Infections cutanées et muqueuses à Candida albicans
Cours de dermatologie
Épidémiologie
:
Les Candida font partie des levures, champignons se
multipliant par bourgeonnement des cellules isolées.
Cette levure produit du pseudo ou du vrai mycélium.
Parmi les 35 espèces de Candida connues, seul le
Candida albicans est un saprophyte exclusif des
muqueuses (respiratoires, vaginales, digestives).
Contrairement aux autres espèces qui peuvent se trouver
normalement sur la peau et les muqueuses, il n’est
jamais trouvé sur la peau saine.
C’est sous l’influence de facteurs favorisants
que la levure Candida albicans passe de l’état saprophyte
à l’état parasitaire. La colonisation puis l’invasion de la
peau et des muqueuses sont le résultat : d’une rupture
d’équilibre entre la virulence fongique et les défenses de
l’organisme, notamment la réponse immunitaire cellulaire
à lymphocytes T ; de facteurs locaux créant un état de
réceptivité favorable à leur développement, telle la
macération des couches cornées par la transpiration,
l’occlusion.
Les modalités d’infestation sont : rarement la voie exogène,
telle la contamination du nouveau-né ou du nourrisson
par la mère atteinte de vaginite candidosique ou les candidoses
sexuellement transmissibles des adultes ; surtout la voie endogène par porte d’entrée digestive ou génitale.
Exceptionnellement, Candida albicans provoque des
septicémies ou des lésions viscérales profondes.
Diagnostic :
A - Diagnostic positif
:
Il repose sur 3 arguments : l’aspect clinique, en règle
très évocateur, et suffisant au diagnostic même si les
manifestations cliniques réalisées revêtent des aspects
très différents selon la topographie ; la confirmation
biologique par l’examen mycologique de technique
simple et de résultat rapide ; le traitement d’épreuve.
Les manifestations cliniques peuvent revêtir des aspects
différents : les formes localisées sont les plus fréquentes,
touchant les grands plis, les espaces interdigitaux, les demi-muqueuses et les phanères, notamment les ongles.
Les formes diffuses sont beaucoup moins fréquentes et
se rencontrent en règle chez le nourrisson et le jeune
enfant.
Les lésions profondes sont exceptionnelles et
s’observent chez le petit enfant et surtout en contexte
d’immunodépression.
Quelle que soit la localisation, les
candidoses réalisent un fond érythémateux recouvert
d’un enduit crémeux malodorant avec une évolution
centrifuge sous forme d’une bordure pustuleuse ou
d’une collerette desquamative.
1- Candidoses buccales et digestives
:
Elles atteignent un ou plusieurs des segments du tube
digestif et sont particulièrement fréquentes aux âges
extrêmes de la vie et chez les sujets immunodéprimés :
• perlèche sous forme d’une fissure de la commissure
labiale, avec un fond du pli rouge, macéré puis desquamatif
ou croûteux et parfois débord sur la peau adjacente;
• stomatite sous forme d’une inflammation aiguë ou
chronique de la muqueuse buccale.
La stomatite peut être purement érythémateuse avec
rougeur congestive de la muqueuse qui devient brillante,
vernissée et douloureuse.
Elle peut être érythémateuse et pseudo-membraneuse
sous forme d’un muguet où la surface rouge se recouvre
de taches blanchâtres dont le raclage léger permet de
détacher les couches superficielles.
À ce stade, les
troubles subjectifs sont caractérisés par la sécheresse de
la bouche et des sensations discrètes de cuisson, enfin,
une légère dysphagie avec une sensation de corps étranger.
Le muguet domine à la face interne des joues alors que
les gencives sont plutôt atteintes dans les stomatites
érythémateuses banales.
En l’absence de traitement, le
muguet peut s’étendre au pharynx responsable d’une
dysphagie nette.
L’atteinte oesophagienne est plus rare que les stomatites
dont elle n’est souvent qu’une extension, encore qu’elle
puisse se développer en l’absence de lésions buccales
cliniquement décelables.
Elle doit faire rechercher une
immunodépression, notamment une infection par le
virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Les candidoses gastro-intestinales accompagnent généralement
une candidose bucco-oesophagienne et peuvent
être indirectement révélées par une diarrhée.
La candidose ano-rectale est révélée par un prurit anal,
tandis que l’examen découvre un érythème péri-anal
sous forme d’une anite érythémateuse suintante ou érosive
qui se prolonge par un intertrigo inter-fessier.
