Bookmark and Share                    Rechercher dans le site  |   Devenir membre
      Accueil       |      Forum     |    Livre D'or      |     Newsletter      |      Contactez-nous    |                                                                                                          Envoyer par mail  |   Imprimer
loading...

 
Ophtalmologie
Humeur aqueuse et pression intraoculaire
Cours d'Ophtalmologie
 
 
 

Introduction :

Liquide des chambres antérieure et postérieure de l’oeil, l’humeur aqueuse (HA) est le déterminant le plus important de la pression intraoculaire (PIO).

La PIO résulte, en effet, d’un équilibre dynamique entre les processus de formation de l’HAet ses possibilités d’élimination.

Cette pression, élevée par rapport aux pressions interstitielles des autres tissus, contribue à maintenir le globe oculaire en état de distension permanente, condition importante pour le bon fonctionnement du système optique oculaire.

Humeur aqueuse :

L’HA est formée au niveau des procès ciliaires du corps ciliaire, à partir du plasma.

Elle est sécrétée dans la chambre postérieure et gagne la chambre antérieure à travers la pupille.

Dans la chambre antérieure, l’HA, modifiée dans sa composition du fait des échanges avec les tissus rencontrés, va être éliminée au niveau de l’angle iridocornéen par la voie principale trabéculocanaliculaire et par la voie accessoire uvéosclérale.

En dehors de son influence primordiale sur la PIO et de son rôle optique, l’HA assure, en outre, une fonction métabolique nutritionnelle vis-à-vis du cristallin, de la cornée et du trabéculum, aussi bien par les nutriments qu’elle leur fournit que par leurs déchets qu’elle élimine.

A - Formation de l’humeur aqueuse :

L’HA provient du sang mais sa composition en est bien différente, les deux liquides étant séparés par une barrière anatomique et fonctionnelle appelée barrière hématoaqueuse (BHA).

La BHA est constituée de l’ensemble des structures uvéales qui séparent le sang des capillaires de l’iris et du corps ciliaire de l’HA des chambres antérieure et postérieure.

Au niveau de l’iris, c’est surtout la paroi des capillaires qui assure ce rôle de barrière grâce à la présence de jonctions serrées entre les cellules endothéliales ; le stroma irien, en revanche, communique librement avec l’HA de la chambre antérieure.

Au niveau du corps ciliaire, la paroi des capillaires et le stroma se laissent traverser facilement par les substances plasmatiques, contrairement à la membrane plasmique des cellules de l’épithélium ciliaire et aux jonctions étanches reliant les cellules non pigmentées entre elles ; ces deux types de structure sont considérés comme le principal site de la BHA du corps ciliaire.

1- Structures impliquées dans la formation de l’humeur aqueuse :

La formation de l’HA a lieu principalement au niveau des procès ciliaires au nombre de 70 à 80.

Chaque procès ciliaire est centré sur une artériole, branche du grand cercle artériel de l’iris.

Cette artériole se divise en deux ou trois rameaux qui donnent de nombreux capillaires fenêtrés auxquels fait suite un système veineux de retour qui gagne les vortiqueuses.

Cette armature vasculaire centrale est au sein d’un stroma conjonctif axial qui sépare les vaisseaux de l’épithélium ciliaire.

L’épithélium ciliaire comporte deux couches cellulaires réunies par leur face apicale : une couche externe de cellules cubiques, fortement pigmentées, en regard du stroma des procès ciliaires dont elles sont séparées par une membrane basale, la limitante externe, et une couche interne de cellules cylindriques, non pigmentées, à noyau ovale et cytoplasme contenant de nombreux organites (appareil de Golgi, réticulum endoplasmique, mitochondries), en regard de la chambre postérieure dont elles sont séparées par la limitante interne.

Les cellules de l’épithélium ciliaire sont unies entre elles par des complexes jonctionnels particulièrement développés sur leur membrane cytoplasmique apicale et latéroapicale.

Des jonctions adhérentes, les desmosomes, assurent la cohésion mécanique des cellules entre elles.

Des jonctions serrées imperméables, les zonulae occludentes (tight junctions) sont présentes seulement entre les cellules non pigmentées : elles assurent la cohésion cellulaire mais constituent surtout un système étanche qui, avec les membranes plasmiques des cellules, empêche la diffusion libre des substances entre stroma ciliaire et chambre postérieure (BHA).

Des jonctions communicantes (gap junctions) permettent le passage des petites molécules et des ions d’une cellule à l’autre participant ainsi au système d’échange intercellulaire.

2- Mécanismes en jeu pour la formation de l’humeur aqueuse :

Les capillaires dans le stroma ciliaire sont fenêtrés, ce qui permet des échanges rapides des solutés entre le sang et le stroma ciliaire : l’eau et les substances plasmatiques sortent des capillaires ciliaires, envahissent le stroma et peuvent pénétrer dans les espaces intercellulaires, entre les cellules pigmentées, jusqu’aux jonctions serrées des cellules non pigmentées.

Leur filtration dépend des forces s’exerçant de part et d’autre de la paroi capillaire.

Elle est donc directement liée à la pression hydrostatique du capillaire, la pression hydrostatique du tissu stromal, la pression osmotique du capillaire et la pression osmotique du tissu stromal, selon la loi de Starling :

F = C x (Phc - Pht) + (Posmt – Posmc)

où F : flux d’humeur aqueuse ; C : constante ; Phc : pression hydrostatique capillaire ; Pht : pression hydrostatique tissulaire ; Posmt : pression osmotique tissulaire ; Posmc : pression osmotique capillaire.

Au niveau de l’épithélium ciliaire, plusieurs mécanismes vont permettre aux éléments sanguins, présents dans le stroma et les espaces intercellulaires, de traverser les membranes cellulaires, franchissant ainsi la BHApour produire l’HAdans la chambre postérieure.

Certains sont passifs ne demandant aucune énergie d’origine métabolique, d’autres sont actifs.

La diffusion et la diffusion facilitée sont des mécanismes passifs, tendant à équilibrer les concentrations de certaines substances de part et d’autre d’une membrane semi-perméable.

L’ultrafiltration fait également partie des mécanismes passifs bien qu’elle nécessite une force orientant le sens de traversée de la membrane.

Les mécanismes actifs requièrent, en revanche, une énergie métabolique, fournie par des systèmes enzymatiques (pompes énergie-dépendantes) pour pouvoir transférer à travers la barrière certaines substances spécifiques.

* Diffusion simple :

Elle concerne les petites molécules liposolubles, non ou peu ionisées, capables de traverser facilement la partie lipidique de la membrane cellulaire, et qui vont se répartir de part et d’autre de cette membrane en fonction du gradient de concentration.

