Hémorragie du troisième trimestre de grossesse Cours de
Gynécologie
Quelles sont les causes ?
Ces causes sont multiples ; 50 % ont une origine endoutérine
et l’autre moitié, une origine non gravidique.
Les hémorragies endo-utérines sont dominées par le
placenta prævia et l’hématome rétroplacentaire (HRP).
Elles peuvent mettre en danger rapidement la mère et
l’enfant.
Les hémorragies non gravidiques sont dominées par les
saignements d’origine cervicale.
Elles sont en général
modérées et ne représentent pas un danger immédiat.
Quelle que soit son origine, la survenue d’une hémorragie
au cours du 3e trimestre de la grossesse impose une évaluation
de l’importance de l’hémorragie et de son retentissement
; un examen de la patiente et éventuellement
un bilan paraclinique ; une orientation diagnostique à la
recherche d’une cause.
A - Évaluation de l’importance de l’hémorragie :
L’évaluation de l’importance de l’hémorragie permet de
faire face à une éventuelle situation d’urgence nécessitant
une prise en charge rapide et permet ainsi une première
orientation diagnostique.
• Une hémorragie importante de sang rouge d’apparition
récente et persistante évoque un placenta prævia
surtout si l’existence d’un placenta bas inséré échographique
est déjà connue.
Dans ce cas, il faut :
– quantifier l’hémorragie ;
– rechercher la présence de caillots (absence de trouble
de la coagulation) ;
– rechercher un retentissement maternel (hypotension,
pouls rapide, pâleur cutanéo-muqueuse, sueur), ce qui
nécessite de placer immédiatement une voie veineuse,
perfuser la patiente et réaliser une numération formule
sanguine, un bilan de coagulation, un groupe sanguin
et Rhésus ;
– rechercher un retentissement foetal (enregistrement
du rythme cardiaque foetal) à la recherche d’une souffrance
foetale aiguë nécessitant une extraction foetale
souvent en urgence.
• Une hémorragie de sang noir plus ou moins abondante,
accompagnée de douleur abdominale brutale en
coup de poignard siégeant au niveau de l’utérus, oriente
le diagnostic vers l’hématome rétroplacentaire, surtout si
l’hémorragie survient chez une patiente hypertendue.
• Une hémorragie peu abondante, rosée, survenant
après l’apparition des contractions utérines, mélangée à
des glaires, évoque la perte du bouchon muqueux.
• Une hémorragie de sang noirâtre plus ou moins
abondante, sans contraction utérine, évoque l’évacuation
d’un hématome marginal déjà ancien.
• Une hémorragie peu abondante de sang rouge,
survenue après un rapport, évoque une cause cervicale.
B - Examen de la patiente
:
Après cette première évaluation et en dehors d’une
souffrance foetale aiguë ou de choc hypovolémique chez
la mère, un examen clinique doit aider à réaliser un
diagnostic étiologique.
1- Interrogatoire :
L’interrogatoire détermine le groupe sanguin et Rhésus,
les antécédents personnels de trouble de la coagulation
ou de pathologie cervicale (dysplasie, ectropion…), les
antécédents de saignements au 1er et au 2e trimestre,
précise le terme exact de la grossesse avec la date des
dernières règles, les antécédents obstétricaux, antécédents
de placenta prævia, d’hypertension gravidique, de
décollement placentaire marginal lors des éventuelles
grossesses antérieures, les antécédents personnels ou
familiaux de prééclampsie ou d’éclampsie, de diabète
gestationnel et prégestationnel.
2- Circonstances de survenue du saignement :
Le saignement est-il associé ou en dehors de toute
contraction utérine ?
Survient-il après un traumatisme
direct : accident de la voie publique, agression ?
Est-il
spontané, indolore ?
Est-il associé à des douleurs ?
Si
oui, les décrire : topographie, type, intensité, irradiation.
3- Examen clinique :
• Examen général : la prise de la pression artérielle et
du pouls et la recherche d’une pâleur cutanéo-muqueuse
sont les premiers gestes à faire pour apprécier le
retentissement maternel de l’hémorragie.
• La palpation abdominale et surtout utérine pour
apprécier le tonus utérin : un utérus contracturé avec un
mauvais relâchement entre les contractions réalisant ce
que l’on appelle l’utérus de bois, évoque plutôt un hématome rétroplacentaire ; un utérus bien relâché, associé à
une hémorragie de sang rouge s’aggravant au cours des
contractions, est plutôt en faveur d’un placenta prævia.
• L’examen du col au spéculum doit être systématique.
Il permet d’orienter le diagnostic vers une hémorragie
d’origine endo-utérine (placenta prævia, hématome rétropéritonéal
[HRP], hématome décidual…) ou vers une
hémorragie non gravidique d’origine cervicale (cervicite,
ectropion, polype ou exceptionnellement cancer du col…).
