Histoire naturelle des cancers du sein
(Suite) Cours de
Gynécologie Obstétrique
D -
ENVAHISSEMENT MÉTASTATIQUE
:
La survenue de métastases est l’événement majeur de l’histoire
naturelle des cancers du sein, car en l’état actuel de la thérapeutique,
les traitements des métastases sont à visée palliative, et bien que
d’importantes rémissions puissent être obtenues, le pronostic vital
est toujours engagé.
1- Processus général
:
Les métastases synchrones décelables au primotraitement sont les
plus rares.
Le plus souvent, elles apparaissent de manière différée
après un intervalle de temps variable pendant lequel les malades
ont le sentiment d’être guéries.
Les métastases métachrones
d’apparition différée se développent à partir d’îlots cellulaires
existant au moment du diagnostic, trop petits pour être décelés par
les moyens actuels du bilan préthérapeutique.
La mise en
évidence de cellules épithéliales malignes dans la moelle osseuse de
malades à un stade apparemment localisé en apporte la preuve.
On peut en rapprocher les micrométastases des ganglions
axillaires décelées par immunohistochimie.
La majorité des
patientes avec une rechute métastatique n’ont pas de récidive
locorégionale.
Les cellules ayant donné des métastases proviennent
bien de la tumeur initiale.
Ces faits illustrent le concept de cancer
du sein comme maladie générale.
2- Relations entre le volume de la tumeur mammaire
et la survenue des métastases :
Expérimentalement, il existe une taille critique du cancer primitif à
partir de laquelle s’effectue la dissémination. Koscielny et al ont
confirmé cette donnée sur la série de patientes traitées à l’Institut
Gustave Roussy entre 1953 et 1975.
Cette série inclut les patientes
ayant des métastases au premier examen.
Ces malades n’ont pas
reçu de chimiothérapie, ce qui aurait pu fausser les résultats.
Le risque de métastases contemporaines ou d’apparition
retardée croît proportionnellement à la taille de la tumeur
mammaire.
Parmi les patientes opérables non métastatiques au
diagnostic, le risque de métastases occultes est faible mais
existant même pour les cancers infracentimétriques.
3- Date de rechute métastatique :
Selon les études de cinétique des cancers du sein, la durée
de la vie occulte des métastases du cancer du sein a été évaluée en moyenne à 4 ans.
Ceci est confirmé par les études cliniques
qui ont montré que la période de risque métastatique est d’environ
5 ans après le primotraitement.
Ensuite, le risque, sans disparaître,
décroît.
Les métastases très tardives, en particulier sur le squelette,
peuvent être observées jusqu’à plus de 20 ans.
Une récente analyse portant sur 1 173 patientes traitées entre 1964 et
1980 par mastectomie seule et sans traitement adjuvant, et suivies
pendant 15 à 20 ans, a montré un double pic de distribution des
métastases.
Il y a un premier pic à 18 mois, un nadir à 50 mois et un
deuxième pic à 60 mois.
Ensuite, l’incidence descend lentement
jusqu’à la quinzième année.
Les patientes avec les tumeurs les plus
volumineuses récidivent dans le premier pic ; celles avec des
tumeurs plus petites également dans les deux pics.
Demicheli et
Retsky proposent l’hypothèse d’une quiescence métastatique.
La
tumeur elle-même ou des facteurs environnementaux pourraient
induire une croissance tardive des micrométastases.
Dans d’autres
hypothèses, il peut s’agir de cancers à potentiel de croissance plus
ou moins rapide ou de biais de temps perdu.
L’intervalle libre est la période de temps entre le primotraitement et
la rechute métastatique.
C’est un élément primordial du pronostic et
du traitement des malades en phase métastatique.
Un intervalle
libre et long témoigne d’une croissance lente, d’un type histologique
bien différencié et d’une probabilité d’hormonodépendance.
Les
métastases très tardives relèvent de la voie lente des cancers du sein.
Au contraire, dans les cancers évolutifs ou lorsque les critères du
pronostic initial sont mauvais, les événements se précipitent,
l’intervalle libre est court.
