Infections des parties molles par les germes anaérobies Cours
d'infectieux
Les infections anaérobies des tissus mous sont peu fréquentes
mais graves, constituant une véritable urgence
infectieuse.
Elles sont polymorphes, tant par leur présentation
clinique (myonécrose, fasciite), que d'un point de
vue bactériologique.
Le diagnostic doit en être évoqué rapidement
afin d'assurer une prise en charge médico-chirurgicale
immédiate.
Étiologie
:
1- Bactériologie
:
Les bactéries anaérobies sont incapables de pousser en
atmosphère contenant plus de 20 % d'oxygène.
En fonction
de leur degré de tolérance, on distingue les germes
«EOS» (extrêmement sensible à l'oxygène), les anaérobies
stricts et les anaérobies facultatifs.
Parmi les germes
anaérobies, on différencie :
• les germes sporulés : du genre Clostridium (perfringens,
septicum, novyi, bifermentens), bacilles à Gram-positif
retrouvés dans le sol ou le tube digestif de l'homme ou des
animaux, dont la pathogénicité est liée à la production
d'exotoxines : exemple de la toxine a de C. perfringens, létale, nécrosante, et hémolytique.
Les Clostridium sont
des bactéries gazogènes et non pyogènes ;
• les germes anaérobies non sporulés, moins virulents, ne
possédant pas de toxine, mais dont le pouvoir pathogène est
lié à la production d'enzymes – protéinases, hyaluronidase
(entraînant un clivage des structures de soutien), fibrinolysine,
coagulase – et de facteurs anti-phagocytaires.
On
retrouve dans ce groupe des cocci à Gram-positif (Peptostreptococcus,
Peptococcus) ou négatif (Veillonella) et des
bacilles à Gram-positif (Propionibacterium acnes, Actinomyces)
ou négatif (Bacteroides, Prevotella, Fusobacterium).
Il est important de souligner que les infections des parties
molles à germes anaérobies sont, en dehors de la myonécrose
le plus souvent monomicrobiennes, clostridiales, de
véritables infections mixtes, polymicrobiennes.
Ainsi, il
est également fréquent de mettre en évidence, à côté de
plusieurs anaérobies, la présence de germes aérobies à
Gram-positif (staphylocoques, streptocoques) ou à Gramnégatif
(entérobactéries, Haemophilus, Pseudomonas),
ceux-ci favorisant eux-mêmes, en diminuant le potentiel
d'oxydo-réduction locale, la multiplication des germes
anaérobies.
Il existe donc une véritable synergie bactérienne,
dont un autre exemple est représenté par les Bacteroides
qui ont la capacité d'inhiber le pouvoir phagocytaire
des polynucléaires vis-à-vis des germes aérobies,
favorisant à leur tour leur croissance.
2- Facteurs favorisants
:
Tout ce qui entraîne une hypoxie ou une ischémie tissulaire
est susceptible de favoriser ce type d'infections (angiopathie
diabétique, athérome, lésions oedémateuses, présence
d'un corps étranger, intervention chirurgicale, froid,
prolifération néoplasique) ainsi que le développement d'une
infection à germes aérobies.
De même, un terrain prédisposant
est le plus souvent retrouvé : dénutrition, éthylisme
chronique, granulopénie, traitement immunosuppresseur.
La contamination est externe, par inoculation directe d'une
plaie souillée, ou interne, par effraction des muqueuses,
mettant alors en continuité une cavité septique avec des tissus
normalement stériles.
3- Classification
:
Différentes classifications sont utilisées, essayant de prendre en compte la variabilité des germes, la nature du
tissu infecté, les particularités liées à la localisation de l'infection.
En pratique, il n'est pas toujours évident de distinguer
cliniquement une fasciite d'une cellulite progressive
; en outre, l'évolution d'une forme à une autre est
toujours possible au cours du temps.