• Le toucher vaginal doit être toujours très prudent et
réalisé de préférence après un contrôle échographique
de la localisation placentaire ; il permet l’évaluation des
conditions cervicales (longueur, ouverture, consistance
et position du col) et doit être évité en cas de placenta prævia.
L’exploration du canal cervical, qui peut aggraver
l’hémorragie par un décollement placentaire supplémentaire,
est contre-indiquée.
• L’échographie, de préférence par voie abdominale,
doit plutôt être pratiquée avant le toucher vaginal.
Elle
permet de poser ou d’écarter le diagnostic de placenta prævia en précisant la localisation placentaire.
Elle
permet quelquefois de faire le diagnostic d’un hématome rétroplacentaire qui n’est pas toujours aisé à l’échographie
et aussi d’éliminer une mort in utero et de réaliser
les mesures des paramètres foetaux afin d’éliminer un
retard de croissance intra-utérin.
• Le rythme cardiaque foetal : l’enregistrement continu
doit permettre d’éliminer une souffrance foetale aiguë.
• Les autres examens : les prélèvements sanguins
(groupe sanguin, Rhésus, recherche des anticorps irréguliers,
numération globulaire, plaquettes, bilan de coagulation,
test de Kleihauer) doivent être réalisés avant de
poser une voie veineuse et de débuter une éventuelle
réanimation en fonction de l’importance de l’hémorragie.
C - Étiologie :
1- Causes cervicales
:
Elles doivent être reconnues à l’examen au spéculum
afin d’éviter une hospitalisation abusive car ces hémorragies
sont souvent bénignes et surviennent souvent
après un examen gynécologique ou un rapport sexuel.
L’hémorragie est très modérée, de sang rouge, d’apparition
spontanée en dehors de toute contraction.
L’examen au spéculum permet de différencier les
polypes cervicaux qu’il faut respecter pendant la grossesse
car leur ablation peut être hémorragique ; un ectropion
qui correspond à une éversion et à l’extériorisation
de la muqueuse endocervicale qui saigne facilement au
contact ; un cancer du col exceptionnellement.
2- Causes endo-utérines :
• Le placenta prævia, c’est-à dire qui s’insère en partie
ou en totalité sur le segment inférieur de l’utérus, survient
dans moins de 1 % des grossesses.
Les facteurs étiologiques sont l’insertion basse du placenta
favorisée par la multiparité ; l’âge maternel avancé ; un
antécédent de fausse couche ; un antécédent de curetage,
d’interruption volontaire de grossesse ; les grossesses
multiples ; un antécédent de césarienne ; le tabac.
L’hémorragie liée au placenta prævia est due au développement
du segment inférieur qui, en augmentant, ouvre
des sinus veineux de la caduque qui vont saigner.
Les pertes sanguines peuvent comporter une certaine part,
en général assez faible, de sang foetal si l’espace intervilleux
décollé a déchiré quelques artérioles d’origine foetale.
Le premier saignement survient entre 28 et 32 semaines
d’aménorrhée.
Il s’agit d’une hémorragie de sang rouge,
indolore, survenant en dehors de toute contraction.
L’utérus est souple.
L’examen au spéculum confirme
l’origine endo-utérine du saignement.
Le toucher vaginal
doit être évité.
L’échographie est l’examen capital pour le diagnostic.
Souvent, le diagnostic de placenta bas inséré est fait lors
d’une échographie antérieure (20 à 22 semaines d’aménorrhée)
en sachant qu’un placenta diagnostiqué en
position prævia au cours d’une échographie du 2e trimestre
de la grossesse ascensionne souvent et peut être
trouvé en position normale au 3e trimestre.
L’échographie doit être réalisée avec une vessie pleine ;
elle permet de déterminer l’insertion exacte du placenta
recouvrant (stade IV), marginal (stade III = affleure
l’orifice interne du col) et placenta prævia latéral qui
reste à distance de l’orifice interne du col (stades I et II).
L’échographie permet aussi de mesurer, dans les cas de
placenta marginal, la distance entre l’orifice interne du col
et le bord inférieur du placenta.
Le risque hémorragique
est assez faible si cette distance est supérieure à 3 cm.