4- Siège des métastases des cancers du sein
:
Tous les organes peuvent être atteints, mais plus particulièrement le
squelette, l’appareil pleuropulmonaire et, à un degré moindre, le foie
et le cerveau.
La voie de dissémination sanguine est le système cave supérieur
soit par invasion vasculaire au niveau de la tumeur, soit par les
canaux lymphatiques qui se jettent dans le confluent des veines
jugulaires à la base du cou.
Les pleurésies métastatiques sont plus fréquentes du côté
homolatéral au cancer du sein.
Ce fait est lié à l’envahissement
rétrograde des plexus lymphatiques sous-pleuraux à partir des
adénopathies mammaires internes.
Un mécanisme identique est
probable dans les lymphangites néoplasiques bronchiques et les
miliaires malignes du poumon.
Les données anatomiques ne permettent pas d’expliquer à elles
seules la rareté de certaines localisations comme les muscles ou
l’existence d’autres métastases, par exemple aux ovaires.
On a
évoqué plusieurs mécanismes :
– l’absence de facteurs de croissance adéquats ;
– l’absence de déterminant spécifique d’adhésion à l’endothélium
vasculaire ;
– l’attraction par chimiotactisme des cellules circulantes par des
facteurs solubles sécrétés par l’organe-cible.
5- Aspect moléculaire de la dissémination métastatique
:
Il est possible de corréler les capacités métastatiques à l’acquisition
d’anomalies génétiques aboutissant à un phénotype métastatique
.
Ce phénotype permet aux cellules de produire ou de
stimuler la sécrétion de facteurs de croissance, de récepteurs
membranaires de facteurs de croissance, de facteurs de mobilité ou
de protéases.
Les oncogènes du phénotype métastasiant n’ont pas
tous été identifiés et leur rôle est en cours de description :
l’amplification de c-erb-B2 a été associée au nombre de métastases
ganglionnaires, de même que l’amplification de l’oncogène int-2.
Les phénomènes d’inefficacité métastatique et de quiescence
évoquent des équilibres entre activateurs et inhibiteurs de croissance
des métastases (rôle des métalloprotéases et de leurs inhibiteurs ou TIMP 1 et 2).
La régression spontanée de métastases observée dans
d’autres tumeurs (néphroépithéliome) est rare dans le cancer du
sein.
6- Survie après la survenue des métastases
:
En dépit de l’incapacité actuelle de guérir la plupart des cancers
mammaires métastatiques, le traitement palliatif permet de produire
de longues rémissions et d’améliorer la qualité de vie.
Il est difficile de calculer la survie après la survenue des métastases
car le moment de leur découverte dépend des modalités de la
surveillance.
Il existe des biais du temps perdu selon que l’on
surveille par des bilans exhaustifs et répétés ou que l’on attende
l’apparition des premiers symptômes pour en faire le diagnostic.
Probablement, la longueur totale de la survie n’est pas modifiée de
manière sensible par les modalités de la surveillance et le moment
du traitement des métastases.
Après les corrections du biais du temps perdu, la durée moyenne
de survie après la survenue de métastases est en moyenne de 26
mois, soit environ le double de celle obtenue dans les années 1960,
ce qui témoigne de l’effort thérapeutique.
E - HISTOIRE NATURELLE DES RÉCIDIVES
LOCORÉGIONALES :
Après mastectomie, les récidives dans la cicatrice, la paroi
thoracique ou l’aisselle s’observent dans environ 5 à 6% des cas.
Le
pronostic vital est le plus souvent engagé, non par la récidive locale
elle-même, mais parce que 50 % des récidives locorégionales (RLR)
sont associées à des métastases à distance et que jusqu’à 80 % des
malades en présenteront ultérieurement.
Les RLR après mastectomie sont corrélées aux facteurs initiaux du
pronostic : tumeurs classées T3-T4, envahissement de quatre
ganglions axillaires et plus, grade histologique élevé.
Après chirurgie mammaire conservatrice (CMC), les RIM sont d’une
autre nature et bénéficient d’un pronostic plus favorable.
