Les atteintes hépatiques secondaires aux infections bactériennes sont des
phénomènes fréquents, qu’il s’agisse d’infections du parenchyme hépatique
ou des voies biliaires, ou de la conséquence d’une infection à distance,
pulmonaire, urinaire ou d’un syndrome septicémique.
Le mode de présentation de ces atteintes hépatiques est donc extrêmement
variable, allant de perturbations biologiques hépatiques découvertes de façon
fortuite au cours d’un tableau infectieux, jusqu’à des infections sévères du
parenchyme hépatique, très parlantes cliniquement, pouvant mettre en jeu le
pronostic vital, telle qu’une leptospirose ou une salmonellose.
Nous décrirons dans un premier temps les manifestations hépatiques
observées au cours des septicémies et des infections extrahépatiques.
Puis,
nous étudierons certains agents bactériens qui sont plus particulièrement
susceptibles d’entraîner une atteinte hépatique par des mécanismes le plus
souvent variés.
La plupart de ces infections bactériennes sont très bien
connues, et leurs manifestations cliniques et biologiques ont été largement
décrites.
Cependant, l’une d’elles, la péliose bacillaire, observée au cours de
l’infection VIH est une découverte récente.
Les infections à mycobactéries,
qu’il s’agisse de la tuberculose ou des mycobactéries atypiques, ont connu au
cours des dernières années une augmentation de fréquence importante avec
l’apparition de tableaux cliniques peu connus, là encore dans le cadre de
l’immunodépression liée au virus du syndrome de l’immunodéficience
acquise (sida).
Les abcès hépatiques bactériens et les manifestations cliniques des infections
des voies biliaires extrahépatiques ne seront pas décrits dans ce travail.
Septicémies ou infections extrahépatiques
:
A -
Épidémiologie
:
Des perturbations des tests biologiques hépatiques sont fréquemment
observées lors des syndromes infectieux sévères, en particulier à point de
départ pulmonaire ou urinaire, qu’ils s’associent ou non à des bactériémies.
La fréquence de ces perturbations varie selon la sévérité de l’infection, le site
de l’infection, le germe en cause et l’âge du patient.
Chez le nouveau-né et le nourrisson, la survenue d’un ictère lors d’une
bactériémie survient dans plus de 50 %des cas.
Dans une étude s’intéressant
à la bilirubinémie au cours des bactériémies, Franson retrouvait en 1985 un
taux de bilirubine totale supérieur à 2 mg/L chez 42 % des enfants
bactériémiques de moins de 12 ans, dont la grande majorité étaient des
nourrissons.
Chez l’adulte, la même étude retrouvait des taux de
bilirubine totale supérieurs à 2 mg/L chez 34 malades parmi 100 ayant des
hémocultures positives.
Des perturbations biologiques hépatiques sont par
ailleurs constamment observées lors des chocs septiques et des défaillances multiviscérales d’origine infectieuse.
Nous ne disposons pas d’étude
récente permettant d’évaluer la fréquence et l’évolution des perturbations des
différents paramètres du bilan biologique hépatique au cours des infections
systémiques.
Aucun tableau clinique spécifique n’est décrit, et l’atteinte
hépatique est, en l’absence d’ictère franc, le plus souvent découverte par le
bilan biologique.
L’ictère, lorsqu’il est présent, évolue parallèlement au sepsis
général.
L’atteinte hépatique s’associe assez fréquemment à une
hépatomégalie et parfois à une hépatalgie.
Les points de départ infectieux les plus fréquemment retrouvés sont les
infections urinaires, les pneumopathies infectieuses, les infections pelviennes
ou péritonéales et les méningites. Les infections ORL ou cutanées sont plus
rarement en cause.
L’ictère et les perturbations biologiques hépatiques sont
le plus souvent observés lors des infections les plus graves mais ne paraissent
pas être en eux-mêmes des facteurs de mauvais pronostic.