Quelques substances hydrosolubles, de faible poids moléculaire, traversent également la membrane plasmique, sous le seul effet du gradient de concentration ; comme elles ne peuvent pas traverser la partie lipidique de la membrane, compte tenu de leur mauvaise liposolubilité, leur passage se ferait donc au travers de « pores » situés dans sa partie protéinique.

* Diffusion facilitée :

Certaines substances, comme le glucose, la plupart des acides aminés, l’acide ascorbique, traversent la membrane plasmique de façon beaucoup plus rapide que des substances de même famille, de poids moléculaire voisin mais de structure différente.

Pour ces substances, la vitesse de traversée de la membrane augmente avec leur concentration plasmatique jusqu’à un certain seuil au-delà duquel elle se stabilise.

Ces constatations sont en faveur de la mise en jeu d’un transporteur membranaire de nature protéique, qui se lie transitoirement à la substance lors de son passage transmembranaire pour la déposer de l’autre côté de la membrane : ce mécanisme est appelé diffusion facilitée.

La saturation du transporteur pour des concentrations trop élevées de la substance explique la limitation de la vitesse de son passage.

* Ultrafiltration :

C’est un procédé permettant la séparation de molécules biologiques en fonction de leur taille moléculaire, à travers des membranes sélectives contenant des pores dont le diamètre assure la sélection.

L’ultrafiltration au niveau ciliaire est rendue possible par la constitution même de la BHA, filtre constitué d’une couche cellulaire continue unie par des jonctions serrées et possédant des pores au niveau de la lame basale d’un diamètre de l’ordre de 10 à 20 nm.

L’ultrafiltration nécessite cependant une force pour amener les molécules à franchir le filtre.

Cette force est fournie par le gradient de pression existant de part et d’autre du filtre ; elle dépend essentiellement de la pression hydrostatique qui provient des capillaires et qui s’exerce du stroma vers la chambre postérieure diminuée de la PIO et de la pression osmotique engendrée par les substances en solution présentes dans le stroma, qui s’exercent toutes deux en sens inverse ; la pression osmotique est due principalement aux protéines (pression oncotique) dont la concentration dans le stroma est élevée compte tenu de leur libre passage à travers les capillaires fenêtrés.

L’ultrafiltration explique la pauvreté de l’HA en protéines de gros poids moléculaire retenues par le filtre dans les conditions normales et, au contraire, l’augmentation de la concentration protéique en cas de rupture de la BHA, à l’origine de l’effet Tyndall observé en biomicroscopie.

Si l’ultrafiltration a été longtemps considérée comme le principal mécanisme dans la formation de l’HA, on reconnaît actuellement qu’elle intervient pour une part minime chez l’homme.

Elle serait à l’origine de 15 %du flux d’HA dans la chambre postérieure.

En effet, les différences de pression hydrostatique et oncotique de part et d’autre de l’épithélium ciliaire sont à l’origine d’une force résultante faible vers la chambre postérieure qui minimise ainsi le rôle de l’ultrafiltration ; cette force peut, dans certaines conditions, s’inverser (pression de perfusion des capillaires trop faible ou PIO trop forte) pouvant alors être à l’origine de phénomènes de réabsorption de l’HA nouvellement formée.

Par ailleurs, les concentrations de certains solutés de bas poids moléculaire diffèrent considérablement entre le plasma et l’HA, ce qui ne serait pas le cas si l’HA était simplement un ultrafiltrat du plasma.

* Sécrétion active :

Le mécanisme le plus important dans la formation d’HA est la sécrétion active, c’est-à-dire la capacité de transférer spécifiquement un élément d’un côté à l’autre de l’épithélium ciliaire grâce à des pompes énergie-dépendantes, contre un gradient de concentration électrochimique.

Cela concerne principalement le transport actif du sodium par une pompe à sodium contenue dans la paroi des cellules claires de l’épithélium ciliaire.

Ces cellules non pigmentées sont considérées comme le site principal de la sécrétion d’HA ; on constate, en effet, à leur niveau, un grand nombre de mitochondries et une activité Na+/K+-ATPase plus forte dans leurs membranes que dans celles des cellules pigmentées.

+ Origine des ions sodium présents dans les cellules non pigmentées :

Ils proviennent du stroma ciliaire à partir des capillaires fenêtrés.

Si ces ions n’ont aucune difficulté pour traverser la lame basale des cellules pigmentées, gagner les espaces intercellulaires et pénétrer dans les cellules pigmentées, ils sont arrêtés par la membrane plasmique des cellules non pigmentées et par les jonctions serrées liant ces mêmes cellules entre elles.

Un phénomène d’échange Na+/H+ interviendrait alors aux pôles apicaux des cellules non pigmentées, la production d’ions H+ étant catalysée par l’anhydrase carbonique (CO2 + H2OÛHCO3 - + H+).

Un ion sodium pénétrerait dans la cellule non pigmentée en échange d’un ionH+.

Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamide), qui diminuent la sécrétion d’HA, sont en faveur d’un tel mécanisme.

+ Transport actif des ions sodium hors des cellules non pigmentées :

La Na+/K+-ATPase est une enzyme qui, en transformant l’ATP en ADP (adénosine diphosphorique) fournit l’énergie nécessaire pour le transfert du sodium.

La Na+/K+-ATPase pompe les ions Na+ situés à l’intérieur des cellules non pigmentées et les rejette hors du pôle basal de ces cellules ; en même temps elle mobilise les ions K+ de l’HA et permet leur passage intracellulaire.

La pompe sodium-potassium transporte plus d’ions Na+ que d’ionsK+ (trois ions Na+ sont échangés avec deux ionsK+).

L’effet négatif de l’ouabaïne, puissant inhibiteur de la Na+/K+-ATPase, sur la production d’HA rend compte de l’importance de ce système enzymatique.

L’administration couplée d’ouabaïne et d’acétazolamide n’a, en revanche, pas d’effet additif sur la baisse de la production de l’HA ou sur le passage des ions sodium.

Ainsi, si anhydrase carbonique et Na+/K+-ATPase ont toutes deux une action sur le transfert de l’ion sodium, elles agissent à des niveaux différents, l’anhydrase carbonique au pôle apical des cellules claires, la Na+/K+-ATPase à leur pôle basal.

+ Conséquences de la sécrétion d’ions sodium :

L’augmentation de concentration des ions Na+ dans les espaces intercellulaires en aval des jonctions serrées et dans les invaginations membranaires du pôle basal des cellules non pigmentées crée un environnement hyperosmotique et, par conséquent, un appel d’eau à partir de l’intérieur des cellules.

Le transport actif de Na+ entraîne un excès de charges positives dans les espaces extracellulaires du pôle basal des cellules non pigmentées.

