Lymphomes non hodgkiniens primitifs du tube digestif Cours
d'hématologie
Introduction
:
Les atteintes primitives des lymphomes malins non hodgkiniens (LNH) du
tube digestif (LPTD) sont plus rares que les localisations secondaires
survenant au cours de l’évolution des LNH ganglionnaires.
Ainsi classiquement, les LPTD se définissent comme des lymphomes dont la
présentation initiale comporte une symptomatologie en rapport avec une
localisation digestive, quel que soit son siège (oesophage, estomac, grêle,
côlon ou rectum) en l’absence de localisation ganglionnaire superficielle
antérieurement connue.
Parmi ces LPTD, il convient de distinguer les lymphomes de « type
occidental » d’une part, et les lymphomes « méditerranéens » d’autre part qui
comprennent les IPSID (immuno-proliferative small intestinal diseases)
essentiellement la maladie des chaînes alpha, et les lymphomes extensifs du
grêle non IPSID qui sont maintenant bien différenciés.
Les premiers sont
dénommés « occidentaux » car ils correspondent à une entité anatomoclinique décrite dans la littérature occidentale.
Ils sont caractérisés
par leur topographie généralement segmentaire.
Même quand ils sont
multicentriques, il existe toujours des intervalles de muqueuse non lymphomateuse.
En revanche, les lymphomes méditerranéens sont des
proliférations diffuses du système lymphoïde B du tube digestif qui atteignent
toute la longueur du grêle ou du moins le duodénum et le jéjunum, et parfois
l’estomac et le côlon, sans laisser d’intervalle de muqueuse saine.
Ce chapitre ne traitera que des LPTD de l’adulte, de type occidental, les plus
fréquemment rencontrés en Europe.
Épidémiologie - facteurs prédisposants :
Les localisations digestives représentent 12,5 %de l’ensemble desLNH
et sont les plus fréquentes des formes extraganglionnaires (36 %).
Dans les
pays occidentaux, les localisations gastriques sont le plus souvent rencontrées
suivies de celles du grêle et du côlon-rectum.
Certaines
études épidémiologiques ont démontré que leur incidence augmentait.
Toutefois, on peut se demander si cette augmentation est réelle ou le fait d’une
meilleure performance diagnostique, ou bien les deux.
Les LPTD demeurent une pathologie rare, puisqu’ils ne représentent que 3 %
des tumeurs malignes de l’estomac, moins de 1 % de celles du côlon et du
rectum, mais 12,5 à 18 % des tumeurs malignes du grêle.
La plupart des
malades ont entre 50 et 70 ans au moment du diagnostic et il existe une
prédominance masculine (2/1).
Cette dernière est plus
nette chez l’enfant ou l’adulte jeune où les LPTD sont plus souvent de
localisation intestinale et généralement des lymphomes de Burkitt ou de type
Burkitt.
L’étiologie des LPTD est inconnue, mais des facteurs prédisposants ont été
individualisés. Ils peuvent survenir au cours de l’évolution d’une colite
ulcéreuse, d’une maladie de Crohn ou d’une jéjuno-iléite non spécifique.
L’hyperplasie folliculaire extensive de l’intestin grêle peut se compliquer
d’un lymphome ; il s’agit généralement de formes sans déficit en
immunoglobuline (Ig).
D’autres déficits immunitaires peuvent se compliquer
de LPTD : déficit immunitaire lié au chromosome X avec augmentation des
IgM, syndrome deWiskott-Aldrich.
Des LNH extraganglionnaires digestifs
peuvent survenir au cours du syndrome de déficit immunitaire acquis (sida)
généralement à un stade avancé de la maladie (dans 17 % des cas au niveau
de l’intestin grêle et dans 3,4 % au niveau du rectum).
Des LPTD ont
également été décrits chez des malades antérieurement traités par
radiothérapie, chimiothérapie ou immunosuppresseurs).
La maladie
coeliaque de l’adulte et les lésions intestinales analogues au cours de la
dermatite herpétiforme peuvent se compliquer de lymphomes T du
grêle.
Certains lymphomes T intestinaux sont associés à des stigmates
d’infection par le virus HTLV-1 (human T-cell lymphocytic virus) mais plus
fréquemment au Japon, aux Caraïbes ou en Afrique noire qu’en Europe.
L’intervention du virus d’Epstein-Barr (EBV) est propre aux lymphomes de
Burkitt, souvent de localisation intestinale ou mésentérique et survenant chez
le sujet jeune.
Mais ces dernières années, c’est surtout une bactérie, Helicobacter pylori (H pylori), qui s’est vue impliquée dans la pathogénie du
lymphome gastrique.
Concept du MALT et origine des lymphomes
du tube digestif
:
A - MALT du tube digestif :
Le tube digestif contient à l’état normal du tissu lymphoïde : follicules
lymphoïdes, parfois regroupés en plaques de Peyer, et cellules isolées dans la
partie profonde de la muqueuse et dans la sous-muqueuse de l’intestin grêle,
du côlon, du rectum et de l’appendice.
Ce tissu lymphoïde présente une
organisation différente de celle rencontrée dans les ganglions ou la rate.
Il
appartient au groupe des tissus lymphoïdes associés aux muqueuses ou
MALT (en anglais : mucosa-associated lymphoid tissue) parfois dénommé
GALT(en anglais : gut-associated lymphoid tissue).
Ces structures favorisent
l’entrée élective des antigènes et l’initiation de la réponse immunitaire. Le
tube digestif est donc la cible préférentielle des lymphomes extraganglionnaires.
Ces LNH extraganglionnaires vont se développer à partir du MALT, qu’il soit
normalement présent dans l’organe (intestin, poumon) ou acquis au cours
d’une inflammation chronique (estomac, thyroïde, glandes salivaires).
Le
pathologiste anglais Isaacson a eu le mérite, ces dernières années, de préciser
ce concept et les caractéristiques histopathologiques propres de ces
lymphomes, plus particulièrement gastriques.
Les LNH primitifs
digestifs peuvent se développer à partir des lymphocytes B ou T définissant
ainsi les lymphomes du MALT B et T.