De réelles
défaillances hépatocellulaires, lorsqu’elles s’observent, sont en général
associées à une atteinte multiviscérale, et en particulier à une insuffisance
rénale.
L’apparition d’un ictère et l’élévation du taux de bilirubine ont été les
deux éléments les plus étudiés dans la littérature.
Sur le plan biologique,
l’hyperbilirubinémie s’associe à d’autres marqueurs de cholestase avec une augmentation modérée de la gamma GT et des phosphatases alcalines.
Une
cytolyse modérée est fréquente portant principalement sur les ASAT
(aspartates aminotransférases).
B - Physiopathologie
:
Deux hypothèses physiopathologiques principales sont évoquées pour rendre
compte de ces atteintes hépatiques.
Ces deux hypothèses ne s’excluent pas et
elles semblent s’associer dans certaines situations.
Parallèlement, certains
germes sont susceptibles d’entraîner une atteinte hépatique par un mécanisme
propre.
L’atteinte hépatique est dans certains cas secondaire à une endotoxine au
cours des infections à bacilles à Gram négatif.
Des travaux expérimentaux
chez l’animal ont montré qu’une diminution du flux biliaire était observée en
présence d’endotoxines.
L’endotoxine pourrait inhiber l’ATPase
(adénosine triphosphatase) Na/K de la membrane hépatocytaire, et réduire
l’excrétion de la fraction biliaire indépendante des sels biliaires.
La
seconde hypothèse fait appel à un mécanisme hémodynamique.
En effet, en
l’absence d’endotoxémie, des atteintes hépatiques similaires à celles
observées dans les tableaux de choc ou de collapsus sévère peuvent être
observées dans un contexte septique.
Le syndrome infectieux pourrait être
alors responsable d’une diminution du débit sanguin hépatique et d’une
hypoxie.
Enfin, il est important chez ces patients, dont l’état est souvent sévère, de ne
pas méconnaître des facteurs étiologiques intriqués.
Le rôle des médicaments
doit être évoqué en premier lieu, qu’il s’agisse des antibiotiques que les
patients reçoivent pour leur tableau septique ou des anesthésiques lorsqu’il
s’agit d’infection postopératoire.
La prise en charge thérapeutique n’est en général pas modifiée par la présence
d’une atteinte hépatique.
Cependant, celle-ci témoigne le plus souvent de la
sévérité de l’infection qui impose un traitement antibiotique rapide et adapté
au germe causal, lorsqu’il a pu être identifié.
Les anomalies fonctionnelles
hépatiques régressent lorsque l’infection répond à une antibiothérapie
adaptée.
Prépondérance d’un mécanisme toxinique
:
A -
Au cours du « toxic-shock syndrome » à
Staphylococcus aureus
:
Parallèlement aux abcès hépatiques à staphylocoques pouvant compliquer
une bactériémie, une atteinte hépatique est fréquemment observée au cours
du syndrome de choc toxique à Staphylococcus aureus.
Ce syndrome sévère
est une atteinte multiviscérale observée chez des malades infectés par une
souche de Staphylococcus aureus produisant la toxine TSST-1 (toxic-shock
syndrome toxine).
Le syndrome initialement observé au cours de suppurations
profondes a connu une recrudescence importante au début des années 1980,
chez des jeunes femmes utilisant des tampons périodiques contenant du
polyacrylate.
La forme clinique complète associe à une fièvre supérieure à
39 °C, une éruption érythémateuse scarlatiniforme évoluant en 1 à 2 semaines
vers une desquamation palmoplantaire et un collapsus cardiovasculaire
pouvant aller jusqu’à un état de choc sévère.
Trois des atteintes viscérales
parmi les suivantes sont nécessaires pour porter le diagnostic :
– atteintes rénales : augmentation de l’urée et de la créatinine, hématurie ;
– atteintes hépatiques : cytolyse, ictère ;
– atteintes du système nerveux central : convulsions, troubles de conscience ;
– atteintes musculaires : rhabdomyolyse ;
– atteintes respiratoires : oedème lésionnel ;
– syndromes hémorragiques.
