Histoire naturelle de la pancréatite chronique alcoolique Cours d'Hépatologie
Définition et classifications
:
La définition des pancréatites aiguës et chroniques (PC) n’était pas
claire jusqu’au début des années 1960 et ne l’est pas encore
totalement aujourd’hui.
La difficulté est de définir les pancréatites
aiguës par rapport aux PC, dans la mesure où il existe des
pancréatites aiguës en dehors de toute PC (par exemple biliaire), et
des pancréatites aiguës qui ne sont qu’une manifestation d’une PC
sous-jacente.
Cette difficulté est accrue par le fait que les pancréatites
aiguës se traduisent par les mêmes données cliniques et d’imagerie,
qu’elles surviennent sur une PC ou non, et quelle que soit leur cause.
Enfin, le délai moyen de diagnostic de certitude de la PC après une
poussée de pancréatite aiguë alcoolique peut atteindre 5 ans et cela d’autant plus qu’une histologie pancréatique est
impossible à obtenir par des techniques routinières contrairement
au foie.
De ce fait, il faut accepter que le diagnostic définitif de PC
puisse nécessiter plusieurs années de suivi et une classification des
pancréatites doit tenir compte de ce fait.
Une classification parfaite nécessiterait des données cliniques,
morphologiques, histologiques et fonctionnelles qui ne sont
qu’exceptionnellement disponibles simultanément.
Plusieurs
classifications des pancréatites ont été élaborées, la première à
l’occasion du symposium de Marseille en 1963.
Au début des
années 1980, deux autres symposia ont abordé ce problème.
Plus récemment, un symposium a été réuni à Zurich en 1996.
Les
38 experts ont répertorié l’existence de deux classes de PC
alcooliques : les PC alcooliques certaines et les PC alcooliques
probables.
Les deux classes se caractérisent par l’existence de
poussées douloureuses typiques et récidivantes, une consommation
d’alcool excessive depuis plusieurs années.
Le diagnostic de PC alcoolique « certaine » nécessite de plus la
présence d’au moins un des critères suivants :
– calcifications pancréatiques démontrées par une radiographie sans
préparation de l’abdomen ou un scanner ;
– lésions au minimum modérées sur les clichés de wirsungographie
rétrograde endoscopique (WRE) selon la classification de
Cambridge ;
– stéatorrhée supérieure à 7 g/24 heures, corrigée ou nettement
diminuée par la prise d’extraits pancréatiques per os (en l’absence
de cancer pancréatique, de chirurgie gastrique ou de maladie
digestive non pancréatique) ;
– preuve histologique sur une pièce opératoire.
Le diagnostic de PC alcoolique « probable » nécessite la présence de
l’un des critères suivants :
– lésions minimes sur les clichés de WRE ;
– pseudokystes persistants ou récurrents ;
– test à la sécrétine pathologique ;
– insuffisance pancréatique exocrine (IPE).
Les commentaires apportés par les experts à cette nouvelle
classification sont les suivants :
– le diagnostic définitif de PC alcoolique peut nécessiter du temps ;
– les termes de PC débutante (early), modérée (mild) ou minimale
(minimal) doivent être évités ;
– les termes de PC à un stade précoce (early stage) ou précalcifiante
(precalcific) peuvent être utilisés dans les études rétrospectives chez
les malades pour lesquels le diagnostic de PC certaine a été
secondairement porté ;
– cette terminologie peut s’appliquer aux PC non alcooliques ;
– le rôle des nouvelles techniques d’imagerie pour le diagnostic
précoce de PC reste l’objet de débats, notamment l’échoendoscopie
et l’imagerie par résonance magnétique nucléaire.
La spécificité de ces méthodes n’a pas encore été établie et le risque de diagnostic
erroné de PC semble important, notamment en raison d’une
variabilité interobservateur importante.
Cette dernière
classification a l’avantage d’être pragmatique et de ne reposer que
sur des données cliniques et d’imagerie facilement accessibles.
Elle insiste sur
la notion de temps nécessaire pour aboutir à un diagnostic définitif
de PC.
Elle laisse
cependant en suspens la question de l’existence d’une entité «
pancréatite aiguë alcoolique » autonome, débat sur lequel nous
reviendrons.
Facteurs de risque hygiénodiététiques
:
A -
CONSOMMATION D’ALCOOL :
L’alcool est la cause principale de PC.
Il est en cause dans 60 à 90 %
des cas des séries occidentales.
La consommation moyenne quotidienne d’alcool pur est de 141 g
chez les malades ayant une PC et de 83 g chez des témoins.
En
1978, Durbec et Sarles ont montré que l’âge moyen de début de la
consommation d’alcool est 20,5 ans et l’âge moyen au premier
symptôme de la PC est 39,5 ans, soit une durée de consommation
moyenne de 19 années.
La consommation moyenne d’alcool pur
est de 144 g/j, alors qu’elle est de 44 g/j chez les témoins.
Le mode
de recrutement des témoins n’est cependant pas précisé en dehors
du fait qu’ils n’avaient pas de diabète, d’atteinte digestive ou biliopancréatique.
Le logarithme du risque relatif d’avoir une PC
augmente linéairement avec la consommation d’alcool, séparée en
15 classes différentes (par tranches de 20 g/j d’alcool pur).
Pour une
consommation nulle d’alcool, le risque relatif d’avoir une PC n’est
pas nul, ce qui a fait dire qu’il n’y a pas de seuil en deçà duquel la
consommation d’alcool n’augmente pas le risque de développer une
PC.
Cette hypothèse n’a cependant jamais été confirmée par la
suite mais a été largement citée.
Dans un autre travail où seuls les malades dont la maladie venait
d’être découverte (newly discovered patients) ont été inclus (pour éviter les
modifications alimentaires et de consommation d’alcool induites par
les manifestations cliniques de la maladie et la révélation du
diagnostic), la durée de l’alcoolisme est de 16,7 années pour les PC
et 25,8 années pour les malades avec cirrhose.
La consommation
moyenne d’alcool pur est supérieure à 200 g/j dans les deux groupes.
Deux autres
travaux ont confirmé ces résultats et ont montré que la durée de
l’alcoolisme « nécessaire » pour développer une PC est inférieure
pour les femmes par rapport à celle des hommes (13 versus 20 ans).
Pour tous les
travaux cités, on peut émettre des critiques
importantes. Dans l’étude de Durbec et Sarles qui est la plus citée,
les malades sont inclus à partir de plusieurs centres de plusieurs
pays sur plusieurs continents. Ils sont interviewés par plusieurs
médecins ou nutritionnistes.
Des malades avec des PC à des stades
très différents sont inclus et le choix des sujets contrôlés est différent
d’un centre à l’autre.
Enfin, seules les données de neuf centres parmi
les 36 ayant participé à l’étude sont incluses sans que la raison en
soit donnée.
Dans le travail de Mezey et al et de Uscanza et
al, les témoins sont non alcooliques et la durée entre le début de
la PC et l’interview n’est pas précisée.
L’étude de Pitchumoni et
al ne comporte que 62 malades dont 36 avec une PC et manque
donc de puissance statistique.
Entre 1989 et 1992, une étude a été menée à l’hôpital Beaujon, dans
laquelle les témoins sont tous alcooliques et tous les malades (tous
de sexe masculin) ont consulté pour une PC, une cirrhose ou en
consultation d’alcoologie mais sans maladie somatique alcoolique
moins de 1 an avant l’enquête diététique.
L’âge du début de
l’alcoolisme est le même (19 ans) dans les trois groupes.
La durée
de la consommation d’alcool est 22, 26 et 19 ans, respectivement.
Ni
la quantité moyenne d’alcool consommée par semaine, ramenée au
poids corporel, ni la consommation totale cumulée ne sont
différentes entre les malades ayant une PC par rapport au malades sans alcoolopathie (consommation moyenne : 14,7 et 19,6 g d’alcool
pur par kg de poids corporel, respectivement ; consommation totale
cumulée : 17,5 et 17,8 g d’alcool pur par kg de poids corporel).
Il n’y a pas non plus de différences entre ces deux groupes
concernant la quantité totale ou en pourcentage d’alcool consommé
sous la forme de vin, de bière ou d’alcool fort.
Le pourcentage
de calories ingérées sous la forme d’alcool est inférieur chez les
malades ayant une PC (23,6 %) par rapport aux malades cirrhotiques
(32,1 %) ou aux témoins alcooliques sans alcoolopathie (31,1 %).
De ces différents travaux, on peut conclure que la prise prolongée
d’alcool (> 10 ans) est une condition nécessaire pour le
développement d’une PC alcoolique, mais n’est pas une condition
suffisante puisque les malades ayant une cirrhose sans PC patente
ont une consommation plus importante et plus longue que les
malades ayant une PC.
Les malades alcooliques sans alcoolopathie
n’ont pas une consommation différente de ceux ayant une PC.
Le
développement d’une PC nécessite donc d’autres conditions prédisposantes.
B - CONSOMMATION DE TABAC
:
Le rôle du tabagisme comme cofacteur de PC est aussi l’objet de
polémique.
L’alcoolisme et le tabagisme sont très souvent liés et il
est donc difficile de montrer le rôle indépendant de l’un ou de
l’autre. Le choix du groupe contrôle est essentiel. Yen et al ont
montré que le risque relatif de PC lié à la consommation de tabac
est de neuf chez les hommes et de quatre chez les femmes, mais les
témoins hospitalisés pour une pathologie en rapport avec
l’alcoolisme ou le tabagisme sont exclus.
Dans un travail français,
l’âge de début de la PC est moins élevé chez les malades fumeurs
(41 ans) que chez les non fumeurs (52 ans).
Alcoolisme et tabagisme
sont des facteurs de risque indépendants de PC avec un effet
multiplicatif, les témoins étant recrutés parmi les consultants à titre
systématique dans un centre de sécurité sociale.
Cependant, il n’y a
pas de différence entre les malades ayant une PC ou une cirrhose.
Une équipe italienne a trouvé une proportion de fumeurs supérieure
chez les malades ayant une PC alcoolique par rapport à des témoins
tirés au sort parmi des personnes réalisant un bilan systématique
(check-up) (92 versus 43 % ; p < 10-5).
Le nombre de cigarettes par
jour est aussi supérieur (25 versus 19 ; p < 10-4).
L’étude multivariée
comparant les témoins et les malades ayant une PC montre que la
consommation d’alcool et celle de tabac sont les seuls facteurs de
risque de PC et ce dès la première cigarette.
Des résultats
opposés ont été publiés.
Haber et al ont
trouvé une proportion de fumeurs identique (87 %) dans les groupes
alcooliques ayant une PC ou sans PC.
Dans l’étude
citée où les deux
groupes de malades (PC et cirrhose) et les témoins (sans alcoolopathie) sont alcooliques, ni le pourcentage de tabagiques, ni
la consommation de tabac exprimée en nombre de paquets-années
ne sont différents.
L’ensemble de ces résultats divergents et délicats à synthétiser
illustre les difficultés de ce type de travail, ce d’autant que tabagisme
et alcoolisme sont très souvent liés.
Le choix du groupe témoin
(alcoolique ou non, ayant une alcoolopathie ou non), le moment de
l’enquête par rapport au début de la maladie, le paramètre testé
(choisi peut-être a posteriori) peuvent modifier les résultats dans un
sens ou dans un autre.
Les travaux dans lesquels les groupes
témoins sont aussi alcooliques ne suggèrent pas un rôle du tabac
comme facteur de risque.
C - ALIMENTATION
:
Plusieurs travaux ont été publiés sur le rôle de
l’alimentation comme cofacteur associé à (ou expliquant) la
susceptibilité pancréatique de certains alcooliques.
Ces travaux
étudient des paramètres nutritionnels ou morphométriques variés
et pas toujours comparables.
La définition des groupes témoins
génère les mêmes critiques que ci-dessus.
