécanismes sont à l’origine de
cette élévation : d’une part, le terrain allergique imposant
un bilan allergologique avec tests cutanés et dosages d’IgE
spécifiques au lait de vache, acariens et graminés et d’autre
part, certaines infections virales (virus respiratoire syncytial,
para-influenzæ, rougeole).
L’hyper IgE sérique est
ainsi à la fois cause et conséquence des rhinopharyngites.
Elle entraîne une dégranulation neutrocytaire avec hyperhémie,
oedème, brèches muqueuses et une inhibition de la sécrétion des lymphokines avec diminution de la réponse
lymphocytaire ;
– l’hypertrophie des végétations adénoïdiennes est considérée
comme pathologique si elle est obstructive (obstruction
nasale) ou si elle constitue un foyer infectieux chronique
;
– modifications de l’écologie ambiante par le tabagisme
parental, altération de l’hygrométrie et de la température
de l’air ambiant, pollution ;
– la vie en collectivité (crèche, maternelle) favorise le
contact avec les virus et les bactéries portés par les autres
enfants ;
– enfin, le reflux gastro-oesophagien par l’inflammation
rhinopharyngée entretenue doit être recherché en cas de
récidive ou si une carence martiale est associée.
C - Diagnostic :
1- Forme typique : rhinopharyngite aiguë simple
Les signes cliniques associent une obstruction nasale bilatérale
avec respiration buccale et une fièvre à 38,5 °C.
En
l’absence de complication, la fièvre est rarement plus élevée.
L’examen clinique permet de retrouver une rhinorrhée
antérieure muqueuse ou mucopurulente bilatérale, une rhinorrhée
postérieure inconstante avec écoulement mucopurulent
sur la paroi postérieure du pharynx, sous le voile,
entre les amygdales. Le pharynx est discrètement inflammatoire.
Il existe des adénopathies cervicales bilatérales et
sensibles.
L’otoscopie est systématique et retrouve des
tympans inflammatoires, roses sans otite.
La résolution
spontanée est habituelle en 4 à 5 jours, en l’absence de complication.
2- Formes cliniques :
• Forme récidivante et chronique : l’évolution est marquée
par la répétition des épisodes aigus.
L’intervalle entre
chaque épisode est marqué soit par un retour à la normale
avec un nez sec et perméable, soit par la persistance d’une rhinorrhée mucopurulente avec respiration buccale.
On
considère le passage à la chronicité à partir d’une fréquence
d’au moins 6 épisodes aigus par hiver.
C’est dans ces
formes récidivantes et chroniques que s’observent les principales
complications.
• Formes compliquées
– Les formes otitiques sont représentées par les otites
moyennes aiguës et les otites séromuqueuses à tympan
fermé.
L’otite moyenne aiguë est suspecte sur l’élévation
de la fièvre (supérieure à 38,5 °C), l’otalgie et confirmée
par l’otoscopie.
L’otite séromuqueuse est suspectée sur une
gêne auriculaire, une éventuelle baisse de l’audition et
confirmée par l’otoscopie et la tympanométrie.
– Les formes laryngées sont représentées par les formes sous-glottiques avec dyspnée inspiratoire caractéristique.
La laryngite sous-glottique se révèle le plus souvent la nuit
dans un contexte de rhinopharyngite fébrile (38,5 °C).
– Les formes sinusiennes sont rares.
L’ethmoïdite aiguë est
une complication grave, atteignant le plus souvent l’enfant
avant 6 ans.
La sinusite maxillaire aiguë est rare ; il s’agit
habituellement d’une sinusite maxillaire oedémateuse réactionnelle bilatérale entrant dans le tableau de la rhinopharyngite.
– Les formes ganglionnaires sont représentées par l’exacerbation
des signes ganglionnaires cervicaux de la rhinopharyngite
banale.
Il peut s’agir d’une adénite, d’un adénophlegmon
voire d’un abcès rétropharyngé par diffusion de
l’inflammation dans l’espace cellulo-graisseux rétro-pharyngé.
L’augmentation de la fièvre et l’apparition d’un torticolis
témoignent de l’atteinte de cet espace réalisant le
syndrome de Grisel.
– Les formes hyperthermiques amènent à rechercher des
complications comme les convulsions ou la déshydratation.
– Les formes trachéo-bronchiques avec toux productive
témoignent de la diffusion du processus inflammatoire à
l’arbre respiratoire inférieur.
L’association des deux
atteintes respiratoires supérieures et inférieures sous sa
forme chronique et récidivante doit conduire à rechercher
une mucoviscidose, une maladie des cils immobiles (Kartagener)
ou un déficit immunitaire congénital.
– Le faciès adénoïdien représente une complication évolutive
des rhinopharyngites récidivantes avec développement
d’un visage droit, allongé et respiration buccale.
À
plus long terme, l’apparition d’une dysmorphose dentomaxillaire
est possible avec béance incisive supérieure et
incompétence labiale.
– L’obstruction nasale prolongée entraîne une élévation des
résistances pharyngées avec développement possible d’un
véritable syndrome d’apnée-hypopnée du sommeil.