Les taux
de survie à 5 ans après reprise thérapeutique sont comparables à
ceux que l’on aurait pu obtenir par une mastectomie, entre 60 et
80 % à 5 ans selon les séries.
Cependant, le risque de
présenter des métastases est supérieur dans le groupe des malades
ayant une RIM, par rapport au groupe sans RIM.
Le RR a été évalué
à 3,41 dans l’étude du NSABP et à 4,62 dans celle du Milan
NCI.
Le taux de récidives mammaires après CMC est en moyenne de 1 à
1,5 % par an.
Dans l’expérience suédoise, Dalberg et al ont observé,
dans une série de 759 patientes traitées par CMC, un taux cumulatif
à 10 ans de 9 % pour les patientes d’âge supérieur à 50 ans et de
18 % pour les patientes plus jeunes.
La majorité des RIM surviennent dans le même quadrant que la
tumeur initiale, ce qui est en faveur d’une exérèse initiale
insuffisante.
Le risque augmente avec le degré de conservation
du sein, 15 % après quadrantectomie, 20 % après segmentectomie,
37 à 43 % après tumorectomie.
La radiothérapie postopératoire
réduit le taux à 5 ans de récidive locale d’environ 30 à 14 %.
Les facteurs prédictifs de RIM après traitement conservateur ont été
étudiés par des analyses multivariées.
Les facteurs qui ressortent
sont un âge au primotraitement inférieur à 50 ans, l’absence de
radiothérapie postopératoire, l’envahissement massif des ganglions
axillaires, des berges d’exérèse envahies et l’association avec un
carcinome intracanalaire extensif.
F - GUÉRISON ET MORT :
La survie spontanée des cancers du sein non traités repose sur des
données historiques.
L’étude classique de Bloom et al a porté sur
une série de patientes observées entre 1805 et 1933.
Aucune de
ces patientes n’avait eu de traitement chirurgical ou médical ; 97 %
avaient, au moment du diagnostic, des cancers très évolués de stade
3 et 4 et la majorité mouraient dans les années suivantes.
Cependant,
3,6 % d’entre elles avaient des survies spontanées longues, ce qui
témoigne de la chronicité de certaines formes de cancer : 3,6 %
d’entre elles étaient vivantes avec leur maladie à 10 ans.
La guérison après traitement des cancers est en général appréciée par
les taux de survie globale ou de survie sans récidive à la cinquième
année.
Pour les cancers du sein, un certain nombre de métastases
mortelles apparaissent tardivement.
De ce fait, les résultats des
traitements et des études randomisées sont établis en survie globale
et en survie sans récidive à 5 et 10 ans.
Les causes de la mort ont été recherchées par des autopsies de
malades décédées du cancer du sein.
Ces études ont confirmé la
fréquence des métastases non suspectées par les bilans cliniques et
l’envahissement de la plupart des organes.
Les causes les plus fréquentes de la mort, outre l’extension générale,
sont des insuffisances viscérales, cardiaques, pulmonaires,
hépatiques.
Les échecs locorégionaux sont assez rares, mais des
sources de morbidité importantes.
Les récidives axillaires ou susclaviculaires
génèrent des lymphoedèmes massifs ou des douleurs
plexiques.
Les masses parasternales sont en relation avec des
récidives ganglionnaires de la chaîne mammaire interne.
Il est devenu exceptionnel d’observer les formes historiques comme
le squirrhe en « cuirasse » envahissant la paroi thoracique ou
évoluant sous forme de nodules de perméation sur les faces
antérieure et postérieure du thorax.
Ce fut le cas d’une des reines de
France, Anne d’Autriche, mère de Louis XIV.
G - HISTOIRES PARTICULIÈRES :
Certains cancers du sein méritent une description spécifique, soit en
raison d’une histoire naturelle favorable, c’est le cas des cancers in
situ et d’autres types histologiques non communs ; soit, au contraire,
parce qu’elles témoignent d’une malignité spécifique.
1- Cancer canalaire in situ (CCIS)
:
Les connaissances sur les formes précoces des cancers du sein et les
précurseurs histologiques ont beaucoup progressé au cours des
20 dernières années.