Au niveau du tube digestif, les lymphomes B prédominent nettement et
représentent environ 90 %des cas, essentiellement de type IgM, synthétisant
plus souvent la chaîne légère kappa que lambda.
B - Lymphome gastrique et Helicobacter pylori :
La relative fréquence des lymphomes gastriques contraste avec l’absence de
tissu lymphoïde organisé (ou MALT) au niveau de l’estomac normal.
Plusieurs auteurs ont démontré que l’apparition du MALT au niveau de
l’estomac était fréquente et pratiquement toujours observée chez les malades
ayant une infection à H pylori, bactérie responsable de gastrite souvent
asymptomatique.
Les liens entre H pylori et lymphome gastrique ont été établis sur des
arguments d’ordre anatomopathologiques, épidémiologiques et
thérapeutiques.
En 1991, les premières études anatomopathologiques,
essentiellement européennes, ont montré que les lymphomes gastriques du
MALT étaient associés dans 92 à 97 % des cas à une gastrite chronique à H pylori.
Parallèlement, des travaux épidémiologiques ont mis en évidence
l’existence d’une relation entre la prévalence de la gastrite à H pylori et celle
des lymphomes de l’estomac.
Une étude cas-témoins de cohortes a
confirmé le lien étroit entre l’infection à H pylori et le lymphome gastrique
quel que soit son degré de malignité histologique.
En cas d’infection
antérieure ou présente à Hpylori, le risque relatif de survenue d’un lymphome
gastrique est de 6,3.
En revanche, aucune association entre infection à H pylori et lymphomes ganglionnaires n’a été retrouvée.
Le mécanisme d’action de H pylori a récemment été étudié in vitro.
La
prolifération de cellules lymphomateuses B gastriques est stimulée par des
cytokines libérées des cellulesTactivées, spécifiques de la souche deHpylori
et non par la bactérie elle-même.
Cette réponse n’est expérimentalement
reproduite qu’avec des cultures de cellules de lymphome gastrique duMALT
de faible malignité.
Seuls les lymphocytesTd’origine gastrique sont capables
d’induire cette prolifération.
Ce mécanisme de stimulation, réaction
lymphoïde T locale, lié à la présence de H pylori, pourrait expliquer la
propriété de ces lymphomes digestifs du MALT à rester longtemps localisés.
Les résultats de travaux de biologie moléculaire suggèrent que la réponse
inflammatoire de l’infection à H pylori et ses conséquences à long terme sont
responsables d’une altération de l’acide désoxyribonucléique (ADN).
Se
fondant sur ces observations et des travaux de biologie moléculaire, Isaacson
a proposé un schéma hypothétique de la pathogénie des lymphomes
gastriques du MALT.
En réponse à l’antigène H pylori, les cellules B et T
sont recrutées pour former leMALTacquis dans l’estomac.
Dans de rares cas,
il existe dans l’infiltrat lymphoïde des cellules avec altérations géniques
(trisomie 3) favorisant l’expansion d’un clone en réponse aux cellules T
activées par l’antigène H pylori.
L’acquisition d’autres altérations géniques
telles les translocations t(1,14) ou t(11,18) ont été retrouvées et certaines non
encore caractérisées pourraient expliquer que certains lymphomes de faible
degré de malignité puissent disséminer en périphérie, échappant au contrôle deHpylori.
Enfin, l’apparition de mutations ou délétions du gène P53 pourrait
correspondre à une transformation du lymphome en haute malignité.
La mise
au point récente de modèles reproduisant des lésions similaires à celles d’un
lymphome gastrique, chez la souris et le furet, infectés parHpylori, permettra
peut-être une meilleure compréhension des mécanismes d’apparition du
lymphome gastrique au cours de la gastrite chronique à H pylori.
Enfin, les données thérapeutiques récentes ont apporté des arguments
supplémentaires en faveur de la responsabilité de H pylori dans l’apparition
des lymphomes gastriques de faible malignité (cf Traitement).
On reste
toutefois frappé par la disparité entre la très forte prévalence de l’infection à
H pylori dans certaines régions comme l’Afrique et le très faible taux de
lymphomes gastriques.
Si la présence de la bactérie semble nécessaire au
développement du lymphome, elle n’est pas suffisante, et d’autres facteurs
génétiques, environnementaux ou ayant trait à la variabilité des souches,
entrent probablement en jeu.
Lymphomes gastro-intestinaux B
:
A - Anatomie pathologique :
1- Aspects macroscopiques mode d’extension
:
Les LPTD de type occidental se caractérisent par des tumeurs uniques ou
multifocales (10 à 18 %des cas) sur un ou plusieurs segments du tube digestif.
Dans toutes les séries publiées, l’estomac est la localisation la plus fréquente
(60 %des cas) avant le grêle (13 % des cas) et le côlon-rectum (5 %des cas).
Les localisations iléocæcales représentent 10 à 20 % des cas (en moyenne
11 %) et s’observent surtout chez l’adulte jeune ou l’enfant.
Les localisations
appendiculaires sont rares et les localisations oesophagiennes exceptionnelles.
Dans l’intestin grêle, la fréquence va croissant du pylore jusqu’à la valvule
iléocæcale.
Dans le côlon, c’est la région cæcale qui est le plus fréquemment
atteinte, souvent en association avec l’iléon ; en revanche, les tumeurs sigmoïdorectales sont rares.
Au niveau de l’estomac, plusieurs aspects peuvent être observés.
Le
plus fréquent est celui d’un ulcère entouré de gros plis dont l’importance doit
faire suspecter une forme de haute malignité.
L’aspect est parfois loin d’être
évocateur, sous forme d’érythème ou d’érosion.
Le lymphome est
souvent extensif en surface et peut se développer en plages multifocales,
souvent non individualisables endoscopiquement.
Dans l’intestin grêle, différents aspects macroscopiques ont été
décrits.
De volumineuses masses polypoïdes, surtout localisées
anévrysmales de l’intestin sont pathognomoniques des lymphomes, alors que
de profondes ulcérations, à limites surélevées, simulent un adénocarcinome :
ces deux aspects peuvent se compliquer de perforation.