La diffusion d’ions négatifs permet de maintenir l’électroneutralité : bicarbonate et chlore sont parmi les anions les plus importants diffusant passivement pour rétablir l’équilibre électrique.

La production de carbonates dépend de l’anhydrase carbonique, présente à la fois dans l’épithélium cilaire pigmenté et non pigmenté (CO2 + H2O <=> HCO3 - + H+).

En résumé, la composition de l’HA (99,6 % d’eau) rend compte du rôle primordial du passage transépithélial du sodium : ce phénomène actif crée un environnement hyperosmotique du côté camérulaire de la BHA responsable du flux d’eau vers la chambre postérieure, à l’origine de 85 % de la sécrétion d’HA.

L’ultrafiltration et, davantage encore, les phénomènes de diffusion simple ou facilitée interviennent sur le plan quantitatif pour une faible part dans cette sécrétion, mais jouent un rôle important au niveau des constituants de l’HA.

3- Débit d’humeur aqueuse :

Le débit du flux d’HA peut être mesuré par plusieurs méthodes dont la plus couramment utilisée actuellement est la fluorophotométrie.

L’introduction de la fluorescéine dans la chambre antérieure se fait à partir d’instillations locales du colorant qui traverse la cornée.

La fluorophotométrie étudie la clairance de la fluorescéine intracamérulaire c’est-à-dire le taux de disparition dans la chambre antérieure d’une quantité connue de fluorescéine remplacée par l’HA nouvellement formée.

Le débit d’HAmesuré par fluorophotométrie est de l’ordre de 2,50 íL/min en période diurne.

Ceci représente un renouvellement de 1 % par minute du volume qu’elle occupe au niveau du segment antérieur.

Le renouvellement complet de l’HA se fait donc en moins de 2 heures.

La sécrétion d’HA n’est pas constante sur le nycthémère.

Elle dépend d’un rythme circadien avec une diminution du taux de sécrétion la nuit de l’ordre de 30 % (débit nocturne d’environ 1,5 íL/min).

Le mécanisme précis de cette variation est inconnu. Une activité plus intense du système nerveux sympathique durant le jour a été évoquée, la responsabilité des catécholamines pouvant être incriminée compte tenu du rythme circadien auquel elles sont elles-mêmes soumises.

Mais l’influence d’autres effets de nature nerveuse et/ou hormonale ne peut cependant être écartée.

4- Régulation de la formation de l’humeur aqueuse :

Dans les conditions normales, la vitesse de formation de l’HA a peu de raison de varier ; il n’est donc pas certain que, en dehors des variations de nature circadienne, un véritable mécanisme régulateur existe.

Les facteurs influençant cette sécrétion sont néanmoins nombreux, les mieux connus étant liés à l’action du système nerveux autonome.

L’influence du système nerveux central, bien qu’évoquée devant des modifications de la PIO consécutives à des stimulations notamment de la région hypothalamique, n’est jusqu’à présent pas clairement établie.

* Système nerveux autonome :

+ Innervation sympathique :

Elle provient de la chaîne sympathique cervicale et parvient à l’oeil par les nerfs ciliaires.

Elle est présente dans les vaisseaux sanguins uvéaux, les procès ciliaires et l’angle iridocornéen, indiquant que le système nerveux sympathique peut influencer à la fois la sécrétion et l’excrétion d’HA.

Si les données expérimentales des effets directs de la stimulation sympathique sur la formation d’HA sont pauvres, les effets des agonistes et antagonistes adrénergiques ont été largement étudiés.

Les agonistes bêta sélectifs (isoprotérénol, terbutaline) stimulent la production d’HA chez le singe sous anesthésie générale et chez l’homme durant le sommeil.

Chez l’homme éveillé, les agonistes bêta n’ont pas d’effet sur la sécrétion d’HA.

Les antagonistes bêta (timolol) réduisent la formation d’HAdurant le jour mais pas durant la nuit.

On peut donc en déduire que la nuit, la formation d’HA est à un niveau basal, non stimulé, alors qu’elle augmente durant le jour par activation des bêta récepteurs secondaire à une augmentation d’activité du système nerveux sympathique et/ou à une augmentation de la concentration des catécholamines circulantes.

Les agonistes bêta (clonidine, apraclonidine) réduisent, en revanche, la formation d’HA.

Les agonistes adrénergiques non sélectifs, tels que l’épinéphrine, ont ainsi une dualité d’effets sur le flux d’HA : stimulation par les bêta récepteurs et inhibition par les bêta récepteurs.

+ Innervation parasympathique :

Les fibres parasympathiques de l’oeil proviennent de deux contingents.

Le premier, né du noyau d’Edinger-Westphall parvient à l’oeil en suivant le trajet du nerf moteur oculaire commun jusqu’au ganglion ciliaire où les fibres font relais, avant d’emprunter les nerfs ciliaires.

Le deuxième contingent de fibres parasympathiques emprunte le trajet du nerf grand pétreux pour parvenir, avec le nerf facial, au ganglion ptérygopalatin où elles font relais avant de se diriger vers l’oeil.

Si la stimulation des fibres parasympathiques véhiculées par la IIIe paire et se dirigeant vers l’oeil entraîne des modifications de l’élimination de l’HA, l’effet sur la formation d’HA n’a pas été mis en évidence de façon probante.

Des lésions de la voie parasympathique empruntant le nerf facial et le ganglion ptérygopalatin diminuent, en revanche, la PIO chez les sujets sains comme chez les patients glaucomateux, la stimulation expérimentale ayant l’effet contraire chez les singes.

La plupart des fibres nerveuses du facial à destinée oculaire, issues du ganglion ptérygopalatin, contiennent à la fois le neurotransmetteur classique acétylcholine et le neuropeptide vasoactive intestinal peptide (VIP).

Si l’élévation de la PIO, lors de la stimulation du facial, est en grande partie due à la vasodilatation intraoculaire et à l’augmentation de la pression épisclérale veineuse secondaire, le VIP, libéré dans l’oeil durant cette stimulation, pourrait également avoir une part de responsabilité par augmentation de la formation d’HA.

Les effets des agonistes muscariniques (substances qui reproduisent les effets de la stimulation postganglionnaire du parasympathique) sur la formation d’HA sont contradictoires avec des études rapportant la diminution de production, l’absence d’effet, ou l’augmentation de production.

* Système adénylcyclase :

Les membranes cellulaires de l’épithélium ciliaire non pigmenté contiennent le système adénylcyclase qui intervient dans la formation intracellulaire d’AMPc (acide adénosine monophosphorique cyclique).

Des opinions opposées ont concerné le type d’effet de l’AMPc sur la formation d’HA : Sears a suggéré qu’une production d’AMPc conduisait à une diminution de la formation d’HA et vice versa.

