Les manifestations de la thyrotoxicose s’expliquent par
l’effet des hormones thyroïdiennes qui augmentent la
production énergétique et la consommation en oxygène,
et accélèrent les différents métabolismes.
A - Maladie de Basedow
:
Elle est définie comme un goitre diffus d’apparition
récente, responsable d’hyperthyroïdie, et habituellement
associée à une ophtalmopathie oedémateuse.
Elle résulte de la production par les lymphocytes intrathyroïdiens
d’immunoglobulines thyréostimulantes.
Elle survient sur un terrain génétiquement prédisposé
(particulièrement dans les groupes tissulaires HLA A1
B8 et DR3 chez les caucasiens) où s’expriment à la surface
des thyrocytes les antigènes tissulaires de classe II.
L’ophtalmopathie procède également d’un mécanisme
auto-immun mais sa nature est encore mal précisée.
On rapproche de la maladie de Basedow les goitres basedowifiés qui surviennent sur un goitre préexistant.
B - Nodule toxique :
Le nodule toxique de Plummer est une hypertrophie
localisée, autonome, hyperfonctionnelle, extinctive visà-
vis du reste du parenchyme thyroïdien.
La présentation
est donc celle d’un nodule solitaire avec thyrotoxicose.
La majorité de ces formations s’explique par
l’apparition de mutations somatiques du récepteur de la TSH.
On en rapproche le goitre multinodulaire hétérogène
secondairement toxique où s’individualisent au sein
d’un goitre une ou plusieurs formations nodulaires.
Certaines d’entre elles s’avèrent hyperfonctionnelles et
responsables d’hyperthyroïdie, d’autres sont isofixantes
ou hypofixantes vis-à-vis des isotopes radioactifs.
C - Hyperthyroïdies induites par l’iode
sur glande saine ou pathologique :
Le mécanisme des hyperthyroïdies induites par l’iode
est imparfaitement compris.
Elles s’observent surtout
dans les régions de carence iodée relative qui favorise la
constitution au sein du parenchyme thyroïdien de foyers
d’hyperplasie dont l’hyperactivité se révèle à la faveur
de la disponibilité accrue en iode.
On évoque aussi des
phénomènes de thyroïdite iodée conduisant à la destruction
des structures vésiculaires et à la libération du
matériel hormonal. Très rarement , elles s’expliquent
par l’induction d’une auto-immunité spécifique (Jod
Basedow).
D - Hyperthyroïdie des thyroïdites :
Des inflammations du parenchyme thyroïdien sont susceptibles
d’altérer la structure vésiculaire, de libérer le
contenu intrathyroïdien en iode, thyroglobuline et en
hormones, ce qui détermine une phase thyrotoxique
ordinairement transitoire, spontanément résolutive en
quelques semaines.
Une phase d’hypothyroïdie peut lui succéder
traduisant l’inhibition fonctionnelle des cellules vésiculaires.
On peut observer cette évolution diphasique surtout dans les
thyroïdites subaiguës de De Quervain, ( réactionnelles à des
affections virales), dans les thyroïdites dites silencieuses ou
indolores (thyroïdites lymphocytaires d’origine auto-immune
que l’on observe surtout dans les semaines ou les mois
suivant un accouchement).
Ces situations sont à distinguer des hyperthyroïdies
constatées au cours des thyroïdites de Hashimoto
(hashitoxicoses) occasionnées, comme les maladies de
Basedow, par la production d’immunoglobulines thyréostimulantes.
E - Hyperthyroïdie non auto-immune familiale :
Rarement des formes familiales d’hyperthyroïdie résultent
de goitres diffus toxiques sans atteinte oculaire, et sans
anticorps stimulants, sans infiltrat lymphoplasmocytaire
thyroïdien.
Elles sont liées à des mutations germinales
du récepteur de la TSH.
F - Hyperthyroïdie de la grossesse et vomissements
gravidiques :
Des signes thyrotoxiques peuvent être constatés au
cours du premier trimestre de la grossesse du fait des
propriétés thyréostimulantes de l’hCG placentaire.
Cette
situation revêt une particulière intensité au cours des
vomissements incoercibles de la grossesse.
G - Hyperthyroïdies centrales :
Dans ces situations très rares, l’hyperthyroïdie résulte d’un
syndrome de sécrétion inappropriée de TSH, avec des
concentrations de TSH accrues ou paradoxalement normales
coïncidant avec l’hyperhormonémie thyroïdienne.
Elles sont liées soit à un adénome hypophysaire développé
aux dépens des cellules thyréotropes de l’antéhypophyse
qui produisent préférentiellement la chaîne a-spécifique,
soit à un défaut de rétrocontrôle des hormones thyroïdiennes
au niveau de l’antéhypophyse qui conduisent à la
production excessive d’une TSH normale.
