Hypolipémiants

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Introduction :

Les hypolipémiants sont nombreux et ne seront prescrits qu’après un traitement diététique bien suivi pendant 3 à 6 mois, sauf urgence, cardiovasculaire en particulier.

Seuls seront prescrits les médicaments qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.

Les hypolipémiants peuvent être schématiquement classés en trois chapitres principaux.

– Les médicaments agissant sur l’absorption intestinale des acides biliaires et du cholestérol : ce sont les résines séquestrant les acides biliaires (colestyramine, colestipol) et la néomycine, pour mémoire.

– Les médicaments agissant sur la synthèse et/ou le catabolisme des lipoprotéines : ce sont les fibrates et les dérivés des fibrates, ou fibrates de deuxième génération (fénofibrate, ciprofibrate, bézafibrate, gemfibrozil) et l’acide nicotinique (non commercialisé en France).

– Les inhibiteurs de l’hydroxy-3-méthyl-glutaryl coenzyme A réductase (HMG Co-A réductase) ou statines : simvastatine, pravastatine, fluvastatine, atorvastatine et cérivastatine.

On envisagera dans un quatrième chapitre les médicaments dont le mode d’action est mal connu : probucol, tiadénol, le tocophérol étant un antioxydant mais pas un hypolipémiant au sens propre du terme et le Max EPA qui s’apparente plus aux produits diététiques.

Médicaments agissant sur l’absorption intestinale des acides biliaires et du cholestérol :

RÉSINES :
Hypolipémiants

1- Colestyramine :

La seule résine commercialisée en France est la colestyramine (Questrant).

La formule biochimique comprend des groupements ammonium quaternaires attachés à un copolymère styrène divinylbenzène.

Son poids moléculaire est de 1 000 000.

Il s’agit d’une résine anionique fortement basique, non hydrolysée par les enzymes digestives.

Elle se présente sous forme d’une poudre jaune, d’odeur citronnée, très hydrophile, mais insoluble dans l’eau.

Elle échange dans la lumière intestinale ses anions chlore Cl-, captant en échange les acides biliaires avec lesquels elle forme des complexes insolubles non réabsorbables.

Elle n’est pas absorbée par la muqueuse intestinale et est donc dénuée de tout effet toxique direct.

Normalement, au niveau de la cellule hépatique, le cholestérol intrahépatocytaire provient :

– d’une part de la synthèse à partir de la molécule fondamentale du métabolisme intermédiaire, l’acétyl coenzyme A, grâce à l’hydroxy-méthyl-glutaryl coenzyme A réductase, enzyme-clé de la synthèse du cholestérol (HMG Co-A réductase) ;

– d’autre part de la pénétration des low density lipoprotein 1 (LDL) dans la cellule par la voie normale des récepteurs de l’apolipoprotéine B, E (Apo B, E) de Brown et Goldstein.

Les LDL sont fixées au niveau du récepteur membranaire et sont internalisées avec le récepteur, subissant toute une suite de réactions aboutissant au dépôt intracellulaire de cholestérol.

Le cholestérol intrahépatocytaire va subir l’action de la 7-alphahydroxylase qui va le transformer en 7-hydroxycholestérol, lequel donnera ensuite les acides biliaires primaires et secondaires, qui seront éliminés dans les selles ou surtout réabsorbés par le cycle entérohépatique.

Le rétrocontrôle est négatif, le taux des acides biliaires réglant en retour le taux de cholestérol intracellulaire.

Le Questrant agit de deux façons :

– il rompt le cycle entérohépatique, d’où absence de réabsorption des acides biliaires et augmentation importante de l’excrétion fécale d’acides biliaires.

Il en résulte une augmentation de l’HMG Co-A réductase (donc de la synthèse intracellulaire du cholestérol) et de la 7-alphahydroxylase (donc de la transformation du cholestérol en acides biliaires, éliminés dans les selles) ;

– en diminuant la quantité de cholestérol intracellulaire, il augmente le nombre de récepteurs de l’apo B, E au niveau de la membrane de la cellule hépatique et accroît ainsi le catabolisme des LDL par la voie normale des récepteurs de Brown et Goldstein.

Ceci est fondamental, car il est presque certain que, si l’on augmente le catabolisme des LDL par cette voie, on diminue concomitamment le catabolisme des LDL oxydées par la voie scavenger, c’est-à-dire la voie macrophagique, et la cause de l’athérosclérose.