Des infiltrations
annulaires sur une longueur variable, parfois associées à de petits nodules intraluminaux peuvent être responsables d’obstructions intestinales.
La présence de lésions multifocales sur l’intestin grêle est très évocatrice du
diagnostic de lymphome.
Dans le côlon, l’aspect le plus fréquent est celui
d’une masse ulcérée et infiltrante, volumineuse, unifocale et
circonférencielle.
L’évolution des LPTD est longtemps locorégionale, avec une atteinte précoce
des ganglions de drainage.
En revanche, les ganglions médiastinaux et
superficiels ne sont que rarement atteints et les atteintes à distance du foie, du
cavum, de la moelle osseuse, des méninges et du système nerveux central ne
s’observent que dans 30 % des cas.
Les formes multifocales à plusieurs
segments du tube digestif ne sont pas rares ; elles représentent, d’après une
des rares études prospectives, avec bilan exhaustif initial du tube digestif,
19 % des cas.
La polypose lymphomateuse digestive, qui forme une entité à part, est
caractérisée par de multiples tumeurs polypoïdes disséminées tout au long du tractus gastro-intestinal.
Ces formations siègent le plus souvent dans
le cæcum et s’étendent en formant des masses tumorales vers l’iléon terminal,
elles peuvent atteindre le reste du grêle et l’estomac en prenant alors un aspect
nodulaire ou multinodulaire.
La dissémination au niveau du cavum, des
ganglions périphériques et de la moelle est plus fréquente que dans les
lymphomes digestifs habituels.
2- Aspects microscopiques :
Les particularités cliniques et immunohistologiques des LPTD, ont conduit
les pathologistes, en particulier Isaacson, à proposer une « classification » à
valeur histopronostique.
Celle-ci est plus adaptée au tube
digestif que les classifications de Kiel, la Formulation de travail à usage
clinique ou la nouvelle classification de REAL en usage pour les LNH
ganglionnaires.
Les LPTD dits du MALT de faible et haute malignités histologiques de
phénotype B sont majoritaires (90 % des cas chez l’adulte) à côté de formes
plus rares telles la polypose lymphomateuse digestive, le lymphome de
Burkitt ou de type Burkitt et les exceptionnelles formes primitivement
digestives des LNH folliculaires à petites cellules ou autres formes
ganglionnaires.
3- Lymphomes du MALT de faible et de haut degré de malignité :
Les acquisitions récentes concernant l’organisation du tissu lymphoïde
digestif et surtout le phénotype des cellules le constituant ont montré que deux
populations lymphoïdes B étaient essentiellement impliquées dans la
survenue des deux principales variétés de LPTD : les lymphomes à petites
cellules d’une part et les lymphomes à grandes cellules d’autre part.
La
prolifération lymphomateuse à petites cellules donne naissance aux LPTD
dits de faible degré de malignité du MALT, car ils évoluent lentement et
restent longtemps localisés.
Leurs caractères morphologiques sont
stéréotypés : prolifération cellulaire ressemblant à des centrocytes dits
centrocyte-like ou centrocytoïdes, lésions lymphoépithéliales correspondant
à une infiltration et une destruction de l’épithélium glandulaire par ces petites
cellules, hyperplasie folliculaire et infiltrat plasmocytaire du chorion.
Parmi
ces lymphomes, certains étaient autrefois assimilés à des pseudolymphomes.
Les techniques d’immunohistochimie sur coupe de tissu, ont permis, par la
détection de la synthèse d’Ig, d’identifier la nature B de ces proliférations
lymphomateuses et d’affirmer leur nature monoclonale sur la base de
l’expression monotypique d’une chaîne légère (bien souvent kappa).
Sur le
plan phénotypique, les cellules lymphomateuses B expriment divers
antigènes B (CD19, CD20, CD22) et présentent une Ig de surface souvent
IgM monotypique, parfois IgA, et n’expriment ni l’antigène CD5, ni
l’antigène CD10 caractéristiques respectivement des cellules du manteau
folliculaire et des cellules centrofolliculaires.
Ce phénotype permet de penser
que l’origine des cellules B des LPTD est le dôme, zone externe à la couronne
des follicules lymphoïdes.
L’autre type de prolifération lymphoïde B rencontré au niveau du tube digestif
est constitué de grandes cellules généralement centroblastiques, à noyaux
arrondis non clivés, plus rarement immunoblastiques, donnant naissance aux
lymphomes de haut degré de malignité, d’évolution spontanément agressive.
Ils sont regroupés sous le terme de LPTD de haut degré de malignité du
MALT, qu’il existe ou non un contingent de faible malignité.
En effet, à cette
prolifération de grandes cellules est parfois associé un composant de petites cellules de faible malignité, ce qui laisse à penser que les LPTD de faible
malignité peuvent évoluer vers des lymphomes de haute malignité, comme
cela a été démontré pour les LNH ganglionnaires.
Le taux actuariel de
transformation en grande malignité est d’environ 8 % par an, que le patient
ait été traité ou non par chimiothérapie.
Dans les LPTD, la fréquence de
cette transformation n’a jamais été clairement établie, mais plusieurs
observations, grâce à leur suivi au long cours, semblent témoigner de cette
possible évolution.
4- Polypose lymphomateuse digestive
:
La population tumorale de cette entité particulière et rare est constituée de
cellules lymphoïdes de petite taille à noyau clivé et regroupées en nodules.
Ces cellules tumorales ont un phénotype particulier, puisqu’elles expriment
en surface de l’IgM et ou de l’IgD avec une restriction de chaîne légère
généralement kappa. Comme les lymphocytes B, elles sont CD19+, CD20+,
CD22+ avec pour particularité d’être CD35+ et CD10- et surtout CD5+, qui
n’est habituellement observé que sur les cellulesTcirculantes et sur une souspopulation
B normale ; mais, contrairement aux cellules T, ces cellules sont
CD3-.
Ce phénotype particulier est associé, comme cela a été démontré
récemment dans quelques cas, à une translocation t (11 ; 14) résultant en un
réarrangement du gène BCL-1, lui-même accompagné d’une hyperexpression de la cycline D1 impliquée dans le contrôle du cycle
cellulaire. Ces caractéristiques suggèrent que la polypose lymphomateuse
naît à partir des cellules B du manteau folliculaire.