En dehors d’une hémorragie cataclysmique qui nécessite
une extraction foetale en urgence, quand le foetus est un
prématuré, le traitement doit être conservateur chaque
fois que possible :
– hospitalisation et repos strict au lit ;
– surveillance maternelle : pouls, tension artérielle,
numération formule sanguine, bilan d’hémostase,
recherche d’agglutinines irrégulières ;
– pose d’une voie veineuse ;
– tocolytique (bêtamimétiques en dehors d’une anémie) ;
– traitement martial ;
– abstention de tout toucher vaginal ;
– injection de gammaglobulines anti-D en cas de Rhésus
négatif ;
– surveillance foetale : hauteur utérine, rythme cardiaque
foetal 2 ou 3 fois par jour, biométries foetales, score de
Manning ;
– test de Kleihauer (recherche d’une hémorragie foetale) ;
– maturation pulmonaire si le terme est inférieur à
34 semaines : 12 mg de bétaméthasone en intramusculaire,
2 injections à 24 h d’intervalle, à répéter toutes
les semaines, 4 cures au maximum.
Ces mesures permettent le plus souvent d’attendre
37 semaines d’aménorrhée, terme auquel la grossesse
peut être interrompue le plus souvent par césarienne.
Quelquefois, la césarienne peut être imposée avant ce
terme devant toute hémorragie grave persistante ou
devant une hémorragie foetale (test de Kleihauer positif)
ou devant toute souffrance foetale aiguë.
Dans les stades
I et II, l’accouchement peut se faire par voie naturelle en
dehors de toute hémorragie.
Pronostic : la mortalité maternelle est quasi nulle ;
risque infectieux (endométrite) et thrombo-embolique.
La mortalité foetale est de 5 à 10 % en rapport avec : la
prématurité ; l’anémie foetale ; l’hypotrophie.
• L’hématome rétroplacentaire est un décollement
prématuré d’un placenta normalement inséré.
Il résulte d’une désinsertion accidentelle de tout ou
d’une partie du placenta avant l’accouchement avec
formation d’un hématome plus ou moins volumineux.
Ce décollement va entraîner la constitution d’une
hémorragie qui ne s’extériorise pas le plus souvent,
s’épanchant entre placenta et utérus.
Cette zone de décollement empêche les échanges vasculaires
entre la mère et le foetus et est responsable de la
souffrance et du décès foetal.
Ce caillot est responsable du passage dans la circulation
maternelle de thromboplastines déciduales et de facteurs
de coagulation activés qui sont responsables de la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).
L’hématome rétroplacentaire doit être distingué de
l’hématome décidual marginal qui correspond à la déchirure
d’une veine utéro-placentaire marginale créant un
hématome qui décolle le bord latéral du placenta.
L’hématome rétroplacentaire complique moins de 1%
des grossesses, 0,25 à 0,5 % selon les séries.
Dans près
de la moitié des cas, il survient chez des patientes ayant
une hypertension artérielle ou une prééclampsie qui est
à l’origine d’un infarctus placentaire localisé avec saignement
en regard de celui-ci.
Un traumatisme ou un choc abdominal peut être aussi à
l’origine d’un hématome rétroplacentaire.
D’autres facteurs
favorisants ont été décrits (tabac, multiparité,
consommation de cocaïne).
Dans 30 % des cas, aucune cause déclenchante n’est
retrouvée.
Le diagnostic d’un hématome rétroplacentaire est avant
tout clinique.
Il s’agit d’une douleur abdominale brutale
en coup de poignard siégeant au niveau de l’utérus et
irradiant en arrière.
La douleur est permanente.
Elle s’accompagne de sang
noir peu abondant.
Les autres signes sont inconstants mais évocateurs :
nausées, vomissements, signes de prééclampsie.
Parfois, un état de choc plus ou moins marqué est noté.
Quelquefois, l’hématome rétroplacentaire est minime et
se traduit par des signes de souffrance foetale ou une
menace d’accouchement prématuré chez une patiente
présentant une prééclampsie.
À l’examen obstétrical, il peut y avoir du sang noir
venant de la cavité utérine incoagulable, une hauteur
utérine augmentée, un utérus hypercontractile (contraction
utérine sans relâchement) : utérus de « bois ».
L’échographie confirme le diagnostic, participe au bilan,
recherche la vitalité foetale.
Elle permet aussi de faire le
diagnostic différentiel d’avec le placenta prævia.
L’image caractéristique d’hématome est une zone linéaire
bien limitée, vide d’écho.
Ce diagnostic n’est pas toujours facile et l’absence
d’image évocatrice n’exclut pas le diagnostic, d’où l’importance
de la clinique et du contexte.
Évolution, traitement, pronostic : l’hématome rétroplacentaire
constitue une urgence.
Le traitement doit
être rapidement mis en route après évaluation du
retentissement foetal et maternel.
Le retentissement foetal est évalué par le monitorage du
rythme cardiaque foetal ; le plus souvent, la mort foetale
s’est déjà produite et on ne retrouve pas de bruit du coeur
foetal ; dans certains cas, le rythme cardiaque foetal
montre des signes de souffrance, représentés par un
tracé non réactif, aplati avec surtout apparition de
décélération du rythme cardiaque foetal et une hypercontractilité
utérine, soit une hypertonie sans relâchement
entre les contractions, soit une hypercinésie de fréquence
et (ou) d’intensité.