Auparavant, on décrivait le comédocarcinome in situ qui se présentait comme une masse
palpable et bénéficiait d’un meilleur pronostic que les autres cancers.
Dans d’autres cas, le cancer papillaire in situ était révélé par un
écoulement mamelonnaire ou une maladie de Paget du mamelon.
Le développement de campagnes de dépistage et l’amélioration de
la qualité des mammographies ont permis d’identifier des formes
précoces et d’étudier leur histoire naturelle.
Actuellement, de plus
en plus de CCIS sont diagnostiqués à un stade infraclinique.
Les CCIS représentent 15 à 25 % de l’ensemble des cancers du sein.
Le diagnostic est évoqué devant des microcalcifications localisées
dans une partie plus ou moins étendue d’un sein.
L’étude de la phase préclinique a montré que les CCIS
représentaient une des étapes conduisant au cancer invasif.
Ils
constituent la voie lente de la cancérogenèse et une voie non
obligatoire.
Environ 30 % des CCIS non traités deviendraient des
carcinomes invasifs.
Page et al ont suivi des patientes n’ayant pas
eu d’autre traitement qu’une biopsie pour CCIS de type non
comédonien.
Après 24 ans de surveillance, 10 des 28 patientes ont
présenté un cancer du sein dont 9 invasifs.
Cinq malades sont
décédées du cancer.
Le CCIS naît au niveau de l’unité ductulolobulaire du sein et envahit
par contiguïté l’arbre canalaire.
La lésion forme en général un
triangle se dirigeant vers le mamelon.
Au stade in situ, le cancer est
strictement intracanalaire, sans envahissement du chorion.
La
difficulté dans les lésions étendues et multifocales est de confirmer
l’absence de micro-invasion.
Des foyers de micro-invasion peuvent
expliquer les rares atteintes ganglionnaires.
On voit l’importance de
l’étude pathologique des pièces opératoires de CCIS.
Le CCIS comprend plusieurs types architecturaux.
Les CCIS de type comédonien sont de pronostic plus grave que les non
comédoniens, ces derniers étant de type papillaire, cribriforme ou
solide.
Les comédocarcinomes sont caractérisés par une nécrose
tumorale qui obstrue la lumière canalaire et se calcifie.
Les
calcifications en « bâtonnet », en « file indienne » ou en « fourche »
sont très symptomatiques de cette lésion.
Elles représentent environ
25 à 30 % des CCIS. Les études cliniques et biologiques suggèrent
que le comédocarcinome est la forme la plus agressive.
L’aspect
cytologique montre un polymorphisme nucléaire, de nombreuses
mitoses et un taux significatif de nécrose.
Au plan biologique, les
taux des récepteurs hormonaux (inférieur à 50 % versus 90 %), la
surexpression de c-erbB-2 (80 % versus 10 %) et de p53 (40 % versus
10 %) confirme le potentiel de malignité.
Le CCIS de type
comédonien représente un stade plus avancé dans la progression
vers le cancer invasif.
Le CCIS regroupe des lésions assez hétérogènes avec des vitesses de
croissance et des lésions géniques différentes.
De plus, les différents
types peuvent être associés dans une même tumeur.
Un grade histologique spécifique des carcinomes intracanalaires a
été mis au point ces dernières années.
La classification pathologique
de Van Nuys repose sur la présence d’anomalies cytonucléaires et
l’intensité de la nécrose.
Cette classification en trois grades
a pour objectif de préciser le risque de récidive locale après chirurgie
conservatrice.
Un nouvel index pronostique développé par le Breast
Cancer Center de Van Nuys (Californie) prend en compte deux
autres paramètres de la RIM, la taille tumorale et les marges
histologiques après excision locale.
2- Cancer lobulaire in situ (CLIS) :
Cette entité a été décrite en 1941 par Foote et Stewart. Le CLIS
n’est pas décelable par l’examen clinique ou la mammographie.
Il
est toujours de découverte fortuite sur une biopsie mammaire
effectuée pour contrôle d’opacités ou de microcalcifications détectées
par mammographie.