La malnutrition est souvent rapportée comme une manifestation
satellite de l’alcoolisme.
Des données contradictoires et anciennes ont été publiées dans le domaine de la PC alcoolique.
Nous
avons montré que le ratio poids actuel/poids idéal des malades
ayant une PC alcoolique récemment diagnostiquée est proche de
100 % et non différent de celui des malades cirrhotiques ou témoins
alcooliques sans alcoolopathie.
De plus, l’apport calorique est trois
fois supérieur aux besoins énergétiques de base. Il reste deux fois
supérieur, même si les calories « alcooliques » ne sont pas prises en
compte.
La proportion de calories alcooliques dans la nutrition
est de 24 à 50 % de l’apport calorique total. Des résultats
comparables ont été trouvés par d’autres équipes.
Il est donc
probable que la dénutrition n’a pas de rôle à elle seule ou associée à
la genèse de la PC.
La question du rôle adjuvant de différences d’apport de protéines
ou de lipides alimentaires dans la genèse de la PC fait l’objet de
résultats discordants.
Il a été montré que le logarithme du risque
relatif de PC augmente linéairement en fonction de la consommation
de protéines et est une fonction quadratique de la consommation de
lipides, une consommation basse ou haute de ceux-ci étant liée à un sur-risque de PC.
Pitchumoni et al trouvent une
consommation de lipides supérieure chez des malades ayant une
PC alcoolique (59 g/j) par rapport à ceux ayant une cirrhose
alcoolique (40 g/j), mais pas de différence significative pour les
apports protéiques (67 et 56 g/j respectivement).
En revanche, Mezey et al ne trouvent aucune différence
significative pour l’apport protéique et lipidique entre les malades
ayant une PC alcoolique, une cirrhose alcoolique ou les témoins
alcooliques.
Nous avons montré que l’apport total de protéines et
de lipides n’était pas différent entre les malades ayant une PC
récemment symptomatique et les témoins alcooliques.
Seuls les
pourcentages de calories prises sous la forme de protéines (11,7 %)
ou de lipides (35,7 %) sont modérément supérieurs à ceux des
témoins (respectivement 10,5 % et 30,8 %), ces deux facteurs
n’expliquant cependant que 13 % de la variance.
Il n’y a aucune
différence entre malades ayant une PC, une cirrhose et témoins
alcooliques quant à la consommation de café, de calcium, de
phosphore, de potassium, de fer, de magnésium ou de vitamines A,
B1, B2, B6, C, D et E.
Au total, il est possible que des facteurs diététiques soient associés à
un risque accru de PC chez des malades alcooliques.
En tout état de
cause, cette relation, si elle est causale, ne peut être qu’adjuvante et
cette condition n’est sans doute ni nécessaire ni suffisante.
Épidémiologie
:
A - INCIDENCE ET PRÉVALENCE
:
Très peu de données épidémiologiques rapportées à une population
donnée sont disponibles sur la PC.
Dans un travail de la Mayo Clinic entre 1950 et 1969, l’incidence de la PC est estimée à 3,5 pour
100 000 habitants.
Dans une étude plus récente (1976-1988) issue
de la même équipe, l’incidence est de 6,7 pour 100 000 hommes et
de 3,2 pour les femmes.
Dans une étude rétrospective
scandinave, portant sur 126 malades, l’incidence annuelle est
estimée à 6,9 pour 100 000 en 1970 et 10,0 en 1979.
En Angleterre
et au Pays de Galles, l’incidence de la PC a été calculée à partir des
diagnostics de sortie des services hospitaliers sur une période allant
de 1962 à 1985.
En 1962, l’incidence annuelle est de 1,0 pour
100 000 d’hommes et 0,9 pour les femmes.
En 1985, ces chiffres
deviennent 4,3 et 2,1, soit une augmentation d’un facteur 4 pour les
hommes et d’un facteur 2 pour les femmes.
Il existe une excellente
corrélation (r = 0,96) entre les chiffres d’incidence de la PC et la
quantité d’alcool consommée par personne estimée à partir de
statistiques nationales.
Il est à noter que ces notions de
consommation d’alcool ne sont pas disponibles en France.
En France, une enquête a été réalisée dans huit départements,
totalisant une population de 4 250 000 d’habitants entre 1990 et 1992.
Cette enquête a été faite auprès des gastroentérologues, des
endocrinologues et des radiologues de ces départements.
Il leur était
demandé de signaler tous les nouveaux cas de PC qu’ils prenaient
en charge. Un total de 1 099 PC, dont 603 nouvellement
diagnostiquées a été inclus.
L’incidence brute est de 4,7 pour
100 000.
L’incidence standardisée sur la population mondiale est de
7,7 pour les hommes et de 1,2 pour les femmes.
La PC est considérée
comme d’origine alcoolique dans 86 % des cas, de cause inconnue
dans 11,4 % des cas, et de causes diverses dans 2,6 % des cas.
Ce
taux d’incidence est, pour les hommes, du même ordre de grandeur
que celui des maladies inflammatoires cryptogénétiques intestinales
(maladie de Crohn : 6,3 pour 100 000, rectocolite hémorragique :
4,6 pour 100 000) estimé pendant la même période sur un
échantillon de population de taille équivalente.
Une enquête similaire à l’enquête métropolitaine a été réalisée à la
Réunion et en Guadeloupe entre 1994 et 1996.
À la Réunion,
l’incidence standardisée pour la population mondiale est de
27,6 pour 100 000 hommes et de 3,9 pour les femmes.
En
Guadeloupe, ces chiffres sont respectivement 15,3 et 1,9.
Compte
tenu de l’âge auquel la PC débute cliniquement, on peut considérer
que la PC constitue un réel problème de santé publique outre-mer.
B - TERRAIN
:
L’histogramme de l’âge de début des PC alcooliques ne montre qu’un seul pic de fréquence situé dans la
troisième ou quatrième décennie et une distribution normale ou
proche de la normale.
En revanche, l’histogramme de l’âge de début des PC non
alcooliques a deux pics de fréquence, le premier dans la seconde ou
la troisième décennie et le deuxième pic entre 55 et 70 ans.
Il est possible que ce deuxième pic corresponde soit à une
PC « sénile », soit à des formes de PC dysimmunitaires, soit enfin à
des PC alcooliques survenant plus tardivement en raison d’une
consommation d’alcool modérée mais non nulle.
Manifestations cliniques et évolutives
:
A - CALCIFICATIONS
:
Les calcifications pancréatiques sont un des signes
pathognomoniques de la PC.
Le meilleur examen pour en faire le
diagnostic est le scanner spiralé sans injection.
L’échoendoscopie
pourrait en faire le diagnostic plus précocement, mais la
spécificité de cette technique semble encore faible et la variabilité interobservateur trop importante.
L’apparition de calcifications pancréatiques est une fonction du
temps écoulé après le début clinique de la PC.
Leur probabilité de
survenue est de 33 % à 2 ans, 50 % à 4 ans et 85 % à 15 ans dans la
série de plusieurs centaines de malades ayant une PC alcoolique ou
non, suivie à l’hôpital Beaujon.
Des chiffres proches ont été
retrouvés dans la série zurichoise (50 % de calcifications
pancréatiques à 5 ans) et dans la série de la Mayo Clinic (environ 60 % à 5
ans).
Entre 0 et 20 %
des malades ont déjà des calcifications pancréatiques lors de la
première année d’évolution de la PC.
Les
calcifications pancréatiques peuvent être une circonstance de
découverte fortuite de la PC, notamment dans le cas des PC indolores
ou se révélant par un diabète.
Le tabagisme associé à l’alcoolisme pourrait accélérer l’apparition
de calcifications pancréatiques.
La médiane d’apparition des
calcifications pancréatiques est de 8 ans chez les fumeurs et de
12 ans chez les non-fumeurs.
Amman et al ont montré que les calcifications pancréatiques ont
une évolution triphasique avec une première phase de croissance,
une deuxième de stagnation et une troisième survenant chez un tiers
des malades où le nombre de calcifications diminuerait.
Cette
diminution serait plus fréquente après dérivation wirsungojéjunale
mais pourrait aussi survenir spontanément chez un malade sur six.
Cette étude est cependant uniquement basée sur des radiographies
sans préparation de l’abdomen et les calcifications quantifiées selon
une grille non validée.
Les corrélations entre l’apparition des calcifications pancréatiques,
les douleurs pancréatiques, l’IPE et le diabète sont discutées dans
les chapitres correspondants.
B - DOULEUR
:
La douleur est un des signes principaux de la PC.
Elle peut être due
à une poussée aiguë, à des douleurs chroniques sans poussée aiguë
(la distinction formelle entre ces deux entités étant parfois difficile),
à une complication comme un pseudokyste, une sténose digestive
ou une compression de la voie biliaire principale.
De ce fait, le profil
clinique de la douleur est varié : douleur aiguë durant quelques
heures à quelques jours, douleur postprandiale survenant par
épisodes durant de quelques jours à quelques semaines, douleur
fluctuante évoluant sur plusieurs mois, douleur sourde permanente.
1- Fréquence
:
La fréquence de la douleur au cours de l’histoire naturelle de la PC
est variée.
Cette variabilité dépend du temps mais aussi du type de
recrutement.
Les séries chirurgicales qui prennent en charge les
formes les plus compliquées de PC ont nécessairement un
pourcentage élevé de formes douloureuses.
En revanche, les services
de diabétologie qui prennent en charge les PC évoluant depuis
longtemps ont un pourcentage élevé de formes indolores bien
qu’aucune série de malades PC recrutés uniquement dans un service
de diabétologie ne soit disponible.
Les formes totalement indolores
sont souvent découvertes à l’occasion d’un diabète ou d’une stéatorrhée. Les séries médicochirurgicales permettent
d’appréhender le pourcentage de ces formes indolores au plus près
de la réalité clinique de cette maladie.
Dans certaines séries
s’intéressant à l’histoire naturelle de la PC, les formes indolores
(primary painless chronic pancreatitis) ont été exclues ou font l’objet d’un
traitement à part.
On note que les PC
alcooliques sont en général plus souvent associées à des douleurs
que les formes non alcooliques, sauf dans la série de la Mayo Clinic.
Dans une série toulousaine comportant 125 malades ayant
une PC dont 18 sont restées toujours indolores, il n’y a aucune
différence entre les formes douloureuses ou non (sex-ratio, âge,
étiologie, diabète) en dehors de la plus grande fréquence des formes
calcifiées et d’un déficit sécrétoire exocrine marqué dans les formes
indolores.
2- Évolution de la douleur dans le temps et sévérité
:
La fréquence et la sévérité des douleurs évoluent tout au long de
l’histoire naturelle de la PC.
La réalisation d’interventions chirurgicales motivées ou non par les douleurs chroniques, la
continuation ou non de l’intoxication alcoolique, une consommation
parfois toxicomaniaque d’antalgiques viennent interférer avec
l’histoire naturelle de la PC.
Nous n’abordons pas l’influence de la
chirurgie dans cette mise au point consacrée à l’histoire naturelle de
la PC alcoolique.
Cinq ans après le début clinique de la PC, 85 % des malades ne
ressentent plus de douleurs.
Il existe une corrélation dans le temps
entre la disparition des douleurs et l’apparition des calcifications
pancréatiques, de l’IPE et du diabète.
Parmi les malades n’ayant
plus de douleurs, 70 à 93 % ont une IPE, 75 à 80 % ont un diabète, et
tous finissent par avoir une PC calcifiée. En revanche, la
présence d’une IPE, d’un diabète ou de calcifications pancréatiques
n’est pas toujours synonyme de sédation.
En effet, dans une étude
allemande de 311 malades, 57 % de ceux ayant une IPE sévère, 59 %
de ceux ayant un diabète et 56 % de ceux ayant une PC calcifiée ont
encore des douleurs.
