Les herpès virus sont des virus à ADN (chez l’homme les
Herpes virus simplex 1 et 2, le virus de la varicelle et du
zona, le cytomégalovirus, le virus d’Epstein-Barr) avec des
caractères communs : une primo-infection apparente ou
non ; des récurrences liées à une réactivation de virus
latent ; plus fréquentes et plus dangereuses en cas d’immuno-
dépression.
Nous parlerons ici de l’Herpesvirus simplex 2 (HSV2) à
tropisme génital ; cependant, il existe des risques d’infections
croisées avec HSV1 à tropisme oral.
1- Généralités :
Il s’agit d’une infection très répandue, 20 à 30 % des
patientes en seraient porteuses.
Cette infection peut
d’ailleurs rester totalement ignorée de la patiente ; ainsi
dans 60 % des cas, l’infection néonatale révèle la pathologie
maternelle compromettant le dépistage et la prévention
de l’infection néonatale.
La recherche d’antécédent
d’herpès doit être systématique lors de la
consultation obstétricale (on doit aussi s’en informer
chez le partenaire).
La primo-infection (quand elle est symptomatique) est
marquée par les éléments suivants : au niveau du périnée,
douleurs, brûlures, oedème, vésicules, puis ulcérations
génitales, dysurie, dyspareunie, voire un syndrome
infectieux général.
Les épisodes de récurrence n’ont peu ou pas de signes
généraux ; ils sont souvent asymptomatiques et peuvent êtres marqués par l’existence de vésicules génitales douloureuses
et invalidantes.
Ces épisodes surviennent souvent
en période cataméniale ou lors d’infections intercurrentes.
En plus de l’examen de la vulve et du périnée, l’examen
au spéculum pourra objectiver une localisation cervicale
ou vaginale pouvant être présente tant dans les primoinfections
que dans les épisodes de récurrence.
On insistera sur les faits suivants : l’infection est souvent
cliniquement latente (1 % pendant la grossesse) ; l’excrétion
asymptomatique de virus n’est pas rare ; le
risque d’infection néonatale est maximal (50 %) en cas
de primo-infection ; le taux d’infection néonatale (rare)
est de 1 à 13 pour 100 000.
2- Diagnostic :
Le diagnostic clinique peut être extrêmement trompeur, en
particulier lors des épisodes de récurrence.
Ainsi, le diagnostic virologique sera entrepris dans les situations
suivantes : lésion génitale maternelle suspecte ;
recherche d’une excrétion virale asymptomatique (chez une
patiente avec antécédent) en fin de grossesse ou en début de
travail.
Ce diagnostic repose sur un écouvillonnage des lésions
ulcérées (périnée, vulve, col de l’utérus) ou en zone
saine en l’absence de lésion apparente, mise en culture
(méthode de référence), cytodiagnostic de Tzanck,
test ELISA (typage HSV1 ou 2) et milieux de transport
spécifiques.
La sérologie permet de poser un diagnostic de primoinfection
sur 2 prélèvements successifs, ou d’éliminer ce
diagnostic chez une femme qui rapporte des antécédents
douteux.
3- Risques foetaux et néonatals :
• Conséquence foetale : le risque de contamination in
utero est rarissime ; il s’agit alors d’une transmission
hématogène par voie transplacentaire lors d’une primoinfection
herpétique.
Les conséquences de l’infection peuvent se traduire
chez le foetus par : un avortement ; une atteinte congénitale
(retard de croissance intra-utérin, hépatite, hydranencéphalie,
microcéphalie, calcification intracrânienne
et choriorétinite, microphtalmie, des érosions cutanées
actives ou cicatricielles sans véritable malformation
associée) ; un accouchement prématuré.
• Conséquences néonatales : le plus souvent, il s’agit
d’une atteinte néonatale par contamination au cours de
l’accouchement, soit par voie ascendante après rupture
des membranes soit au passage du foetus dans la filière
génitale.
L’atteinte peut être neurologique, cutanée et oculaire,
disséminée ou localisée.
Le pronostic vital peut être mis
en jeu, et les séquelles neurologiques et oculaires peuvent
être catastrophiques.
Seuls le diagnostic précoce et
le traitement adapté [Aciclovir (acycloguanosine)] permettent
de réduire la mortalité et les séquelles.
• Situations à risque d’infection foetale : toute primoinfection
en cours de grossesse (risque majeur 50 %) ; tout épisode de récurrence en cours de grossesse (risque
moyen 5 %) ; antécédent d’herpès génital dans le couple
(0,1 %) ; dans la population générale, le risque est globalement
de 1 pour 10 000 ; cette population est pourvoyeuse
de deux tiers des cas et échappe à toute mesure
de prévention (absence d’antécédents connus, excrétion
asymptomatique de virus…).
• Facteurs aggravant le risque d’infection néonatale :
primo-infection dans les 3 dernières semaines de grossesse ;
prématurité ; rupture des membranes, et longue durée de
l’ouverture de l’oeuf ; manoeuvres invasives (électrode au
scalp de l’enfant).
• Conduites à tenir : lors de la première visite de grossesse,
s’assurer de l’antécédent d’herpès génital et, au
moindre doute, pratiquer une sérologie.
En l’absence
d’antécédent et en cas de sérologie négative, ne rien
faire de particulier ; en cas de doute chez le partenaire,
envisager des rapports protégés, en particulier 2 mois avant
le terme.