La mortalité est d’environ 3 % et est secondaire au collapsus.
Le traitement
repose sur l’utilisation d’une antibiothérapie antistaphylococcique associée
au drainage des foyers infectieux, à la réanimation, et à la correction des
troubles hémodynamiques.
Le diagnostic repose avant tout sur les critères
cliniques.
Les hémocultures sont le plus souvent négatives et le Staphylococcus aureus peut être obtenu à partir du site infectieux (vagin ou
autres) ; la production de toxines peut être recherchée.
L’atteinte biologique
hépatique se caractérise par une cytolyse aux alentours de trois fois la
normale.
Il s’y associe une élévation secondaire des phosphatases alcalines,
de la gamma GT, un ictère.
La biopsie hépatique est exceptionnellement
réalisée dans ce contexte.
Elle retrouve des lésions de cholangite aiguë
associée à un infiltrat inflammatoire portal et à une stéatose
microvésiculaire.
L’atteinte hépatique au cours du choc toxique peut
être secondaire à l’atteinte hémodynamique ou aux toxines bactériennes. Le
collapsus cardiovasculaire ne semble cependant pas à lui seul expliquer
l’ensemble du tableau biologique.
L’endotoxine TSST-1 va induire la
libération de nombreux médiateurs dont le TNF (tumour necrosis factor) et
l’interleukine 1, qui jouent probablement un rôle dans la réaction
inflammatoire hépatique.
B - Clostridium perfringens
:
Comme Staphylococcus aureus, Clostridium perfringens est un agent
responsable d’abcès hépatique, et comme lui, il est susceptible de produire de
nombreuses toxines.
L’une d’elles est responsable des manifestations
digestives observées dans les toxi-infections à Clostridium perfringens.
Une
autre, l’alphatoxine, agit sur les phospholipides des membranes cellulaires et
joue un rôle important dans l’apparition de la gangrène gazeuse.
Des
manifestations biologiques hépatiques sont fréquemment observées au cours
des gangrènes gazeuses.
La cytolyse prédomine sur l’ASAT, tandis que la
bilirubine est parfois très élevée.
Les phosphatases alcalines sont le plus
souvent normales. Une anémie hémolytique est fréquemment présente. Le
diagnostic est essentiellement clinique.
L’atteinte hépatique n’est pas un
facteur pronostique, et le traitement repose sur la réanimation et
l’antibiothérapie par pénicilline G et métronidazole.
Infections bactériennes pouvant être
responsables d’atteintes spécifiques :
A - Leptospirose
:
La leptospirose est une zoonose due à des spirochètes du genre leptospires.
Il
existe différents sérotypes du germe, l’un d’eux, le leptospire
ictérohémorragique, s’associe plus fréquemment à des formes sévères et
ictériques.
L’homme est un récepteur accidentel qui est contaminé soit par
contact direct (morsure), soit par contact indirect (par pénétration cutanéomuqueuse du germe en milieu hydrique).
Après leur pénétration cutanéomuqueuse, les leptospires se disséminent par bactériémie et vont se
fixer au niveau des viscères, et en particulier le foie et le rein.
Sur le plan
histologique, la cholestase est souvent importante, elle s’associe à une
inflammation portale, à une régénération hépatocytaire, à une hyperplasie
kupfférienne.
Les manifestations cliniques débutent brutalement avec une
fièvre élevée, des myalgies intenses, des manifestations cutanéomuqueuses
et parfois un syndrome méningé.
L’atteinte hépatique est la plus fréquente des
atteintes viscérales.Un ictère est présent dans environ 20 %des cas.
C’est
un signe de sévérité.