L’intensité de la douleur est considérée au début de la maladie
comme sévère (nécessité d’antalgiques par voie veineuse) chez 59 %
des malades ayant une PC alcoolique et sourde (dull) chez 26 %.
Parmi ces malades, au bout de 3 ans d’évolution, l’absence
d’amélioration de la douleur est notée chez 20 %, une amélioration
partielle chez 33 % et une disparition chez 32 %.
Le rôle de
l’abstinence alcoolique est souligné par le pourcentage d’abstinents
plus important parmi les malades sans douleur (86 %) par rapport à
ceux ayant toujours des douleurs (28 %).
La présence ou non d’anomalies canalaires estimée par une WRE
n’est pas corrélée à la persistance des douleurs.
Ainsi, 71 % des
malades n’ayant pas d’anomalies canalaires et 67 % de ceux ayant
des anomalies canalaires majeures ont des douleurs.
De ces études (dans lesquelles les définitions, les durées de suivi et
les modes de recrutement diffèrent), on peut conclure que la
fréquence des douleurs chroniques de la PC diminue dans le temps
en même temps que les calcifications pancréatiques, l’IPE et le
diabète apparaissant même si la corrélation n’est pas parfaite dans
le temps.
En revanche, dans certains cas, la douleur peut persister
jusque 10 ans après le début clinique de la PC, y compris chez des
malades ayant des signes de PC évoluée.
C - PANCRÉATITE AIGUË
:
1- Problème de définition
:
La fréquence des pancréatites aiguës au cours des PC alcooliques
est peu référencée dans la littérature.
Les pancréatites aiguës ne sont
même pas citées comme manifestation de la PC dans le chapitre
« Pancréatite chronique » du textbook de la Mayo Clinic.
Il y a à cela
plusieurs raisons, dont la première tient aux difficultés de
classification soulignées.
La seconde est la difficulté
d’affirmer qu’un malade ayant une PC a une poussée aiguë.
En effet,
le diagnostic de pancréatite aiguë repose sur la conjonction d’une
douleur pancréatique aiguë et d’une élévation significative des
enzymes pancréatiques sériques ou urinaires, le seuil retenu étant
de trois à cinq fois la limite supérieure de la normale.
Les données
de l’imagerie qui sont inconstantes ne sont retenues que si elles sont
positives.
Or, les douleurs de type pancréatique sont très fréquentes
au cours de la PC, qu’elles soient de type « chronique » ou dues à
une complication de la PC (pseudokyste, compression biliaire ou
digestive, etc).
De plus, une élévation modérée des enzymes
pancréatiques est souvent constatée, même en dehors de toute
situation évoquant une poussée aiguë, notamment en présence de pseudokyste ou
d’épanchement pancréatique d’une séreuse.
Néanmoins, dans
certains cas, le diagnostic de pancréatite aiguë est manifeste.
Dans nos
différents travaux, nous avons retenu le diagnostic devant la
survenue d’une douleur aiguë nécessitant une hospitalisation
associée à une élévation significative des enzymes pancréatiques ou
à des données d’imagerie indiscutables (³ grade C de Balthazar).
2- Fréquence
:
Selon la
définition ci-dessus, la probabilité de survenue d’une poussée aiguë
augmente rapidement dans les premières années d’évolution de la PC
(toutes causes confondues) pour atteindre un plateau aux alentours
de 40 % après la septième année.
Ce résultat a
été confirmé sur une série de 222 hommes alcooliques dans laquelle
la probabilité de survenue d’une poussée aiguë est de 41,5 % 2 ans
après le début de la PC et 50 % après la cinquième année.
Au-delà de ce
délai, la probabilité d’avoir une première poussée de pancréatite
aiguë devient pratiquement nulle.
Le nombre des
pancréatites aiguës au cours de l’histoire naturelle de la PC est
assez modéré puisque nous avions décompté 66 épisodes chez 52
malades, 41 de ces épisodes restant uniques.
La gravité des
épisodes de pancréatite aiguë semble décroître avec le temps.
Les pancréatites
aiguës bénignes (£ grade C de Balthazar) surviennent en moyenne 30
mois après le début de la PC, les pancréatites aiguës sévères
survenant en moyenne 9 mois plus tôt.
Surtout, des
calcifications pancréatiques sont déjà présentes dans 56 % des
formes bénignes versus 23 % des formes sévères.
3- Mortalité
:
Les pancréatites
aiguës alcooliques peuvent être létales.
À partir d’une
série de 126 décès causés par une pancréatite aiguë, celle-ci est
d’origine alcoolique dans 15 % des cas.
Dans deux séries
de 193 et 602 malades, la mortalité des pancréatites aiguës
alcooliques est de 5,3 et 7,3 %, respectivement.
En revanche,
dans les séries consacrées à l’histoire naturelle et aux causes de
décès des malades ayant une PC alcoolique, la pancréatite aiguë
n’est jamais citée.
Ceci peut avoir
comme explication la réticence de certains auteurs à considérer une
pancréatite aiguë alcoolique comme étant une manifestation de PC
alcooliques et donc
la non-inclusion des malades ayant une pancréatite aiguë alcoolique
inaugurale et létale dans les séries de PC.
4- Existence des pancréatites aiguës alcooliques
en dehors de la pancréatite chronique :
Depuis l’hypothèse de la séquence « nécrose-fibrose » émise pour la
première fois par Comfort et al en 1946, la question de la relation
entre pancréatite aiguë alcoolique et PC alcoolique est l’objet de
débats ardents, y compris dans les colonnes de Gastroentérologie
clinique et biologique.
Le problème se résume ainsi : existe-t-il des pancréatites aiguës
alcooliques sans PC sous-jacente ?
La pancréatite aiguë est-elle une
entité autonome ?
Quelques rares et anciens travaux ont démontré sur un nombre
restreint de malades des lésions de pancréatite aiguë alcoolique sans
lésion chronique.
Sur une série de quatre malades décédés d’une
pancréatite aiguë hémorragique alcoolique après une prise massive
d’alcool pendant 2-3 semaines, sans antécédent d’alcoolisme, aucun
signe de lésions de PC n’est dépisté.
Dans une série autopsique
de 405 malades décédés de pancréatite aiguë, 131 malades
alcooliques ont des lésions uniquement aiguës.
Cependant, plusieurs données fondamentales reposant sur les
mécanismes immunologiques de l’inflammation ne sont pas en
faveur de deux entités strictement séparées.
Au cours de
l’inflammation aiguë et chronique, de nombreuses cytokines
identiques sont activées.
Par exemple, une augmentation de
l’expression du transforming growth factors bêta (TGF-alpha au cours de
la pancréatite aiguë expérimentale suggère son rôle dans la
réparation des lésions de pancréatite aiguë.
Le TGF-alpha est aussi
impliqué dans la fibrogenèse de la PC.
Plusieurs études longitudinales de l’équipe de Ammann ont été
publiées à partir d’une même casuistique et avec une méthodologie
et des conclusions qui ont plutôt semé le trouble.
Les auteurs
rapportent le suivi de 144 malades ayant eu au moins une
pancréatite aiguë rattachée à la prise d’alcool. Pour une raison
difficile à comprendre, les malades ayant d’emblée des signes de PC sont exclus et leur nombre n’est pas précisé.
Le diagnostic de PC
repose sur la présence de calcifications pancréatiques, sur des
données biopsiques ou nécropsiques ou sur l’existence d’un déficit
persistant de l’excrétion fécale de chymotrypsine.
Le diagnostic de
PC n’est pas retenu chez les malades ayant pourtant des lésions canalaires (marquées à modérées).
Les malades sont séparés en deux
groupes selon l’apparition (groupe A) ou non (groupe B) de signes
de PC.
Le suivi des deux groupes est comparable (9,7 et 8,3 années).
Le groupe A comprend 95 malades (dont 78 PC calcifiées) et le
groupe B en comprend 49. Parmi ces derniers, 16 ont eu une pancréatographie, anormale dans dix cas, mais le diagnostic de PC
n’est pas retenu.
Le moment de la pancréatographie par rapport au
début clinique de la PC n’est pas précisé.
Les auteurs concluent que
le diagnostic de PC ne peut pas être établi formellement chez 34 %
des malades.
Pour les raisons développées ci-dessus et ci-dessous,
les conclusions de ce travail nous paraissent hautement discutables.
Comme l’a rappelé la nouvelle classification de Zurich, les
anomalies du canal de Wirsung objectivées par la pancréatographie
sont considérées comme un des signes pathognomoniques de PC à
condition que les lésions soient suffisamment évoluées.
Certains
travaux ont cependant remis en question ce fait.
Des anomalies du
canal de Wirsung suffisamment importantes pour évoquer une PC
sont notées dans 16 % des cas dans un groupe de 50 malades non
alcooliques ayant eu une pancréatite aiguë biliaire.
Ce travail a
cependant été fait dans une région de l’Inde où la prévalence de la
PC non alcoolique est élevée.
À l’inverse, la pancréatographie se
normalise 10 semaines à 23 mois après une pancréatite aiguë
nécrotique grave chez 13 malades dont 12 sont non alcooliques.
Il
est donc probable que les lésions canalaires observées suffisamment
à distance d’une pancréatite aiguë sont des signes diagnostiques de
PC puisque les lésions ne persistent que si la pancréatite aiguë est
d’origine alcoolique.
Seule une pièce histologique permettrait de
trancher ce débat en affirmant le diagnostic de PC.
En l’état actuel
des connaissances, le diagnostic de PC doit être retenu en présence
de lésions canalaires suffisamment importantes.
Sur ces bases,
nous avons réalisé une étude dans laquelle tous les malades
hospitalisés pour pancréatite aiguë alcoolique inaugurale ont été
inclus.
La population
étudiée est constituée de 122 malades (116 hommes).
Au total, parmi
les 114 malades ayant un suivi suffisant (supérieur à 2 ans), un
diagnostic de certitude de PC a été fait chez 101 malades (88,6 %)
et de probabilité (apparition d’un diabète isolé) chez quatre
malades (3,5 %).
Le diagnostic de
PC n’a pas été porté chez neuf malades (7,9 %) seulement, mais
l’exclusion de ce diagnostic n’a reposé que sur l’absence de
l’apparition d’un diabète et de calcifications pancréatiques à
l’échographie.
Ces résultats suggèrent fortement que la pancréatite
aiguë alcoolique survient sur une PC sous-jacente et qu’une entité
« pancréatite aiguë alcoolique autonome » n’existe pas ou est une
éventualité rare.
La confusion dans ce débat est sans doute aggravée par le fait
qu’une pancréatite aiguë survenant chez un malade alcoolique n’est
pas forcément due à l’alcool.
De nombreuses causes de pancréatite aiguë ont été mises en évidence, notamment les causes
médicamenteuses, hypoxiques, virales et surtout les variétés dues à
des microcalculs.
Dans tous les travaux cités, y compris le nôtre,
une lithiase biliaire n’a pas été recherchée avec tous les moyens
d’investigations modernes, notamment l’échoendoscopie et le tubage
biliaire.
Une lithiase biliaire peut ne pas être diagnostiquée par
les moyens d’imagerie habituels.
Bien que les malades inclus
notamment dans les travaux de Ammann et al aient tous une
consommation élevée d’alcool, il n’est pas impossible que certains
d’entre eux aient eu en fait une pancréatite biliaire dont le diagnostic
n’a pas été fait.
Au total, il nous semble raisonnable de penser avec Bernard et Barthet que :
– il existe peut-être des cas exceptionnels de pancréatite aiguë due
à une ingestion aiguë et massive d’alcool ; néanmoins, l’affirmation
de cette entité devrait reposer sur la recherche attentive d’autres
causes, notamment une dyslipidémie ;
– l’alcool est la cause d’une atteinte pancréatique chronique, dont le
début clinique peut être aigu ou au contraire plus discret, torpide et
retardé.