H - Hyperthyroïdies liées aux tumeurs :
Les cas rapportés d’hyperthyroïdies au cours de cancers
viscéraux relèvent d’associations.
En revanche existent authentiquement des hyperthyroïdies
résultant de môles hydatiformes ou de choriocarcinomes,
car les tumeurs placentaires produisent l’hCG en
excès.
On a décrit aussi des hyperthyroïdies relevant de la présence
au sein des ovaires d’un tissu thyroïdien différencié
(goitre ovarien toxique).
I - Thyrotoxicoses factices
:
Elles ne sont pas au sens propre responsables d’une
hyperthyroïdie, car l’état thyrotoxique lié à la prise souvent
clandestine d’hormones thyroïdiennes, met au
repos le parenchyme thyroïdien qui est atrophique et
non fonctionnel.
Diagnostic
:
A - Diagnostic positif
:
Évoquée cliniquement, la thyrotoxicose sera confirmée
par les examens biologiques.
1- Signes cliniques
:
• Dans la forme complète, le diagnostic n’est pas douteux
: amaigrissement rapide contrastant avec un appétit
conservé pouvant conduire à une véritable cachexie ;
asthénie musculaire avec amyotrophie, notamment des
ceintures, responsable dans les formes sévères d’un handicap
moteur (signe du tabouret de Froment) et de modifications
du timbre de la voix (assourdie et voilée) ;
signes de dysrégulation thermique : thermophobie,
hypersudation, élévation thermique discrète, polydipsie.
L’aspect de la « main basedowienne » chaude et moite,
avec chaleur irradiée, est très évocateur ; éréthisme cardiovasculaire
: tachycardie permanente, avec pouls
vibrant, palpitations, dyspnée d’effort, bruits du coeur
rapides et éclatants avec possibilité de souffle et de rythme pseudomitral, augmentation de la pression artérielle
systolique et des constantes cardio-artérielles (vitesse
circulatoire, débit cardiaque) ; diarrhée ou disparition
d’une constipation ancienne ; tremblement fin, rapide,
régulier des extrémités, apparaissant au maintien des
attitudes, parfois accompagné d’une impression de trémulation
intérieure ; nervosité, agitation, instabilité de
l’humeur ; troubles trophiques des ongles, des cheveux ;
troubles génitaux (irrégularité menstruelle, hypoménorrhée,
anovulation) ; gynécomastie.
• Dans les formes frustes, la symptomatologie thyrotoxique
est dissociée, réduite à quelques signes diversement
associés : tachycardie, petit tremblement, thermophobie,
sudation, diarrhée, amaigrissement discret....
• Dans les formes trompeuses,la symptomatologie
prend le masque :
- d’une affection cardiovasculaire (cardiothyréose) extrasystoles
; crises de tachycardie paroxystique ; accès de
flutter ou de fibrillation auriculaire ; tachyarythmie
complète par fibrillation auriculaire ; asystolie (particulière
par l’absence de cardiopathie, la coexistence de
l’arythmie complète, la relative rareté des accidents thrombo-emboliques (ce qui ne doit pas dispenser du traitement
anticoagulant) ; les valeurs paradoxalement normales
de la vitesse circulatoire et du débit cardiaque ; la résistance
au traitement digitalique et la sensibilité élective au
traitement antithyroïdien, exceptionnellement angor et
bloc auriculo-ventriculaire ;
– de signes paradoxaux avec prise de poids souvent avec
aménorrhée chez la femme jeune, anorexie chez le sujet âgé;
– d’une anomalie cutanée avec prurit ;
– d’une affection digestive en raison de la diarrhée et de
l’amaigrissement ;
– d’une affection musculaire ou neuropsychiatrique :
myopathie pseudoparalytique ou pseudo-myasthénique,
troubles paresthésiques ou paralytiques, modifications
du comportement, états anxiodépressifs, délirants ou
confusionnels ;
– d’une affection osseuse : douleurs osseuses et tassements
vertébraux liés à l’ostéopénie ;
– d’une infection sévère : crise aiguë thyrotoxique avec
hyperthermie et déshydratation.
Quelle que soit la présentation clinique de la thyrotoxicose,
la confirmation du diagnostic sera le fait des examens
biologiques.
2- Explorations complémentaires
:
• Le retentissement périphérique de l’hyperhormonémie
est confirmé par la mise en évidence d’une augmentation
du métabolisme basal et le raccourcissement du
temps de contraction et de demi-relaxation de l’achilléoréflexogramme
qui sont des examens désuets ; le cholestérol
diminué (< 1,50 g/L), l’augmentation de la gamma-GT, des
phosphatases alcalines, de l’ostéocalcine, de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine I, de la ferritine, de la sex binding
protein, la tendance à l’hypercalcémie (Ca > 100 mg/L), à la
microcystose (VGM < 82 mm3), à la leucopénie.