Il s’associe toujours à une insuffisance rénale, et parfois
à des manifestations hémorragiques, une atteinte neurologique, cardiaque ou
pulmonaire.
Sur le plan biologique, les transaminases sont augmentées de
cinq à dix fois la normale, parallèlement à une augmentation modérée de la
gamma GT et des phosphatases alcalines.
Une élévation de la CPK (créatinephosphokinase)
est fréquente.
L’hémogramme retrouve le plus souvent une
hyperleucocytose et parfois une thrombopénie et une anémie.
Un syndrome
inflammatoire biologique est constant.
Le diagnostic repose sur l’isolement
du leptospire dans le sang et le liquide céphalorachidien à la phase initiale,
puis plus tard dans les urines.
Les méthodes sérologiques permettent de
détecter les anticorps qui apparaissent au douzième jour et dont le taux
augmente progressivement.
Le traitement repose sur l’utilisation de la
pénicilline G à forte dose associée aux mesures de réanimation.
B - Brucellose ou mélitococcie
:
La brucellose est une zoonose due à un petit coccobacille à Gram négatif du
genre Brucella (Brucella melitensis, abortus bovis, abortus suis).
La
brucellose humaine est en rapport étroit avec l’infection animale et, en France,
Brucella atteint surtout les ruminants qui sont en cause dans la majorité des
contaminations humaines.
La contamination peut être professionnelle
(agriculteurs, vétérinaires, bouchers), mais dans un quart des cas, elle est
d’origine digestive, le plus souvent liée à la consommation de lait ou de
fromages non pasteurisés.
Après pénétration par voie cutanée ou muqueuse,
le germe gagne les ganglions lymphatiques, s’y multiplie et va coloniser les
organes riches en cellules réticulohistiocytaires (ganglions, foie, rate, moelle osseuse, organes génitaux).
Le germe intracellulaire va provoquer une
réponse immune cellulaire avec formation de granulomes épithélioïdes à
cellules géantes pouvant évoluer vers la caséification, avec formation d’abcès.
La phase aiguë bactériémique de la maladie se présente sous la forme
classique de la fièvre ondulante sudoroalgique qui s’associe à des arthralgies,
des céphalées et des myalgies.
À ce stade, l’hépatomégalie est présente
dans 33 % des cas, associée à une splénomégalie dans 26 % des cas.
Une
cytolyse associée à une augmentation des phosphatases alcalines et des
gamma GT est retrouvée dans 38 %des cas.
La leucopénie est habituelle à ce
stade. La biopsie hépatique, si elle est réalisée, retrouve alors une hépatite granulomateuse non spécifique.
Au stade secondaire, dominé cliniquement
par l’asthénie intense, une atteinte hépatique focalisée peut évoluer à bas
bruit.
L’évolution vers une forme tertiaire avec accès hépatique est rare.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence du germe en hémoculture à la
phase primaire, et parfois à la phase secondaire, et sur les examens
sérologiques.
La séroagglutination deWright est la méthode la plus classique
à laquelle viennent s’ajouter actuellement des méthodes plus sensibles et
spécifiques (immunofluorescence indirecte [IFI] et enzyme-linked
immunosorbent assay [ELISA]).
Le traitement fait appel à une biantibiothérapie associant une cycline et la rifampicine pendant 6 semaines,
ou plus dans les formes localisées.
C - Legionella pneumophila
:
Legionella pneumophila est un bacille à Gram négatif à croissance
intracellulaire ; c’est l’agent de la maladie des légionnaires, caractérisée par
une pneumonie lobaire extensive souvent associée à une atteinte
multiviscérale.
L’infection touche préférentiellement des sujets âgés ou
immunodéprimés.
Après une contamination aérienne, il existe une
dissémination hématogène et lymphatique du germe et les antigènes peuvent
être retrouvés dans les reins, la rate, la moelle osseuse et le foie.