De ce fait, la très grande majorité des pancréatites
alcooliques survient sur des lésions (parfois débutantes) de PC dont
le diagnostic peut nécessiter plusieurs années.
D - PSEUDOKYSTES
:
Une revue générale a été consacrée aux pseudokystes dans
Gastroentérologie clinique et biologique en 1994. Nous en rappelons
les grandes lignes et les faits nouveaux publiés depuis.
1- Définition
:
Un pseudokyste se définit comme une collection organisée
liquidienne intra- ou extrapancréatique contenant du suc
pancréatique pur ou de la nécrose liquéfiée, éventuellement associée
à du sang ou du pus.
La liquéfaction du liquide permet de
distinguer un pseudokyste infecté d’un abcès pancréatique.
À
l’inverse des kystes congénitaux ou des tumeurs kystiques, un pseudokyste n’a pas d’épithélium mais est limité par une paroi
fibreuse et granuleuse.
2- Classifications
:
De nombreuses classifications ont été utilisées pour les pseudokystes, certaines reposant sur le caractère nécrotique ou non
du liquide, sur l’ancienneté du pseudokyste (qui était « chronique »
s’il persistait au-delà de la sixième semaine), sur le caractère
communiquant ou non avec le réseau canalaire pancréatique.
La difficulté de ces classifications repose sur l’« accessibilité » du ou
des critères retenus pour classer les pseudokystes.
Ainsi, le caractère
communiquant ou non avec le réseau canalaire nécessite une
opacification du pseudokyste et du réseau canalaire, images dont
on ne dispose pas constamment.
C’est pourquoi la classification de D’Egidio et Schein est sans
doute la plus pragmatique.
Elle distingue les pseudokystes
survenant au décours d’une pancréatite aiguë en dehors de tout
signe de PC (nécrotiques), ceux survenant au cours d’une PC sans
signe de pancréatite aiguë (par rétention ou chronique) et ceux
compliquant une poussée aiguë sur PC (nécrotiques).
Cette classification reflète bien les deux mécanismes de formation
des pseudokystes au cours de la PC :
– formation au décours d’une poussée aiguë par organisation d’une
coulée nécrotique ;
– blocage d’un canal pancréatique par un amas protéique, un calcul
ou une sténose fibreuse, entraînant une rupture canalaire ou acinaire
en amont avec issue de liquide pancréatique clair.
Ce processus peut
être insidieux et se révéler soit par des douleurs lorsque sa taille
devient suffisante, soit par un effet de masse, soit encore à l’occasion
d’un examen d’imagerie fait à titre systématique.
3- Circonstances de survenue
:
Les circonstances de diagnostic d’un pseudokyste sont soit au
moment du diagnostic d’une pancréatite aiguë, soit lors de la
surveillance d’une poussée aiguë, soit au cours de l’évolution d’une
PC.
Au décours d’une poussée de pancréatite aiguë alcoolique, un pseudokyste est noté dans 25 à 35 % des cas.
Nous avions
montré que 40 % des 208 malades ayant une PC ont au moins un pseudokyste de plus de 2 cm de diamètre.
Parmi eux, 40 %
compliquent une poussée aiguë, alors que 60 % surviennent en
dehors de toute poussée aiguë.
Les pseudokystes compliquent
plus souvent une pancréatite alcoolique que biliaire.
Dans une série
américaine de 69 cas de pseudokystes, ceux-ci compliquent une
pancréatite alcoolique dans 78 % des cas, un chiffre proche d’une
série sud-africaine (70 %).
Parmi 1 200 cas de pseudokystes
publiés depuis 1972, la cause de la pancréatite est l’alcoolisme dans
64 % des cas.
La probabilité de survenue d’un pseudokyste est
presque linéaire jusqu’à la onzième année après le début de la PC,
puis le risque de développer un pseudokyste devient pratiquement
nul.
4- Histoire naturelle
:
L’histoire naturelle des pseudokystes compliquant une PC
alcoolique est difficile à retracer spécifiquement car les séries de la
littérature incluent le plus souvent des malades ayant des
pseudokystes compliquant des pancréatites aiguës ou chroniques de
cause variée.
* Circonstances de découverte
:
Dans la série déjà citée, les circonstances de découverte des pseudokystes sont des douleurs (86 %), des nausées ou
vomissements (72 %), une masse palpable (49 %), une perte de poids
(35 %), un ictère (13 %), un épanchement pleural (15 %), une ascite
(11 %), une hémorragie (7 %).
Pour un certain nombre de ces
signes, le rapport de cause à effet entre le pseudokyste et le
symptôme associé à sa découverte n’est pas toujours clair,
notamment pour les pseudokystes compliquant une PC.
Les
douleurs, en particulier, peuvent être dues à un pseudokyste ou à la
PC elle-même.
Cette difficulté a d’importantes conséquences sur la
stratégie thérapeutique.
* Facteurs prédictifs de l’évolution
:
Un pseudokyste peut avoir trois évolutions naturelles : régression
spontanée plus ou moins complète, persistance, complication.
Comme il était souligné dans la revue générale sur les pseudokystes,
le taux de régression des pseudokystes et les caractéristiques des
pseudokystes susceptibles de régresser étaient mal connus,
notamment en raison des définitions et des critères de sélection des
malades inclus dans les travaux publiés.
Cependant, plusieurs
notions semblaient établies.
Il était habituel de considérer qu’un pseudokyste datant de plus de 6 semaines a peu de chance de
régresser et un risque accru de complication.
En revanche, 40 % de
ceux datant de moins de 6 semaines régressent spontanément.
Dans un travail plus récent et, surtout, utilisant le scanner comme
technique de référence, des auteurs remettent en cause la valeur
stratégique du délai d’évolution du pseudokyste.
Parmi 75 cas de pseudokystes (dont 39 survenant sur une PC), 36 cas (48 %) restent
asymptomatiques et sont surveillés pendant un délai moyen de
1 an.
Le taux de régression spontanée est de 60 %, alors que 40 %
restent stables ou diminuent légèrement de taille.
Le seuil de taille
au-delà duquel un traitement chirurgical est plus souvent requis est
6 cm, 67 % de ceux dépassant ce seuil étant opérés versus 40 %.
Enfin, Aranha et al ont montré que le taux de régression des
pseudokystes multiples et des pseudokystes survenant sur une PC
calcifiée est plus faible.
Le caractère communicant ou non du pseudokyste a aussi été étudié
comme facteur prédictif de régression ou de succès thérapeutique.
Au cours des pancréatites aiguës, une communication entre le pseudokyste et le réseau canalaire peut rarement être mise en
évidence sur une WRE ou sur une opacification peropératoire par le
kyste.
Au cours de la PC, une communication entre un pseudokyste et le canal de Wirsung n’a été mise en évidence que
dans cinq cas sur 21.
D’autres auteurs ont cependant rapporté des
chiffres de 44 à 68%.
Notre expérience personnelle (non publiée)
est que la mise en évidence d’une communication entre un pseudokyste et le réseau canalaire dépend de la technique employée
(opacification rétrograde endoscopique, peropératoire, examen
anatomopathologique d’une pièce...), de la pression utilisée
(généralement moins forte lorsque l’on fait une opacification chez
un malade ayant une pancréatite aiguë récente) et du temps.
En
effet, dans un certain nombre de cas de pseudokystes traités par
drainage externe, une communication avec le système canalaire peut
être mise en évidence par opacification par le drain externe à
certains moments et à d’autres, non.
C’est en raison de toutes ces incertitudes qu’une étude a été réalisée
n’incluant que des pseudokystes survenant sur une PC certaine,
issus d’une série médicochirurgicale, diagnostiqués et suivis sur des
scanners itératifs.
Notre échantillon comporte 90 pseudokystes
survenant chez 85 malades. Ces pseudokystes sont séparés en deux
groupes égaux :
– le groupe I, constitué de 45 pseudokystes pour lesquels aucun
traitement n’a été nécessaire ;
– le groupe II de 45 pseudokystes ayant requis un traitement
spécifique en raison de complications ou de symptômes difficilement
contrôlables.
Dans le groupe I, une régression complète est observée dans 25 cas
après une médiane de 29 semaines (extrêmes : 2-143).
Dans 20 cas,
une persistance sans symptôme est notée. Les seuls facteurs isolés
par une étude multifactorielle permettant de prédire la nécessité
d’un traitement sont la taille supérieure à 4 cm et le caractère extrapancréatique du pseudokyste (c’est-à-dire que le pseudokyste
n’est pas entièrement cerné par du parenchyme pancréatique).
Au delà
du seuil de 4 cm, environ les trois quarts des pseudokystes
nécessitent un traitement spécifique, ce pourcentage n’augmentant
plus au-delà de ce seuil.
Aucun des critères suivants n’est associé à
un risque accru de nécessité de traitement : durée d’évolution de la
PC, présence de calcifications pancréatiques, dilatation canalaire,
poussée aiguë récente, pseudokystes multiples, fièvre, marqueurs
biologiques d’inflammation.
Ce travail a donc permis de montrer que, chez des malades ayant
une PC :
– un pseudokyste sur deux ne nécessite pas de traitement ;
– un pseudokyste sur quatre régresse totalement dans un délai
moyen de plus de 7 mois avec un extrême dépassant 2 ans ;
– au-delà d’un seuil de 4 cm, le risque de nécessiter un traitement
est de l’ordre de 75 %.
5- Complications
:
Les complications principales des pseudokystes sont l’infection,
l’hémorragie intrakystique, la rupture en péritoine libre, la
fistulisation, la compression d’organe de voisinage.
Dans la mesure
où peu d’informations nouvelles ont été publiées depuis, nous nous
permettons de renvoyer le lecteur à la revue générale déjà citée.
E - COMPRESSION DE LA VOIE BILIAIRE PRINCIPALE
:
La voie biliaire principale intrapancréatique peut être comprimée
par plusieurs mécanismes non exclusifs et qui peuvent aggraver la
sténose l’un l’autre : fibrose pancréatique, inflammation
pancréatique, pseudokyste.
Il est cependant rare qu’un pseudokyste soit seul responsable d’une compression de la voie
biliaire principale.
Dans la série de l’hôpital Beaujon publiée en 1983, un ictère lié à
une compression de la voie biliaire principale par la PC est survenu
chez 27 % des malades.
La probabilité actuarielle de survenue d’un ictère est d’environ 28 % à 5 ans d’évolution de la PC,
d’environ 32 % à 10 ans.
Après 10 ans d’évolution de la PC, la
survenue d’un ictère doit faire suspecter une hépatopathie
alcoolique.
Une élévation simple des phosphatases alcalines est
présente dans 63 à 100 % des cas mais l’élévation est transitoire dans
la moitié des cas qui sont non traités et suivis.
Les symptômes liés à une compression de la voie biliaire principale
sont variés.
La relation de cause à effet entre la présence de douleur
et une compression de la voie biliaire principale est difficile à établir
en raison des multiples causes potentielles de douleurs (PC, pseudokyste...) et en raison de l’influence du mode de recrutement.
Le traitement chirurgical isolé de la compression de la voie biliaire
principale amène une sédation de la douleur seulement dans 0 à
18 % des cas.
Un ictère est présent dans environ la moitié des
cas. Un prurit est exceptionnellement présent.
L’aspect habituel en WRE est une sténose progressive et longue
débutant au bord supérieur du pancréas et se continuant dans la
tête, se terminant en « queue de radis ».
Des aspects inhabituels ont
été rapportés pouvant faire évoquer une pathologie maligne.
La
sténose est habituellement incomplète.
Une dilatation des voies
biliaires intrahépatiques est notée dans 64 à 100 % des cas.
Les deux principales complications d’une compression de la voie
biliaire principale au cours de la PC sont une angiocholite
qui peut se compliquer d’abcès intrahépatique et une atteinte
hépatique liée à l’obstruction biliaire (fibrose biliaire, cholangite
sclérosante secondaire, cirrhose biliaire secondaire).