• Les modifications de l’état hormonal se traduisent
typiquement par l’augmentation des concentrations de
T4 et de T3 totales (ou mieux de leurs formes libres FT4
et FT 3) et la diminution de TSH.
Dans la majorité des
situations le rapport T3/T4 est accru.
Parfois, elles se
résument à une augmentation de la FT3 (hyperthyroïdies
à T3, surtout dans les formes débutantes de la maladie,
chez les sujets jeunes et en situation de carence
iodée), hyperthyroïdies à T4, surtout en surcharge iodée,
chez le sujet âgé ou débilité); ou simplement à un abaissement
isolé de TSH, sans accroissement de T4 et T3
(formes frustes ou de tout début).
Des valeurs paradoxalement
normales ou accrues de TSH, inappropriées à
l’hyperhormonémie thyroïdienne caractérisent les
hyperthyroïdies centrales (adénome thyréotrope, résistance
aux hormones thyroïdiennes).
B - Diagnostic différentiel :
1- Sur le plan clinique
:
On pourrait évoquer à tort l’hyperthyroïdie chez l’éthylique
en phase aiguë ou de sevrage, dans le phéochromocytome
du fait de l’amaigrissement, la tachycardie, la nervosité qui
confèrent au patient l’aspect pseudobasedowien ; cependant
l’hypertension artérielle est systolo-diastolique, il n’y a pas
de goitre ni de diarrhée et les catécholamines sont augmentées
; dans le syndrome d’hyperexcitabilité des
bêtarécepteurs, avec notamment tachycardie, mais sans
anomalie hormonale.
La symptomatologie se réduit
sous bêtabloquants.
2- Sur le plan hormonal
:
Une augmentation isolée de T3 libre (avec souvent T4
basse) s’observe dans certains goitres par carence iodée
(goitres à T3) ; une hyperthyroxinémie sans hyperthyroïdie
s’observe dans les maladies psychiatriques, en
altitude, sous amphétamines, propranolol à fortes doses
et amiodarone; les anticorps anti-T3 et anti-T4 peuvent
artificiellement élever les dosages de T4 et T3 (dosages
par double anticorps) ; un abaissement isolé de TSH est
compatible avec une hyperthyroïdie fruste débutante
mais peut aussi s’observer dans la grossesse, dans les
imprégnations glucocorticoïdes et dopaminergiques
massives et récentes et en pathologie psychiatrique.
C - Diagnostic étiologique
:
La recherche des causes d’ hyperthyroïdie se fonde sur
un certain nombre d’arguments :
- présence d’un goitre diffus ou nodulaire, ancien ou
récent ;
- recherche de signes oculaires, notion de prises médicamenteuses,
notamment riches en iode ; recherche des
anticorps antithyroïdiens : anti-thyroglobuline (anti-Tg),
anti-thyroperoxydase (anti-TPO) et surtout anti-récepteur
de TSH (TBI Ab ou PA2) ; dosage de l’iodémie, de l’iodurie des 24 h, ou du rapport iodurie/créatininurie
sur un échantillon d’urines, étude de la fixation de l’iode
123 par la thyroïde.
1- Maladie de Basedow
:
C’est la variété la plus classique, la plus répandue et cliniquement
la plus impressionnante de toutes les hyperthyroïdies.
Elle survient fréquemment dans un contexte
familial de thyropathie, et avec prédilection chez la
femme jeune, mais n’épargne pas l’enfant, l’homme et
le sujet plus âgé.
Elle peut même être observée transitoirement
chez le nouveau-né du fait du passage transplacentaire
des immunoglobulines thyréostimulantes.
• Le début de l’affection est parfois insidieux et progressif,
parfois brutal.
Son déclenchement au décours d’un
choc émotionnel ou d’un épisode de la vie génitale
(puberté, grossesse, ménopause) n’est pas rare.
• À la phase d’état, souvent l’aspect général du patient
au regard fixe et brillant, aux yeux saillants, à la base du
cou légèrement tuméfiée et se plaignant de sudations, de
soif vive, de palpitations, d’asthénie et d’amaigrissement
est suffisamment évocateur pour permettre d’emblée
le diagnostic.
À l’analyse on reconnaît :
- Un goitre d’apparition récente, diffus mais parfois
asymétrique, ferme, indolore, vasculaire avec érythème
cervical, thrill et souffle systolique ou systolodiastolique
à renforcement systolique, isolé, sans symptomatologie
compressive, sans adénopathie satellite.
- Une ophtalmopathie est habituelle, mais contingente
et d’intensité variable, éventuellement responsable de
signes d’irritation conjonctivale (picotements, larmoiement,
photophobie) et se complique parfois de diplopie,
elle est habituellement bilatérale mais parfois asymétrique,
voire strictement unilatérale.