Actuellement prévaut la théorie d’une corrélation dans le même sens entre la formation d’AMPc et celle d’HA.

Le système adénylcyclase est couplé à différents récepteurs, stimulateurs (bêta, VIP) et inhibiteurs (bêta, neuropeptide Y), également intramembranaires, qui agissent sur lui par l’intermédiaire d’une protéine G stimulatrice ou inhibitrice.

Les agonistes bêta et VIP, qui stimulent la formation d’AMPc, augmentent la production d’HA, alors que les agonistes bêta diminuent la formation des deux substances.

L’action de l’AMPc sur la sécrétion d’HAserait liée au fonctionnement des transports actifs des différents ions à travers l’épithélium ciliaire, selon un mécanisme qui reste mal connu.

D’autres systèmes, aboutissant à la formation de GMPc (acide guanosine monophosphorique cyclique) par exemple, pourraient être aussi impliqués dans la sécrétion d’HA.

Il a ainsi été montré que le facteur natriurétique atrial (ANF), qui stimule la formation de GMPc dans les procès ciliaires in vitro, augmentait le flux d’HA chez le singe in vivo.

B - Humeur aqueuse : propriétés physiques et chimiques

La composition de l’HA dépend des mécanismes mis en jeu lors de sa formation mais aussi des échanges avec les tissus qu’elle baigne : corps ciliaire, iris, cristallin, cornée, constituants de l’angle iridocornéen.

De ce fait, l’HA de la chambre postérieure est sensiblement différente de l’HA de la chambre antérieure.

L’HA, transparente, est très riche en eau, dépourvue d’éléments figurés, pauvre en protéines, expliquant sa faible viscosité.

1- Propriétés physiques :

Poids spécifique : 1006.

Indice de réfraction : 1,3353 à peu près identique à celui de l’ultrafiltrat sanguin. Viscosité : 1,025 à 1,10 par rapport à l’eau à 22 °C.

Osmolarité : aux environs de 303 mOsmol. L’HA est légèrement hypertonique de 3 à 4mEq par rapport au plasma : ceci est le fait du sodium et de l’acide ascorbique.

Volume total : 0,31 mL (chambre antérieure 0,25 mL, chambre postérieure 0,06 mL).

2- Composition chimique :

L’eau est le principal constituant de l’HA (99,6 %). Parmi les autres constituants, certains sont à des taux plus faibles que ceux du sang : acides aminés, protéines de structures de répartition identique (deux tiers d’albumine, un tiers de globuline) mais 100 à 200 fois moins concentrées, enzymes (protéase, anticholinestérase, phosphatase alcaline, histaminase, hyaluronidase, anhydrase carbonique), glucose, urée, acide urique, créatinine, ions bicarbonates ; d’autres sont en excès par rapport au plasma : sodium, chlorure, acide ascorbique, acide lactique ; d’autres, enfin, ont des concentrations dans l’HA voisines de celles du sang : potassium, calcium, phosphates.

Le cristallin influence la composition de l’HA en utilisant des nutriments (glucose, acides aminés) et en rejetant des métabolites comme l’acide lactique.

La concentration en acide ascorbique est 20 fois plus importante dans l’HA que dans le plasma. Elle n’est pas le fait d’une activité synthétique du cristallin car elle s’observe également chez l’aphaque.

Elle est le résultat d’un transport facilité au niveau de l’épithélium ciliaire.

Quant à l’acide hyaluronique, absent du plasma sanguin, sa présence dans l’HA ne dépend pas du corps ciliaire mais d’une sécrétion par les hyalocytes et les cellules trabéculaires.

3- Humeur aqueuse seconde :

Après tout traumatisme (ponction de chambre antérieure, traumatisme chirurgical) ou lors d’inflammation endooculaire, les procès ciliaires produisent une HAseconde.

Sa composition se rapproche de celle du plasma sanguin, notamment en ce qui concerne les protéines ; ce phénomène résulte d’une rupture de la BHA.

4- Mouvements de l’humeur aqueuse :

Une fois sécrétée dans la chambre postérieure, l’HA est animée de mouvements permanents.

Un courant postéroantérieur, tributaire d’un faible gradient pressionnel, conduit l’HAde la chambre postérieure dans la chambre antérieure à travers l’orifice pupillaire (phénomène visible après injection intraveineuse de fluorescéine).

À l’intérieur de la chambre antérieure, l’HA est soumise à des courants de convection thermique dus à la différence de température existant entre l’iris intraoculaire fortement vascularisé, hyperthermique, et la cornée, enveloppe externe de l’oeil, plus froide.

On observe ainsi un mouvement ascendant de l’HA devant l’iris, bien visible après injection de fluorescéine ou lors d’un phénomène de Tyndall, et un mouvement descendant le long de la face postérieure de la cornée, responsable de la disposition des précipités rétrocornéens en cas d’inflammation.

C - Excrétion de l’humeur aqueuse :

L’HA sort de la chambre antérieure au niveau de l’angle iridocornéen.

Cette évacuation s’effectue pour 90 %par la voie principale trabéculocanaliculaire constituée par le trabéculum, le canal de Schlemm et ses vaisseaux efférents, et pour 10 %par les voies accessoires uvéosclérales.

Les échanges avec l’iris sont limités car la pression capillaire est trop élevée pour permettre une excrétion irienne.

1- Voie trabéculocanaliculaire :

* Trabéculum :

Véritable filtre autonettoyant qui tapisse la paroi cornéociliaire et le fond ciliaire de l’angle iridocornéen, le trabéculum a la forme d’une bande prismatique dont le sommet antérieur s’implante sur l’anneau de Schwalbe, tandis que la base postérieure s’étend de l’éperon scléral à la racine de l’iris.

Le trabéculum n’est pas vascularisé ; sa nutrition est assurée par l’HA.

En fonction des structures trabéculaires traversées par l’HA à partir de la chambre antérieure, on distingue le trabéculum uvéal, le trabéculum cornéoscléral, le trabéculum cribriforme juxtacanaliculaire.

+ Trabéculum uvéal :

Il est tendu de l’anneau de Schwalbe, en avant, au corps ciliaire et à la face antérieure de la racine de l’iris en arrière.

Il comprend deux à quatre couches de piliers d’un diamètre de 5 à 12 ím, constitués d’un axe de fibres de collagène parallèles à la surface du limbe cornéoscléral.

Ces piliers sont entourés d’une membrane basale sur laquelle reposent les cellules endothéliales, fibroblastes différenciés, appelées également cellules trabéculaires ou trabéculocytes.

L’agencement de ces piliers laisse des espaces et des orifices larges qui n’offrent pas de résistance réelle au passage de l’HA.