Les aspects
histologiques hépatiques sont variés et non spécifiques : inflammation
portale, infiltration sinusoïdale par des polynucléaires neutrophiles, nécroses centrolobulaires, hyperplasie kupfférienne.
Des cas d’abcès hépatiques ou de
granulomes ainsi que des anomalies morphologiques des hépatocytes ont été
décrits.
L’atteinte biologique hépatique est fréquente, mais un ictère franc
est rare de même qu’une hépatomégalie.
Des perturbations des tests
biologiques hépatiques sont observées dans 50 à 60 %des cas.
Une élévation,
en général modérée, de l’ASAT est associée à une élévation des phosphatases
alcalines ; une hypergammaglobulinémie est retrouvée dans 15 %des cas.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence des légionnelles en culture à
partir des hémocultures ou du lavage bronchoalvéolaire, ou par
immunofluorescence directe à partir des sécrétions bronchiques.
En l’absence
de prélèvements bactériologiques, la sérologie permet de confirmer le
diagnostic.
Le traitement repose sur l’utilisation de l’érythromycine par voie
parentérale.
D - Au cours des infections bactériennes digestives
:
Les agents pathogènes bactériens intestinaux peuvent être responsables
d’atteintes hépatiques qui s’observent en général lors d’atteintes digestives
invasives avec bactériémie et atteintes hépatiques hématogènes.
Une hépatite
cytolytique peut être observée au cours des shigelloses ou des infections à
Campylobacter.
Ces variétés d’hépatites s’observent dans un contexte fébrile
et peuvent s’associer dans certains cas à une cholestase biologique et à un
ictère. Les atteintes hépatiques histologiques sont non spécifiques.
L’évolution est favorable sous une antibiothérapie adaptée.
Les salmonelles peuvent être à l’origine d’infection des voies biliaires ou
d’abcès hépatiques, mais aussi, en ce qui concerne les Salmonella typhi ou
paratyphi, d’atteinte du parenchyme hépatique.
Une hépatomégalie est
retrouvée dans 67 % des cas dans la fièvre typhoïde, un ictère et une hyperbilirubinémie dans 17 % des cas.
Une cytolyse est retrouvée dans
environ 50 % des cas.
L’atteinte histologique est fréquente avec le plus
souvent une réaction inflammatoire non spécifique. Dans 20 % des cas, des
lésions granulomateuses sont retrouvées.
Les infections à Yersinia pseudotuberculosis et Yersinia enterocolitica, dans
leur forme septicémique, peuvent aussi s’associer à une atteinte hépatique qui
prend le plus souvent la forme d’un abcès.
Des cas d’hépatites nécrosantes ou
d’hépatites granulomateuses ont aussi été décrits.
Les perturbations
biologiques aspécifiques associent alors une cytolyse modérée, parfois
associée à une cholestase ictérique.
Les infections graves à Yersinia sont
souvent favorisées par une surcharge en fer et peuvent alors révéler une
hémochromatose génétique.
E - Infections à spirochètes
:
1- Syphilis
:
La syphilis secondaire, qui évolue entre le deuxième mois et la quatrième
année de l’infection est caractérisée par des éruptions cutanées, et peut
comporter une atteinte hépatique dans 10 % des cas.
La
symptomatologie clinique, à l’exception d’éruptions cutanées, est pauvre.
Il
peut exister une anorexie, un amaigrissement et parfois un prurit.
Lorsqu’il
existe une atteinte hépatique, on retrouve à l’examen une hépatomégalie
sensible parfois associée à un ictère et à une splénomégalie.
Sur le plan
biologique, la cytolyse est en général modérée, tandis qu’il existe une
augmentation souvent très importante, pouvant atteindre dix fois la normale,
des phosphatases alcalines et des gamma GT.
L’aspect histologique
observé est non spécifique : des zones de nécroses périportales ou
centrolobulaires, associées à un infiltrat inflammatoire portal et périportal sont
les plus décrites.