Le Questrant est efficace dans l’hypercholestérolémie pure de type II a :

– non seulement la forme polygénique (plutôt en rapport avec un régime trop riche en cholestérol et en graisses saturées) ;

– mais aussi la forme familiale hétérozygote.

En revanche, dans la forme homozygote, exceptionnelle, il augmente énormément la synthèse de cholestérol, ce qui fait que l’augmentation de la synthèse peut en définitive dépasser l’augmentation du catabolisme.

Le Questrant n’est pas absorbé par la muqueuse intestinale. Il n’y a donc pas de pharmacocinétique du produit.

Le Questrant a une grande affinité pour les résidus acides et diminue l’absorption des digitaliques, de la phénylbutazone, du phénobarbital, de l’aspirine, des thiazidiques, des cyclines, des hormones thyroïdiennes et des antivitamines K.

C’est pourquoi, il est toujours conseillé de respecter un délai d’au moins 90 minutes entre la prise du Questrant et celle des autres médicaments.

Le Questrant est malheureusement assez mal toléré ; il est donc conseillé d’augmenter très progressivement la posologie (un sachet par jour pendant une semaine, puis deux sachets par jour pendant une semaine, puis, etc, jusqu’à obtention de la dose efficace) et de le préparer 24 heures à l’avance, ceci, pour diminuer les effets secondaires, au premier rang desquels figure la constipation.

Plus rares sont la diarrhée, la stéatorrhée.

Il n’y a pas de carence vitaminique ou de syndrome de malabsorption intestinale, mais il est bon, si l’on utilise des doses importantes chez l’enfant, de donner aussi un complexe polyvitaminique.

Comme il y a un échange d’anions chlore contre les molécules d’acides biliaires, une acidose hyperchlorémique serait théoriquement possible, mais n’a jamais été observée.

Des microembolies de cholestérol avec ischémie transitoire au début du traitement, par fragmentation de la plaque athéroscléreuse, sont théoriquement possibles (mais non prouvées) et ont fait proposer, par certains auteurs, d’associer systématiquement des antiagrégants plaquettaires.

Les contre-indications sont essentiellement d’ordre digestif : occlusion ou subocclusion intestinale, ulcération ou tumeur colique, maladie hémorroïdaire sévère entre autres.

Le Questrant est donc efficace dans l’hypercholestérolémie pure de type IIa, mais aussi le prurit de la cholestase, la diarrhée neurovégétative du diabète.

Cependant, augmentant les triglycérides, il n’est pas indiqué dans l’hyperlipidémie combinée de type IIb, la dysbêtalipoprotéinémie de type III et l’hypertriglycéridémie de type IV.

Avec trois à quatre sachets de 4 g/j, il diminue le cholestérol total d’environ 25 %, le LDL cholestérol de 30 %, augmente très peu le high density lipoprotein (HDL) cholestérol (d’environ 5 %).

Il diminue le pool de cholestérol de l’organisme, est capable de faire régresser certains dépôts extravasculaires de cholestérol comme le xanthélasma et les xanthomes tendineux.

Dans l’étude de prévention primaire (lipid research clinic coronary primary prevention trial [LRCCPPT]), la diminution de 1 % du cholestérol total par le Questrant a entraîné une baisse de 2 % de la morbidité coronarienne.

L’arrêt du traitement est suivi d’une remontée du LDL cholestérol à son taux de départ en 3 à 4 semaines.

2- Colestipol :

Le colestipol (Colestidt) est une autre résine, analogue au Questrant, mais dans l’ensemble mieux tolérée.

Elle n’est malheureusement pas commercialisée en France.

3- Néomycine :

Elle n’est plus utilisée aujourd’hui comme hypolipidémiant.

Elle agit par un mécanisme analogue au Questrant.

Médicaments agissant sur la synthèse et/ou le catabolisme des lipoprotéines :

A – FIBRATES :

Le clofibrate (Lipavlont), découvert en 1963, a été le premier hypolipidémiant véritablement efficace.

Il n’est plus guère utilisé aujourd’hui. C’est l’éthylester de l’acide p-chloro-phénoxyisobutyrique (CPIB).

C’est un liquide légèrement jaunâtre, d’odeur faible, insoluble dans l’eau et soluble dans l’alcool, présenté en capsules.