2- Candidose des plis :
• Elle réalise un intertrigo, c’est-à-dire une atteinte
inflammatoire des plis cutanés avec comme caractères
communs : un début au fond du pli, éventuellement fissuraire ; une lésion symétrique par rapport au fond
du pli ; une collerette desquamative ou pustuleuse à
quelque distance du foyer principal.
• L’intertrigo candidosique survient à tout âge, mais
prédomine chez le sujet obèse, diabétique et à partir
d’un réservoir digestif ou vaginal.
• L’intertrigo des grands plis (génito-crural, péri-anal
et interfessier, sous-mammaire) réalise l’aspect clinique
sus-cité. Ils sont en général symétriques, et volontiers
associés.
• L’intertrigo des petits plis (interdigital des mains ou
des pieds) siège électivement dans le 3e espace et atteint
de préférence les individus en contact avec l’eau ou
atteints d’hyperhidrose qui ont des facteurs professionnels
favorisant l’occlusion (port de chaussures de sécurité, de
bottes…).
Le prurit est fréquent et la surinfection à
d’autres germes est possible avec risque de lymphangite.
3- Candidoses génitales :
Leur caractère sexuellement transmissible n’est pas
constant ou admis par tous.
Les tableaux cliniques sont
variés et polymorphes.
Si, dans certains cas, ils évoquent
d’emblée une candidose (autre atteinte évocatrice
associée), dans d’autres, ils prennent le masque d’une
infection banale.
Le diagnostic de mycose génitale est d’ailleurs volontiers
porté par excès.
• La vulvovaginite candidosique prédomine chez les
femmes jeunes et d’âge moyen, notamment pendant la
grossesse.
Chez la plupart des femmes, on note quelques
épisodes aigus répondant à un traitement classique, mais
chez d’autres la vulvovaginite est récidivante ou chronique
avec une véritable obsession de cette infection
dont l’apparition paraît inexplicable.
En fait l’infection
semble résulter davantage de l’activation d’une colonisation
vaginale saprophyte que d’une véritable transmission
sexuelle.
La vulvovaginite est d’abord érythémateuse et oedémateuse
avec prurit, puis apparaît un enduit blanchâtre, des
leucorrhées souvent abondantes, blanc jaunâtre, qui
stagnent dans les plis de la muqueuse vulvovaginale et
sont responsables d’un prurit intense ou d’une dyspareunie.
L’extension aux plis inguinaux et aux plis interfessiers
est fréquente et facilite le diagnostic.
• Les candidoses génitales masculines peuvent se
manifester par une urétrite avec écoulement purulent
blanc verdâtre, associé à une dysurie et à un prurit méatique,
ou par une balanite et balanoposthite responsables
d’une inflammation du gland, du sillon balano-préputial
et du prépuce.
La contamination peut être sexuelle mais
l’infection ne peut se développer durablement que sur
un terrain prédisposé.
L’aspect est peu spécifique, et
mérite d’être authentifié par un prélèvement mycologique,
car le diagnostic de balanite candidosique est
souvent porté par excès.
4- Candidoses des phanères
:
• Des folliculites candidosiques peuvent être observées
soit à proximité d’un foyer mucocutané soit plus à
distance notamment dans des zones qui sont le siège de
macération ou de transpiration (tronc, cuir chevelu).
La non-réponse d’une folliculite à un traitement antistaphylococcique doit faire pratiquer un prélèvement
mycologique pour éliminer tout autant une candidose
qu’une dermatophytie.
• Il peut s’agit d’une onycholyse candidosique ou plus
souvent d’une paronychie chronique atteignant fréquemment
la femme adulte exposée à l’eau : l’infection
débute toujours par l’atteinte du repli unguéal, qui se
tuméfie, devient inflammatoire et dont la pression fait
sourdre une goutte séropurulente ; la lame unguéale est
ensuite envahie à partir de la paronychie, s’épaissit,
devient verdâtre ou brun noir ; l’évolution est chronique,
parsemée de poussées intermittentes.
Au rôle du
Candida albicans s’ajoute le rôle d’autres germes et
souvent un processus immuno-allergique, notamment
par contact avec les produits alimentaires.
B - Diagnostic biologique
:
La technique de diagnostic est simple avec un prélèvement
par écouvillon de l’intertrigo, d’éventuelles pustules
ou par découpage de l’ongle.
L’examen direct recherche des levures bourgeonnantes
avec ou sans pseudo-filament.