La classification anatomo-clinique distingue, en fonction du tissu primitivement
touché, et du mode évolutif : les myonécroses (atteinte primitive
du muscle), clostridiales ou non ; les cellulites
(atteinte des tissus sous-cutanés et des fascias), nécrosantes
si le mode évolutif est aigu ou progressives dans le cas
contraire. Finegold propose en outre une classification clinico-
bactériologique en 5 entités : cellulite clostridiale,
myonécrose clostridiale, myosite streptococcique anaérobie,
fasciite nécrosante, cellulite nécrosante synergistique.
Ces classifications ont, néanmoins, un certain nombre de
caractères en commun, qui permet de les regrouper dans
un même cadre nosologique : caractère non limité de l'infection
; absence de pus franc ; caractère nécrosant de ce
type d'infections, lié à des phénomènes thrombotiques multiples
au niveau des petits vaisseaux.
Diagnostic :
1- Formes cliniques :
• Myonécrose à germes anaérobies : la myonécrose à
germes anaérobies, ou gangrène gazeuse, est le plus souvent
clostridiale (80 à 90 %) mais peut se voir avec d'autres
germes (Bacteroides ou streptocoques anaérobies).
Elle
implique une atteinte musculaire initiale.
Son incidence
reste faible (0,1-0,4 pour 100 000) mais en recrudescence
actuelle, parallèlement avec la traumatologie routière.
Elle
est le plus souvent d'origine traumatique, parfois post-chirurgicale
; rarement, elle fait suite à un geste infectant
(injection intramusculaire ou intra-articulaire de corticoïdes
ou d'anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Elle peut survenir
enfin suite à une contamination d'ulcères ou d'escarres
(pied du diabétique notamment).
La contamination se fait
rarement par une flore endogène, contrairement aux cellulites nécrosantes, mais par une flore exogène d'origine tellurique
à partir d'une plaie souillée.
– Le délai d'apparition varie de quelques heures à un ou
deux jours, le plus souvent très court, entre 12 et 24 heures
avec un mode évolutif aigu.
Le premier signe et le plus
constant est la douleur locale qui se majore rapidement
pour devenir intolérable.
La peau, à ce stade est encore peu
inquiétante, pâle, tendue, ou discrètement érythémateuse,
froide ; puis apparaissent un oedème, un exsudat avec issue
de sérosités dont l'odeur fétide doit interpeller, et une crépitation
au palper.
– L'évolution non traitée se fait par une extension locale
rapide : la peau prend un aspect « bronzé » avec des zones
nécrotiques et des bulles sérosanglantes, parallèlement
à l’apparition de signes généraux : hyper- ou hypothermie,
tachycardie, hypotension, agitation, oligurie,
ictère, état de choc, autant de signes évoquant un état septique
grave, conduisant au décès du patient.
Si cliniquement,
il est difficile de différencier une myonécrose clostridiale d’une myonécrose non clostridiale, les signes généraux
et locaux sont souvent plus précoces et plus marqués
dans le premier cas.
L’odeur putride de l’exsudat, par
ailleurs pauvre en polynucléaires neutrophiles et présentant
des bacilles à Gram-positif à l’examen direct, est également
fortement évocatrice du premier diagnostic.
– L’intervention chirurgicale confirme le diagnostic, en
retrouvant des masses musculaires oedématiées, pâles ou
brunâtres, atones, saignant peu au contact.
La peau et les
tissus sous-cutanés, initialement normaux, sont atteints de
façon secondaire.
– Les diagnostics différentiels (érysipèle, phlébothrombose)
ne posent en général aucun problème étant donné
l’aspect local et l’importance des signes infectieux.
On
retiendra, par ailleurs, en faveur d’une cellulite à germes
anaérobies, le caractère plus modéré des signes généraux,
l’évolution plus lente et la moindre tendance au décollement
sous-cutané lors des constatations chirurgicales.
– Il existe une forme particulière de myonécrose, spontanée,
sans porte d’entrée retrouvée, dont plusieurs cas ont
été décrits à C. septicum, invitant alors à rechercher une
pathologie tumorale sous-jacente, notamment iléo-colique.
C. septicum serait plus aérotolérant que C. perfringens et
la dose infectante nécessaire serait moins grande, d’où une
plus grande toxicité.