Plusieurs études de prévention primaire (étude de l’Organisation mondiale de la santé [OMS] d’Oliver), de prévention secondaire (coronary drug project, études de Newcastle, de la Société écossaise, etc) ont conclu à une diminution de la morbidité coronarienne avec ce traitement, mais pas de la mortalité coronarienne, ni de la mortalité globale.

C’était même parfois le contraire.

Fibrates de deuxième génération :

Les « dérivés » des fibrates ou fibrates de deuxième génération sont beaucoup plus utilisés depuis l’avènement du fénofibrate (Lipanthylt) en 1975.

Ils sont actuellement au nombre de quatre : le fénofibrate (Lipanthylt), le ciprofibrate (Lipanort), le bézafibrate (Béfizalt) et le gemfibrozil (Lipurt).

Il s’agit de poudres solubles dans les solvants organiques, présentées en gélules, de poids moléculaire faible allant de 250 à 360.

Le fénofibrate (Lipanthylt) est le plus ancien, le mieux connu, et, avec le ciprofibrate (Lipanort), le plus régulièrement efficace. Avec une dose de 300 mg/j (la correspondance est parfaite avec une gélule de Lipanthylt 200 micronisé, seule forme galénique aujourd’hui commercialisée), on note une baisse des triglycérides de 40 à 50 %, du cholestérol LDL de 20 % ainsi que de l’apolipoprotéine B, et une augmentation du HDL cholestérol et de l’apolipoprotéine AI d’environ 15 à 20 %. Le fénofibrate a également un effet uricosurique propre, diminuant régulièrement et spécifiquement l’uricémie.

Concernant la pharmacocinétique de ces produits, il importe d’insister sur le fait qu’ils :

– ont une absorption intestinale complète, d’où une grande biodisponibilité ;

– circulent sous deux formes : une forme libre, seule physiologiquement active, et une forme liée aux protéines (plus de 90 % sont liées à l’albumine) ;

– sont efficaces par eux-mêmes (bézafibrate) ou par leurs métabolites (acide fénofibrique pour le fénofibrate, forme glycuroconjuguée pour le ciprofibrate et le gemfibrozil) ;

– sont éliminés surtout par voie rénale, d’où une contre-indication ou, du moins, une grande prudence d’utilisation, en cas d’insuffisance rénale.

Le mécanisme d’action est complexe et imparfaitement connu : il diminue la synthèse et l’excrétion hépatique des VLDL avant tout, augmente l’activité lipoprotéine-lipase, diminuerait l’activité HMG Co-A réductase et pourrait ainsi augmenter le catabolisme des LDL par la voie normale des récepteurs de Brown et Goldstein.

Il a été récemment montré que les fibrates se lient et activent des récepteurs nucléaires, les peroxisome proliferator activated receptor (PPAR), d’où une diminution de la synthèse des acides gras, une augmentation de leur catabolisme, d’où une diminution de la synthèse hépatique des VLDL.

Comme ces produits circulent sous deux formes, libre et liée à l’albumine, il existe une possibilité de déplacement d’autres médicaments qui sont transportés de la même façon, c’est-à-dire qui occupent les mêmes sites de liaison à l’albumine, d’où augmentation de la fraction libre active de ces médicaments, et augmentation de leur effet.

Ceci a été décrit pour les antivitamines K (et chacun sait qu’il faut diminuer d’un tiers la posologie de ces anticoagulants lorsqu’on associe un dérivé des fibrates), les hydantoïnes et le furosémide.

La liste des effets secondaires peut paraître longue, mais ils sont peu fréquents, le plus souvent bénins.

Il s’agit dans l’ensemble de produits bien supportés, mais il a été décrit :

– des complications musculaires (en cas de posologie excessive, d’insuffisance rénale ou d’hypoalbuminémie) avec des crampes, des myalgies, une augmentation de l’aldolase et des créatines phosphokinases (CPK), régressant en 10 jours à 3 mois à l’arrêt du traitement ;

– des complications cutanées, exceptionnelles (moins de 1 % des cas), sous forme de rashs érythémateux, de dermatoses vésiculeuses ou papulaires ;

– des troubles digestifs, en général réduits à quelques nausées et gastralgies, un peu de diarrhée.

L’augmentation de l’index de lithogénicité biliaire, responsable de l’augmentation de la fréquence de la lithiase biliaire, a surtout été décrite avec le clofibrate.