Cette entité est
l’équivalent au niveau du tube digestif des lymphomes du manteau
ganglionnaires également rares et de mauvais pronostic.
L’existence dans
l’intestin de récepteurs du homing, comme la molécule alpha-4 bêta-7,
pourrait expliquer le mode de dissémination digestive particulier à la polypose lymphomateuse.
B - Diagnostic :
1- Clinique :
Quelle que soit la localisation du lymphome, on peut observer trois principaux
modes de présentation :
– une symptomatologie floue et peu évocatrice d’une lésion organique
digestive ;
– un tableau d’emblée très évocateur d’une atteinte gastro-intestinale ;
– une complication chirurgicale révélatrice du lymphome, souvent précédée
d’une période de symptômes non spécifiques.
Les douleurs abdominales sont le symptôme révélateur le plus fréquent.
La
localisation et les caractères de cette douleur dépendent du segment digestif
atteint.
Les formes découvertes à l’occasion d’une complication
chirurgicale (occlusion, hémorragie, perforation) ne sont pas rares (12 %des
cas).
Les douleurs épigastriques révèlent le plus souvent les lymphomes
gastriques.
En revanche, les tumeurs de l’intestin grêle et iléocæcales ont plus
souvent une présentation chirurgicale (occlusion intestinale).
L’amaigrissement est souvent modéré.
Le contraste entre des manifestations
cliniques d’apparition récente (en moyenne 6 mois) avec peu de
retentissement sur l’état général et la constatation d’une masse abdominale
est très évocateur du diagnostic de lymphome, mais rare.
Des hémorragies
digestives sont particulièrement fréquentes chez les malades ayant des
localisations coliques ou rectales, mais peuvent aussi révéler un lymphome
de l’estomac ou du grêle.
2- Examens complémentaires
:
Les examens biochimiques, hématologiques et immunologiques de routine
n’apportent que peu d’éléments diagnostiques.
Une sérologie VIH doit être
faite systématiquement pour éliminer un syndrome d’immunodéficience
associé.
L’anémie est fréquente, mais le plus souvent modérée.
Une
augmentation du taux sérique de LDH et ou de la bêta-2 microglobuline
évoque une croissance rapide et/ou une nécrose tumorale, essentiellement
observée dans les forme de haute malignité extensives, mais rarement
initialement.
Les anomalies radiologiques et endoscopiques ne font que traduire les aspects
macroscopiques précédemment décrits. Les investigations radiologiques
concernent essentiellement l’intestin grêle.
Parfois le diagnostic
tumoral est suspecté sur le scanner abdominal, mais c’est sur le transit
baryté du grêle que la présence de sténoses ou de dilatations
« pseudoanévrysmales », d’ulcérations de localisations multiples et de signes
de compression extrinsèque d’origine ganglionnaire évoque très fortement le
diagnostic de lymphome.
L’existence de multiples lacunes disséminées
évoque une polypose lymphomateuse.
Au niveau de l’estomac, il peut aussi être
trompeur, avec un simple érythème ou quelques érosions, voire une muqueuse
pratiquement normale ou cicatrisée chez un patient sous traitement antisécrétoire.
Une grosse lésion ulcérée et bourgeonnante devra faire plus
volontiers suspecter un lymphome de haute malignité.
Mais le diagnostic
de lymphome n’est affirmé que par l’étude des biopsies faites au cours d’une endoscopie oeso-gastro-duodéno-jéjunale, d’une iléocoloscopie ou d’une
entéroscopie.
Le rendement diagnostique sur les biopsies perendoscopiques
varie, selon les études, de 33 à 98 %, mais est nettement meilleur dans les
séries récentes avec une moyenne de 90 %.
Les biopsies doivent être
multiples, l’anatomopathologiste expérimenté et la demande de relecture des
lames facile.
Les prélèvements immédiatement fixés dans le Bouin ou mieux
dans le formol neutre frais sont inclus en paraffine et permettent de faire un
diagnostic morphologique, aidé des études immunohistochimiques standards.
Toutefois l’endoscopiste doit prévoir au moment de l’examen, s’il suspecte le
diagnostic, ou refaire au besoin, des prélèvements dans l’azote liquide qui
sont congelés et stockés à -70 °C, pour permettre les études
immunohistochimiques et de biologie moléculaire (réarrangement du gène de
la chaîne lourde des Ig par PCR [polymerase chain reaction]), parfois utiles
pour certains cas difficiles et le suivi.
3- Typage histologique :
Le typage histologique précis est essentiel pour guider l’indication du
traitement et évaluer la réponse thérapeutique.
L’aspect morphologique suffit
pour porter le diagnostic de lymphome, à condition que les prélèvements
soient en nombre suffisant.
La plupart des LPTD sont de haut degré de malignité (60 %) et ne posent pas
de difficulté diagnostique.
Le problème peut être plus difficile pour les LPTD de faible malignité : en effet, la distinction entre lymphome et infiltrats
lymphoïdes hyperplasiques folliculaires bénins autour d’une zone ulcérée
chronique est parfois difficile.
L’existence de lésions lymphoépithéliales
« vraies » doit être prise en compte pour proposer le diagnostic de LPTD de
faible malignité.
Ces lymphomes évoluant lentement, il n’y a pas
d’urgence à proposer un traitement et, en cas de doute, il ne faut pas hésiter à refaire et/ou à revoir les prélèvements, en particulier pour les études immunohistochimiques et de biologie moléculaire.
Le risque de sous-évaluer
le degré de malignité du lymphome est théoriquement possible, mais en fait
très rare dans l’expérience de certains.
Le doute peut être définitivement levé
après exérèse chirurgicale éventuelle.
Le diagnostic est donné selon l’une ou l’autre des classifications histopronostiques.
En pratique, l’élément du compte rendu
anatomopathologique nécessaire au thérapeute est le caractère de faible ou de
haut degré de malignité histopathologique.