Globalement, la mortalité périnatale dans l’hématome
rétroplacentaire est entre 30 et 50 %.
Le retentissement maternel est apprécié par la recherche
d’un état de choc par la surveillance de la pression artérielle,
du pouls, de la diurèse ; recherche de protéinurie ;
numération, formule sanguine, plaquettes ; taux de prothrombine
; temps de céphaline activé ; fibrinogène ;
groupe sanguin, Rhésus ; recherche d’agglutinines
irrégulières ; acide urique.
Le risque maternel est lié à l’importance de l’hématome
d’une part et à l’apparition des troubles de la coagulation
à type de coagulation intravasculaire disséminée d’autre
part.
La mortalité maternelle est estimée entre 1 et 3%.
La prise en charge impose une réanimation avec remplissage
vasculaire de macromolécules et de transfusions;
la correction des troubles de la coagulation sanguine ;
l’évacuation de l’utérus :
– si l’enfant est vivant avec signe de souffrance, une
césarienne doit être pratiquée ;
– si l’hématome rétroplacentaire a entraîné la mort du
foetus, il faut s’efforcer d’obtenir l’accouchement par
les voies naturelles.
Après l’accouchement par voie basse ou par césarienne,
la réanimation maternelle doit être poursuivie jusqu’à la
normalisation des troubles de la coagulation et de la
fonction rénale.
Lors d’une grossesse ultérieure, une surveillance intensive
s’impose en raison du risque de récidive de l’hématome rétroplacentaire.
Ce risque est diminué avec l’utilisation
de l’aspirine à la dose de 100 mg/j à partir de
12 semaines d’aménorrhée.
Autres causes d’hémorragie :
A - Rupture utérine :
La rupture de l’utérus en dehors du travail est un accident
exceptionnel.
La clinique est dominée par des douleurs
utérines vives, un état de choc.
Le saignement
extériorisé est inconstant en général et souvent minime.
La palpation de l’abdomen met en évidence une défense
et l’on peut, dans certains cas, palper le foetus directement
sous la paroi abdominale.
La rupture utérine survient le plus souvent sur un utérus
cicatriciel (antécédent de myomectomie, de césarienne
ou d’hystéroplastie) et, plus exceptionnellement, lors
d’un traumatisme soit direct, soit indirect et la rupture
siège alors sur la face postérieure de l’utérus.
Le foetus meurt habituellement lors de la rupture
utérine et le traitement est la laparotomie afin d’assurer
l’hémostase.
La rupture d’une cicatrice de césarienne lors d’un
essai d’accouchement par voie basse chez une femme
antérieurement césarisée est moins exceptionnelle.
Elle
se traduit classiquement par une douleur, un saignement
de sang rouge, une modification de la dynamique
utérine et une souffrance foetale.
La symptomatologie
est rarement complète et c’est souvent sur des signes
incomplets que le diagnostic doit être évoqué.
B - Hémorragie de Benkiser :
C’est une hémorragie foetale par rupture d’un ou plusieurs
vaisseaux ombilicaux insérés sur les membranes.
Elle
survient lors de la rupture spontanée ou artificielle de la
poche des eaux.
Elle complique 1 grossesse sur 3 000 à
5 000. Le risque foetal est majeur avec une mortalité de
50 à 100 %.
Cette hémorragie se manifeste par un
saignement indolore lors de la rupture des membranes, sans modification de l’état maternel mais avec une
souffrance foetale immédiate.
Elle doit être distinguée de
la rupture d’un sinus marginal, rupture survenant sur
un placenta bas inséré et, dans ce cas, le saignement
est d’origine maternelle et ne s’accompagne pas de
souffrance foetale.
C - Hématome décidual marginal
(rupture du sinus marginal) :
Le saignement est rarement abondant et rouge, plus
souvent noirâtre, peu abondant, signant l’évacuation
secondaire de ce décollement partiel du placenta.
Le diagnostic se fait à l’échographie, recherchant une
collection sanguine et un décollement très partiel
du placenta, plus souvent au niveau du pôle inférieur.
L’hématome est de bon pronostic, sans retentissement
maternel, ni foetal notable, étant donné que la zone de
décollement est vraiment minime : il nécessite parfois
l’hospitalisation lorsque le saignement est en cours et
une tocolyse qui permettra de le minimiser.
Parfois, il
entraîne une anémie chez la mère, si le saignement est
persistant.
D - Causes cervicales
:
Ces causes sont constituées par : un polype, un ectropion,
un cancer du col.