Environ 1 % des biopsies du sein révèlent
un CLIS chez des femmes entre 40 et 54 ans.
Le CLIS est une
lésion multicentrique (pour 63 à 88 % des cas) et souvent bilatérale
(de manière synchrone ou asynchrone dans 20 à 35 % des cas).
Le CLIS peut être associé aux cancers canalaires in situ et invasifs et
aux cancers lobulaires invasifs.
Le CLIS a une histoire naturelle différente du carcinome canalaire in
situ.
Le potentiel malin du CLIS a été controversé par Haaguensen
qui a suggéré le terme de néoplasie lobulaire.
Selon les plus récentes
revues générales le CLIS est considéré davantage comme un
marqueur histologique de risque qu’un véritable précurseur du
cancer lobulaire invasif.
Ce risque est estimé à 11 fois celui d’une
population comparable de femmes saines.
Le risque absolu de
cancérisation secondaire est évalué à 25 % dans les 15 ans suivant le
diagnostic.
Sur une série de 236 patientes avec un suivi médian de
18 ans, Bodian et al évaluent le RR à 5,4 % (insuffisance cardiaque :
4,2 - 7,0).
Le RR diminue avec l’âge au diagnostic.
3- Cancers mucineux ou colloïdes
:
Ils représentent 2 à 4% des cancers invasifs.
Les cellules tumorales
sont noyées dans une substance colloïde abondante qu’elles ont sécrétée.
Elles présentent peu d’atypies nucléaires, peu de mitoses.
Les cancers colloïdes purs ont un excellent pronostic.
L’envahissement ganglionnaire et les métastases sont très rares.
La
survie est bien meilleure que celle des cancers canalaires invasifs.
Le
traitement en principe est conservateur.
4- Cancers tubulaires
:
Ils simulent l’aspect normal des canaux du sein.
Les anomalies cytonucléaires (grade SBR I) et l’invasion ganglionnaire (10 %
environ) rendent compte d’une évolution peu agressive et d’un
pronostic excellent.
Le traitement est en principe conservateur.
5- Cancers médullaires
:
Ils présentent une double caractéristique. En premier lieu, la tumeur
apparaît peu différenciée et de grade histologique élevé en raison
d’un pléomorphisme nucléaire et d’un fort index mitotique.
Ensuite,
elle est entourée d’un stroma type inflammatoire, lymphoplasmocytaire.
Dans les formes typiques respectant les critères
définis par Ridolfi et al, le pronostic est, paradoxalement à son
aspect histologique, excellent, dépassant les 90 % de survie sans
récidive, même en cas de tumeur volumineuse.
Certaines séries font état de résultats moins favorables car elles
incluent des formes atypiques qu’il convient de reconnaître.
Facteurs de pronostic :
Qu’ils soient en phase locale ou métastatique, les cancers du sein
sont une maladie hétérogène.
La prise en charge implique de définir
des facteurs de pronostic pour caractériser au mieux possible le
comportement biologique et l’agressivité du cancer.
Les facteurs de pronostic sont nombreux et la liste s’allonge de jour
en jour, ce qui impose en pratique courante de faire des choix.
Actuellement, le marqueur idéal du pronostic n’existe pas.
A - PRONOSTIC EN PHASE LOCORÉGIONALE :
Les principaux facteurs sont la taille de la tumeur mammaire, le
nombre de ganglions axillaires, le grade histologique, la présence de
récepteurs hormonaux.
1- Taille tumorale
:
Il existe une forte corrélation entre la taille d’un cancer du sein, le
nombre des ganglions envahis et les risques de récidive et de décès.
La mesure de la taille histologique de la tumeur est
plus précise qu’une mesure clinique ou radiographique.
Les études du NCI sur 13 460 cas N-, avec un recul de 5 ans et de
Rosen sur 767 cas avec un recul de 18 et 20 ans, montrent des
résultats concordants.
Le pronostic des tumeurs inférieures à 1 cm
est excellent, celui des tumeurs supérieures à 3 cm est plus péjoratif.
Toutefois, cette valeur pronostique diminue avec le temps.