– La mortalité de la gangrène gazeuse varie selon les études
de 5 à 31 %, les principaux facteurs pronostiques étant le
retard diagnostique, l’âge avancé, l’extension au tronc et
le caractère spontané.
• Cellulites nécrosantes à germes anaérobies : on
regroupe, sous ce terme, les infections des tissus sous-cutanés
diffusant le long des fascias, avec atteinte secondaire
de la peau.
Il n’y a pas en pratique d’atteinte musculaire,
hormis comme complication tardive.
Elles font souvent
suite à un traumatisme local avec une contamination polymicrobienne
d’origine endogène.
Il en existe plusieurs
formes cliniques, en fonction de la localisation :
– Cellulites périnéales.
Initialement décrite en 1883, la gangrène
de Fournier correspondait à une nécrose du scrotum
et du fourreau de la verge, en apparence primitive, survenant chez le sujet jeune et bien portant.
Actuellement, cette
pathologie est la plus souvent rencontrée chez le sujet âgé,
une cause est retrouvée dans 95 % des cas et le terme de
gangrène de Fournier englobe dorénavant les fasciites
nécrosantes des régions génitales, périnéales, et périrectales.
C’est une pathologie potentiellement létale caractérisée
par un début brutal et une nécrose rapidement progressive
des tissus sous-cutanés par un mécanisme
d’endartérite oblitérante.
L’infection est mixte, chaque bactérie
impliquée ayant une pathogénicité limitée mais agissant
de façon synergique, pour aboutir à une infection
sévère.
Les germes les plus souvent rencontrés sont : Escherichia
coli, Streptococcus, Klebsiella, Enterobacter, Bacteroides
et Clostridium.
Ces germes font partie de la flore
commensale normale urétrale, rectale ou cutanée.
En
moyenne, quatre germes sont associés.
Les étiologies sont multiples : infections anorectales ou
génito-urinaires ; traumatismes locaux iatrogènes (biopsie
prostatique) ou non (folliculites) ; postchirurgicales (cure
de fistule anale) ; complications d’hémorroïdes.
Un terrain
prédisposé est par ailleurs le plus souvent retrouvé : diabète,
pathologie tumorale, âge avancé, éthylisme, immunodépression,
cirrhose, insuffisance rénale.
Cliniquement le début est insidieux, marqué par des signes
aspécifiques : malaise, irritabilité, gêne ou douleur scrotale
lancinante.
Puis, apparaissent un oedème scrotal douloureux,
une tuméfaction périnéale, une suppuration et une
crépitation parallèlement, là encore, à l’installation de
signes généraux.
La rapidité de progression de l’infection
s’explique par les liens anatomiques étroits existant entre
les différents fascias du périnée (fascia de Colles en arrière,
de Scarpa en avant, de Buck et Dartos autour des organes
génitaux externes).
Une fois le processus engagé, l’extension est donc rapide
conduisant à une atteinte locale sévère et à une détérioration
clinique, marquée par un état de choc parfois irréversible.
On notera néanmoins que, si l’atteinte des tissus
pelviens et périnéaux peut être massive, la vessie, le rectum
et les testicules sont le plus souvent épargnés car sous
la dépendance d’un réseau vasculaire différent.
La mortalité moyenne est de 21 %, plus élevée chez le diabétique,
l’éthylique, et en cas d’infection initiale colorectale (présentation
atypique à l’origine d’un retard diagnostique).
– Cellulites cervico-faciales.
Elles font suite le plus souvent
à un abcès ou une extraction dentaire (2e et 3e molaires
inférieures surtout), parfois à une infection rhinopharyngée
(angine, phelgmon amygdalien), plus rarement à un
traumatisme (fracture mandibulaire) ou à une intervention
chirurgicale.
La richesse des flores buccales et pharyngées
en germes anaérobies expliquent la possibilité de telles
infections.
Là encore, la flore responsable est mixte.
La
gravité de cette pathologie s’explique en majeure partie par
la possibilité d’une extension médiastinale, du fait de l’absence
de barrière anatomique s’opposant à la progression
du processus infectieux.
Cliniquement, les signes initiaux se résument à ceux de
l’affection causale, précédant un oedème extensif qui donne
alors un aspect empâté à la région sous-maxillaire.