Elle existe, mais moins fréquemment, avec les dérivés des fibrates.

Une échographie vésiculaire au début du traitement, répétée au bout de 3 à 5 ans, semble souhaitable ; une augmentation des transaminases dans 10 % des cas, surtout vers le sixième mois du traitement, régressant souvent malgré la poursuite du traitement, mais nécessitant l’interruption de celui-ci si les transaminases atteignent deux ou trois fois la limite supérieure à la normale.

Il n’a pas été rapporté de cas d’hépatite grave.

Un contrôle systématique des transaminases lors de chaque contrôle lipidique est nécessaire ; une impuissance sexuelle ou une simple diminution de la libido, de pathogénie totalement inconnue, mais bénigne, transitoire et réversible à l’arrêt du traitement.

Les contre-indications sont représentées par :

– l’insuffisance rénale chronique, le syndrome néphrotique et les autres causes d’hypoalbuminémie en raison du risque d’accumulation du médicament, de l’augmentation de la forme libre, et, donc, du risque de toxicité musculaire ;

– l’insuffisance hépatique ;

– la lithiase biliaire non compliquée n’est pas une contre-indication à un tel traitement.

Les dérivés des fibrates trouvent aujourd’hui leurs meilleures indications, depuis l’avènement des statines, dans l’hyperlipidémie combinée ou mixte de type IIb (en cas de formule avec hypertriglycéridémie prédominante) et l’hypertriglycéridémie pure de type IV.

Ils seront prescrits dans l’hypercholestérolémie pure de type IIa, seulement en cas d’effets secondaires des statines.

Bien que non tératogènes, ces produits sont contre-indiqués chez la femme enceinte.

L’arrêt du traitement est suivi d’une remontée du cholestérol total et/ou des triglycérides en 4 à 6 semaines.

Un traitement quotidien et sans interruption est nécessaire, comme avec tous les hypolipidémiants.

Les dérivés des fibrates ont d’autres actions intéressantes : diminution du fibrinogène, du facteur VII de la coagulation, de l’inhibiteur de l’activateur de plasminogène (PAI1), de la viscosité sanguine, de l’agrégation plaquettaire, et des LDL petites et denses (qui sont les plus oxydables, donc les plus athérogènes).

B – ACIDE NICOTINIQUE :

Pur, il n’est pas commercialisé en France, mais il est possible de prescrire la fabrication de tablettes de 250 mg en préparation magistrale.

Il inhibe la lipolyse au niveau du tissu adipeux, entraînant une diminution des acides gras libres plasmatiques et on sait que toute diminution du flux intrahépatique d’acides gras libres abaisse la synthèse hépatique des very low density lipoprotein 1 (VLDL).

Les effets secondaires sont malheureusement importants : flush 30 à 60 minutes après la prise du produit, nausées, gastralgies, augmentation des transaminases et de l’uricémie.

Ce produit est contre-indiqué en cas de diabète, d’hyperuricémie, d’ulcère digestif, d’insuffisance hépatique.

Il est efficace dans la plupart des hyperlipoprotéinémies athérogènes, mais très peu utilisé en France.

Il diminue les triglycérides de 30 à 40 %, le cholestérol total de 15 à 30 % et serait un des médicaments qui augmenterait le plus l’HDL cholestérol (surtout la fraction véritablement antiathérogène HDL2).

Inhibiteurs de l’HMG Co-A réductase ou statines :

L’enzyme-clé de la synthèse du cholestérol est l’HMG Co-A réductase, transformant l’HMG Co-A en mévalonate.

On parle d’« enzyme-clé », car, une fois atteint le stade de mévalonate, la synthèse se poursuit obligatoirement jusqu’à son terme ultime : le cholestérol.

Trois corps fondamentaux dérivent de certaines molécules intermédiaires et ne sont heureusement pas compromis sous statines :

– l’isopentényl ARNt (acide ribonucléique de transfert) ;

– le dolichol (fondamental pour la synthèse des glycoprotéines) ;

– l’ubiquinone ou coenzyme Q10, qui joue un rôle dans la respiration cellulaire et le transfert des électrons dans les mitochondries.

Ce sont des inhibiteurs enzymatiques partiels qui agissent par inhibition compétitive du fait d’une homologie de structure avec l’enzyme, l’HMG Co-A réductase.