+ Trabéculum cornéoscléral :

Il est formé de lamelles conjonctives superposées et percées d’orifices (2 à 12 ím de diamètre), tendues en « éventail » de l’anneau de Schwalbe à l’éperon scléral. Sa section est de forme triangulaire, les lamelles devenant de plus en plus nombreuses au fur et à mesure qu’on s’approche de l’éperon.

Chaque lamelle, de 5 ím d’épaisseur environ, possède une armature faite principalement de collagène et de glycoprotéines et recouverte d’une membrane basale et de cellules endothéliales.

La forte densité des fibres dans les lamelles, la largeur des espaces interlamellaires (de 2 à 6 ím), l’agencement décalé des orifices d’une lamelle à l’autre ne semblent cependant pas être des obstacles à l’élimination de l’humeur aqueuse.

+ Trabéculum juxtacanaliculaire ou cribriforme :

Il constitue la partie la plus externe du trabéculum.

Situé entre la paroi interne du canal de Schlemm et le trabéculum cornéoscléral, il comprend deux à cinq couches de cellules endothéliales (cellules trabéculaires) réparties au sein d’une substance fondamentale.

Les cellules endothéliales présentent de très longs prolongements cytoplasmiques réunissant les cellules entre elles.

Ces prolongements contiennent des éléments du cytosquelette cellulaire.

Parmi eux, les microfilaments d’actine constituent une armature contractile maintenant la membrane plasmique des cellules, et servant de support au barrage que réalise la substance fondamentale extracellulaire.

Ces microfilaments interviennent également par leur qualité contractile dans la phagocytose.

La matrice extracellulaire (substance fondamentale) est composée de fibres collagènes synthétisées au niveau des ribosomes des cellules trabéculaires, de fibres d’élastine qui assurent avec le collagène la forme et l’élasticité du tissu extracellulaire, de fibronectine et de laminine responsables de l’adhérence des cellules à leur substrat, enfin de glycosaminoglycanes ou mucopolysaccharides (MPS).

Synthétisées au niveau de l’appareil de Golgi des cellules trabéculaires, les glycosaminoglycanes sortent des cellules pour former la substance extracellulaire.

Hors de la cellule, les glycosaminoglycanes n’existent pas sous forme libre mais liées aux protéines, notamment au collagène, pour former des protéoglycanes qui possèdent une structure polyanionique.

Les sites anioniques sont très avides d’eau et sont donc à l’origine de l’hydratation de ces macromolécules.

Celle-ci est responsable d’une fermeture des espaces intratrabéculaires, ce qui constitue une gêne à l’élimination d’HA et entraîne une augmentation de la PIO.

Cette hydratation est sous la dépendance d’enzymes lysosomiales intracellulaires qui, par hydrolyse, dépolymérisent les macromolécules, diminuant ainsi le nombre de leurs sites anioniques, leur hydratation et ainsi leur résistance à l’écoulement de l’HA. Les corticoïdes, empêchant la libération des enzymes lysosomiales vont, de ce fait, avoir un effet hypertonisant oculaire.

* Canal de Schlemm :

De structure vasculaire, le canal de Schlemm chemine dans la partie postérieure de la gouttière sclérale, parallèlement au limbe, et est directement en contact avec le trabéculum cribriforme.

Il a une forme annulaire et circulaire.

Sa lumière, le plus souvent unique, peut se dédoubler et varie de 200 à 400 ím.

Ses deux parois, interne et externe, sont constituées de cellules endothéliales.

Les cellules endothéliales de la paroi interne sont reliées par des jonctions étroites et possèdent, au sein de leur cytoplasme, des vacuoles géantes qui pourraient être à l’origine d’un passage vacuolaire transendothélial de l’HA.

L’énergie nécessaire à la vacuolisation est fournie par un gradient de pression hydrostatique existant entre trabéculum juxtacanaliculaire et canal de Schlemm.

Les cellules et leurs vacuoles diminuent en nombre avec l’âge.

La paroi externe du canal de Schlemm donne ensuite naissance à des canaux collecteurs efférents.

* Canaux collecteurs efférents :

Leur nombre varie entre 25 et 35.

Plus nombreux du côté nasal que du côté temporal, ils s’anastomosent en un plexus veineux intrascléral profond, puis épiscléral, pour se drainer dans les plexus veineux extraoculaires.

Faisant également partie des vaisseaux efférents du canal de Schlemm, les veines aqueuses sont une voie plus directe reliant le canal de Schlemm aux veines épisclérales.

2- Voie uvéosclérale :

L’absence de barrière épithéliale, au niveau de l’angle iridocornéen, entre la chambre antérieure et le corps ciliaire permet à l’HA d’entrer dans le corps ciliaire à travers la racine de l’iris.

L’HA peut passer librement entre les faisceaux musculaires et gagner les espaces supraciliaire et suprachoroïdien.

De là, elle traverse la sclère directement, ou en empruntant les espaces périvasculaires, voies de pénétration des vaisseaux sanguins et des nerfs. Hors de l’oeil, dans le tissu orbitaire, l’HA est en partie réabsorbée par les vaisseaux sanguins orbitaires et en partie drainée via les vaisseaux lymphatiques de la conjonctive.

La voie uvéosclérale représente 5 à 15%de l’élimination de l’HA.

Dans les conditions physiologiques, le débit, estimé entre 0,2 et 0,5 íL/min, subit de faibles variations indépendantes de celles de la PIO.

La force responsable du flux uvéoscléral serait, en effet, liée à la différence pressionnelle existant entre la chambre antérieure et l’espace suprachoroïdien, différence chiffrée à environ 4 mmHg lors de mesures effectuées chez le singe.

Le fait que l’augmentation de la PIO modifie dans une même proportion la pression supraciliaire et suprachoroïdienne, probablement en comprimant le muscle ciliaire et l’espace ciliaire, permettrait ainsi de conserver une même différence pressionnelle entre chambre antérieure et espace suprachoroïdien responsable ainsi d’un flux uvéoscléral inchangé.

L’élimination de l’HA par la voie uvéosclérale semble essentiellement tributaire de l’état du muscle ciliaire : elle est augmentée lors de la relaxation du muscle qui élargit les espaces intramusculaires par où diffuse l’HA ; elle est diminuée lors de la contraction du muscle qui réduit les espaces entre les faisceaux de fibres et donc la facilité d’écoulement du liquide.

3- Régulation de l’excrétion de l’humeur aqueuse :

* Influences hormonales et nerveuses :

Le trabéculum reçoit une innervation à la fois du système parasympathique et du système sympathique, en plus de l’innervation sensitive.

Différentes fibres nerveuses peptidergiques (VIP, neuropeptide Y, calcitonine gene related peptide [CGRP], substance P) sont également présentes, sans qu’on puisse actuellement préciser leur signification sur l’élimination d’HA.