La peau
devient érythémateuse et la douleur est intense.
L’existence
d’un oedème laryngé latéral ou postérieur conditionne le
pronostic immédiat, par le risque d’asphyxie aiguë qu’il
entraîne.
L’extension de la fasciite se fait différemment en cas d’origine
dentaire ou pharyngée : en règle générale, en cas de
foyer dentaire, sont atteints successivement : les espaces
sous-maxillaires, sous-mandibulaires et sublingual. À ce
stade, si l’atteinte est bilatérale, on parle d’angine de Ludwig.
De là, l’infection peut facilement gagner le médiastin
par les espaces latéropharyngé, puis rétropharyngé.
Lorsque l’origine de l’infection est amygdalienne, c’est
l’espace latéropharyngé atteint le premier.
Dans tous les cas, le risque d’atteinte médiastinale (pleurésie,
empyème, péricardite, médiastinite), rend l’examen
tomodensitométrique cervico-thoracique à visée diagnostique
quasi systématique en préopératoire dans la mesure
où la clinique et même l’exploration chirurgicale peuvent
être prises en défaut.
De même, on aura tendance
à répéter cet examen au cours de l’évolution, de façon
systématique pour certains, au moindre signe d’appel pour
d’autres.
La mortalité varie entre 22 et 50 % avec comme principales
causes une défaillance multiviscérale ou un choc septique
et une asphyxie par obstruction des voies aériennes.
Les
principaux facteurs de mauvais pronostic sont l’âge, l’existence
d’un diabète, l’apparition d’un choc septique dans
les 24 premières heures, l’existence d’une coagulopathie,
l’extension au médiastin et là encore le retard thérapeutique.
• Cellulites progressives à germes anaérobies. L’atteinte
infectieuse est limitée dans ce cas aux tissus sous-cutanés ;
les fascias profonds sont épargnés.
L’infection se développe
après chirurgie abdominale ou thoracique, à partir d’un orifice
de drainage d’un abcès, d’un orifice de colostomie, ou
encore spontanément sans lésion primitive décelable.
L’évolution est beaucoup plus progressive, l’extension souvent
limitée au tiers superficiel des tissus sous-cutanés, les
manifestations générales rares.
La clinique est avant tout
marquée par des signes locaux : existence d’une zone centrale
indurée évoluant progressivement vers la nécrose puis l’ulcération ; à ce stade il peut déjà exister des bourgeons
de granulation ou des îlots d’épidermisation.
La zone périphérique
est érythémateuse, parfois précédée d’une zone
intermédiaire pourpre, douloureuse et hyperesthésique.
L’évolution se fait sur plusieurs jours avec une diffusion
sous-cutanée responsable de lésions satellites.
Les complications
sont exceptionnelles.
Le traitement associe un
drainage chirurgical et une antibiothérapie adaptée.
• Infections des parties molles abdominales.
La
paroi abdominale peut être indifféremment le siège de cellulites
progressives, de fasciites nécrosantes ou même de
myonécrose. L’étiologie est le plus souvent postchirurgicale,
notamment quand il existe une ouverture de l’intestin
ou des voies biliaires.
Il faudra toujours rechercher un
foyer localisé intra-abdominal ou une péritonite associée.
2- Diagnostic :
Il est avant tout clinique et la réalisation d’examens complémentaires
ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique.
Dès le diagnostic suspecté, on effectuera :
– Un bilan biologique à la recherche d’un syndrome infectieux
et de signes de gravité : numération formule sanguine,
fonction rénale, ionogramme sanguin, bilan hépatique,
enzymes musculaires, lactates, bilan d’hémostase, gaz du
sang, protides, calcémie.
– Un bilan radiologique : radiographie de thorax, radiographie
des zones touchées (ces dernières peuvent parfois
mettre en évidence des bulles ou des traînées gazeuses au
sein des parties molles).
Un examen scanographique est
utile dans certaines localisations (cellulites cervicofaciales).
L’imagerie par résonance magnétique peut être
utile en cas de doute diagnostique.