La culture sur milieu de Sabouraud est additionnée
d’antibiotiques pour limiter la pousse des bactéries ou
d’actidione pour limiter la pousse des moisissures
contaminantes.
La levure pousse rapidement en 2 à
3 jours.
L’isolement en culture de Candida albicans, absent de
la peau saine, à partir de tous les points d’ensemencement,
avec de plus, à l’examen direct, la présence de
pseudo-filaments ou de filaments qui signent sa pathogénicité,
conduit au diagnostic de candidose.
L’examen mycologique n’est pas toujours pratiqué en
routine, en raison d’un diagnostic clinique souvent évident
et du fait que le traitement d’épreuve antifongique
local permet de traiter aisément les lésions candidosiques.
Toutefois, dans les cas difficiles (aspect
clinique atypique, diagnostic différentiel nécessaire, lésions
récidivantes malgré un traitement adéquat…), le prélèvement
mycologique est indispensable.
C -
Diagnostic différentiel :
Les diagnostics différentiels sont envisagés par
ordre de fréquence et selon la topographie.
D’une façon générale on distingue 4 principaux diagnostics
différentiels.
• Les dermites de contact sont très prurigineuses, érythémato-vésiculeuses ou suintantes s’il s’agit d’une dermite
de contact allergique ; ou érythémateuses, sèches et crevassées
lorsqu’il s’agit d’une dermite de contact caustique.
• Le psoriasis inversé réalisant un intertrigo vernissé,
papuleux, bien limité ; le diagnostic doit être évoqué dès
qu’un intertrigo candidosique résiste à un traitement
d’épreuve bien conduit ; l’examen clinique attentif permet
éventuellement de dépister une plaque psoriasique plus
typique en dehors des plis ; la situation se complique
lorsque le psoriasis est colonisé par un Candida albicans.
• L’intertrigo microbien ou dermatophytique présente
les germes tels que le staphylocoque, le streptocoque ou
le pyocyanique qui peuvent s’associer à des Candida
albicans dans les plis. Cette responsabilité doit être
évoquée devant un intertrigo douloureux, fissuraire,
répondant mal à l’antifongique seul.
L’intertrigo dermatophytique
touche essentiellement les plis génito-cruraux
ou le 4e espace inter-digito-plantaire ; au niveau des
aines, il est asymétrique, surtout marqué par une bordure
périphérique et respecte relativement le fond du pli ; au
niveau du 4e espace interorteils, il s’agit simplement
d’une desquamation asymptomatique.
• L’intertrigo à Corynebacterium (érythrasma) réalise
une tache brune, volontiers symétrique, de teinte homogène,
s’étendant à partir de la racine de la cuisse et
asymptomatique.
Traitement
:
A - Principes
:
Il est nécessaire de rechercher les facteurs favorisants et,
dans la mesure du possible, de les éradiquer.
L’examen clinique doit détecter tous les foyers à traiter
simultanément pour éviter les récidives.
Le traitement des candidoses cutanéo-muqueuses est en
règle local, excepté dans certaines formes graves ou
étendues qui nécessitent l’utilisation d’un antifongique
systémique.
B - Molécules disponibles
:
Les antifongiques locaux actifs sont de 3 types : antibiotiques
tels que la nystatine (Mycostatine), l’amphotéricine
B (Fungizone) ou les dérivés imidazolés ou
encore le ciclopirox (Mycoster).
On donne actuellement
la préférence aux topiques imidazolés, plus modernes,
et très nombreux à être commercialisés.
La forme
galénique (crème, poudre, gel, lait…) est adaptée en
fonction de la localisation.
Il est en de même pour le
rythme d’applications (1 ou 2 applications quotidiennes)
selon la molécule utilisée.
En raison de l’excellente
activité antifongique, des traitements courts de 15 jours
sont habituellement suffisants.
Certaines molécules sont disponibles sous forme de
suspension buccale, dragée ou encore ovule pour traiter
le foyer muqueux associé.
C - Indications
:
• Les candidoses cutanées localisées sont toujours
accessibles à un traitement local ; on y associe le traitement
du foyer muqueux : foyer digestif, foyer génital avec traitement
par ovules gynécologiques ; traitement simultané
d’un partenaire si la contamination sexuelle est avérée.
• Les candidoses cutanéo-muqueuses, inaccessibles à
un traitement local simple ou survenant dans un contexte
de déficit immunitaire génétique ou acquis justifient le
recours à un traitement antifongique systémique oral :
kétoconazole (Nizoral) avec surveillance du bilan hépatique,
ou fluconazole (Triflucan).