D - Bilan :
• Aucun bilan spécifique n’est nécessaire en cas de rhinopharyngite
aiguë simple.
• Dans les formes récidivantes et chroniques, le bilan comprend
:
– une numération formule sanguine avec dosage du fer
sérique et de la ferritine plasmatique ;
– un dosage des IgE totales éventuellement complété par
un bilan allergologique ;
– la recherche d’une hypertrophie des végétations adénoïdes
par une fibroscopie nasopharyngée et un cliché de
cavum de profil.
La radiographie de cavum devra objectiver
la distance comprise entre l’orifice choanal (correspondant
à la face postérieure du sinus maxillaire) et l’hypertrophie
des végétations.
La distance entre les végétations
et le voile du palais est moins fiable car le voile est une
structure mobile.
L’hypertrophie est considérée comme
pathologique et obstructive si les végétations adénoïdes se
projettent sur la face postérieure du sinus maxillaire.
• Dans les formes compliquées, le bilan sera orienté selon
le type de complications (recherche d’un reflux gastro-oesophagien,
d’une mucoviscidose…).
E - Traitement :
1- Rhinopharyngite aiguë simple :
Le traitement essentiellement symptomatique poursuit
3 objectifs : la lutte contre la fièvre, le drainage des sécrétions
nasales et la lutte contre l’obstruction nasale.
• La lutte contre la fièvre fait appel aux antipyrétiques,
anti-inflammatoires (salicylates et paracétamol).
• Le drainage des sécrétions associe la désinfection rhynopharyngée
et locale et la prescription de mucorégulateurs
généraux.
L’irrigation répétée des fosses nasales par du
sérum physiologique ou par des dérivés de l’eau de mer
constitue la base du traitement.
Les ampoules de sérum doivent
être préférées aux flacons et la solution doit être utilisée
tiédie (le froid augmente l’obstruction nasale).
On
peut adjoindre à ce traitement des pulvérisations locales
d’un antiseptique ou d’un antibiotique.
• La lutte contre l’obstruction nasale n’est nécessaire
qu’en cas de retentissement grave (apnées du sommeil) ou
chez un enfant chez qui la respiration buccale n’est pas
acquise.
L’utilisation des vasoconstricteurs locaux commercialisés
est contre-indiquée chez l’enfant.
Le traitement
fera appel à une solution d’adrénaline diluée (1 ampoule
d’adrénaline diluée dans 1 ampoule de sérum physiologique
à 10 mL) prescrite à la dose de IV à V gouttes par
jour pendant 3 à 4 jours.
• Les anti-inflammatoires et les antibiotiques par voie
générale ne sont pas utiles dans la rhinopharyngite aiguë
simple.
L’antibiothérapie à ce stade présente le risque de
sélectionner un germe pathogène et n’est indiquée qu’en
cas de suppuration nasale ou de complication suppurée.
2- Rhinopharyngites récidivantes ou chroniques
:
Le traitement poursuit 2 objectifs : l’éradication des facteurs
favorisants ou étiologiques identifiés et la prévention
des récidives.
• L’ablation des végétations adénoïdes (adénoïdectomie)
est indiquée en cas d’hypertrophie pathologique avec obstruction nasopharyngée.
Son indication se justifie devant
la répétition des épisodes rhinopharyngés aigus (plus de 6
par hiver) surtout s’ils se compliquent d’otites aiguës ou
d’otites séro-muqueuses.
• Le traitement des carences martiales fait appel au traitement per os, en 3 prises quotidiennes, pour au moins 2
mois.
Le traitement d’une éventuelle allergie fait appel aux
antihistaminiques et aux mesures d’éviction de l’allergène
incriminé (lait de vache, poils d’animaux).
La prise en
charge d’un reflux gastro-oesophagien et le contrôle des
autres facteurs favorisants (tabagisme parental…) est parfois
nécessaire.
Le traitement préventif des récidives fait
appel à la prescription d’immuno-stimulants ou immunomodulateurs
(fraction ribosomale ou antigénique), à l’oligothérapie
et à la réalisation de cures thermales au moyen
d’eaux sulfurées.
Ethymoïdite aiguë de l’enfant
:
C’est la complication sinusienne des rhinopharyngites
aiguës chez l’enfant de 2 à 3 ans.
On distingue 3 formes
évolutives : l’ethmoïdite aiguë non extériorisée, l’ethmoïdite
aiguë extériorisée et les formes compliquées.
1- Ethmoïdite aiguë non extériorisée
:
Elle se caractérise par une rhinopharyngite aiguë avec fièvre
élevée (39 °C) chez un enfant asthénique.
L’examen met parfois
en évidence un oedème modéré de l’angle interne de
l’oeil associé à une rhinorrhée purulente
du même
côté.
La fibroscopie
peut retrouver
du pus au niveau
des orifices de drainage
des sinus ethmoïdaux
(méat
moyen).
L’examen
de l’oeil est à ce
stade normal.