Le risque de cirrhose biliaire secondaire est estimé entre 0 et 29 % avec une moyenne proche de 5 %.
Nous avons
montré que 41 % des malades ayant une PC alcoolique avec une
compression de la voie biliaire principale et une cholestase persistant
au moins 2 mois ont des lésions biliaires secondaires sévères
(fibrose : 31 %, cirrhose : 6 %, cholangite : 4 %) et 27 % ont des lésions
modérées.
Dans cette même série, 19 % des malades ont une hépatopathie alcoolique.
Aucun paramètre clinique, radiologique ou
biochimique ne permet de prédire le type et la gravité de l’atteinte
hépatique.
En raison de ces résultats, nous recommandons la
réalisation d’une biopsie hépatique préopératoire chez tous les
malades ayant une PC avec une cholestase devant être opérés, ce
d’autant que deux malades décédés en postopératoire avaient une
hépatite alcoolique aiguë non diagnostiquée préalablement.
F - MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE ASSOCIÉE
:
La fréquence de l’association entre PC alcoolique et maladie
alcoolique du foie a fait l’objet de plusieurs travaux. Dans une étude
autopsique de 55 malades ayant une cirrhose alcoolique, des signes
histologiques de PC sont trouvés chez 46 %.
À partir d’une série autopsique de 107 754 malades, les lésions pancréatiques ont été
recherchées chez 537 malades ayant une cirrhose alcoolique et
100 malades ayant une hépatite alcoolique aiguë.
Des lésions de
pancréatite aiguë et de PC sont présentes chez respectivement 6 et
9 % des malades avec cirrhose et 15 et 14 % de ceux avec une
hépatite alcoolique aiguë.
En revanche, Sarles et Gérolami-Santandréa n’ont trouvé que 1 %
de cirrhose chez des malades ayant une PC alcoolique.
Dans un
travail de l’hôpital Beaujon, une biopsie hépatique faite
systématiquement chez des malades ayant une PC alcoolique a
permis de montrer une cirrhose d’origine alcoolique chez 27 %, les
malades ayant une cirrhose étant plus âgés (47 ans) que ceux sans
anomalie hépatique (42 ans).
Dutta et al, dans une étude
prospective, ont recherché une hépatopathie alcoolique chez des
malades alcooliques (46 avec une PC, quatre avec une pancréatite
aiguë alcoolique).
Des anomalies hépatiques significatives sont
présentes chez 40 % des malades (66 % des malades biopsiés), dont
30 % de cirrhose.
Enfin, une biopsie hépatique a été faite chez 40 malades ayant une
PC alcoolique et une opacification rétrograde a été faite chez
32 malades ayant une cirrhose alcoolique de façon prospective.
Une hépatopathie est mise en évidence chez 73 % des malades ayant une
PC dont 13 % de cirrhoses.
Les malades ayant une cirrhose étaient
plus âgés que les autres (56 versus 43 ans). Des anomalies pancréatographiques sont mises en évidence chez 19 % des malades
ayant une cirrhose (une minime, deux modérées, trois sévères).
On peut donc déduire de ces différents travaux que la prévalence
des cirrhoses alcooliques au cours de la PC est de l’ordre de 13 à
30 %.
Dans tous ces travaux ainsi que dans les enquêtes diététiques, il est bien démontré que la durée de l’alcoolisme nécessaire
pour avoir une cirrhose est supérieure à celle nécessaire pour une
PC.
De plus, nous avons montré qu’un nombre important de
malades ayant une PC deviennent abstinents et que ceci les met sans
doute à l’abri de l’apparition d’une cirrhose.
En regard, la prévalence des anomalies compatibles avec une PC est
de 9 à 16% chez les malades ayant une maladie alcoolique du foie
sévère.
Cela traduit sans doute la « susceptibilité pancréatique » de
certains alcooliques.
G - COMPRESSION DUODÉNALE ET DYSTROPHIE KYSTIQUE
DE LA PAROI DUODÉNALE :
Une compression duodénale peut être due à quatre mécanismes au
cours de la PC : hypertrophie ou fibrose engainante de la tête
pancréatique, pseudokyste, dystrophie kystique de la paroi
duodénale.
La prévalence de la sténose duodénale au cours de la PC est moins
bien connue que celle de la sténose de la voie biliaire principale. En
effet, si cette dernière est facilement dépistée par un simple dosage
des enzymes de la cholestase ou par une échographie
– deux
examens faits régulièrement au cours du suivi de tout malade ayant
une PC
– la sténose duodénale requiert une endoscopie haute ou un
transit baryté gastroduodénal.
De fait, la plupart des séries n’ont
rapporté que des malades ayant des sténoses duodénales
symptomatiques traduisant une obstruction complète ou quasi
complète.
La plupart des séries sont ainsi chirurgicales.
La
prévalence de la sténose duodénale est comprise entre 0,8 et 15 %.
Dans notre série médicochirurgicale, une sténose
duodénale symptomatique est survenue chez 6 % des malades.
Cette
complication s’est produite régulièrement au cours des 7 premières
années d’évolution de la PC, puis la probabilité d’avoir une sténose
duodénale devient nulle.
La moitié des malades ayant une sténose
duodénale ont une sténose de la voie biliaire principale
concomitante.
En regard, 20 % des malades ayant une sténose de la
voie biliaire principale ont une sténose duodénale simultanée.
La
cause de ces sténoses duodénales est une compression par une
hypertrophie ou une fibrose engainante de la tête du pancréas
rarement associée à des abcès pancréatiques.
La dystrophie kystique de la paroi duodénale est due à la présence
de pancréas aberrant dans la paroi duodénale le plus souvent ou antrale.
Le pancréas aberrant se kystise sans doute en raison d’une
insuffisance du réseau canalaire.
Le diagnostic de dystrophie
kystique de la paroi duodénale peut être suspecté sur la présence
d’une sténose duodénale serrée, très inflammatoire mais facilement
franchissable par l’endoscope.
En imagerie (scanner et surtout échoendoscopie), la paroi duodénale est très épaissie, dépassant
souvent 10 mm, et elle contient une ou des cavités kystiques, situées
en dedans de la musculeuse duodénale visible en échoendoscopie.
La dystrophie kystique de la paroi duodénale a été décrite chez des
malades n’ayant pas de PC au niveau du pancréas en site
anatomique normal mais aussi chez des malades ayant une PC.
Chez ces derniers, la PC évolue depuis 3 ans (extrêmes : 0-16 ans) et
des calcifications pancréatiques sont présentes chez 63 % des
malades au moment du diagnostic de la dystrophie kystique.
Un
amaigrissement important est présent chez presque tous les malades
en raison d’une intolérance alimentaire.
Certains malades ont des
manifestations prédominantes de sténose duodénale, d’autres des
manifestations de pancréatites aiguës à répétition.
L’évolution de la
dystrophie kystique de la paroi duodénale non opérée est très
capricieuse, avec de longues phases de rémission.
Selon le mode
symptomatique, elle peut justifier une gastrojéjunostomie ou, plus
souvent, une duodénopancréatectomie céphalique.
Au cours de la PC, une thrombose veineuse mésentérique peut être
due à une lésion intrinsèque de l’intima du fait d’une atteinte
inflammatoire ou d’une manipulation chirurgicale, ou à une lésion
extrinsèque par compression par l’oedème, l’inflammation, la fibrose
ou un pseudokyste. Dans les deux cas, le flux veineux est ralenti,
entraînant une stase, et peut aboutir à une occlusion complète.
La prévalence des thromboses veineuses mésentériques au cours de
la PC dépend beaucoup du type de recrutement et de la manière
dont elles sont recherchées.
Par exemple, la prévalence des
thromboses de la veine splénique est de 2,2 % dans une série
chirurgicale et de 24 % lorsqu’elle est recherchée
systématiquement.
Des anomalies de la veine splénique sont
notées dans 54 à 70 % des cas lorsqu’un splénoportogramme est
systématiquement réalisé.
La prévalence de la thrombose portale est estimée à 10 % dans une
série chirurgicale.
Dans une série autopsique ancienne, une
thrombose portale est décrite chez trois malades sur 16 (37,5 %)
ayant eu une PC modérée à sévère.
Nous avons trouvé une thrombose de la veine splénique chez 13 %
des malades et une thrombose portale dans 6 % des cas.
La cause
de la thrombose veineuse mésentérique est une poussée de
pancréatite aiguë ou un pseudokyste. Une thrombose splénique
peut s’étendre à la veine porte, en particulier après splénectomie.
Réciproquement, une pancréatite (aiguë ou chronique) est la cause
de 56 à 65 % des thromboses isolées de la veine splénique et
de 3 à 5% des thromboses de la veine porte.
Au moment de sa constitution, une thrombose veineuse
mésentérique peut se traduire par une douleur abdominale, des
troubles du transit, de la fièvre, voire un syndrome septicémique
traduisant une souffrance mésentérique en rapport avec l’infarctus
veineux.
Cependant, dans la plupart des cas (94 % dans notre
série), elle est découverte à l’occasion d’un bilan d’imagerie
systématique ou lors d’une intervention chirurgicale, en moyenne
5 ans après le début de la PC (extrêmes : 0-19 ans).
En l’absence de maladie hépatique associée, les varices
oesophagiennes ou gastriques sont rares (17 %) et un seul malade de
notre série a eu une hémorragie digestive en rapport avec
l’hypertension portale.
Dans d’autres séries chirurgicales, la
fréquence des varices oesophagiennes ou gastriques atteint 36 à 55 %
des cas et la fréquence des hémorragies digestives 18 à 80 %.
En revanche, l’existence d’une circulation veineuse collatérale peut
gêner (pertes sanguines), voire faire modifier la nature d’un geste
chirurgical en raison de l’impossibilité de la dissection.
Au total, au cours de la PC, les thromboses veineuses mésentériques
ne sont pas rares mais ont un retentissement modéré en l’absence
d’hépatopathie associée ou de nécessité d’un geste chirurgical.
I - ÉPANCHEMENT SÉREUX (PÉRITOINE, PLÈVRE,
PÉRICARDE) :
Il faut distinguer les épanchements aigus, compliquant une
pancréatite aiguë et régressant habituellement avec elle, des
épanchements chroniques.
Le diagnostic repose sur la présence
d’une concentration élevée d’enzymes pancréatiques dans le liquide
de l’épanchement, le seuil de trois fois le taux sérique étant
habituellement retenu.
Le taux d’enzymes sériques est cependant
généralement élevé en raison d’une réabsorption et atteint en
moyenne six fois la limite supérieure de la normale (N) avec des
extrêmes à 30 N.
Le taux de protéines dépasse 30 g/L dans
plus de 75 % des cas.
Le liquide est clair ou légèrement coloré et
en grande quantité, en moyenne 3,5 L (extrêmes : 0,5-7,2 L).
Il
peut être chyleux ou sérosanglant.
La pathogénie des épanchements chroniques des séreuses est
identique quel que soit leur siège.
Ils sont la conséquence d’une
rupture d’un canal ou d’un pseudokyste pancréatique dans la
grande cavité péritonéale ou dans l’arrière-cavité des épiploons.
Le mécanisme de l’épanchement est un pseudokyste avec une fistule
objectivée ou non dans 60 à 79 % des cas, une fistule sans
pseudokyste objectivé dans 19 à 32 % des cas et inconnu dans les
autres cas.
Les épanchements chroniques surviennent de façon
insidieuse sauf lorsqu’ils sont la conséquence de la rupture d’un pseudokyste dans la grande cavité péritonéale.
Cette occurrence
n’est rapportée que dans 5 % des cas d’ascite pancréatique
chronique.
La cause des pancréatites générant des épanchements
séreux chroniques est alcoolique dans 75 à 97 % des cas.