Chez l’adulte, il s’agit
principalement de lymphomes de type B du MALT, soit à petites cellules centrocyte-like ou centrocytoïdes de faible malignité (40 %), soit à grandes
cellules centroblastiques (60 %), plus souvent qu’immunoblastiques, de
haute malignité, avec ou sans contingent de petites cellules.
Les formes de
faible malignité sont relativement plus fréquentes au niveau gastrique.
Il est en revanche plus rare (3 à 9 % des LPTD-B) de rencontrer
des lymphomes centrocytiques ou lymphomes du manteau de la polypose
lymphomateuse digestive d’évolution plus péjorative, ainsi que des
lymphomes de type Burkitt et lymphoblastiques plus fréquents chez le jeune,
relevant alors de traitements différents et urgents.
Au niveau de l’estomac, sur la lésion ou à distance, au niveau de l’antre prépylorique, la recherche deHpylori est aussi systématiquement demandée.
C - Extension et stade clinique :
À l’inverse des LNH ganglionnaires généralement disséminés, avec atteinte
médullaire (70 à 80 % des cas), les LPTD sont dans 70 % des cas localisés
lors de leur découverte et le restent longtemps.
Les cellules
lymphoïdes du MALT forment un compartiment distinct avec une recirculation spécifique, justifiant la recherche d’une atteinte au niveau du
reste du tube digestif et des autres organes contenant du MALT, comme la
sphère ORL et le poumon.
Les LPTD peuvent également disséminer dans la
moelle, comme cela a été récemment démontré au cours de l’évolution d’un
lymphome gastrique par similitude du clone des proliférations dans l’une et
dans l’autre localisation.
Le bilan initial d’extension de tout LPTD doit
intéresser tous les sites susceptibles d’être atteints.
Dans certains
cas, c’est au cours de la laparotomie que le bilan sera complété, car malgré les
progrès de l’imagerie médicale, l’exploration et l’étude des biopsies peropératoires restent le meilleur moyen d’évaluer l’extension abdominale.
Une hypertrophie ganglionnaire ou splénique radiologique n’est, en effet, pas
synonyme d’envahissement lymphomateux, et à l’inverse, des ganglions de
taille subnormale peuvent être tumoraux.
La ponction cytologique guidée par
scanner ou échographie d’un ganglion profond comme celle d’une masse
abdominale peut aider à préciser leur nature.
Si celle-ci peut être utile dans
le cadre d’un bilan d’extension tumorale, elle est rarement suffisante au
diagnostic précis du LPTD et en particulier de son typage.
Pour les
lymphomes de siège gastrique, l’échoendoscopie permet de préciser
l’infiltration en profondeur par le lymphome de la paroi gastrique (sensibilité
et spécificité respectives de 80 % et 100 %), et le caractère pathologique des
ganglions (sensibilité et spécificité respectives de 100 % et 70 %).
Il
s’agit donc d’un examen utile dans le cadre du bilan d’extension locorégional
initial et du suivi thérapeutique du lymphome en cas de traitement
médical.
En revanche, cet examen sous-estime l’extension en superficie
du lymphome, ne permettant donc pas de guider l’importance de la résection
en cas de chirurgie.
Au terme du bilan d’extension, le LPTD pourra être classé en quatre stades
selon la classification d’Ann Arbor modifiée par Musshoff.
Cette classification a pour but de séparer les LPTD locorégionaux avec au plus
une atteinte de ganglions paratumoraux (stades IE et II1E), des formes plus
extensives ou plus disséminées (stades II2E, IIIE et IV) de moins bon
pronostic.
Cette classification, établie pour les lymphomes hodgkiniens, est
en fait très incomplète pour les LPTD, car elle ne tient pas compte de la taille
tumorale, de la profondeur de l’envahissement pariétal, de l’extension aux
organes de voisinage et du caractère multifocal possible de la lésion.
Plusieurs études ont montré que, parmi ces facteurs, l’existence d’une atteinte
de la séreuse et le caractère multifocal des lésions au niveau de plusieurs
segments du tube digestif assombrissaient le pronostic alors que
l’atteinte de la paroi seule et respectant la séreuse est de bon pronostic.
Les explorations paracliniques nécessaires à l’appréciation de l’état
nutritionnel et au dépistage d’insuffisances viscérales (état rénal et cardiaque
en particulier), qui peuvent modifier les indications thérapeutiques,
complètent le bilan d’extension.
D - Pronostic et traitement :
1- Lymphomes du MALT de faible et haut degré de malignité :
L’analyse des facteurs pronostiques a été, jusqu’à ces dernières années,
rendue difficile car seules des séries rétrospectives très hétérogènes quant aux
diagnostics histologiques et aux traitements étaient rapportées.
Quelques
rares études propectives permettent de mieux évaluer ces
facteurs.
L’analyse multifactorielle des résultats obtenus dans la
série prospective multicentrique nationale du Groupe d’étude des lymphomes digestifs (GELD), distinguant les LPTD de faible et haute malignité, a mis en
évidence comme facteurs de bon pronostic, l’âge inférieur à 65 ans, le stade
localisé, le siège gastrique et la possibilité d’exérèse chirurgicale, même
incomplète, du lymphome.
Comme pour lesLNHganglionnaires, l’obtention
d’une rémission complète après traitement conditionne la survie.
2- Moyens thérapeutiques
:
Les modalités thérapeutiques actuellement à notre disposition sont :
– les traitements locorégionaux, tels que la chirurgie et la radiothérapie ;
– les traitements généraux comme la chimiothérapie, dont le type est fonction
du degré de malignité histologique et largement inspiré des résultats obtenus
pour les LNH ganglionnaires.
* Chirurgie :
Elle peut avoir plusieurs buts : le diagnostic, le bilan d’extension, la
prévention ou le traitement des complications sous chimiothérapie ou
radiothérapie, et enfin la réduction tumorale.
* Radiothérapie :
Elle peut guérir certainsLNHganglionnaires localisés, mais son efficacité n’a
jamais été évaluée de façon prospective et rarement rétrospective dans
les LNH digestifs.