Les cellules trabéculaires possèdent des récepteurs sensibles aux glucocorticoïdes ainsi qu’aux substances adrénergiques, parasympathiques et dopaminergiques.

Les récepteurs stimulés par les glucocorticoïdes (sécrétés physiologiquement selon un rythme circadien) vont freiner la libération extracellulaire d’enzymes lysosomiales favorisant ainsi la résistance à l’élimination de l’HA.

Les agonistes bêta-adrénergiques augmentent la facilité d’élimination par l’activation des bêtarécepteurs qui entraîne probablement une formation accrue d’AMPc.

Les agonistes muscariniques, en revanche, n’apparaissent pas avoir d’effet direct sur le trabéculum, mais agissent de façon indirecte par l’intermédiaire du muscle ciliaire.

* Influence du muscle ciliaire :

Du fait des rapports intimes entre trabéculum et extrémité antérieure du muscle ciliaire, l’état du muscle ciliaire exerce une influence sur la configuration du trabéculum.

Quand le muscle ciliaire se contracte, le trabéculum est étiré, entraînant un élargissement des espaces intratrabéculaires favorisant l’élimination trabéculaire de l’HA.

Simultanément, les faisceaux de fibres musculaires s’épaississant, les espaces entre les faisceaux deviennent plus étroits, à l’origine d’une gêne à l’élimination uvéosclérale de l’HA.Ainsi, en fonction du degré de contraction du muscle ciliaire, la voie d’élimination conventionnelle trabéculaire de l’HA ou la voie uvéosclérale est privilégiée.

Le muscle ciliaire est innervé à la fois par le système nerveux parasympathique (III) et par le système sympathique.

La stimulation du nerf oculomoteur comme l’administration de pilocarpine, agoniste muscarinique, augmente la facilité d’élimination par voie trabéculaire en agissant sur la contraction du muscle ciliaire.

Après désinsertion du muscle ciliaire du trabéculum, la pilocarpine n’a plus d’effet sur la facilité d’élimination trabéculaire, preuve que la contraction du muscle ciliaire est la principale cause pour favoriser cette voie d’élimination.

Simultanément, la pilocarpine stoppe l’élimination uvéosclérale presque complètement, alors que l’atropine, antagoniste muscarinique, l’augmente.

* Prostaglandines et élimination uvéosclérale :

Récemment, on a montré que l’effet hypotensif oculaire des prostaglandines était dû à leur possibilité d’augmenter l’élimination uvéosclérale.

Cet effet peut être dû à la relaxation du muscle ciliaire ; des modifications structurales à l’intérieur du muscle peuvent également y contribuer.

Par ailleurs, la libération de prostaglandines a été incriminée lors de l’action hypotensive oculaire d’autres substances, épinéphrine par exemple, car leur effet hypotensif s’est trouvé être réduit par les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines.

Il reste néanmoins à établir si les prostaglandines endogènes ont une fonction physiologique dans la régulation de l’élimination uvéosclérale ou si leur effet ne se manifeste que lors de situations physiopathologiques (inflammation oculaire).

Pression intraoculaire :

La PIO résulte de l’équilibre s’établissant entre le contenu du globe (cristallin, vitré, uvée et HA) et son contenant (coque cornéosclérale), le rôle essentiel étant joué par l’HA.

A - Structures anatomiques impliquées dans la pression intraoculaire :

1- Contenu oculaire :

Le cristallin peut avoir une influence sur la PIO lorsque son volume ou sa texture se modifient. Dans les conditions physiologiques, chez le sujet jeune, il n’y a donc pas de modifications pressionnelles intraoculaires d’origine critallinienne.

En revanche, l’augmentation de volume du cristallin avec l’âge sur une chambre antérieure étroite, son intumescence ou la libération de matériel protéique cristallinien lors de cataractes évoluées, sont autant de circonstances physiopathologiques qui conduisent à une augmentation parfois très sévère de la PIO.

Le vitré, qui représente les deux tiers du volume du globe, joue un rôle dans l’équilibre pressionnel ; du fait de sa forte teneur en eau, il peut être soumis à des variations volumétriques, fonction de son niveau d’hydratation, qui se répercuteront sur la PIO.

L’uvée est l’élément de transmission direct des variations de pression intravasculaire sur la PIO. Une augmentation brutale du volume sanguin uvéal entraîne une élévation importante et immédiate de la PIO.

L’HA reste le facteur déterminant essentiel de la PIO. C’est l’équilibre entre sécrétion et élimination de l’HA qui détermine principalement la PIO.

2- Contenant oculaire :

La coque cornéosclérale est composée de fibres de collagène et de fibres élastiques, dont la capacité de distension est très faible chez l’adulte contrairement à l’enfant (buphtalmie lors d’hypertonie oculaire).

Une augmentation éventuelle de volume du contenu intraoculaire se trouve immédiatement limitée par la résistance pariétale ou rigidité sclérale.

La rigidité sclérale varie avec l’âge, mais également avec le statut réfractif du sujet, voire avec certaines thérapeutiques à visée locale ou générale.

3- Résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse :

La PIO résulte en grande partie de l’équilibre entre sécrétion et élimination de l’HA.

Cette élimination se fait pour 85 à 90 % par voie trabéculocanaliculaire, et pour 10 à 15 % par voie uvéosclérale.

Au niveau de la voie trabéculocanaliculaire, ce sont essentiellement le trabéculum cribriforme, la paroi interne du canal de Schlemm et les vaisseaux efférents qui sont à l’origine de la résistance à l’écoulement de l’HA dans les conditions physiologiques normales.

La cellule endothéliale est l’élément fondamental des deux premières structures.

Elle intervient directement dans l’écoulement de l’HA d’une part grâce à son pouvoir phagocytaire en éliminant les éléments figurés, les débris, les grains de pigments présents dans l’HA pouvant venir obstruer les orifices trabéculaires et, d’autre part, grâce à ses possibilités de transport du liquide par vacuolisation intracellulaire.

Indirectement, la cellule endothéliale agit sur l’élimination de l’HA par l’intermédiaire de la substance fondamentale extracellulaire, véritable filtre à perméabilité variable, puisqu’elle en assure la synthèse, maintient sa cohérence, module son hydratation et ainsi son niveau de résistance à l’écoulement de l’HA.

La résistance après le canal de Schlemm est le reflet de la pression régnant dans les veines aqueuses et dans les veines épisclérales.

Au niveau de la voie uvéosclérale, la résistance à l’élimination de l’HA dépend essentiellement de l’état du muscle ciliaire.