La fréquence des épanchements chroniques des séreuses a été peu
étudiée.
Nous avons répertorié 33 cas (17 pleuraux, huit ascitiques,
six pleuraux et ascitiques, deux péricardiques) parmi 404 malades
ayant une PC.
L’épanchement survient en moyenne 3 ans après
le début de la PC et des calcifications pancréatiques sont présentes
dans 70 % des cas.
La probabilité d’avoir un épanchement des
séreuses au-delà de la cinquième année d’évolution de la PC est
pratiquement nulle.
Les épanchements pleuraux sont à gauche dans 67 %, à droite dans
19 %, et bilatéraux dans 14 %, une répartition identique à celle
que nous avions observée.
La fistule peut être mise en évidence par une WRE.
Celle-ci ne doit
cependant être effectuée qu’en préopératoire immédiat (c’est-à-dire
après un échec des traitements médicaux) en raison des risques
importants d’infection de l’épanchement.
J - PSEUDOANÉVRISME, WIRSUNGORRAGIE
:
Les pseudoanévrismes sont une complication des pseudokystes
plutôt que de l’inflammation péripancréatique.
Les vaisseaux le
plus souvent touchés par ordre décroissant sont l’artère splénique, gastroduodénale, pancréaticoduodénale, gastrique et hépatique.
La fréquence des pseudoanévrismes au cours de la PC est mal
connue mais a été estimée entre 3,2 et 10 % dans une série où une
artériographie était faite systématiquement.
Ils surviennent dans
les 10 premières années de la PC. Les circonstances de découverte
les plus fréquentes sont un syndrome hémorragique, soit de novo,
soit après un traitement chirurgical, radiologique ou endoscopique.
L’hémorragie peut s’extérioriser par l’intermédiaire d’une wirsungorragie, d’une rupture dans un organe creux ou dans la
cavité péritonéale.
La découverte d’une lésion hyperdense sur un
scanner fait dans le cadre de la surveillance d’une PC ou d’un pseudokyste est une circonstance de plus en plus fréquente.
D’autres modes de révélation plus exceptionnels ont été rapportés
comme une compression biliaire.
Les hémorragies liées à un pseudoanévrisme ont une mortalité de 12 % dans les cas traités et
de plus de 90 % dans les cas non traités.
K - COMPLICATIONS SPLÉNIQUES (PSEUDOKYSTE,
HÉMATOME, RUPTURE)
:
La fréquence des pseudokystes intraspléniques est estimée à 1,1 %
des cas de pancréatites aiguës.
Dans les séries chirurgicales de
PC, moins de 5 % des malades sont opérés en raison d’une
complication splénique.
Dans la série de l’hôpital Beaujon, une
complication splénique est notée dans 2,2 % des cas.
Il s’agit d’un pseudokyste intrasplénique, d’un hématome sous-capsulaire ou
d’une rupture de rate. Au moment de cette complication, la PC
évolue depuis une médiane de 2 ans (extrêmes : 0-5).
Une série
plus ancienne rapporte 50 % de pseudokyste splénique et 33 % de
rupture splénique.
La rupture de rate peut révéler la PC ou survenir dans la première
année d’évolution.
Généralement, on ne trouve pas de notion de
traumatisme, même minime.
Les symptômes des complications
spléniques sont la douleur de l’hypocondre gauche avec une
irradiation à l’épaule homolatérale, un épanchement pleural gauche
riche en enzymes pancréatiques, ou des troubles hémodynamiques,
ces derniers survenant chez 75 % des malades ayant une rupture de
rate.
Une anémie par saignement aigu en cas de rupture ou
inflammatoire en cas de pseudokyste est toujours présente.
Les
séries les plus récentes ne rapportent aucune mortalité.
Le pseudokyste splénique peut disséquer la rate dans la zone souscapsulaire
ou pénétrer le parenchyme.
L’atteinte de la rate se
ferait par deux mécanismes : soit l’extension intrasplénique d’un
pseudokyste, soit par action directe des enzymes pancréatiques sur
la rate ou ses vaisseaux.
Les malades ayant une complication
splénique de la PC ont plus souvent une nécrose de la queue du
pancréas, un pseudokyste caudal
– ou une thrombose de la veine
splénique
– que ceux sans complication splénique.
L’association
« pseudokyste caudal et thrombose de la veine splénique » entraîne
un risque de complication splénique de 18 %, 15 fois plus élevé que
chez les autres malades ayant une PC.
L - DIABÈTE
:
1- Fréquence
:
Le diabète est une des complications majeures de la PC dont la
fréquence est une fonction du temps pratiquement linéaire.
Le
diabète peut être une circonstance de découverte de la PC,
notamment dans les formes indolores.
Le risque global de troubles de la glycorégulation est d’environ
25-30 % à 5 ans, 40-65 % à 10 ans et 43-80 % à 15 ans.
Le
risque de diabète insulinodépendant est d’environ 12 %, 24 % et
36 % aux mêmes délais.
Il existe une excellente corrélation entre
l’apparition des calcifications pancréatiques, de l’IPE et du diabète.
Les relations entre douleurs pancréatiques et diabète ont été
discutées dans le chapitre « Douleurs ».
Nous n’aborderons pas
l’influence de la chirurgie sur le diabète dans cette mise au point
consacrée à l’histoire naturelle de la PC alcoolique.
2- Mécanismes
:
Au cours du diabète de la PC, aucune anomalie spécifique des
immunoglobulines sériques et aucun anticorps anti-îlots comme
ceux que l’on note au cours du diabète de type I n’ont été détectés.
Aucune infiltration par des lymphocytes de type T n’est notée
au cours du diabète secondaire à la PC.
L’association entre certains groupe HLA trouvée au cours du diabète
de type I n’est pas notée dans le cadre de la PC.
Il n’y a donc
aucune raison de suspecter que le diabète secondaire à la PC soit
dépendant de l’immunité humorale ou cellulaire ou de facteur
génétique.
Le mécanisme du diabète au cours de la PC est une diminution des
capacités de sécrétions de l’insuline comme le montrent les dosages
de C-peptide périphérique chez des malades avec une PC et ayant
ou non des troubles de la glycorégulation.
Il existe une
corrélation entre la baisse de la sécrétion d’insuline et celle des
enzymes pancréatiques.
3- Aspects métaboliques
:
Beaucoup de facteurs peuvent influencer la glycorégulation chez des
malades ayant une PC : réduction de l’apport calorique due à la maldigestion ou aux douleurs postprandiales, maintien d’une
consommation d’alcool, hépatopathie associée modifiant le
métabolisme des hormones gastro-intestinales.
Il est communément admis que le diabète secondaire à la PC se
complique exceptionnellement d’une acidocétose et que les
accidents d’hypoglycémie sont fréquents.
Cependant, aucune
étude comparative avec le diabète de type I n’est disponible.
La
rareté des accidents d’acidocétose pourrait être due à une
diminution parallèle de la sécrétion de glucagon qui joue un rôle
aggravant dans l’acidocétose du diabète de type I.
Il ne semble
pas y avoir de différence substantielle de besoin d’insuline entre les
malades ayant un diabète primitif et ceux ayant un diabète
secondaire.
4- Complications à long terme
:
Il a été longtemps rapporté que le diabète secondaire à la PC
n’entraîne pas de complications à long terme liées à une microangiopathie.
Dans les premières études comparatives avec
le diabète de type I, la fréquence de la microangiopathie est
inférieure dans le diabète secondaire.
De plus, la rétinopathie
ou la glomérulopathie sont toujours décrites comme n’ayant pas de
critères de gravité.
D’un point de vue physiopathologique, un marqueur de la microangiopathie diabétique est l’épaississement de la membrane
basale capillaire.
Cet épaississement est retrouvé chez 15 % des
malades ayant un diabète secondaire à une PC et chez 98 % de ceux
ayant un diabète de type I, mais cette différence s’estompe dans
le temps.
Une rétinopathie est mise en évidence chez 7 à 48% des malades
ayant un diabète secondaire à une PC.
Dans une étude
récente et comparative, aucune différence de fréquence de
rétinopathie n’est observée entre des malades ayant un diabète
secondaire à une PC et de type I, appariés pour la durée du
diabète.
Le pourcentage de rétinopathies atteint 48 % après une
durée moyenne du diabète de 8 ans.
La rétinopathie ne dépasse pas
le stade moyen (microanévrismes, hémorragies, exsudats) et il n’y a
aucune différence de gravité entre les deux groupes.
Il est
vraisemblable que l’absence de rétinopathie diabétique proliférative
soit davantage due à une durée insuffisante d’évolution du diabète
qu’à un mécanisme physiopathogénique différent.
Il est rare qu’une néphropathie diabétique apparaisse avant une
durée du diabète inférieure à 10 ans.
La néphropathie diabétique a
été décrite dans des cas isolés de PC avec un diabète de longue
durée.
Une microalbuminurie pathologique (supérieure à
40 mg/j) est décrite chez 29 % de malades ayant un diabète
secondaire à une pancréatopathie dont 60 % avec une rétinopathie
associée, un pourcentage proche de ce qui est décrit dans le
diabète de type I.
À durée égale, le taux de protéinurie est identique
dans les diabètes de type I et secondaires à une pancréatopathie.
L’ensemble des données ci-dessus suggère fortement que la microangiopathie diabétique et ses complications sont plus la
conséquence des déséquilibres métaboliques secondaires au diabète
que des désordres immunologiques liés au diabète de type I.
M - INSUFFISANCE PANCRÉATIQUE EXOCRINE
:
1- Histoire naturelle au cours
de la pancréatite chronique
:
Au cours de la PC, une IPE survient après une moyenne de 8,1 et
15,2 années, respectivement dans les formes alcooliques et non
alcooliques.
Pour l’équipe de Zurich, une IPE survient chez 80 %
des malades ayant une PC alcoolique dans les 4 ans suivant le
diagnostic, et 8-10 ans dans le groupe non alcoolique.
L’IPE est un
des signes cliniques révélant la PC dans 39 % des cas non
alcooliques, alors que le diagnostic est le plus souvent fait depuis de
nombreuses années lorsque elle survient dans les formes
alcooliques.
La survenue de l’IPE, du diabète et des calcifications
pancréatiques est fonction du temps et est parallèle chez les malades
ayant une PC alcoolique.
Un autre travail a montré une corrélation
(r = 0,72) entre les réserves fonctionnelles sécrétoires de lipase
estimées par un tubage duodénal avec stimulation maximale par la
sécrétine et la céruléine et la sécrétion d’insuline stimulée par
l’injection de glucagon.
Dans une étude comparant l’histoire naturelle de la PC séparée en
trois groupes (alcoolique, idiopathique à début tardif [> 35 ans],
idiopathique à début précoce), la probabilité de survenue d’une IPE
est identique dans les deux premiers groupes, 75-80 % 25 ans après
le début clinique de la maladie, versus 50 % dans le dernier.
La
médiane d’apparition de l’IPE est 13, 17 et 26 ans.
Au cours de la PC alcoolique, la sécrétion de lipase décroît plus
rapidement que celle de la trypsine et la stéatorrhée est un
problème clinique plus important que la créatorrhée.
Il existe une corrélation inverse entre la douleur pancréatique et
l’IPE.
Ainsi, chez les malades ayant une PC et ne souffrant plus, une IPE sévère est notée chez 55 % d’entre eux, alors qu’elle n’est
présente que chez 40 % de ceux souffrant encore.
Nous n’aborderons pas l’influence de la chirurgie sur l’IPE dans
cette mise au point consacrée à l’histoire naturelle de la PC
alcoolique.
* Relation entre anomalies histologiques et fonction
pancréatique exocrine :
Les résultats d’un tubage duodénal avec stimulation de la sécrétion
pancréatique par la sécrétine et la cholécystokinine (CCK) ont été
comparés aux données histologiques chez 25 malades ayant eu une
résection pancréatique pour PC entre 1 jour et 2 ans après le tubage.