Les doses de radiothérapie préconisées (30 à 35 Gy) dans
les LNH de faible malignité localisés, et le mode d’administration fractionné,
minimisent les risques d’effets secondaires tardifs au niveau du tractus
digestif.
En revanche pour les formes de haute malignité, la nécessité
de doses plus importantes et le risque de séquelles digestives ne conduisent à
proposer une éventuelle radiothérapie qu’en traitement de rattrapage pour les
masses abdominales résiduelles après chimiothérapie.
* Chimiothérapie :
Elle est aujourd’hui l’arme thérapeutique essentielle des LNH de haute
malignité.
Grâce à une intensification des chimiothérapies, les taux de survie
ont été améliorés au cours de ces dernières années.
Cet accroissement
d’efficacité s’accompagne cependant inéluctablement d’un accroissement de
leur toxicité.
Dans les LNH ganglionnaires de faible malignité, malgré
la multiplicité des protocoles proposés, la chimiothérapie ne semble pas
modifier l’histoire naturelle de la maladie dont la médiane de survie se situe
entre 8 et 11 ans.
3- Stratégies thérapeutiques :
La stratégie thérapeutique des LPTD ne fait pas toujours l’objet d’un
consensus.
En fait, bien souvent, les résultats thérapeutiques ne sont pas
comparables, les facteurs pronostiques qui guident les traitements n’étant pas
toujours évalués.
Il faut d’emblée clairement distinguer les lymphomes de
faible degré et les lymphomes de haut degré de malignité, localisés ou non.
* LPTD du MALT de faible degré de malignité
:
Les LPTD de faible malignité sont généralement gastriques et localisés
.
L’indication respective des traitements locorégionaux et de la
chimiothérapie ne se discute qu’après la recherche de l’obtention d’une
éventuelle régression du lymphome après éradication de H pylori.
C’est en
1993 que les premières observations sur de tels résultats ont été rapportées.
Depuis, les premières séries publiées avec un plus grand nombre de patients
font état d’un pourcentage de rémission histologique de lymphome variant de
35 à 79 % chez des malades ayant reçu un traitement anti-
H pylori.
Il reste supérieur à 50 % pour les formes de stade IE,
c’est-à- dire localisées à la paroi digestive.
En effet, il semble que les
lymphomes gastriques susceptibles de régresser après traitement anti-H pylori sont ceux de faible malignité, de stade IE avec atteinte pariétale non
transmurale et sans atteinte ganglionnaire à l’échoendoscopie.
Le recul de
suivi de tels patients en rémission apparente reste encore faible (9 à 29 mois
en moyenne).
On ne connaît pas encore leur devenir, d’autant que malgré la
régression endoscopique et histologique des lésions, dans un nombre non
négligeable de cas persiste un clone tumoral détecté par PCR.
Signalons
aussi que le résultat des biopsies perendoscopiques au cours du suivi est
parfois trompeur (faux négatifs).
Les prélèvements doivent toujours être
multiples et leur analyse confrontée aux données de l’échoendoscopie, qui
doit être systématique initialement et au cours du suivi.
Le faible nombre de
cas rapportés et le peu de recul des observations imposent un diagnostic initial
rigoureux et une surveillance étroite prolongée, ou mieux encore, une prise
en charge dans le cadre de protocoles thérapeutiques.
C’est en l’absence de régression du lymphome gastrique après un suivi
suffisamment long (5 à 12 mois) que se discute le traitement ultérieur,
locorégional ou chimiothérapique.
Dans les LNH de faible malignité, le point central de la controverse est de
trouver la modalité thérapeutique qui permette une survie prolongée indemne
de toute manifestation de l’affection et qui modifie l’histoire naturelle de la
maladie.
Dans les LNH ganglionnaires de faible malignité, le seul
recours thérapeutique est la chimiothérapie car ils sont disséminés dans plus
de 70 % des cas.
Malheureusement, aucun protocole de chimiothérapie n’a
actuellement clairement démontré son efficacité sur l’amélioration de la
survie (médiane de survie 8 ans).
Le caractère longtemps localisé du LPTD et la difficulté d’obtention de
rémission vraie par chimiothérapie dans l’expérience des LNH
ganglionnaires de faible malignité, doivent ainsi logiquement conduire à
proposer un traitement locorégional (chirurgie ou radiothérapie).
La
discussion concerne les localisations gastriques, de loin les plus fréquentes
dans les formes de faible malignité.
Cinq études de la littérature rapportent
une survie globale à 5 ans de 100 % après résection radicale ou complète du
lymphome (moyenne de suivi de 4 à 8 ans).
La difficulté est
l’évaluation préopératoire précise de l’étendue locorégionale du lymphome,
afin de proposer l’intervention chirurgicale conduisant à la résection
complète.
On connaît l’existence de formes multifocales au niveau
gastrique, et ni les biopsies endoscopiques ni l’échoendoscopie, ne
permettent de préciser l’extension en surface du lymphome gastrique.
La
nécessité d’une résection radicale fait donc proposer de principe une
gastrectomie totale.
La mortalité de la gastrectomie totale n’est pas plus
importante pour les lymphomes que pour les autres affections, et est
actuellement évaluée en moyenne à 3,8 % (plus faible dans les séries
récentes).
Néanmoins, certains reculent devant l’importance de ce geste,
surtout chez le sujet âgé, pour lequel, compte tenu du caractère peu évolutif
de la maladie et en l’absence de symptôme, on propose une radiothérapie,
voire l’abstention thérapeutique malgré le risque de diffusion du lymphome
et d’évolution en haute malignité.
La radiothérapie de 30 à 35 Gy est souvent employée dans les LNH de faible
malignité ganglionnaires localisés.
La survie sans manifestation de la maladie
à 10 ans après un tel traitement est, selon les études, de 48 à 83 %.
Elle est
encore peu évaluée dans les LPTD.
L’équipe de Taal et al, bien
expérimentée, rapporte une survie de 71 % à 5 ans après radiothérapie des
formes localisées.
Cette radiothérapie peut être néanmoins proposée chez
les sujets plus âgés et/ou en cas de contre-indication à la chirurgie.