Elle retrouve dans les
cellulites nécrosantes un hypersignal au niveau des fascias
atteints sur les séquences acquises en T2 alors que ceux-ci
paraissent sains en cas d’érysipèle par exemple.
– Un bilan bactériologique qui sera poursuivi en peropératoire
: hémocultures, et surtout prélèvements de toute
sérosité.
Ces derniers seront effectués de façon stricte, à la
seringue avec ensemencement rapide sur milieu anaérobie
et acheminement dans les plus brefs délais au laboratoire
de bactériologie.
Traitement :
Quelle que soit la localisation, le traitement de toute infection
des parties molles à germes anaérobies constitue une
urgence médicochirurgicale, le délai de prise en charge
constituant le principal facteur pronostique.
La prise en
charge sera au mieux réalisée en milieu spécialisé et comporte,
outre les mesures de réanimation générale, trois
volets majeurs : l’antibiothérapie, la chirurgie, l’oxygénothérapie
hyperbare.
1- Antibiothérapie :
Instaurée en urgence, l’antibiothérapie empirique doit
prendre en compte le caractère souvent polymicrobien aéro-anaérobie de ce type d’infection et la possibilité de
germes anaérobies résistants à la pénicilline.
L’adaptation
secondaire est souvent discutable compte tenu des difficultés
habituelles d’isolement des germes anaérobies, a fortiori
si les prélèvements ont été effectués après l’initiation
de l’antibiothérapie.
Le site de l’infection (germes aérobies associés) conditionne
le choix de l’antibiothérapie initiale.
Dans les cellulites
cervico-faciales, l’association amoxicilline-acide
clavulanique (Augmentin) est l’antibiothérapie empirique
de choix ; l’adjonction de métronidazole (Flagyl) ou d’ornidazole
(Tibéral) est théoriquement redondante au plan
du spectre, mais ces dérivés possèdent une excellente diffusion
tissulaire qui les font volontiers utiliser.
L’intérêt de
la clindamycine (Dalacine), à bonne activité anti-anaérobies
et à forte diffusion tissulaire, est également à souligner.
Dans les cellulites abdomino-périnéales et de proximité
(membre inférieur), l’antibiothérapie empirique doit
prendre en compte les entérobactéries : place des associations pipéracilline-tazobactam (Tazocilline) + aminoside
ou imipénème (Tiénam) + aminoside ; la même remarque
que précédemment peut être faite concernant l’adjonction
initiale de métronidazole.
La durée de l’antibiothérapie varie selon l’évolution, en
pratique 10 à 15 jours.
2- Traitement chirurgical :
Le traitement chirurgical doit être précoce et n’être différé
sous aucun prétexte.
Il sera au mieux réalisé par une équipe
habituée et entraînée.
Le geste chirurgical a un triple intérêt
: diagnostique, retrouvant les lésions typiques et en réalisant
le bilan d’extension exact, le degré d’extension de
l’infection sous-jacente ne pouvant en aucun cas être estimé
par l’atteinte en surface des tissus cutanés ; bactériologique,
permettant des prélèvements locaux avec mise en culture
de collections purulentes et analyse bactériologique tissulaire
; curatif, un débridement chirurgical suffisant et correctement
réalisé conduisant souvent rapidement à une
amélioration du patient.
La chirurgie permet, en outre, de
diminuer les phénomènes compressifs, responsables en partie
de l’ischémie et de l’hypoxie (favorisant eux-mêmes la
pullulation microbienne et la moindre diffusion des antibiotiques).
Des principes généraux restent valables quelle
que soit la localisation : premier temps exploratoire avec
bilan d’extension et prélèvements bactériologiques ; évacuation
des débris et des corps étrangers ; excision de tous
les tissus nécrosés et débridement des zones sous tension,
sans craindre un sacrifice trop important (l’expérience
montre en effet qu’un débridement initial inadéquat
conduira à des procédures ultérieures encore plus mutilantes
– en général, tant que la peau et les tissus sous-cutanés
sont facilement clivables du fascia, c’est que la fasciite
est présente ; évacuation des collections purulentes,
des hématomes et lavage abondant, hémostase complète ;
drainage de toutes les zones infectées par de multiples
lames, en laissant souvent la plaie largement ouverte ; traitement
indispensable de la porte d’entrée (péritonite en cas
de cellulites abdominales).