B - Pression intraoculaire normale :

1- Définition de la pression intraoculaire normale :

Les valeurs normales de la PIO ont été établies à partir de la distribution des pressions dans la population.

On admet qu’il existe une répartition gaussienne de la PIO depuis les travaux de Leydecker en 1958 (10 000 mesures au tonomètre de Schiotz), avec toutefois un excès des pressions au-dessus de la moyenne. La PIO normale a donc été définie comme la moyenne ± deux écarts-types soit 15,2 ± 3,25 mmHg selon le Comité de

Lutte contre le Glaucome.

2- Mesure de la pression intraoculaire. Tonométrie :

La PIO se mesure en clinique à l’aide de tonomètres ; il en existe trois types :

– les tonomètres par indentation (Schiotz).

Ce type de tonomètre est actuellement délaissé, les variations de la rigidité sclérale représentant un écueil important pour une fiabilité satisfaisante de la mesure ;

– les tonomètres par aplanissement ou aplanation (Goldmann, Perkins, Mackay Marg).

Ils fonctionnent sur le principe de la loi d’Imbert-Fick (« la pression régnant à l’intérieur d’une sphère remplie par un fluide et limitée par une membrane infiniment fine peut être mesurée par une contre-pression externe permettant de transformer une portion de sphère en une surface plane ») ;

– les tonomètres non-contact associent deux procédés originaux : l’aplanissement est obtenu par un jet d’air comprimé et le moment de l’aplanissement est évalué par la réflexion maximale d’un rayon lumineux incident à 45°.

Les tonomètres non-contact, étalonnés par rapport au tonomètre de Goldmann, ont, dans l’ensemble, une tendance à surestimer la PIO.

3- Variations de la pression intraoculaire normale :

* Facteurs de variation de la pression intraoculaire :

– Variations innées

+ Race :

Les populations mélanodermes ont une PIO moyenne de 16,7 à 17,7 mmHg, supérieure à celle des populations caucasiennes ; par ailleurs, la prévalence du glaucome primitif à angle ouvert chez le sujet mélanoderme est supérieure à celle observée chez le sujet caucasien.

+ Hérédité :

La notion de familles de patients glaucomateux, la constatation de sujets prédisposés aux hypertonies induites par les corticoïdes, glaucomateuses ou non, la découverte de gènes incriminés dans la maladie glaucomateuse sont autant de faits qui suggèrent l’influence de facteurs héréditaires dans le déterminisme du niveau de PIO.

+ Sexe :

Il n’existe pas de variation significative de la PIO moyenne liée au sexe, mises à part celles qui seraient à mettre sur le compte des modifications hormonales (cycle menstruel, grossesse, ménopause).

– Facteurs oculo-orbitaires

+ Facteurs statiques :

Réfraction : la PIO est classiquement plus élevée chez le sujet myope que chez l’emmétrope ou l’hypermétrope, la réfraction possédant elle-même un caractère héréditaire.

L’écart moyen de PIO entre l’hypermétrope et le myope de -5 dioptries ou plus est évalué à 1,8 mmHg.

+ Facteurs dynamiques :

Clignement palpébral : le clignement palpébral induit une élévation immédiate de la PIO (1 à 2 mmHg) avec retour à la valeur de départ dès la fin du mouvement.

Accommodation et jeu pupillaire : d’après les travaux de Gloster, une mydriase obtenue par confinement en chambre noire pendant 1 heure induit une élévation pressionnelle de 4 mmHg. Le retour à la valeur de base s’effectue en 10 minutes.

Une accommodation de 4 dioptries soutenue pendant 3,5 minutes entraînerait une baisse de PIO de 2 mmHg ; elle agirait par diminution de la résistance à l’écoulement de l’HA.

Mouvements oculaires : l’adduction ou l’abduction maximale induisent une élévation de la PIO par distension du globe.

– Facteurs hémodynamiques

+ Pulsations cardiaques :

La PIO varie de façon synchrone avec le pouls, elle augmente de 1 à 2 mmHg lors de la systole par afflux sanguin intraoculaire.

+ Pression veineuse centrale (PVC) :

Lorsque la PVC augmente de 1mmHg, la PIO s’élève de 0,8 mmHg.

La manoeuvre de Valsalva provoque de ce fait une élévation de la PIO de même que les efforts de toux ou de défécation.

La respiration ayant un effet sur la PVC entraîne également des variations de la PIO.

+ Tension artérielle :

Une élévation de 100 mmHgde la tension artérielle entraînerait une élévation de 2 mmHg de la PIO, la corrélation étant plus marquée pour la systole que pour la diastole.

– Facteurs d’environnement Une certaine similitude pressionnelle entre conjoints évoque pour Bengtsson l’influence de l’environnement.

+ Saisons :

Il existe un rythme circannuel de la PIO dans les pays tempérés avec acrophase hivernale et batyphase estivale, l’amplitude du rythme variant de 1 à 5 mmHg.

+ Température ambiante et température corporelle :

L’exposition à une température ambiante élevée pour un sujet non acclimaté entraîne une élévation de sa PIO, cet effet disparaissant après le délai nécessaire à l’acclimatation du sujet.

Cet effet a été rapporté à une augmentation de la température corporelle : une augmentation de 0,6°C de la température corporelle provoquerait une élévation de la PIO de 2,5 mmHg.

– Paramètres biologiques

+ Osmolarité :

La grande surface d’échange vasculaire de l’oeil explique l’influence de l’osmolarité sur la PIO.

L’augmentation de l’osmolarité sanguine crée un flux osmotique de l’eau intraoculaire vers l’extérieur (stroma et capillaires ciliaires) et induit une baisse de la PIO, mécanisme d’action largement utilisé en thérapeutique.

– Activité physique L’effort physique, à l’origine d’une production d’acide lactique, modifie l’osmolarité sanguine dans le sens d’une augmentation.

La diminution du pH contribuerait à la diminution de la PIO par réduction de la sécrétion d’HA.

Les variations pressionnelles engendrées peuvent atteindre jusqu’à 4 mmHg.

La diminution de PIO serait proportionnelle à l’intensité de l’effort physique ; en revanche, l’entraînement physique diminuerait la PIO de repos et minorerait de ce fait la réponse hypotensive lors de l’effort maximal.

– Ingestion d’eau

L’ingestion rapide de 1 litre d’eau provoque une augmentation de PIO de 2 mmHg en 10 minutes, avec retour à la valeur moyenne de PIO en 2 heures.

L’ingestion brutale d’eau agirait par hypo-osmolarité et a été utilisée autrefois comme test diagnostique du glaucome primitif à angle ouvert.

– Alcool L’alcool éthylique déprime les récepteurs osmotiques de l’hypothalamus et induit une diurèse osmotique ; l’hyperosmolarité secondaire à cette diurèse serait alors à l’origine de la baisse de PIO qui n’est pas proportionnelle au taux d’alcoolémie.