Les paramètres les mieux corrélés étaient la sévérité de l’atrophie
des acini, la dilatation des petits canaux pancréatiques et le pic de
bicarbonates.
Une autre étude a établi une corrélation entre les résultats d’un
tubage duodénal avec stimulation par la sécrétine et la CCK et les
résultats histologiques.
Une bonne corrélation est trouvée entre les
paramètres histologiques et le volume de sécrétion (r = - 0,36), le
débit d’amylase (r = - 0,45), la concentration maximale de
bicarbonates (r = - 0,54).
* Relation entre anomalies canalaires et fonction
pancréatique exocrine
:
Braganza et al ont effectué une pancréatographie rétrograde chez
45 malades ayant une PC.
Les lésions radiologiques sont quantifiées
selon une classification personnelle.
Quel que soit le paramètre
sécrétoire étudié, il existe un important recouvrement des valeurs
retrouvées en fonction des différents stades pancréatographiques.
Les auteurs concluent que ces faits traduisaient l’inhomogénéïté des
lésions canalaires et parenchymateuses au cours de la PC.
Des résultats sensiblement différents ont été trouvés dans un travail
regroupant 48 malades ayant une PC.
Les données de la pancréatographie rétrograde endoscopique sont quantifiées selon la
classification de Cambridge et comparées aux résultats d’un
tubage duodénal avec stimulation par la céruléine-sécrétine.
Chez
les malades ayant une pancréatographie rétrograde endoscopique
normale, aucun des paramètres de la sécrétion pancréatique n’est
altéré.
Chez ceux ayant une pancréatographie rétrograde
endoscopique « douteuse » (Cambridge I), une IPE globale (portant
sur tous les paramètres étudiés : volume, pic de sécrétion en
bicarbonates, débit bicarbonaté, débit de lipase et d’amylase) est
présente dans 30 % des cas.
Quand la pancréatographie rétrograde
endoscopique montre des lésions modérées (Cambridge II), une IPE
globale est présente dans la moitié des cas.
Enfin, tous les malades
ayant des lésions canalaires majeures (Cambridge III) ont des
paramètres sécrétoires altérés.
Cette étude a donc montré
l’excellente corrélation entre les lésions canalaires et la fonction
pancréatique exocrine.
Enfin, afin de faire la part entre le rôle des lésions canalaires et des
lésions parenchymateuses, Dominguez-Munoz et al ont inclus 75
malades consécutifs ayant une PC. Les données de la pancréatographie rétrograde endoscopique quantifiées selon la
classification de Cambridge et celles d’un scanner quantifiées
selon une classification personnelle ont été comparées aux résultats
du Pancréolauryl test.
La corrélation est excellente entre les résultats
de la pancréatographie rétrograde et celles du Pancréolauryl test,
mais médiocre avec les données du scanner.
Les auteurs concluent
que l’IPE dépend beaucoup plus des lésions canalaires que des
lésions parenchymateuses.
* Relation entre calcifications pancréatiques et fonction
pancréatique exocrine :
L’existence d’une corrélation entre la présence de calcifications
pancréatiques (visibles sur la radiographie sans préparation de
l’abdomen), la stéatorrhée, et les résultats d’un tubage duodénal
avec stimulation par la sécrétine pancréatozymine a été recherchée
chez 79 malades ayant une PC.
L’IPE est gradée en légère si le débit
d’une des enzymes (amylase, lipase, trypsine) est abaissé, modérée
si la concentration en bicarbonates et le débit des enzymes sont
abaissés, sévère s’il existe en plus une stéatorrhée.
Ainsi, chez des malades sans calcifications pancréatiques, une IPE légère, modérée
ou sévère, est présente respectivement chez 26, 35 et 39 % des
malades.
Réciproquement, chez des malades ayant des calcifications
pancréatiques, une IPE légère, modérée ou sévère est présente
respectivement chez 15, 35 et 50 % d’entre eux.
La présence de
calcifications pancréatiques n’est donc pas un indicateur fiable de la
présence d’une IPE.
* L’insuffisance pancréatique exocrine est-elle irréversible
au cours de la pancréatite chronique ?
Il a été décrit une amélioration spontanée de la fonction
pancréatique exocrine jugée sur le dosage de graisses fécales chez
trois femmes ayant une PC non calcifiée dont deux d’origine
alcoolique certaine et une douteuse.
L’amélioration de la sécrétion
pancréatique est concomitante d’un arrêt de la consommation
d’alcool.
L’effet positif de l’arrêt de la consommation d’alcool a été confirmé
par un travail regroupant 32 malades.
Après un suivi de 4 à 11 ans,
les malades ont eu un nouveau tubage duodénal avec stimulation
de la sécrétion pancréatique par la sécrétine-céruléine.
Tous les
malades ont une détérioration de leur fonction pancréatique
exocrine mais elle est moins marquée chez les malades qui ont cessé
toute consommation d’alcool.
2- pH gastrique et pH duodénal au cours
de la pancréatite chronique :
La fonction pancréatique exocrine n’est pas la seule à s’être altérée
au cours de la PC.
La vidange gastrique du repas gras liquide est
accélérée. En revanche, la vidange gastrique d’un repas solide
est normale.
La sécrétion gastrique acide est diminuée chez les
malades ayant une IPE sévère, secondaire à une PC alcoolique, cette
diminution étant due à une diminution de la masse des cellules
pariétales.
Parallèlement, il existe une hypergastrinémie à jeun et
postprandiale.
Ces résultats ont cependant été remis en cause
par Bovo et al qui ont montré que le pH intragastrique est
d’autant plus abaissé que les malades ont une IPE sévère.
Ces
auteurs ont montré une corrélation entre le débit de lipase sécrétée
et le pH gastrique.
Le pH duodénal est anormalement bas au cours de l’IPE.
Quatrevingt-dix minutes après un repas, le pH peut descendre en dessous
de 4, un seuil où la lipase pancréatique endogène ou apportée par
des extraits pancréatiques est inactivée puis rapidement détruite.
Avant ce délai, le pH est plus élevé car l’acidité gastrique
est tamponnée par le repas, ce qui n’est plus le cas en fin de vidange
gastrique.
Un pH duodénal acide a aussi comme conséquence la
précipitation des sels biliaires dans le duodénum, ce qui se traduit
par une baisse de la concentration micellaire des acides biliaires et
des lipides.
L’ensemble de ces mécanismes concourt à la maldigestion
des lipides et à la difficulté à corriger celle-ci par l’apport
d’extraits pancréatiques per os.
Malgré l’hyperacidité notée dans le
duodénum, celle-ci n’est cependant pas suffisante pour augmenter
l’incidence de l’ulcère duodénal au cours de la pancréatite
alcoolique.
3- Conséquences de l’insuffisance pancréatique exocrine
:
* Conséquences nutritionnelles
:
Les conséquences nutritionnelles de l’IPE sont mal documentées en
raison d’un nombre important de paramètres entraînant des facteurs
de confusion : alcoolisme perpétué ou non, douleurs chroniques
modifiant les apports alimentaires, cirrhose ou hépatite alcoolique
concomitante, cancer évolutif lié à l’alcoolotabagisme, diabète
insulinodépendant...
Ces affections doivent donc être recherchées en
priorité chez un malade ayant une PC alcoolique et une altération
de l’état général.
Les trois dernières citées représentent les
principales causes de mortalité chez les malades ayant une PC
alcoolique.
Une stéatorrhée et une créatorrhée ne surviennent que lorsque les
débits de lipase et de trypsine sont en dessous d’un seuil de 10 % par rapport à la sécrétion normale.
Chez les malades n’ayant
pratiquement plus de sécrétions pancréatiques, un apport exogène
d’extraits pancréatiques qui ne rétablit qu’une concentration
duodénale égale à 5 % de la normale corrige pratiquement la stéatorrhée.
Depuis quelques années, l’attention s’est portée sur la maldigestion
des glucides au cours de l’IPE.
Les résultats obtenus dans ce
domaine l’ont été grâce à l’avènement des tests respiratoires qui
permettent une étude de la digestion de l’amidon sur la totalité de
l’intestin grêle et dans des conditions aussi physiologiques que
possible.
Les premiers tests ont utilisé l’excrétion respiratoire d’H2.
Il a été ainsi montré que 15 à 50 g sur 100 g de pain contenant de la
farine de riz ne sont pas digérés chez des malades ayant une IPE.
La mise au point du test respiratoire basé sur l’excrétion du 13 CO2
a permis d’autres travaux.
Parmi 16 malades dont neuf ont une stéatorrhée, une maldigestion de l’amidon est mise en évidence chez
sept d’entre eux.
Il existe une excellente corrélation entre le débit
d’amylase au niveau du duodénum et la digestion de l’amidon selon
une courbe de saturation.
Ces données ont été confirmées par une équipe danoise qui a montré
que la prise d’extraits pancréatiques corrige la malabsorption
d’amidon et rétablit un niveau comparable à celui des sujets
sains.
Ladas et al ont montré que la moitié des malades ayant une IPE due
à une PC ou un cancer pancréatique ont une malabsorption des
carbohydrates.
Il existe une corrélation entre la malabsorption des
graisses et celle des carbohydrates complexes.
La quantité de carbohydrates non absorbés est en moyenne de 1,1 % des
carbohydrates ingérés chez les sujets normaux, et de 11,3 %
(extrêmes : 10-30 %) chez ceux ayant une IPE.
Il n’y a cependant pas
de corrélation entre la quantité de carbohydrates malabsorbés et le
poids des selles.
Les carbohydrates non absorbés sont en effet
fermentés en acides gras libres à courtes chaînes qui sont rapidement
absorbés.
Ils n’ont donc pas de pouvoir osmotique et n’accroissent
pas l’eau fécale.
* Conséquences vitaminiques
:
+ Vitamines liposolubles
:
Les malades ayant une stéatorrhée sont susceptibles de développer
une carence en vitamines liposolubles (A, E, D, K).
Plusieurs travaux
anciens ont montré qu’une déficience en vitamines liposolubles est
présente chez les malades ayant une stéatorrhée d’origine
pancréatique.
Plus récemment, Dutta et al ont mesuré le taux de vitamines
liposolubles dans le sérum de 15 malades ayant une stéatorrhée
d’origine pancréatique (6 à 57 g/j) depuis une moyenne de 27 mois.
Le taux de vitamine A est abaissé chez sept des 15 malades.
Parmi
ces sept malades, cinq ont des difficultés à s’adapter à la vision
nocturne.
Dix sur les 15 malades avaient un taux de vitamine D
abaissé, dont un avait une densité corticale osseuse basse.
Le taux
de vitamine E est bas chez dix malades sur 15.
Le temps de
prothrombine est allongé chez deux malades.
Six malades ont une
déficience portant sur au moins une vitamine liposoluble, deux ont
une double carence et un malade a une carence triple.
Un travail comparable a été publié par Marotta et al.
La
prévalence d’un taux de vitamine E abaissé est de 55 % chez les
malades ayant une PC (23 % chez ceux sans stéatorrhée, 83 % en
présence de stéatorrhée).
La prévalence d’un taux de vitamine A
abaissé est de 16 % chez les malades ayant une PC (0 % chez ceux
sans stéatorrhée, 38 % en présence de stéatorrhée).
En dehors du travail de Dutta et al cité ci-dessus, peu d’études ont
pu montrer des signes cliniques en rapport avec une déficience en
vitamines liposolubles.
Cependant, Toskes et al ont recherché
des anomalies rétiniennes non diabétiques chez 28 malades ayant
une PC et les ont comparées à 19 témoins sains.
Le seuil
d’adaptation à l’obscurité est élevé de 40 % chez les malades,
indépendamment de la présence ou non d’une stéatorrhée.