Le
traitement est celui
de la rhinopharyngite
associé à une
antibiothérapie
générale.
2- Ethmoïdite
aiguë
extériorisée
:
Elle associe une
fièvre à 39 °C et
des signes locaux
évocateurs.
L’oedème
palpébral
inflammatoire et
douloureux atteint
les paupières supérieure
et inférieure mais pas systématiquement de façon
symétrique.
Il s’y associe selon le stade de l’atteinte un
oedème conjonctival ou chémosis.
Il existe une rhinorrhée
purulente homolatérale. La conduite à tenir implique :
• la recherche d’un germe par prélèvement de tous les sites
(fosses nasales, méat sinusien, angle interne de l’oeil) afin
d’adapter le plus efficacement possible le traitement antibiotique.
Les germes retrouvés sont des Hæmophilus
influenzæ, pneumocoques et staphylocoques ;
• la recherche par un examen ophtalmologique, d’une
exophtalmie et des signes de suppuration intra-orbitaire
(anesthésie cornéenne, mydriase, paralysie oculomotrice)
signant l’existence de complications ophtalmologiques ;
• le scanner des sinus est systématiquement demandé en
présence d’un oedème conjonctival ou s’il existe des signes
de souffrance oculaire.
Il permet de poser l’indication chirurgicale
;
• la mise en route en urgence du traitement, en milieu
hospitalier.
3- Ethmoïdite aiguë compliquée
:
• Les complications ophtalmologiques sont les plus fréquentes
et peuvent atteindre tous les constituants de l’oeil :
– la cellulite orbitaire se traduit par un oedème diffus dans
le tissu adipeux de l’orbite sans abcédation ;
– l’abcès sous-périosté se caractérise par une collection
purulente située entre le périoste et l’os ; l’abcès déplace
le globe vers le bas et en dehors ;
– l’abcès orbitaire est situé au niveau de la graisse orbitaire.
Il est responsable d’une exophtalmie sévère, immobilité
du globe oculaire et altération de l’acuité visuelle.
• Les complications neurologiques sont essentiellement
représentées par la thrombophlébite du sinus caverneux, se
manifestant par des crises convulsives, un syndrome
méningé avec troubles de la conscience pouvant évoluer
vers un coma profond.
Sinusite de l’enfant
:
A - Sinusite maxillaire aiguë de l’enfant :
Elle s’observe chez l’enfant à partir de 6 ans.
1- Avant cet âge :
L’atteinte sinusienne s’intègre au tableau de rhinopharyngite.
Elle associe, en plus des signes habituels des rhinopharyngites,
une rhinorrhée purulente et une toux grasse
productive nocturne et matinale.
Son traitement est celui
de la rhinopharyngite auquel on ajoute une antibiothérapie par voie générale actif sur l’Hæmophilus et le pneumocoque.
2- Après 6 ans
:
L’atteinte sinusienne est plus franche et individualisée, elle
associe une fièvre à 38-39 °C, une obstruction nasale, une rhinorrhée purulente et des douleurs maxillaires augmentées,
par l’effort, la toux et l’antéflexion de la tête.
Les
radiographies standard (Blondeau) ne sont pas utiles au
diagnostic, les images les plus caractéristiques sont représentées
par l’opacité complète ou le niveau liquide.
B - Sinusite maxillaire
et pansinusite récidivante et chronique
de l’enfant
:
Les signes cliniques sont non spécifiques et associent une
obstruction nasale, une rhinorrhée purulente et une toux
productive.
L’examen des fosses nasales retrouve des sécrétions
purulentes provenant des méats sinusiens.
Le caractère
chronique est affirmé sur la durée de l’évolution de
plus de 3 mois.
Un bilan endoscopique et radiologique est
nécessaire.
Le bilan endoscopique des fosses nasales
recherche un obstacle anatomique ou fonctionnel des méats
sinusiens. La découverte de polypes doit faire suspecter
une mucoviscidose et demander un test de la sueur.
Les clichés
standard (Blondeau) sont peu spécifiques.
Des opacités
incomplètes des sinus comme un épaississement
muqueux en cadre ou une opacité polypoïde du bas-fond
sinusien n’ont aucune spécificité et témoignent simplement
du retentissement sinusien d’une atteinte nasopharyngée.
Plus caractéristique est l’opacité complète d’un ou plusieurs
sinus pouvant signer l’évolutivité actuelle d’une sinusite.
Un scanner des sinus permettra de préciser l’extension
de l’atteinte sinusienne mais n’apporte que peu de
contribution au diagnostic.
Le traitement est long et difficile.
Il est identique, en dehors des causes spécifiques, à
celui des rhinopharyngites récidivantes et chroniques.
Le
drainage chirurgical ou la réalisation de méatotomies sous contrôle endoscopique sont exceptionnellement indiqués.
Les indications sont représentées par les échecs du traitement
médical, la survenue de complications bronchopulmonaires
secondaires, la fréquence et la gravité des poussées
aiguës.
Ce traitement chirurgical est toujours suivi
d’un traitement médical prolongé.