La présence de granulomes associés à ces lésions a été
rapportée.
La syphilis congénitale peut entraîner une atteinte hépatique en
général peu parlante cliniquement, mais qui pourra évoluer vers une fibrose
portale extensive puis vers une cirrhose.
Au stade tertiaire, l’atteinte hépatique est faite d’une infiltration granulomateuse avec une nécrose centrale.
La biologie hépatique est alors peu
perturbée.
Le foie peut être augmenté de volume et parfois nodulaire.
Les
gommes forment des lésions lacunaires à l’échographie ou à la
tomodensitométrie, et le diagnostic repose alors sur la biopsie.
Le diagnostic de syphilis est essentiellement sérologique. Au stade
secondaire, toutes les réactions sérologiques sont positives au TPHA
(Treponema pallidum haemagglutination assay), au FTA-abs (fluorescent
Treponema antibody absorption test) et au test de Nelson.
Au stade tertiaire,
seul le test de Nelson est fortement positif, les autres tests pouvant être
négatifs.
Le traitement repose sur l’utilisation de la pénicilline G procaïne : 1
MU/j en intramusculaire (IM) pendant 10 jours au stade précoce, ou 15 jours
après 1 an d’évolution, ou sur l’utilisation de la benzathine pénicilline en trois
injections de 2,4MUen IM.
Des traitements prolongés sont proposés au stade
tertiaire de la maladie.
2- Borrélioses (Borrelia burgdorferi)
:
L’atteinte hépatique de la maladie de Lyme est plus fréquemment observée à
la phase initiale de la maladie.
Le mécanisme d’atteinte hépatique est mal
connu et le spirochète (Borrelia burgdorferi) a exceptionnellement été isolé
au niveau hépatique. Une inflammation portale a été décrite, et un cas
d’hépatite granulomateuse a été observé.
L’hépatomégalie est rare. Les
perturbations biologiques portent essentiellement sur une augmentation des ALAT (alanines aminotransférases) et des ASAT dans environ 20 % des
cas.
Ces perturbations biologiques disparaissent en général avec les
manifestations cliniques de la phase primaire.
Le diagnostic est
essentiellement clinique à la phase primaire, avec la mise en évidence de
l’érythème chronique migrant.
La sérologie est fréquemment négative à ce
stade.
Le traitement repose sur l’utilisation d’amoxicilline ou de doxycycline
pendant 10 jours à la phase primaire.
Une atteinte hépatique est fréquemment observée lors d’une autre borréliose,
la fièvre récurrente à tique liée à Borrelia recurrentis.
F - Rickettsioses
:
1- Coxiella burnetii
:
Coxiella burnetii est l’agent responsable de la fièvre Q, qui débute en général
par un tableau infectieux brutal associant une fièvre, des frissons, des
myalgies, une anorexie et des céphalées.
À la phase aiguë, l’infection se
présente soit sous la forme d’une pneumopathie le plus souvent interstitielle,
souvent associée à des perturbations biologiques hépatiques, soit sous la
forme d’une hépatite aiguë fébrile sans atteinte respiratoire.
L’évolution
peut se faire vers une forme chronique dont la principale manifestation est
l’endocardite au cours de laquelle l’atteinte hépatique peut persister et évoluer
vers une fibrose extensive et une cirrhose.
Les perturbations hépatiques
biologiques sont fréquentes avec une cytolyse le plus souvent modérée,
associée à une élévation de la gamma GT et des phosphatases alcalines.
Le syndrome inflammatoire biologique est souvent important lors des atteintes
hépatiques.
L’atteinte histologique est caractérisée par une hépatite granulomateuse avec des granulomes constitués d’un centre clair lipidique,
cerné d’un anneau fibrinoïde avec de rares cellules géantes très évocateur de
la fièvre Q.