Plus rares sont ceux qui proposent pour les lymphomes de faible malignité la monochimiothérapie au long cours (agents alkylants le plus souvent).
Elle
est prescrite par analogie avec les LNH ganglionnaires de faible malignité, où
en revanche prédominent les formes disséminées.
Il faut cependant craindre,
nous l’avons vu, la possibilité de rechute tardive ou d’extension, et connaître
les complications à distance, non exceptionnelles, des alkylants au long cours,
telles que les myélodysplasies et néoplasies vésicales.
Il n’existe pas dans les LPTD, en particulier gastriques, d’expérience suffisante de ce type de
traitement (études rétrospectives, faible nombre de patients, recul insuffisant).
L’absence de rechute à distance, après exérèse radicale, dans de récentes
études et chez les patients suivis maintenant depuis en moyenne 8 ans plaident
en faveur de l’attitude chirurgicale.
Les localisations intestinales de lymphomes B de faible malignité sont plus
rares.
Elles ne sont pas concernées par H pylori.
La résection chirurgicale
peut être faite à visée diagnostique ou curative mais le caractère complet de
l’exérèse est difficile à affirmer compte tenu de la possibilité de localisation
multiple, et on fait alors appel plus volontiers à la chimiothérapie.
Enfin, quelle que soit la localisation du LPTD de faible malignité, en cas de
dissémination médullaire, ORL, pulmonaire, ganglionnaire ou à un autre tissu
du MALT, où l’atteinte primitive digestive est d’ailleurs plus difficile à
affirmer, le seul recours thérapeutique est la chimiothérapie.
* LPTD du MALT de haut degré de malignité
:
La mise en cause de H pylori dans la genèse des lymphomes du MALT
gastriques n’a pas pour l’instant modifié la discussion thérapeutique
concernant la prise en charge des formes de haute malignité.
Deux attitudes thérapeutiques, qui n’ont jamais fait jusqu’à ce jour l’objet
d’études contrôlées, sont proposées.
Toutes deux donnent un rôle
prépondérant à la chimiothérapie, à laquelle ces lymphomes de haute
malignité sont particulièrement sensibles.
Mais dans l’une, la réduction
tumorale chirurgicale est entreprise chaque fois que possible
alors que dans l’autre, elle est estimée inutile.
Dans certaines situations, l’abstention chirurgicale fait l’unanimité.
Il s’agit
de tumeurs disséminées ou d’extension locorégionale importante et ce
d’autant plus que les LDH sont élevées, pour lesquelles la chimiothérapie doit
être d’emblée entreprise, avec, en cas de masse résiduelle, possibilité
d’exérèse secondaire.
À l’inverse, la chirurgie ne se discute pas en cas de complication inaugurale
telle qu’une perforation, une hémorragie ou une occlusion (12 % des cas de LPTD).
Pour les cas de LPTD où l’exérèse apparaît possible sur les données du bilan
clinique préopératoire, un certain nombre de publications récentes,
concernant des séries rétrospectives, insistent sur l’intérêt de la chirurgie
première.
Parmi les rares séries prospectives, l’une d’entre elles
a rapporté une survie à 5 ans de 100 % après chirurgie radicale suivie d’une chimiothérapie adjuvante.
D’autres avancent, à juste titre, s’appuyant sur
l’expérience dans les LNH ganglionnaires, qu’ils peuvent obtenir le même
résultat dans les LPTD avec la chimiothérapie seule, d’autant qu’il s’agit de
petites tumeurs localisées ; mais il n’y a pas pour l’instant de résultats publiés
concernant cette approche dans les localisations digestives.
En ce qui concerne les formes extensives localement (bulky) qui peuvent faire
l’objet d’exérèse partielle, Salles et al ont montré que la chirurgie n’améliorait
pas le pronostic par rapport à une chimiothérapie seule,
contrairement aux autres résultats de la littérature où l’exérèse même
incomplète était un facteur de meilleur pronostic.
En fait, dans
chacune des études, les groupes comparés sont de faible effectif et peu
homogènes quant à la taille tumorale, aussi la place de la chirurgie n’est-elle
pas définitivement précisée.
Mais c’est dans ces formes extensives (bulky) de
LPTD que le risque de perforation ou d’hémorragie sous chimiothérapie
semble le plus important.
Un groupe à part est celui des LNH digestifs survenant au cours du sida.
Il
s’agit de lymphomes souvent rectaux, immunoblastiques de stades
disséminés et relevant d’un traitement chimiothérapique.
Le pronostic de ces
lymphomes est globalement plus péjoratif et, même en cas de réponse
complète à la chimiothérapie, des décès peuvent survenir du fait de la toxicité
thérapeutique ou de son rôle favorisant sur l’apparition d’infections
opportunistes (20 à 70 % des cas).
* Polypose lymphomateuse digestive
:
Le pronostic de cette entité anatomoclinique est nettement plus sombre que
celui des autres formes de LPTD.
Longtemps assimilés à un lymphome de
faible malignité du fait d’une prolifération à petites cellules, les résultats
thérapeutiques ont été décevants car elle était traitée comme tel.
Plus
récemment, l’intérêt de chimiothérapies associant entre autres des anthracyclines a été démontré.
Ces traitements sont éventuellement suivis,
en cas de réponse incomplète et si l’âge le permet, par une intensification des
traitements associée à une irradiation corporelle totale sous couvert
d’autogreffe de moelle ou de cellules souches périphériques.
Ainsi la
probabilité de survie à 5 ans, devenue 59 %, s’est nettement améliorée.
* Lymphomes de Burkitt :
Plus souvent rencontré chez l’enfant et le sujet jeune, et de siège grêlique, ces
lymphomes ont une approche thérapeutique différente des LPTD habituels.
L’expérience thérapeutique repose sur celle de séries pédiatriques.
Excepté les cas de diagnostic chirurgical lors d’une occlusion intestinale
révélatrice, le traitement chimiothérapique initial et intensif est la règle.
La
chirurgie n’a plus de rôle thérapeutique et risquerait même de retarder une
chimiothérapie urgente du fait de la multiplication rapide de ce type de
cellules tumorales.