Ainsi,
dans l’étude de Rosen, le taux des métastases n’est plus
proportionnel avec la taille tumorale entre 10 et 18 ans. Tout se passe
comme si, pour les petites tumeurs, les métastases apparaissaient
plus tardivement.
En pratique, la taille de la tumeur est le facteur le plus important
dans les indications de la chirurgie conservatrice.
Ce facteur est à
considérer dans les cancers sans envahissement axillaire.
2- Statut axillaire
:
Le nombre de ganglions axillaires envahis (N+) reste le facteur
essentiel du pronostic.
Le risque de métastases et de
décès augmente avec le nombre des ganglions atteints.
Quatre catégories de risques ont été déterminées :
– 0;
– 1 à 3 ;
– 4 à 9 ;
– plus de 10 N+.
Il est admis généralement que tous les malades ayant des ganglions
envahis bénéficient d’un traitement systémique.
Pour les patientes n’ayant pas d’envahissement axillaire (N-),
d’autres facteurs de pronostic sont utilisés, qui essayent de
déterminer la classe des 20 % de malades qui présenteront
ultérieurement des rechutes ou métastases.
La rupture capsulaire est un facteur significatif en analyse univariée,
mais son importance s’avère mineure si les autres facteurs de
pronostic sont introduits.
L’envahissement des ganglions du niveau III de Berg ou sousclaviculaires
est d’un pronostic très défavorable, s’apparentant à
l’envahissement des ganglions sus-claviculaires (M+ dans la
classification TNM).
3- Association de la taille et de l’envahissement axillaire
:
Si on associe la taille tumorale et le nombre de ganglions axillaires
pathologiques, on affine les classes de pronostic :
– si l’on considère les tumeurs T1, les taux de survie à 5 ans sont de
96 % dans les N- et de 66 % dans les N+ supérieurs à 3 ;
– pour une tumeur T3 (supérieure à 5 cm), les taux de survie sont
respectivement de 82 % pour les N- et de 46 % pour les N+
supérieurs à 3.
De même, si l’on considère les patientes sans envahissement
histologique (N-), le pronostic dépend de la taille tumorale, passant
de 96 % pour les T1 à 82 % pour les T3.
En conséquence, la plupart des auteurs considèrent la taille tumorale
dans les indications d’une chimiothérapie adjuvante pour les
patientes N-.
Le pronostic peut être affiné par le grade histologique.
4- Grade d’histopronostic - Phase S
:
La classification d’histopronostic de Scarff, Bloom et Richardson
(SBR) est la plus utilisée.
Elle prend en compte le degré de
différenciation, le pléomorphisme nucléaire, l’activité mitotique.
Trois grades ont été définis :
– le grade I est corrélé avec les tumeurs peu évolutives et de
pronostic favorable.
Les métastases secondaires sont rares et
tardives ;
– les tumeurs de grade III sont corrélées avec un diamètre tumoral
élevé, des métastases fréquentes et précoces dans un délai inférieur
à 2 ans ;
– les tumeurs de grade II, les plus nombreuses, ont un pronostic
intermédiaire.
5- Combinaison de la taille, de l’envahissement axillaire
et du grade histologique :
Koscielny et Tubiana ont étudié la probabilité de développement de
métastases en fonction du grade et du nombre de ganglions
axillaires pour des tumeurs inférieures ou supérieures à 2 cm.
On y voit les précisions
auxquelles peut parvenir le pronostic, connaissant trois paramètres :
le volume, le grade histologique et le nombre de ganglions
envahis.
Le grand nombre de grade II et la variabilité intra- et
interobservateur diminuent notablement la valeur du grade
histologique. Le critère le plus contesté est le degré de
différenciation.
Certains auteurs retiennent seulement le
pléomorphisme nucléaire et l’activité mitotique.
C’est le grade nucléaire.
La cytométrie de flux permet d’étudier, par une méthode
automatique et objective, à la fois le cycle cellulaire et le nombre de
chromosomes.
Les malades ayant une tumeur à cellules diploïdes (c’est-à-dire dont
les chromosomes sont en nombre pair comme dans les tissus sains),
ont une survie significativement supérieure à ceux qui ont des
tumeurs à cellules aneuploïdes.