Face à des symptômes compatibles, le diagnostic repose sur
la recherche d’arguments épidémiologiques (contact avec des animaux
domestiques : moutons, chèvres, vaches) et sur les recherches sérologiques.
Le traitement repose sur l’utilisation des tétracyclines pendant 3 semaines.
2- Rickettsia conorii
:
La fièvre boutonneuse méditerranéenne est caractérisée par l’apparition d’une
éruption fébrile associée à une atteinte sévère de l’état général survenant 7 à
10 jours après une morsure de tique.
La cytolyse, parfois élevée, est fréquente,
alors que l’élévation des phosphatases alcalines et l’ictère sont plus rares.
L’atteinte histologique correspond à une hépatite granulomateuse.
Une atteinte hépatique similaire est observée au cours de la fièvre pourpre des
Montagnes Rocheuses liée à Rickettsia rickettsii.
G - Bartonella henselae
:
Bartonella henselae est l’agent de la maladie de la griffe du chat.
Récemment,
le rôle de ce germe a été démontré au cours de l’angiomatose et de la péliose
bacillaire observées chez les patients immunodéprimés, plus particulièrement
infectés par le VIH.
L’angiomatose bacillaire correspond à une prolifération
vasculaire au niveau cutané, mais aussi au niveau osseux, ganglionnaire, ou
dans le tissu nerveux.
Cette atteinte cutanée est caractérisée par des lésions
vasculaires pouvant évoquer un sarcome de Kaposi.
Elle est fréquemment
associée à une atteinte parenchymateuse, la péliose bacillaire hépatique ou
splénique.
L’atteinte hépatique est une péliose avec présence de capillaires
dilatés ou de multiples cavités remplies de sang.
Il peut s’y associer un stroma mixoïde contenant des cellules inflammatoires ou des amas de matériel
granuleux contenant des bacilles.
L’atteinte clinique comporte en général une
fièvre, une baisse de l’état général et une hépatosplénomégalie.
La cytolyse
est le plus souvent absente ou minime, mais il existe une augmentation des
phosphatases alcalines de cinq à dix fois la normale.
La tomodensitométrie
retrouve une augmentation de volume du foie qui apparaît congestif et
hétérogène.
Le diagnostic est essentiellement évoqué face à la présentation
clinique et le contexte de l’immunodépression.
L’identification du
germe est difficile, notamment en ce qui concerne la culture à partir du sang
ou de fragments biopsiques.
Des méthodes sérologiques et de biologie
moléculaire sont en cours de développement.
Le diagnostic repose le plus
souvent sur l’examen histologique qui peut mettre en évidence la présence
des bacilles grâce à une coloration à l’argent de Warthin-Starry.
Les lésions
peuvent régresser grâce à un traitement par macrolides ou tétracyclines.
Des
atteintes identiques ont été décrites avec Bartonella quintana.
H - Mycobactéries
:
Les infections à mycobactéries sont une cause fréquente d’hépatites granulomateuses.
Les formes cliniques de ces infections sont multiples et
elles sont fréquemment évoquées chez les patients immunodéprimés, en
particulier au cours de l’infection VIH.
1- Tuberculose
:
L’atteinte hépatique de la tuberculose est plus fréquente lors des formes
miliaires qu’au cours des formes pulmonaires ou des tuberculoses d’organes.
La forme la plus fréquente associe une atteinte de l’état général, un
amaigrissement et une fièvre.
Une hépatomégalie est parfois présente.
Les
examens biologiques retrouvent alors une cholestase anictérique, avec une
augmentation des phosphatases alcalines et de la gamma GT, alors que les
transaminases peuvent être normales.
À l’inverse, en particulier lors des
formes miliaires tuberculeuses, le tableau peut être plus bruyant, avec une
hépatite aiguë sévère ictérique dans un contexte fébrile.
Enfin, chez les
patients immunodéprimés, la tuberculose, et en particulier l’atteinte
hépatique, est à l’origine de 40 à 50 % des fièvres prolongées d’origine
indéterminée.