Elle est constituée à
des degrés divers : d’un élément palpébro-rétractile avec élargissement de
la fente palpébrale (signe de Dalrymple) créant un
aspect de fausse exophtalmie, rareté du clignement, asynergie
oculo-palpébrale dans le regard vers le bas (signe
de Von Graefe), oculofrontale dans le regard vers le haut
(signe de Sainton) ;
.d’une ophtalmopathie oedémateuse avec exophtalmie
vraie par protrusion des globes oculaires, axile et réductible
mesurable à l’exophtalmomètre.
Dans les formes
importantes, on peut observer les fibres d’insertion des
muscles droits externes sur le globe oculaire (signe de Bonamour), oedème et pigmentation des paupières (signe de
Jellinek), oedème conjonctival (chémosis), oedème des
muscles oculomoteurs déterminant une réduction de la
mobilité des globes (prédominant souvent sur l’élévation) et
un défaut de convergence (signe de Moebius).
L’ensemble de ces signes confèrent au regard sa fixité, son
aspect tragique.
- Le syndrome de thyrotoxicose
est l’expression de l’inflation hormonale, il est typique,
discret ou trompeur.
- Les
signes associés sont inconstants, et témoignent d’anomalies
auto-immunes associées : dermopathie basedowienne, constituée de nodules et
de placards fermes, indolores, de coloration beige, infiltrant
le derme avec élargissement des pores en peau
d’orange et développement de longs poils noirs (aspect
de peau de porc), localisée à la face antéro-externe des
jambes (myxoedème prétibial), ou plus diffuse d’aspect éléphantiasique
sur les membres inférieurs, ou affectant le tronc
et les bras, parfois précédée de simples oedèmes inflammatoires
des jambes, en dehors de toute hyposystolie ;
vitiligo ;
périarthrite scapulo-humérale ; hippocratisme digital ;
association à d’autres maladies auto-immunes : diabète
sucré, insuffisance surrénale, anémie hémolytique,
maladie rhumatoïde….
• L’évolution s’effectue par poussées, ordinairement
écourtées par le traitement.
Elle est parfois émaillée de
complications liées à la thyrotoxicose ou l’ophtalmopathie.
• Le diagnostic d’hyperthyroïdie est confirmé par la
mesure de FT3, FT4 et de TSH.
Y a-t-il lieu d’effectuer plus spécifiquement d’autres
examens ?
– La présence d’anticorps anti-récepteur de TSH est
notée dans plus de 90 % des cas.
Elle constitue un argument
en faveur de l’origine basedowienne de l’hyperthyroïdie
et de son évolutivité.
On observe aussi souvent
des anticorps anti-Tg et (ou) anti-TPO à des titres modérés.
– La fixation de l’iode 123 est en principe augmentée,
sauf si la maladie s’associe à une surcharge iodée.
L’étude
de la fixation de l’iode 131 n’est utile que si est envisagé un
traitement radio-isotopique pour le calcul de la dose.
– La cartographie thyroïdienne révèle une fixation diffuse et
homogène de l’isotope au sein de la glande hypertrophiée.
Elle est particulièrement indiquée s’il existe une induration
localisée ou une formation nodulaire à la recherche d’un
foyer d’hypofixation qui sera ponctionné pour étude cytologique.
– En échographie, le parenchyme est globalement hypoéchogène
et hypervasculaire.
Cet examen est utile pour préciser
la signification de formations nodulaires associées.
– Les formes sévères d’atteinte oculaire peuvent être
évaluées par l’exploration fonctionnelle visuelle, la
tomodensitométrie (elle confirme l’absence de masse
tumorale, apprécie quantitativement l’épaisseur des
muscles oculomoteurs et l’exophtalmie par la mesure de
l’indice oculo-orbitaire) ou la résonance magnétique
nucléaire. Une fixation de l’analogue retard de la somatostatine
marqué par l’indium (octréoscan orbitaire)
s’observe dans les formes évolutives.
2- Nodule toxique de Plummer
:
Adénome autonome, hypersécrétant et extinctif vis-àvis
du reste du parenchyme thyroïdien, il s’observe à
tous les âges mais reste plus fréquent dans le sexe féminin.
Il complique parfois l’évolution d’un nodule
demeuré jusque-là normofonctionnel.
On constate un nodule thyroïdien : hyperthyroïdie localisée
d’une partie d’un lobe, parfois de tout un lobe ou
de l’isthme de la thyroïde, à limites précises, non hypervasculaire.
Le reste du parenchyme thyroïdien n’est pas
perçu ; un syndrome de thyrotoxicose complet, fruste ou
trompeur ; l’absence de signes oculaires oedémateux.
Seuls
un éclat du regard, une discrète rétraction palpébrale liés à
l’hyperhormonémie peuvent être parfois notés.