Les pansements seront initialement réalisés de façon quotidienne, voir pluriquotidienne, au bloc opératoire, pour
excision de nouveaux tissus nécrosés, mise en place de nouveaux
drains et irrigation large.
La fréquence des pansements
sera progressivement diminuée en cas d’évolution
favorable pour servir par la suite à une attitude de cicatrisation
dirigée.
À distance, une chirurgie reconstructrice par
greffe cutanée et lambeaux musculaires sera réalisée le cas
échéant.
Il persiste souvent des séquelles esthétiques et (ou)
fonctionnelles.
Il existe, par ailleurs, des aspects propres à certaines localisations.
Dans les cellulites pelviennes, le drainage urinaire
par cathétérisme suspubien en sonde urinaire, en fonction
des équipes, est le plus souvent nécessaire.
De même,
une colostomie sera réalisée en cas d’infection de la zone anorectale ou dans toute atteinte pelvienne pour d’autres.
Enfin, le problème de l’amputation peut se poser dans la myonécrose de membre, constituant parfois le seul geste
salvateur.
3- Oxygénothérapie hyperbare :
Si l’utilisation de l’oxygénothérapie hyperbare a fait la
preuve de son efficacité dans des modèles expérimentaux
de gangrène gazeuse chez la souris et le chien, aucune étude
contrôlée n’a été conduite chez l’homme.
Elle reste néanmoins
de mise dans les gangrènes gazeuses et est recommandée
par beaucoup d’équipes dans les autres infections
des parties molles à germes anaérobies.
Les effets bénéfiques
de l’oxygénothérapie hyperbare s’expliquent d’une
part, par l’augmentation de la pression partielle en oxygène
permettant une meilleure diffusion péricapillaire de l’oxygène
et donc une restitution de pressions normales au sein
de zones préalablement hypoxiques (récupération du pouvoir
bactéricide des polynucléaires et effet direct de fortes
concentrations d’oxygène sur certains agents bactériens) ;
d’autre part par un effet eutrophique et cicatrisant ; enfin,
par un effet bénéfique sur l’angiogenèse, permettant une
majoration de la microcirculation et donc une augmentation
de la diffusion des antibiotiques au site d’infection.
En pratique, l’oxygénothérapie hyperbare sera le plus souvent
instituée si elle ne retarde pas le geste chirurgical, si
son accès est facile et que le déplacement du patient vers
un centre équipé ne retarde en rien la prise en charge et
enfin si le patient est stable au plan hémodynamique.
Il
existe peu de contre-indication (en dehors du pneumothorax,
de l’emphysème et de l’épilepsie) et son utilisation est
pratiquement dépourvue d’effets secondaires hormis le
risque de crise convulsive hyperoxique et de barotraumatisme
pulmonaire ou ORL.
Les modalités d’application
comprennent le plus souvent 3 séances de 90 minutes à
–3ATA le premier jour sous une FI02, à 100 % puis deux
séances par jour par la suite, la durée étant fonction des
équipes et de l’état de cicatrisation.
4- Mesures générales
:
La prise en charge médico-chirurgicale, urgente, se fera en
milieu de réanimation et si possible dans une structure possédant
une unité de traitement hyperbare.
Les mesures
générales seront rapidement mises en oeuvre afin de restaurer
le cas échéant les conditions circulatoires, d’assurer
l’équilibre hydroélectrolytique et acido-basique.
La prise
en charge de toute défaillance viscérale se fera de manière
habituelle.
Enfin, on n’oubliera pas des apports nutritionnels
adaptés, préférentiellement par voie entérale, un traitement
analgésique adéquat faisant le plus souvent appel
aux dérivés morphiniques et l’immunisation antitétanique
en cas de vaccination douteuse ou ancienne.
La prise en
charge de tels patients est donc lourde, difficile, nécessitant
le plus souvent un support ventilatoire prolongé.