L’examen histologique est centré par la présence de granulomes épithélioïdes
et gigantocellulaires, dont l’aspect n’est pas spécifique.
La caséification est
observée dans 50 % des cas.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de
bacilles alcoolorésistants sur la biopsie ou sur la culture des bacilles de Koch
(BK) à partir de matériel biopsique, qui permet d’obtenir un antibiogramme.
Le diagnostic est par ailleurs souvent posé sur la coexistence d’une
granulomatose hépatique et d’une atteinte d’une autre localisation évocatrice,
en particulier pulmonaire.
Enfin, l’existence d’une hépatite granulomateuse
isolée, en particulier s’il existe des manifestations générales, peut conduire à
un traitement d’épreuve qui confirme le diagnostic.
Les atteintes plus rares
peuvent être observées avec l’apparition d’une cholangite tuberculeuse ou de
tuberculome.
Le traitement repose sur une tri- ou quadrithérapie
antituberculeuse pendant 12 mois.
L’utilisation des antituberculeux dans ce
contexte de perturbation biologique hépatique rend la surveillance du
traitement difficile et incite à une vigilance particulière.
2- Mycobacterium avium-intracellulare
:
Le tableau d’infection disséminée à Mycobacterium avium-intracellulare a
été décrit chez des patients immunodéprimés, infectés par le VIH.
L’atteinte
hépatique au cours de ces infections a été observée dans plus de 30 %des cas.
Les manifestations cliniques associent le plus souvent fièvre, sueurs
nocturnes, amaigrissement, diarrhées et douleurs abdominales. Une hépatosplénomégalie est retrouvée dans 10 % des cas.
Les perturbations
biologiques sont souvent modérées, avec une augmentation des phosphatases
alcalines dans 53 % des cas.
La biopsie hépatique apporte des arguments
diagnostiques indirects fréquents face à ce tableau, avec la présence de
granulomes.
Le diagnostic repose secondairement sur l’isolement de Mycobacterium avium-intracellulare à partir des hémocultures ou plus
rarement des tissus.
Le traitement associe la clarithromycine, l’éthambutol et
la rifabutine pendant une durée minimale de 12 à 18 mois.
I - Autres agents bactériens
:
1- Syndrome de Fitz-Hugh et Curtis
:
Il s’agit d’une périhépatite survenant le plus souvent chez des femmes et ayant
en général pour point de départ une infection annexielle.
Deux germes
peuvent être en cause : Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae.
Le
tableau clinique est celui d’une cholécystite aiguë.
Le diagnostic est coelioscopique par la mise en évidence d’adhérences entre la capsule de
Glisson et la paroi abdominale.
Le diagnostic bactériologique est fait à partir
de prélèvements péritonéaux et gynécologiques.
2- Infections à Chlamydia et Mycoplasma
:
Au cours des pneumopathies interstitielles à Mycoplasma pneumoniae, une
atteinte biologique hépatique, parfois avec une cytolyse importante, peut être
observée.
L’atteinte histologique n’est pas spécifique, et l’évolution est
favorable lors du traitement de la pneumopathie.
3- Francisella tularensis
:
Ce petit bacille à Gram négatif est à l’origine d’une maladie d’inoculation
dont la contamination en France a essentiellement lieu lors de la manipulation
de lièvre, réservoir principal du germe.
La maladie se présente classiquement
sous la forme d’une ulcération cutanée, associée à une adénopathie satellite
inflammatoire. Dans quelques cas, une dissémination lymphatique, et parfois
sanguine, du germe peut être à l’origine de l’atteinte d’autres organes.
Dans
ces rares cas d’infections disséminées, l’atteinte hépatique est fréquente, les
lésions sont constituées de multiples zones de nécrose, associées à un infiltrat
lymphocytaire important. De rares cas d’hépatites granulomateuses ont été
décrits.