Les dosages hormonaux ayant confirmé l’hyperthyroïdie,
l’examen fondamental du diagnostic est constitué
par la scintigraphie thyroïdienne : la cartographie classique
par balayage (au technétium 99m ou mieux à l’iode
123) révèle une fixation élective au niveau du nodule
palpé.
Le reste du parenchyme thyroïdien est éteint (et
seulement visualisé par l’enregistrement prolongé à la gamma-caméra, ou par l’échographie).
3- Goitres diffus secondairement toxiques
:
L’hyperthyroïdie survient sur un goitre préexistant.
Le goitre est diffus, parfois sensiblement homogène,
plus souvent irrégulier et bosselé, déformé par la présence
de formations nodulaires.
On recherchera un retentissement
compressif veineux, récurrentiel, trachéal ; un
prolongement endothoracique (radiographies de face et
de profil, éventuellement complétées par la tomodensitométrie
ou la résonance magnétique nucléaire si l’on
veut éviter l’administration d’un agent de contraste
radiographique iodé) ; des adénopathies.
Les signes thyrotoxiques sont typiques, frustes ou trompeurs.
La présence d’une ophtalmopathie basedowienne est
possible, mais inhabituelle.
Les dosages des anticorps anti-récepteurs de TSH, la
cartographie thyroïdienne au technétium, ou mieux, à
l’iode 123, éventuellement complétée par l’examen
cytologique et échographique des nodules suspects qui
permettront de préciser si l’hyperthyroïdie relève d’un
goitre « basedowifié » (par stimulation diffuse du parenchyme
thyroïdien par les anticorps stimulants), ou plus
souvent d’un goitre multinodulaire hétérogène secondairement
toxique (par autonomisation d’une ou plusieurs
formations nodulaires).
4- Hyperthyroïdies induites par l’iode
sur glande saine ou pathologique :
Chacune des variétés précédentes d’hyperthyroïdie peut
être révélée par l’introduction d’iode en excès dans l’organisme.
Mais il existe aussi d’authentiques dysfonctions
thyroïdiennes purement iatrogéniques apparaissant
chez les patients porteurs d’un goitre simple ou même
de thyroïdes apparemment saines, à la faveur de prises
médicamenteuses iodées (antitussifs, antidiarrhéiques,
amiodarone), d’agents de contraste iodés ou de préparations
alimentaires riches en iode.
Elles sont ordinairement caractérisées par un tableau de thyrotoxicose pure, sans signe oculaire, une fixation
basse de l’iode 123, une augmentation de l’iodurie, l’absence
d’anticorps antithyroïdiens stimulants, une évolution
ordinairement spontanément régressive en quelques
semaines ou quelques mois, parallèlement à l’élimination
de la surcharge iodée, parfois suivie d’une phase
transitoire d’hypothyroïdie.
Aucune de ces caractéristiques n’a cependant de valeur
formelle, notamment en cas de pathologie thyroïdienne précessive.
Il n’est pas exceptionnel, après amiodarone,
d’observer des évolutions sévères et prolongées.
On peut en rapprocher les hyperthyroïdies survenant
après prise de cytokines (interféron).
5- Hyperthyroïdies des thyroïdites
:
Une phase thyrotoxique peut s’observer :
• au début des thyroïdites subaiguës de De Quervain,
typiquement précession d’un syndrome infectieux d’allure
grippale, puis apparition de douleurs cervicales
antérieures avec parfois otalgies, hyperthermie, hypertrophie
thyroïdienne électivement douloureuse.
L’état thyrotoxique est souvent discret, parfois méconnu,
authentifié par l’exploration hormonale ; en phase aiguë,
la vitesse de sédimentation est très augmentée, les anticorps
antithyroïdiens sont absents ou présents à des taux
faibles et dissociés, le captage de l’iode 123 est effondré.
La symptomatologie régresse spontanément en
quelques semaines, parfois suivie d’une phase d’hypothyroïdie
;
• au cours des thyroïdites d’Hashimoto (hashitoxicoses),
le goitre est très ferme, d’une consistance comparable à
celle du suif ou du caoutchouc, l’ophtalmopathie basedowienne
est possible.
La vitesse de sédimentation est
augmentée, les taux des anticorps anti-Tg et anti-TPO
sont très élevés et on détecte des anticorps anti-récepteurs
de TSH, la fixation de l’iode 123 est accrue.
L’hyperthyroïdie d’intensité variable nécessite un traitement
anti-thyroïdien, mais celui-ci devra tenir compte
d’une évolution possible de la maladie vers l’hypothyroïdie
en quelques mois ou années ;
• au début les thyroïdites silencieuses sont responsables
d’un état thyrotoxique discret avec hypocaptation
thyroïdienne, spontanément régressif en quelques semaines et
qui peut faire place à une hypothyroïdie, le plus souvent transitoire
également.