En cas d’antécédent, envisager une chimioprophylaxie
par l’aciclovir per os 200 mg x 4 par 24 heures à partir
de 36 semaines d’aménorrhée (protocole en cours d’évaluation)
;
– en cas de primo-infection dans le mois précédant l’accouchement
(situation rare), on peut envisager soit un traitement
par aciclovir avec décision de voie basse si les derniers
prélèvements sont négatifs, soit une césarienne systématique
, soit un traitement par aciclovir si les derniers prélèvements
sont positifs avec une décision de voie basse en
fonction des délais de traitement par rapport au début du travail
;
– en cas de récurrence dans la semaine précédant l’accouchement
on propose un traitement par aciclovir avec une
décision de voie basse, si les derniers prélèvements sont
négatifs, ou une césarienne systématique , ou un traitement
par aciclovir avec décision de voie basse.
– en cas de lésion génitale suspecte au moment de l’accouchement,
la césarienne reste admise par la plupart des
équipes.
(Ces conduites à tenir reposent sur l’efficacité supposée de
la chimioprophylaxie par l’aciclovir et la notion que la présence
d’anticorps circulants maternels est un facteur de protection.)
– de façon générale, en cas de lésion suspecte ou évidente,
un examen clinique complet et des prélèvements locaux
seront à effectuer ;
– en cas de primo-infection en cours de grossesse, il faut
assurer une désinfection locale (produits iodés) et donner
des antalgiques.
Il faut informer la patiente sur les risques
liés au portage du virus.
L’utilisation locale d’aciclovir n’est
pas contre-indiquée. L’utilisation de l’aciclovir par voie
générale (intraveineuse ou per os) doit être évitée avant le 3e
trimestre (retenir qu’il existe une contre-indication de principe
pour toute la durée de la grossesse).
Cependant si l’état
maternel général le nécessite son utilisation ne sera pas discutée.
Les risques de tératogénicité de l’aciclovir sont théoriques
et son utilisation chez les prématurées est rassurante ;
– le bénéfice de la césarienne, quand son indication est
posée (devant une lésion, un prélèvement positif…) persiste
si les membranes sont intactes ou rompues depuis moins de 4 heures.
Au-delà de 6 heures de rupture, laisser accoucher
par voie basse, entreprendre la chimioprophylaxie par aciclovir.
Cependant, 30 % des nouveau-nés atteints d’herpès
ont été extraits par césarienne et, pour 8 % d’entre eux, les
membranes étaient intactes ;
– lorsque l’option voie basse est prise, les éléments suivants
sont à considérer : prélèvements systématiques ; ne pas
poser d’électrode au scalp ; diminuer la fréquence des touchers
vaginaux ; pas de rupture précoce des membranes ;
dans tous les cas : pansements occlusifs sur les lésions à distance
de la vulve (dos, fesses) ; désinfection par produits
iodés [polyvidone iodée (Bétadine)].
Dans ces conditions, il
reste tout de même 1% d’infection néonatale ;
– en cas de lésions extragénitales isolées : badigeonnage à la
Bétadine, pansements occlusifs, accouchement par voie
basse.
• Soins au nouveau-né : quel que soit le mode d’accouchement,
le nouveau-né doit être examiné par le
pédiatre ; des prélèvements multiples sont effectués
(ombilic, conjonctives, cavité buccale…) à la naissance
et dans les jours suivants ; désinfection cutanée (du nouveau-né) à la Bétadine puis rinçage (attention au risque
d’hypothyroïdie transitoire) ; traitement antiviral oculaire
(pommade ophtalmique à l’aciclovir) ; l’indication de
l’aciclovir est prise par le pédiatre en fonction du risque
estimé de contamination, de l’examen clinique (lésions
cutanéo-muqueuses ) et du résultat des prélèvements
virologiques ; dans tous les cas suivi pédiatrique adapté
(information pour les parents sur d’éventuels symptômes
à la sortie de la maternité…).
• Les indications de l’aciclovir sont encore mal codifiées
: infection maternelle sévère en cours de
grossesse ; en cas de rupture prématurée des membranes
à un terme précoce ; récurrence herpétique prouvée ou
suspectée à l’approche du terme.
En cours de grossesse, pour certaines équipes, on ne
traitera ni les épisodes de récurrence, ni à titre préventif
(toxicité potentielle du produit).
Pour d’autres (mais il
s’agit de protocoles en cours d’évaluation, le traitement
oral est largement utilisé en particulier dans un but préventif
à partir de 36 semaines d’aménorrhée chez des
patientes avec antécédents.
On rappellera que l’aciclovir passe la barrière placentaire,
se concentre dans le liquide amniotique mais ne s’accumule
pas chez le foetus.
L’effet tératogène théorique
n’a pas été observé. Mais son utilisation devra être
dûment pesée.
• Conduite à tenir dans le post-partum : hormis l’aspect
pédiatrique que nous avons décrit plus haut, en cas de
lésion clinique ou de culture positive : chambre seule ; surblouse ; lavage des mains ; pansement occlusif et
Bétadine sur les lésions extragénitales.
Ces précautions doivent être draconiennes, en particulier
en cas d’allaitement.
Bien que le sujet traité soit l’herpès génital, on rappelle
que l’herpès buccal est lui aussi hautement transmissible
avec des conséquences néonatales redoutables, ainsi les
mêmes précautions draconiennes devront être prises avec en particulier un port de bavette en cas d’herpès
oral et l’abstention des baisers.