Ces inhibiteurs sont :

– la compactine, découverte par Endo en 1976 au Japon, dans penicillium citrinum, et par Brown aux États-Unis dans penicillium brevicompactum, actuellement abandonnée en raison d’effets secondaires n’ayant jamais permis de dépasser le stade de l’expérimentation ;

– la lovastatine (Mevacort commercialisée aux États-Unis), isolée d’Aspergillus terreus. La posologie initiale est de 20 mg, pouvant être augmentée jusqu’à 80 mg ;

– la simvastatine (Zocort, Lodalèst), dérivé semisynthétique de la lovastatine.

Les comprimés sont à 5 et 20mg. Il est recommandé de débuter par une dose de 10 mg/j et d’augmenter progressivement si nécessaire jusqu’à 40 mg en une seule prise le soir ;

– la pravastatine (Elisort, Vastent), provenant de l’hydroxylation microbienne de la compactine.

Là aussi, les comprimés sont dosés à 20 mg. Il est recommandé de débuter par une dose de 10 mg/j et d’augmenter progressivement si nécessaire jusqu’à 40 mg ;

– la fluvastatine (Lescolt), premier inhibiteur enzymatique obtenu par synthèse.

Elle se présente en gélules de 20 et 40 mg, la posologie maximale quotidienne étant de 80 mg en une seule prise le soir ;

– l’atorvastatine (Tahort) : comprimés à 10 et 40 mg/j.

– la cérivastatine (Staltort, Cholstatt) : comprimés à 0,1 et 0,3 mg. Le mécanisme d’action est bien connu.

En inhibant l’HMG Co-A réductase intracellulaire, ces médicaments entraînent, par rétrocontrôle, une augmentation du nombre des récepteurs membranaires des LDL, d’où une augmentation du catabolisme des LDL par la voie « normale » des récepteurs de Brown et Goldstein.

Ceci a été confirmé par la démonstration de l’augmentation de l’ARNm des récepteurs des LDL dans les hépatocytes et de l’ARNm de l’HMG Co-A réductase (par rétrocontrôle).

La simvastatine (Zocort, Lodalèst) est sous forme lactone inactive et est activée après absorption intestinale et passage hépatique en forme bêta-hydroxy-acide active (ouverture du noyau lactone).

Les autres produits sont d’emblée sous forme active.

L’absorption intestinale est importante, de l’ordre de 80 %.

La liaison aux protéines plasmatiques est de 90 %. Le point d’impact est essentiellement hépatique et l’élimination avant tout digestive.

Il n’y a donc pas de contre-indication en cas d’insuffisance rénale. Ces produits entraînent en moyenne une diminution du cholestérol total de 30 % environ, du LDL cholestérol de 40 % et une augmentation du HDL cholestérol de l’ordre de 10 %.

Mais il n’y a que peu d’effet hypotriglycéridémiant chez les patients ayant une hypertriglycéridémie, sauf peut-être pour l’atorvastatine (mais ceci demande à être confirmé). Ces médicaments sont dans l’ensemble bien tolérés.

On a décrit des nausées et gastralgies (dans moins de 5 % des cas), parfois une augmentation des transaminases et des CPK, avec ou sans myalgies, crampes.

Il n’y a pas de risque de lithiase biliaire (ces produits diminueraient plutôt l’indice de lithogénicité), pas de risque d’insuffisance surrénale ou gonadique (il s’agit d’une inhibition enzymatique partielle de la synthèse du cholestérol et il existe toujours assez de cholestérol pour la synthèse des hormones stéroïdes), pas de risque de cataracte (comme avec un inhibiteur de la synthèse du cholestérol des années 1965, rapidement abandonné, le MER 29), pas de risque de lymphome, pas de risque d’impuissance sexuelle.

Ces inhibiteurs enzymatiques ne potentialisent pas les anticoagulants, du moins de façon significative.

Il est conseillé de ne pas les associer aux dérivés des fibrates en raison de complications musculaires possibles, ni à la ciclosporine (une rhabdomyolyse a été observée dans des cas exceptionnels).

Cette association est cependant possible dans des cas particuliers sous surveillance clinique et biologique soigneuse.

Ces molécules sont :

– indiquées dans l’hypercholestérolémie pure (type IIa) avant tout : forme polygénique et forme familiale hétérozygote, en association avec les LDL-aphérèses dans les formes homozygotes ;

– également dans l’hyperlipidémie combinée ou mixte (type IIb) en cas d’hypercholestérolémie prédominante.