Le taux des anticorps antithyroïdiens est
élevé, le goitre est indolore, siège d’une thyroïdite lymphocytaire.
Cette expression particulière des thyroïdites autoimmunes
peut survenir spontanément, mais s’observe avec
une particulière fréquence dans le post-partum (5 % des grossesses).
6- Hyperthyroïdies auto-immunes familiales
:
Se différenciant des formes familiales de maladie de Basedow,
de rares hyperthyroïdies familiales surviennent avec une égale
fréquence dans les deux sexes, en l'absence d’atteinte oculaire.
Il n’y a pas d’anticorps détectables et on peut caractériser des
mutations ponctuelles du récepteur de TSH.
7- Hyperthyroïdies gravidiques et vomissements
de la grossesse :
Une baisse isolée de TSH est constatée chez environ
10 % des femmes enceintes au cours du premier trimestre.
Dans certaines formes plus sévères, et notamment
chez les femmes atteintes de vomissements incoercibles
de la grossesse, l’hormonémie thyroïdienne est
accrue et l’on observe des signes thyrotoxiques.
8- Hyperthyroïdies centrales
:
Elles sont très rares, parfois longtemps méconnues, et
se caractérisent par un goitre diffus, parfois tardivement
remanié par l’apparition de nodules, un état thyrotoxique souvent discret, l’absence de signes
oculaires.
L’hyperhormonémie thyroïdienne coïncide avec des
valeurs paradoxalement normales ou hautes de TSH,
l’absence d’anticorps anti-récepteur de TSH, une fixation
accrue de l’iode 123.
Elles peuvent résulter soit d’un adénome thyréotrope de
l’antéhypophyse : typiquement le rapport chaîne
a /TSH est accru, la TSH est non stimulable par TRH et
un adénome hypophysaire (le plus souvent un macroadénome,
rarement un microadénome) est détectable par
les radiographies de selle turcique, l’étude tomodensitométrique
et (ou) la résonance magnétique nucléaire ;
soit d’un syndrome de résistance hypophysaire sélective
ou préférentielle aux hormones thyroïdiennes : typiquement
le rapport chaîne a /TSH est normal, la TSH
répond à la stimulation par TRH et l’enquête morphologique
est négative.
9- Hyperthyroïdies tumorales
:
On considère, en règle générale, que les hyperthyroïdies
constatées au cours des cancers digestifs, bronchiques,
thymiques relèvent, non pas de syndromes paranéoplasiques,
mais de simples associations.
En revanche, on peut observer rarement des hyperthyroïdies
liées : à des cancers thyroïdiens sécrétants, nodulaires
ou plus diffus ; à des métastases fonctionnelles
(osseuses, pulmonaires) d’un cancer thyroïdien différencié
antérieurement opéré ; à des môles hydatiformes ou
des choriocarcinomes placentaires, producteurs de
b-hCG ; à des goitres ovariens toxiques.
10- Thyrotoxicoses factices
:
Elles ne résultent pas d’une hyperactivité thyroïdienne
mais de la prise souvent clandestine d’hormones thyroïdiennes
ou de leurs dérivés cataboliques (acide triiodothyroacétique)
par des femmes dans le but de maigrir.
Elles réalisent un état de thyrotoxicose très pure, sans
goitre et sans atteinte oculaire.
La thyroglobuline circulante
est indétectable et le captage de l’iode 123 est
effondré.
Évolution
:
Certaines hyperthyroïdies peuvent spontanément régresser
(thyroïdites, prise d’iode), d’autres évoluer par poussées
(maladie de Basedow) ou s’aggraver progressivement.
Les hyperthyroïdies sont des situations inconfortables
qui peuvent déterminer à la longue des complications
parfois dramatiques.
• Complications osseuses : ostéose hyperthyroïdienne
avec tassements vertébraux, fractures.
Elles prédominent
chez les femmes âgées et sont plus dépendantes de
l’ancienneté de l’hyperthyroïdie que de son intensité.
Elles peuvent être dépistées précocement par l’étude
densitométrique osseuse, et révéleraient des signes histomorphométriques
spécifiques.
• Complications hépatiques : syndrome rétentionnel
avec ictère.
• Crise aiguë thyrotoxique : c’est une urgence endocrinologique
traditionnellement favorisée par la thyroïdectomie
ou l’administration intempestive d’iode 131
appliquée sans précaution, ou une infection intercurrente.
La présentation est sévère : hyperthermie importante,
déshydratation, amaigrissement rapide, défaillance cardiaque,
agitation anxieuse (forme sthénique) ou apathie
extrême (forme asthénique), troubles métaboliques avec
hémoconcentration et déplétion potassée.