De même, l’étude de la phase S
étudie les populations cellulaires qui entrent dans un cycle.
La combinaison de la ploïdie et de la phase S individualise deux
groupes de pronostic :
– les tumeurs à cellules diploïdes avec un faible pourcentage en
phase S de pronostic très favorable ;
– les tumeurs diploïdes à fort pourcentage en phase S et les tumeurs
à cellules aneuploïdes dont le pronostic est défavorable.
La mesure de la phase S par cytométrie de flux a l’avantage d’être
plus objective et corrélée au statut ganglionnaire.
Cependant, en
analyse multifactorielle, la cytométrie de flux ne ressort pas comme
un facteur pronostique indépendant des facteurs classiques.
6- Statut des récepteurs hormonaux
:
Les récepteurs aux oestrogènes (RO) et à la progestérone (RP) sont
dosés en routine sur les tissus cancéreux, soit par dosage
biochimique, soit en immunohistochimie.
À côté de l’intérêt
pronostique, leur présence témoigne d’une forte probabilité de
réponse du cancer à un traitement hormonal.
Les cancers ayant des récepteurs aux oestrogènes (RO+) sont bien
différenciés.
Ils présentent peu d’atypies cellulaires, peu de mitoses.
Leurs métastases sont plutôt osseuses.
Les cancers RO- ont un index mitotique plus élevé et un plus fort
pourcentage de cellules en aneuploïdie.
Leurs métastases seront
plutôt viscérales.
Dans le groupe de malades sans envahissement axillaire (N-), les
taux de survie sans récidive à 5 ans sont plus importants chez les
patients RO+ mais la différence avec les RO- est faible.
Ce critère est à lui seul insuffisant.
Combiné à la taille tumorale et
au grade histologique, il est utilisé pour proposer une thérapeutique
adjuvante chez les patientes sans envahissement ganglionnaire.
La synthèse des récepteurs à la progestérone est induite par les
oestrogènes.
La présence dans une tumeur de récepteurs à la
progestérone indique que la voie d’action des récepteurs aux
oestrogènes n’est pas altérée.
Le meilleur pronostic est obtenu en cas
de positivité des deux récepteurs.
Horwitz et al ont confirmé
l’intérêt de combiner la recherche des récepteurs aux oestrogènes et
à la progestérone pour évaluer la réponse à l’hormonothérapie.
7- Âge et statut hormonal
:
Il est reconnu que les patientes dont l’âge est inférieur à 35 ans ont
un taux de récidive locale après chirurgie conservatrice plus élevé et
un pronostic global pire que les patientes âgées de plus de 50 ans.
De même, après la ménopause, on observe une diminution
statistique du risque de métastases métachrones.
Cependant,
l’influence de l’âge et de la date de la ménopause apparaît modeste
en regard des autres facteurs, volume tumoral, envahissement
ganglionnaire, grade histologique ou étude de la phase S.
Tout se
passe comme si les patientes jeunes avaient davantage de stades
avancés.
La valeur pronostique de ces deux facteurs disparaît en
analyse multivariée.
8- Autres paramètres biologiques :
À côté des facteurs classiques, la recherche a révélé, dans les
dernières années, un grand nombre de facteurs biologiques.
Leur
intérêt en routine est discuté. Les facteurs les plus préconisés
sont l’oncogène HER2/NEU, la cathepsine D, le récepteur à l’EGF.
Oncogène c-erb-B-2 ou HER 2/NEU
Dans les cancers du sein N+, cet oncogène est associé à un mauvais
pronostic.
Son amplification est corrélée avec une vitesse de prolifération élevée, un haut grade d’histopronostic.
Dans certaines
études multivariées, il apparaît en deuxième position après le
nombre de ganglions axillaires. HER2/NEU est inversement et
significativement corrélé avec la survie sans récidive.
La valeur de c-erb-B-2 est controversée dans les cancers du sein N-.
Il semblerait que l’expression de cet oncogène au sein de cette
population N- sélectionnerait les rares malades à rechute précoce.