Mais, dans notre expérience, si les triglycérides sont supérieurs à 3 g/L, mieux vaut recourir aux fibrates ;

– non indiquées et même contre-indiquées dans l’hypertriglycéridémie de type IV ;

– contre-indiquées chez l’enfant, la femme enceinte ou susceptible de l’être. Il existe un effet synergique très intéressant entre statine et résine, association à laquelle il faut recourir en cas d’hypercholestérolémie importante, si une monothérapie n’apparaît pas suffisante. Une diminution du LDL cholestérol de 50 % peut alors être obtenue.

Les études de prévention primaire (Woscops avec la pravastatine) et de prévention secondaire (4S avec la simvastatine, CARE avec la pravastatine) pour ne citer que les premières, ont récemment affirmé qu’il était possible de diminuer la morbidité coronarienne, mais également la mortalité coronarienne et la mortalité globale.

De nombreuses études de « régression » de l’athérosclérose ont été effectuées avec ces différents produits et ont prouvé une diminution rapide de la morbidité coronarienne dès le sixième mois de l’étude alors qu’il n’y avait pas toujours de nette régression des lésions anatomiques, comme si les statines, en abaissant le contenu lipidique de la plaque athéroscléreuse, parvenaient à stabiliser les lésions et à diminuer le risque de rupture.

Les statines ont d’autres actions intéressantes, même si elles ne sont pas encore toutes très bien documentées : effet favorable sur la rhéologie sanguine, les plaquettes, les protéines de la coagulation, la vasomotricité, la fonction endothéliale, etc.

Médicaments à mode d’action mal connu :

A – PROBUCOL (LURSELLE®) :

Il diminue le cholestérol total de 16 à 18 % en abaissant de façon prédominante le HDL cholestérol. C’est pourquoi il n’est plus guère utilisé.

Il a d’ailleurs été retiré du commerce en France.

Pourtant, si son mécanisme d’action est hypothétique (il circule sous forme liée aux LDL), il diminue les dépôts extravasculaires de cholestérol (xanthélasma et xanthomes tendineux) à la dose de 4 comprimés/j, soit 1 g.

Son action antioxydante est environ 300 fois plus importante que celle de la vitamine E in vitro.

Une étude de régression de l’athérosclérose (probucol quantitative regression swedish trial : PQRST) n’a cependant pas donné de résultat positif au niveau des artères fémorales au bout de 3 ans de traitement.

B – TIADÉNOL (FONLIPOL®) :

C’est un hypolipidémiant tout à fait mineur, un peu efficace à la dose de 4 à 6 comprimés/j dans l’hypercholestérolémie pure.

Son seul intérêt est d’être parfaitement toléré et dénué de tout effet secondaire.

C – ALPHATOCOPHÉROL (TOCO 500®) :

Il est inefficace dans les hypo-alpha-lipoprotéinémies.

La vitamine E est antioxydante in vitro. In vivo cependant, les résultats des études de prévention ne sont guère concluants, sauf dans l’étude Chaos, de sorte qu’il est impossible aujourd’hui de dire qu’il faut donner des antioxydants systématiquement à un sujet ayant une hyperlipoprotéinémie hautement athérogène et/ou de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire et/ou une athérosclérose accélérée et anticipée.

Peut-être l’étude Suvimax permettra-t-elle de répondre plus clairement à cette question, mais les résultats ne seront connus que dans 6 à 7 ans.

MAXEPA® :

Il entre plutôt dans la catégorie des produits diététiques.

Depuis les grandes études épidémiologiques publiées en 1985 (Bang, Kromhout, Shekelle), la diminution de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires dans certaines populations a été rapportée à la consommation des acides gras ö3 (ou n-3).

Ces acides gras sont au nombre de deux :

– C20.5 : acide eicosapentaénoïque (EPA) ;

– C22. 6 : acide docosahexaénoïque (DHA). Une capsule de Maxepat contient 300 mg d’acides gras ö3, à savoir 180 mg d’EPA et 120 mg de DHA.

À la dose de 4 à 6 capsules/j, on obtient surtout une diminution des triglycérides par abaissement de la synthèse hépatique des VLDL.

Il n’y a guère d’effet sur le taux du cholestérol total, LDL cholestérol et apo B, HDL cholestérol et apo AI.