L’évolution
vers le coma et la mort, parfois hâtée par des hémorragies,
des accidents thrombotiques ou une infection est
possible.
• Cachexie.
2- Ophtalmopathie :
Environ 3 % des patients avec maladie de Basedow
constituent une atteinte oculaire sévère justifiant des
explorations et une thérapeutique spécifiques :
• troubles oculomoteurs avec diplopie permanente
dépendant de l’atteinte musculaire ;
• conjonctivites, kératites, ulcérations cornéennes pouvant
conduire à la panophtalmie;
• atteinte du nerf optique avec altération de la vision des
couleurs, amblyopie ;
• exophtalmie maligne : complication classique des thyroïdectomies
et des administrations intempestives d’iode
131.
Elles réalisent une véritable subluxation de l’oeil avec
exophtalmie non réductible, perte de l’oculomotricité,
baisse de la vision t risque d’ulcération sévère.
Traitement
:
Le but du traitement des hyperthyroïdies est de réduire
l’hyperfonctionnement thyroïdien et ses conséquences,
et d’en prévenir les récidives.
A - Méthodes :
1- Thérapeutiques symptomatiques
:
• Repos.
• Bêtabloquants : ils atténuent les effets périphériques
des hormones thyroïdiennes sans modifier la production
thyroïdienne ; l’effet est rapide sur le tremblement et la
tachycardie ; surtout prescrits sous forme de propranolol
(Avlocardyl) qui réduit de plus la conversion de T4 en
T3 ; en respectant les contre-indications classiques : surtout
asthme, bloc auriculo-ventriculaire, diabète traité
par insuline ou sulfamides ; en cas d’arythmie : se
méfier des risques de décompensation hémodynamique
(intérêt de l’association aux digitaliques) et des accidents
thrombo-emboliques (intérêt des anticoagulants).
2- Traitement médical
:
• Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) réduisent la
production thyroïdienne en inhibant l’oxydation et l’organification
de l’iode ; ils diminuent aussi la production
des immunoglobulines thyréostimulantes.
Ils sont prescrits
sous forme de carbimazole (Néo-Mercazole, comprimés
à 5 et 20 mg), de benzylthiouracile (Basdène,
comprimés à 5 mg) ou éventuellement de propylthiouracile
(PTU, disponible dans les pharmacies hospitalières).
La posologie d'attaque varie entre 15 et 60 mg
par jour.
Les cas d’intolérance cutanée, digestive, hépatique
sont rares, mais le risque de leuconeutropénie
toxo-allergique justifie la surveillance régulière de
l’hémogramme, tout particulièrement durant les deux premiers
mois de la prescription et lors de sa réintroduction.
La
réduction de l’hyperthyroïdie est obtenue en
2 à 6 semaines et l’efficacité du traitement se juge sur l’état
clinique, les dosages hormonaux, éventuellement le taux
des TBII.
• L’iode minéral en excès bloque transitoirement l’organification
(effet Wolff-Chaikoff).
Il est prescrit sous forme de
solution de Lugol Fort (I2 2 g; IK 4 g, eau qsq 40 g), 30 à 60
gouttes par jour, surtout en préparation à la chirurgie.
• Le lithium bloque transitoirement la protéolyse de la thyroglobuline
et peut ainsi être mis à profit en préparation à la
chirurgie, en cas de leucopénie, d’intolérance à l’iode, et en
association aux antithyroïdiens de synthèse (ATS) lorsqu'il
est nécessaire de réduire très rapidement une hyperthyroïdie.
3- Traitement chirurgical
:
• Exérèse large (thyroïdectomie des 19/20e ou thyroïdectomie
totale) pour goitre diffus basedowien ou plurinodulaire,
ou lobectomie-isthmectomie pour nodule
toxique.
• Toujours après réduction soigneuse de l’hyperfonctionnement
thyroïdien par les ATS puis, éventuellement,
préparation par la solution de Lugol Fort ou le
lithium.
• Les risques de paralysie récurrentielle et d’atteinte
parathyroïdienne existent, mais sont mineurs si l’intervention
est confiée à un chirurgien spécialisé.
• C’est un traitement radical qui assure la guérison des
nodules toxiques ; après thyroïdectomie large pour
maladie de Basedow, les récidives d’hyperthyroïdie sont
rares ; l’hypothyroïdie précoce ou retardée est possible,
toutefois aisément compensable par l’hormonothérapie
substitutive.
4- Traitement radio-isotopique
:
• Administration d’une activité thérapeutique ordinairement
de 200 à 400 Mbq, calculée à partir du volume
du goitre, de la courbe de fixation.
• Contre-indiqué en cas de grossesse, mais aussi de thyrotoxicose
ou d’ophtalmopathie sévères ; on l’évite
habituellement chez le sujet jeune et en âge de procréation.