Cathepsine D
Cette protéase est dosée par immunohistochimie sur des fragments
tumoraux.
Nous avons vu que la cathepsine D dégradait le stroma
et caractérisait l’invasion tumorale.
Des taux élevés sont retrouvés
dans les cancers les plus agressifs et à haut risque de métastases.
La cathepsine D est corrélée avec l’envahissement ganglionnaire.
Certaines études montrent que la cathepsine D peut être utile pour
affiner le pronostic des patientes sans envahissement ganglionnaire.
Le RR de rechute est de 7 à 10 fois plus faible chez
les patientes ayant un taux faible de cathepsine D.
Cependant, il est
encore souhaitable de poursuivre la recherche clinique afin
d’affirmer le rôle pronostique de la cathepsine D.
Récepteur à l’EGF
Il existe une relation inverse significative entre la positivité de
l’EGFR et celle du récepteur aux oestrogènes.
L’EGFR est aussi
corrélé au grade histologique SBR.
Cependant, des résultats
discordants empêchent de faire rentrer ce marqueur dans l’usage en
thérapeutique.
B - MARQUEURS DU PRONOSTIC DES CANCERS
MÉTASTATIQUES :
Les cancers métastatiques du sein sont une maladie très fréquente
et aussi variable dans ses manifestations cliniques et dans son
évolution que les cancers primitifs.
Cette hétérogénéité reflète les
différences biologiques acquises dans l’histoire naturelle des cancers
et dans l’acquisition du phénotype métastatique.
Les choix thérapeutiques dépendent en grande partie de l’histoire
de la maladie et de l’évaluation des paramètres permettant d’estimer
l’évolutivité du cancer en phase métastatique.
Les facteurs cliniques
sont encore ici les plus importants, qu’il s’agisse de l’intervalle libre,
du nombre, du siège et du volume de la masse tumorale.
1- Intervalle libre :
Le temps de latence entre le traitement initial et la survenue de
métastases reflète en lui-même le pouvoir de croissance des
métastases.
Les métastases survenant moins de 1 an après le primotraitement sont habituellement très évolutives et corrélées avec
des facteurs initiaux de mauvais pronostic, qu’il s’agisse d’un haut
grade ou d’un taux élevé de cathepsine D.
Les métastases tardives survenant à plus de 5 ans sont observées
dans les cancers primitifs bien différenciés, de grade SBR I avec
récepteurs hormonaux présents.
Ainsi, on est amené à tenir compte
des aspects biologiques de la tumeur primitive, cependant on
connaît l’instabilité génétique du phénotype métastatique.
Les
métastases sont souvent moins bien différenciées ou perdent les
récepteurs hormonaux.
L’évolution inverse est cependant très rare
et des facteurs initiaux de mauvais pronostic préludent en général à
une évolution rapide.
Cependant, de telles évolutions ne sont pas
inéluctables et les autres facteurs doivent être considérés dans
l’appréciation globale du pronostic.
2- Nombre et siège des métastases
:
Le nombre de métastases est significativement corrélé avec
l’évolution.
Une métastase osseuse unique survenant plus de 5 ans après le primotraitement est évidemment beaucoup plus favorable que des
métastases osseuses multiples.
Certaines métastases viscérales sont
assez péjoratives, en particulier les métastases cérébroméningées et
hépatiques.
3- Masse tumorale :
Elle joue un rôle majeur dans l’appréciation du pronostic des
métastases viscérales, en particulier hépatiques ou cérébrales.
Ainsi, une volumineuse tumeur cérébrale a une espérance de vie de
6 mois, tandis qu’une survie de plusieurs années est possible dans
une petite métastase cérébrale isolée et traitée par radiothérapie.
4- Taux des marqueurs sériques
:
L’antigène carcinoembryonnaire et l’antigène Ca 15.3 sont corrélés à
la masse tumorale.
Ces marqueurs sériques se sont révélés sans
grand intérêt lors du primotraitement ou pour la surveillance des
patientes.
En revanche, des taux élevés lors de la maladie
métastatique permettent d’évaluer la réponse thérapeutique.