Sept des malades ayant une PC se plaignent d’une difficulté de la vision
nocturne dont six ont des lésions rétiniennes à l’examen
ophtalmologique.
Il n’y a pas de corrélation entre les anomalies
rétiniennes et le taux sérique de vitamine A, de zinc ou l’équilibre
glycémique.
Moran et al ont mesuré la densité minérale osseuse chez 14
malades ayant une PC sévère, une stéatorrhée (8 à 77 g/j), et
abstinents vis-à-vis de l’alcool depuis une durée médiane de 2,5 ans.
Dix malades ont une ostéopénie au niveau du rachis lombaire et de
la tête fémorale.
Trois malades ont une ostéoporose au niveau du
rachis lombaire et deux au niveau de la tête fémorale.
Le taux
sérique de 25-(OH)D3 est abaissé chez sept malades sur 12 qui ont
eu ce dosage.
Il n’y a pas de corrélation entre la densité minérale
osseuse et la valeur de la stéatorrhée, la durée de l’alcoolisme et la
quantité d’alcool ingérée.
Au total, la malabsorption des vitamines liposolubles est
relativement fréquente, notamment chez les malades ayant une IPE
suffisante pour entraîner une stéatorrhée. Une supplémentation
d’apport systématique ou la recherche de signes carentiels est
justifiée sur ce terrain.
+ Vitamine B12
:
Le rôle du pancréas dans l’absorption de la vitamine B12
(cobalamine) est connu depuis plus de 50 ans.
La cobalamine
alimentaire est, dans un premier temps, libérée des protéines dans
l’estomac, sous l’effet de la cuisson des aliments puis de l’acidité
gastrique.
La cobalamine est ensuite « prise en charge » par deux
transporteurs : l’haptocorine (protéine R) et le facteur intrinsèque.
La première a une affinité 50 fois supérieure au second pour la
cobalamine.
L’haptocorine est dégradée dans le duodénum par les
protéases pancréatiques, alors que le facteur intrinsèque est résistant
aux protéases pancréatiques grâce à une copule glucidique.
La
remontée du pH dans le duodénum modifie le rapport d’affinité
entre l’haptocorine et le facteur intrinsèque, rapport qui n’atteint
alors que le facteur 4.
En raison de ces différents phénomènes, la
cobalamine est transférée de l’haptocorine vers le facteur
intrinsèque.
Le complexe cobalamine-facteur intrinsèque se fixe sur
un récepteur entérocytaire spécifique iléal permettant l’absorption
de la vitamine B12.
Chez les malades ayant une IPE, une malabsorption de la vitamine
B12 est mise en évidence dans 30 à 70 % des cas.
Cependant, une
carence réelle en vitamine B12 est exceptionnelle.
Il n’y a pas
de corrélation entre le débit pancréatique d’enzymes et le résultat
du test de Schilling.
Chez les enfants ayant une
mucoviscidose, aucun cas de déficit en vitamine B12 n’a été décrit.
Au total, si la compréhension des mécanismes aboutissant à la
malabsorption de la vitamine B12 a permis de mettre en évidence le
rôle de la sécrétion d’enzymes pancréatiques et la mise au point de
tests quantifiant la sécrétion pancréatique, l’importance clinique de
ces données est faible dans la mesure où une carence réelle en
vitamine B12 semble être un phénomène rarissime chez l’adulte ou
chez l’enfant ayant une IPE.
Une des explications de cette
discordance réside sans doute dans des mécanismes d’absorption
différents pour la vitamine B12 cristalline (utilisée dans les tests) et
celle apportée par l’alimentation.
N - ADÉNOCARCINOME PANCRÉATIQUE
:
Le problème de la relation entre PC et adénocarcinome pancréatique
est extrêmement complexe pour plusieurs raisons : le diagnostic de
cancer sur PC est très difficile notamment dans les formes de PC
calcifiées ; un adénocarcinome pancréatique peut se révéler par
l’intermédiaire d’une pancréatite aiguë avec une fréquence pouvant
atteindre 13 %; certaines formes de PC familiales ou
tropicales ont peut-être un risque de cancérisation
particulièrement élevé et leur inclusion dans les séries
épidémiologiques pourrait modifier les résultats ; certains facteurs
de risque pourraient être communs à la PC et à l’adénocarcinome
pancréatique, notamment le tabac.
Ils seraient ainsi des facteurs
confondants.
Dans cette discussion, nous retiendrons trois travaux très récents.
Le
premier est une étude multicentrique multinationale (sept centres
dans six pays) dont le recrutement s’est étalé de 1946 à 1989 et
comportant une cohorte de 1 552 malades.
Parmi ces malades,
seuls 16 % ont eu un scanner.
En dépit des critiques inhérentes au
mode de recrutement et d’investigation, ce travail publié dans le
New England Journal of Medecine a montré un risque relatif
d’adénocarcinome de 26,3 (IC à 95 % : 19,9-34,2) par rapport à la
population générale.
Le risque relatif des malades suivis au
minimum de 2 ou 5 ans est respectivement de 16,5 et 14,4. Dix et 20
ans après le diagnostic de PC, le risque de cancer est respectivement
de 1,8 et 4,0.
Cet article a été largement critiqué, notamment dans
un éditorial du même numéro, insistant sur les problèmes
méthodologiques.
D’autre part, le risque de cancer pancréatique
attribuable à la PC serait de 0,1 % versus 30 % pour le tabac.
Dans une autre étude de cohorte portant sur les registres de
diagnostic de sortie des hôpitaux suédois, le sur-risque de cancer
pancréatique a été calculé chez 4 546 malades ayant une PC.
En
stratifiant les malades selon le nombre d’années après le diagnostic
de PC, il existe un risque relatif de 22,2 entre 1 et 4 ans, 4,6
entre 5 et 9 ans et le sur-risque n’est plus significatif au-delà.
Les auteurs concluent que la diminution du risque de cancer dans le
temps n’est pas en faveur d’une relation causale entre PC et cancer
pancréatique.
Des facteurs confondants comme l’alcoolisme ou le
tabagisme pourraient expliquer le sur-risque initial.
Dans l’étude de l’hôpital Beaujon, publiée sous forme de résumé,
un cancer pancréatique a été recherché dans une cohorte de
379 malades ayant une PC dûment documentée et suivis au moins
2 ans (moyenne : 8 ans).
La PC est alcoolique dans 85 % des cas.
Trois cancers pancréatiques ont été observés sur 3 607 annéespatients,
tous survenus dans les 5 premières années de suivi,
entraînant un risque relatif de 13,7.
Le risque relatif reste significatif
même si les malades perdus de vue sont tous considérés comme
indemnes de cancer pancréatique.
Il est donc difficile de conclure.
On peut cependant penser que la PC
est peut-être un facteur de risque de cancer pancréatique mais
qu’elle explique peu de cancers pancréatiques et que le diagnostic
de cancer pancréatique sur PC est tellement difficile et l’événement
si rare qu’aucune consigne de surveillance particulière ne doit être
donnée dans ce domaine.
Mortalité
:
À
10 ans, la survie actuarielle est de 69 à 80 % chez les malades ayant
une PC alcoolique.
Quatre travaux ont comparé la survie
actuarielle des malades ayant une PC à celle d’une population
appariée pour le sexe et l’âge.
Les trois premières ont inclus les
malades ayant une PC, toutes causes confondues.
Pour les deux études dont le nombre de malades permet une étude jusqu’à
20 ans après le début clinique de la PC, la surmortalité est de
20 % et 36 %. Après 15 ans d’évolution, la surmortalité des
malades ayant une PC alcoolique est de 20 %.
La PC alcoolique est directement responsable du décès dans 3 à 24%
des cas.
Les principales causes de décès liés à la PC sont
les complications postopératoires et les complications du diabète.
Les pancréatites aiguës alcooliques sont exceptionnellement citées.
Les principales causes de décès non liés à la PC sont les hépatopathies alcooliques, les cancers épidémiologiquement liés à
l’alcoolotabagisme (oto-rhino-laryngologique, de l’oesophage, du
poumon, etc) et les maladies cardiovasculaires.
Dans une étude multifactorielle, nous avons montré que les facteurs
pronostiques péjoratifs statistiquement significatifs et indépendants
sont : la chirurgie pancréatique, les hépatopathies alcooliques, le sexe
mâle, le diabète et l’absence de pancréatite aiguë.
Ce pronostic
paradoxalement meilleur chez les malades ayant eu au moins une
pancréatite aiguë a été confirmé dans un autre travail ne portant
que sur des malades ayant des PC alcooliques, dans lequel nous
émettions l’hypothèse que les poussées aiguës impressionnent
suffisamment les malades pour les inciter à stopper leur intoxication
alcoolique.
Cette hypothèse est renforcée par la plus grande
fréquence d’hépatopathies alcooliques dans le groupe sans poussée
aiguë et confirmée par le taux d’abstinence supérieur constaté
chez les malades ayant eu au moins une poussée aiguë.
Enfin, les
motivations pour arriver à une abstinence sont les poussées aiguës
dans 58 % des cas.
Dans un autre travail, il a été montré que la
moyenne de consommation d’alcool en grammes par jour diminue
rapidement après le début clinique de PC, alors que la
consommation de tabac reste stable.
La continuation de
l’alcoolisme est un facteur pronostique important puisque la survie
actuarielle à 20 ans est supérieure à 80 % dans le groupe des malades
devenus abstinents et de 35 % chez les malades continuant de
boire.
Ces données montrent bien que la PC alcoolique n’est pas une
maladie grave en elle-même, mais par le terrain sur lequel elle
survient.
Cela est confirmé par la survie observée chez les malades
ayant une PC, non alcooliques, qui est supérieure à celle de la
population appariée.
Les « trois périodes » de l’histoire
naturelle :
Pendant les 5 premières années d’évolution de la PC, outre les
douleurs chroniques présentes dans 80 % des cas, les poussées
aiguës peuvent survenir pour la première fois ou récidiver.
Des pseudokystes (surtout nécrotiques) et une compression de la voie
biliaire principale sont des complications dont la fréquence
augmente avec le temps.
Entre la cinquième et la dixième année d’évolution de la maladie,
les poussées aiguës sont exceptionnelles mais le risque de survenue
d’un pseudokyste (surtout rétentionnel) ou d’une compression de la
voie biliaire principale reste une fonction linéaire du temps.
La
proportion de malades ayant encore des douleurs décroît.
Au-delà de la dixième année, le risque d’une complication
chirurgicale diminue fortement, ainsi que la proportion de malades
ayant des douleurs.
Les calcifications pancréatiques, l’IPE et le
diabète deviennent les signes prépondérants de la PC.
Chez les
malades qui ont continué de boire, les complications hépatiques de
l’alcoolisme apparaissent.
Surveillance d’un malade ayant
une pancréatite chronique :
La connaissance de l’histoire naturelle de la PC permet de suggérer
un mode de surveillance de ces malades.
Les manifestations aiguës amènent naturellement celui-ci à consulter et à réaliser un bilan
d’imagerie reposant sur un scanner qui, le plus souvent, permet un
diagnostic précis.
En l’absence de signes aigus, la réalisation
annuelle ou semestrielle d’une échographie, d’un dosage sanguin
de la gammaglutamyl transférase (GGT) et des phosphatases
alcalines et une hyperglycémie provoquée per os permettent de
dépister la formation d’un pseudokyste rétentionnel, la survenue
d’une compression de la voie biliaire principale dont la gravité n’est
pas liée aux symptômes, et d’un diabète.
La survenue d’un amaigrissement chez un malade doit faire
rechercher une restriction alimentaire liée aux douleurs chroniques,
une sténose duodénale (associée ou non à une dystrophie kystique
de la paroi duodénale), une hépatopathie alcoolique, un cancer lié à
l’alcoolotabagisme, un diabète décompensé, une stéatorrhée plus
rarement seule responsable d’un amaigrissement.