• La tolérance est bonne ; l’exacerbation initiale de la thyrotoxicose est possible, souvent discrète, son rôle
dans l’aggravation des signes oculaires est discuté.
• À terme, le risque est celui de l’hypothyroïdie (celle-ci
s’observe dans plus de la moitié des cas, 10 ans après
l’application du traitement radio-isotopique de la maladie
de Basedow).
B - Indications
:
Elles sont difficilement codifiables, fonction de l’âge
des patients, des caractéristiques du goitre, de l’importance
de la thyrotoxicose, de la participation oculaire et
des habitudes des thérapeutes.
1- Maladie de Basedow
:
• Cas habituel : femme jeune avec ophtalmopathie
modérée :
– repos, antithyroïdiens de synthèse, éventuellement
associés au propranolol ;
– le traitement d’attaque est, soit poursuivi à fortes
doses (20 à 60 mg/ j) en association avec l’hormonothérapie
substitutive, soit poursuivi seul à une posologie
progressivement réduite, adaptée à l’état clinique et hormonal.
La durée habituelle du traitement est de 18 mois.
La normalité du taux des anticorps anti-récepteurs de TSH et de la thyroglobuline circulante, en fin de traitement,
constitue un élément favorable, mais ne permet
pas d’affirmer la guérison définitive ;
– en cas de reprise évolutive à l’arrêt du traitement ou de
rechute à distance, la reprise du traitement initial est
possible, mais on peut aussi envisager l’application d’un
traitement radical : soit la thyroïdectomie (surtout chez
le sujet jeune et en cas de volumineux goitre), soit
l’application d’une dose thérapeutique d’iode 131 (chez
le sujet plus âgé et en l’absence d’atteinte oculaire
importante).
• Cas particuliers :
– goitre volumineux de fixation hétérogène : chirurgie
après réduction médicale de l’hyperfonctionnement thyroïdien
;
– atteinte cardiaque : traitement radical, le plus souvent radio-isotopique, et à défaut chirurgical après réduction
médicale de hyperthyroïdie ;
– sujet âgé : indication d’emblée de l’iode radioactif ;
– femme enceinte : antithyroïdiens de synthèse, notamment
un thiouracile, en recherchant la posologie minimale.
Le parfait équilibre hormonal maternel et l’atténuation
des stigmates d’auto-immunité spécifique représentent la
meilleure prévention des dysfonctions néonatales ;
– Basedow néonatal : bêtabloquant ou Lugol ou ATS en
attendant la résolution spontanée ;
– enfant et adolescent : traitement prolongé encadrant la
puberté ;
– crise aiguë thyrotoxique : propranolol à fortes doses,
éventuellement par voie veineuse, antithyroïdiens de synthèse
à fortes doses, rééquilibration hydro-électrolytique
avec notamment recharge potassée, éventuellement plasmaphérèse
;
– ophtalmopathies sévères : du fait de la rétraction palpébrale
: collyre à la guanéthidine ; du fait de l’atteinte
conjonctivale, cornéenne : collyres antiseptiques, antibiotiques,
corticoïdes, voire tarsorraphie ; du fait de l’exophtalmie
et des troubles oculomoteurs ; corticothérapie précoce
à fortes posologies (1 mg/kg/jour) durant 3 à 6 mois,
éventuellement télécobaltothérapie, ciclosporine, plasmaphérèse,
intervention décompressive (OGURA) ou
réimplantations musculaires au stade de fibroses ;
– myxoedème prétibial : corticoïdes sous pansements
occlusifs.
2- Nodule toxique
:
C’est une indication à un traitement radical :
• soit chirurgie, après réduction médicale de l’hyperthyroïdie,
surtout chez le sujet jeune, en cas de nodule très
volumineux ou hétérogène ;
• soit administration d’iode 131, notamment chez le sujet
plus âgé, en cas d’atteinte cardiaque.
3- Goitres secondairement toxiques
:
En fonction des caractéristiques cliniques du goitre et du
contexte, discuter l’opportunité :
• soit d’un traitement chirurgical après réduction médicale
de l’hyperthyroïdie ;
• soit d’un traitement radio-isotopique si les conditions
de captation l’autorisent ;
• soit du maintien d’un traitement antithyroïdien au
long cours, avec surveillance de la morphologie du
goitre.
4- Hyperthyroïdies induites par l’iode
:
En règle générale, le retour à l’euthyroïdie est spontanément
obtenu, éventuellement sous couvert de bêtabloquants.
Certaines formes sévères et prolongées, notamment
après amiodarone, font envisager un traitement soit par
les antithyroïdiens de synthèse à fortes doses, seuls ou
associés au perchlorate de potassium, soit par la corticothérapie
(surtout en cas de thyroïdite iodée).
Le recours
aux plasmaphérèses, ou la chirurgie, est également envisageable.