Ce produit est donc surtout indiqué dans l’hypertriglycéridémie de type IV (et de type V), et également dans les hypertriglycéridémies secondaires du diabète sucré mal équilibré, de l’insuffisance rénale chronique.

Il peut également rendre des services dans certaines situations : chez le greffé cardiaque hypertriglycéridémique ou en cas d’anomalie hépatique gênant ou interdisant la prescription des fibrates.

Il est en général bien toléré, mais certains patients se plaignent de nausées, d’éructations.

Les propriétés antithrombogènes sont peut-être plus intéressantes que les éventuelles actions antiathérogènes : diminution de la viscosité sanguine avec allongement du temps de saignement, augmentation de la thromboxane A3 et diminution de la thromboxane A2 entre autres.

Il n’est plus remboursé par la sécurité sociale.

Indications des hypolipémiants :

Un régime alimentaire approprié est indiqué chaque fois que les triglycérides dépassent 1,50 g/L (ou 2 g/L ?) et le LDL cholestérol calculé par la formule de Friedewald 1,60 g/L. Un hypolipémiant est indiqué chaque fois que, malgré un régime bien suivi, les triglycérides dépassent 2 g/L (limite arbitraire non formellement encore définie) et le LDL cholestérol reste trop élevé.

Les recommandations actuelles sont d’associer un hypolipidémiant si, malgré le régime :

– le LDL cholestérol reste supérieur à 2,20 g/L, en prévention primaire et chez la femme jeune n’ayant aucun autre facteur de risque cardiovasculaire ;

– le LDL reste supérieur à 1,90 g/L, en prévention primaire et chez le sujet ayant un facteur majeur de risque (le sexe masculin étant un facteur de risque) ;

– le LDL reste supérieur à 1,60 g/L, en prévention primaire et chez le sujet ayant plusieurs facteurs de risque ;

– le LDL reste supérieur à 1,30 g/L, en prévention secondaire dans les deux sexes.

Les indications des hypolipémiants sont actuellement bien précisées et doivent être respectées pour éviter des dérives et des non-sens thérapeutiques.

Dans l’hypercholestérolémie pure de type IIa, une statine doit être prescrite en première intention.

Si une monothérapie est insuffisante (hypercholestérolémie de haut niveau), il faut associer statine et résine.

Les fibrates de deuxième génération ne sont indiqués qu’en cas d’effets secondaires des statines, cliniques et/ou biologiques.

Dans l’hypertriglycéridémie pure de type IV, un fibrate de deuxième génération, éventuellement associé à du Maxepat, est seul indiqué. Dans l’hyperlipidémie combinée de type IIb, on aura recours :

– à une statine en cas de formule avec hypercholestérolémie prédominante et triglycérides peu élevés, inférieurs à 3 g/L ;

– à un fibrate de deuxième génération en cas de formule avec hypertriglycéridémie prédominante (supérieure à 3 g/L).

Dans les hyperlipidémies combinées de type IIb d’un haut niveau ou les rares dysbêtalipoprotéinémies de type III, où une monothérapie est insuffisante, on peut être amené à associer statine et fibrate, à condition que l’indication soit posée par un service spécialisé et sous surveillance hépatique et musculaire soigneuse (transaminases et CPK).

On doit aujourd’hui, avec la gamme disponible des hypolipémiants, normaliser pratiquement toutes les hyperlipoprotéinémies athérogènes (types IIa, IIb, III, IV).

Conclusion :

Après une tentative de traitement diététique seul de 3 à 6 mois, on dispose actuellement, si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, de toute une gamme d’hypolipémiants qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.

Seules posent encore un problème très difficile les formes homozygotes d’hypercholestérolémie pure dans la variété « récepteurs négatifs » (c’est-à-dire où il existe moins de 2 % de récepteurs des LDL au niveau des membranes cellulaires).

Les LDLaphérèses représentent aujourd’hui le traitement le plus efficace, mais sont très coûteuses et astreignantes (une séance d’épuration toutes les 2 semaines).

La thérapie génique, c’est-à-dire l’incorporation dans le génome des hépatocytes, grâce à un rétrovirus ou à un adénovirus, du gêne normal du récepteur des LDL, donnera peut-être de bons résultats.

Mais il faut encore faire beaucoup de progrès techniques avant qu’elle ne soit véritablement opérationnelle.

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