+ Facteurs hormonaux :

Certaines hormones influencent la PIO. OEstrogènes et progestérone favoriseraient un abaissement pressionnel.

La grossesse aurait également un effet hypotonisant, le retour aux valeurs initiales de PIO s’effectuant lors du post-partum après un délai de 3 mois.

Le cycle menstruel entraînerait des variations pressionnelles avec élévation de la PIO lors des règles et pendant la période les précédant (entre le 9e et le 12e jour du cycle).

Les oestroprogestatifs auraient une action au niveau des cellules trabéculaires aboutissant à une diminution de la résistance à l’écoulement de l’HA.

Par voie de conséquence, la survenue de la ménopause serait à l’origine d’une élévation pressionnelle.

Il existe également une relation entre sécrétion du cortisol et PIO.

La cinétique des deux courbes est similaire, la courbe de PIO suivant celle du cortisol avec un décalage de phase de 3 heures.

C’est par une augmentation de la résistance à l’écoulement de l’HA, en augmentant l’hydratation de la substance fondamentale trabéculaire, que le cortisol a une action positive sur la PIO.

– PIO et posture

La posture joue un rôle indiscutable sur la PIO. Le passage de l’orthostatisme au décubitus provoque de manière constante et immédiate une élévation de la PIO variant de 1,40 à 4,70 mmHg.

Par rapport à des valeurs de PIO enregistrées au cours du décubitus dorsal, le passage en décubitus latéral gauche entraîne une élévation de PIO sur l’oeil gauche et une diminution de PIO sur l’oeil droit.

Des expériences d’inversion corporelle ont été responsables d’une augmentation de PIO de 15 mmHg rapidement réversible (environ 15 s).

Smith estime que ces variations rapides de PIO d’origine posturale sont en relation avec une augmentation du volume sanguin intraoculaire, une augmentation de 20 íL du volume choroïdien assurant une augmentation immédiate de 20 mmHg de la PIO.

– PIO et âge

Si l’on étudie la courbe des pressions, on constate que si sa répartition est gaussienne entre 20 et 40 ans, il n’en est pas de même au-delà de 40 ans en raison d’une augmentation des hypertonies.

Les études épidémiologiques japonaises expliquent cette asymétrie plus par une augmentation des cas pathologiques que par une élévation de la PIO moyenne liée à l’âge.

En effet, une fois éliminés les patients glaucomateux de la population étudiée, on constate une légère diminution de la PIO avec l’âge (modification de la rigidité sclérale ?).

* Rythme circadien de la PIO :

+ Variations nycthémérales de la PIO :

En 1904, Maslenikow a été le premier à mettre en évidence des variations de la PIO au cours de la journée.

Duke-Elder en 1952 a confirmé l’existence de variations diurnes et a mis en évidence un pic pressionnel le matin au réveil suivi d’une décroissance de la PIO au cours de la journée.

Les pics pressionnels selon Drance pourraient survenir à tout moment de la journée. Henkind, en 1973, a présenté les premiers résultats de variations de PIO sur la totalité du nycthémère, et a montré qu’il existait des variations pressionnelles significatives au cours d’une courte période (20 min).

Il a évoqué alors la notion de rythme avec acrophase au cours de la matinée et batyphase nocturne (3 h du matin).

Kitazawa a abouti aux mêmes constatations et a évoqué l’hypothèse d’un biorythme propre à la PIO.

Il existerait une corrélation entre la batyphase de la température corporelle et celle de la PIO.

Par ailleurs, le rythme de la PIO a été trouvé similaire à celui du cortisol avec un décalage de phase de 3 heures. Certains auteurs ont évoqué le rôle de la mélatonine dans le contrôle du rythme de la PIO.

+ Variations de la PIO liées aux états de vigilance :

Frampton a décrit une élévation brutale de la PIO en début de nuit (endormissement) et a constaté que si les sujets étaient maintenus éveillés, la PIO à l’inverse diminuait.

Il a été montré que si la PIO augmentait rapidement au cours des 30 premières minutes de sommeil, elle retrouvait sa valeur initiale environ 20 minutes après un réveil provoqué.

L’existence d’une relation entre les variations de PIO et les états de vigilance avec des valeurs pressionnelles maximales au cours du sommeil lent profond et des valeurs minimales au cours de l’éveil et du sommeil paradoxal a pu être montrée lors de travaux récents.

Il semblerait enfin exister une reproductibilité des courbes pressionnelles dans le temps chez un même individu, suggérant la notion d’un rythme circadien de la PIO propre à chaque individu.

* Régulation nerveuse :

Certaines théories actuelles de régulation de la PIO ont émis l’hypothèse d’un centre régulateur diencéphalique.

La stimulation du thalamus et de la partie dorsale de l’hypothalamus entraînerait en effet une réponse hypertensive oculaire ; à l’inverse, la stimulation de la région hypothalamique proche de la colonne antérieure du fornix serait responsable d’une diminution de la PIO.

Le centre diencéphélique recevrait des informations provenant de l’oeil grâce aux fibres nerveuses de la voie rétinohypothalamique qui représente 15 %des fibres optiques du nerf optique.

Il transmettrait, en retour, aux structures oculaires impliquées dans la genèse de la PIO (vaisseaux ciliaires, procès ciliaires, muscle ciliaire, trabéculum, vaisseaux épiscléraux), une réponse adaptée, véhiculée par voie sympathique et/ou parasympathique et modulée par différents neurotransmetteurs.

La découverte récente de nombreux neurotransmetteurs confirme la complexité de la régulation de la PIO.

Ces neurotransmetteurs (VIP, substance P, CGRP, neuropeptide Y...) agiraient comme des neuromodulateurs potentialisant ou atténuant les messages cholinergiques ou adrénergiques provenant du système nerveux central.

Les facteurs pouvant être capables de faire varier la PIO sont très nombreux, avec au premier plan la formation et l’élimination de l’HA, elles-mêmes sous la dépendance d’influences vasculaires, hormonales, et nerveuses.

Si les effets de la plupart d’entre eux commencent à être bien connus quand ils sont étudiés séparément, il reste néanmoins difficile de concevoir l’harmonisation de leurs actions quand elles s’exercent simultanément.

Une régulation nerveuse centrale de la PIO pourrait donc intervenir, mais elle est encore hypothétique, même si la localisation d’un centre régulateur diencéphalique commence à être précisée.

  Envoyer par mail Envoyer cette page à un ami  Imprimer Imprimer cette page

Nombre d'affichage de la page 1450

loading...

Copyright 2018 © MedixDz.com - Encyclopédie médicale Medix