La prophylaxie neuroméningée est systématiquement
assurée par le méthotrexate à forte dose par voie intrathécale.
Le pronostic est relativement bon pour les lésions localisées en fait rares et
souvent de découverte chirurgicale.
Lorsque la rémission est incomplète, une
intensification thérapeutique avec autogreffe de moelle ou de cellules souches
hématopoïétiques peut conduire néanmoins à la guérison.
Lymphomes gastro-intestinaux T :
A - Épidémiologie :
Les lymphomes de types T, en particulier digestifs, sont beaucoup moins
connus, sauf dans les régions du virus HTLV-1 (Human T-cell lymphotropic
virus) comme le Japon, les Caraïbes et certaines régions d’Afrique noire où
leur fréquence est beaucoup plus grande qu’en Europe occidentale.
Au Japon,
les lymphomes T représentent 65 %des LNH, et ceux associés à des stigmates
d’infection par le virus HTLV-1 en représentent à eux seuls 47 %.
Dans
certains lymphomes T, hors zone d’endémie, le gène TAX de l’HTLV-1 a été
trouvé au sein des cellules épithéliales, alors qu’il était absent des cellules
lymphomateuses, comme dans les lésions du syndrome de Sjögren ou du
lymphome de Sézary.
En zone non endémique, la fréquence des LNH de type
T est estimée à 20 % des LNH.
À côté des localisations ganglionnaires, les
plus fréquentes, sont les localisations cutanées.
Les lymphomes T intestinaux
sont connus depuis peu, et la plupart des données disponibles de la littérature
le sont sous forme de cas cliniques isolés.
Seules cinq séries de lymphomes
intestinaux (composées respectivement de 26, 27, 31, 31 et 24 cas) ont été
publiées.
Outre les données histopathologiques, seules les deux
dernières apportent des renseignements sur le mode de présentation clinique,
les traitements reçus et la survie.
B - Anatomoclinique :
Le diagnostic de lymphome T est parfois difficile.
L’âge de découverte est
identique à celui des autres lymphomes.
Les symptômes ne sont pas
spécifiques, mais la diarrhée est plus souvent observée que dans les
lymphomes B.
La localisation digestive la plus fréquente est en effet jéjunale.
Les atteintes digestives multiples ne sont pas rares (60 à 72 % selon les
études).
Plusieurs types de lymphome T ont été décrits.
– La forme qui survient sur une entéropathie, maladie coeliaque ou une jéjuno-iléite ulcéreuse.
Lorsqu’il survient chez un patient ayant une maladie
coeliaque, il apparaît que le risque de lymphome est corrélé à une mauvaise
adhésion au régime sans gluten.
Le diagnostic de maladie coeliaque
précède celui du lymphome dans 57 % des cas, est simultané dans 32 % des
cas et postérieur dans 11 % des cas.
Ce lymphome a la particularité
d’infiltrer l’épithélium des glandes instestinales et d’avoir un phénotype
suggérant une possible origine des cellules tumorales à partir de la population
des lymphocytes intestinaux intraépithéliaux : elles sont CD7+, CD3+, CD5-,
CD4-, CD8- et, surtout, HML1+.
Cet anticorps reconnaît les différentes souspopulations
normales des lymphocytes intraépithéliaux.
Il s’agit d’un
lymphome de haut degré de malignité, le plus souvent polymorphe à grandes
cellules, parfois à moyennes cellules.
L’entéropathie associée est caractérisée
par une atrophie villositaire et parfois une hypoplasie des cryptes de la
muqueuse dans les zones non tumorales.
Le pronostic de ces lymphomes T
paraît plus péjoratif que celui des LPTD de haute malignité B.
– Le second groupe de lymphome T est celui qui survient sans entéropathie
et associé à une réaction éosinophilique.
Les tumeurs, généralement du grêle,
peuvent être multiples, parfois ulcérées, nécrosées et être diagnostiquées lors
d’une complication inaugurale.
Les cellules tumorales sont souvent rares et
le diagnostic peut être difficile.
Elles sont généralement de grande taille,
parfois multinucléées, et il existe des polynucléaires éosinophiles au sein de
l’infiltrat tumoral.
Parfois, il existe une hyperéosinophilie sanguine.
Le
mécanisme pourrait être la libération par les cellules tumorales de cytokines,
en particulier Gm-CSF et interleukine 3.
L’évolution de ces lymphomes
est généralement rapidement fatale.
– D’autres types de lymphome T ont été décrits : lymphome T intestinal pléiomorphe à petites cellules de faible malignité ou lymphome T atteignant
de façon diffuse l’intestin grêle, se rapprochant des IPSID.
L’infiltrat est
en règle parsemé de granulomes épithélioïdes, rattachés à une production
d’interleukines.
Cliniquement, la symptomatologie est dominée par un
syndrome de malabsorption et l’évolution est lente.
C - Pronostic :
Le pronostic des lymphomes T est plus sombre que celui du lymphome B.
Dans une étude récente, les taux de survie des LPTD avec entéropathie étaient
respectivement de 50 et 20 % à 1 et 5 ans.
Les lymphomes intestinaux T sans
entéropathie semblent encore de moins bon pronostic, avec une évolution
rapidement fatale, sauf pour les formes de type IPSID, d’évolution lente.
D - Traitement :
La chirurgie est parfois nécessaire pour faire le diagnostic ou lors d’une
complication inaugurale.
La chimiothérapie est le traitement essentiel.
Elle
est identique à celle administrée pour les lymphomes B de haute malignité.
Le mauvais pronostic des lymphomes T incite à des chimiothérapies plus
lourdes sans que l’on sache si elles sont vraiment plus efficaces.
Pour la forme
sans entéropathie de type IPSID, une tentative d’antibiothérapie orale
prolongée a permis dans un cas une amélioration stable mais transitoire de
l’état général et de la diarrhée.
Les lymphomes primitifs du tube digestif recouvrent plusieurs entités,
de présentations cliniques et de pronostics différents, qu’il est
important de bien connaître. En effet, leur prise en charge et leur
traitement optimal varient en fonction du groupe pronostique auquel ils
appartiennent.