Hémorragies du 1er trimestre de la grossesse Cours de
Gynécologie
La conduite à tenir devant des métrorragies du 1er trimestre
de la grossesse impose une rigueur permettant d’aboutir
rapidement à un diagnostic en évitant les complications
graves de la grossesse extra-utérine méconnue.
Trois questions
se posent : les saignements sont-ils en rapport avec
une grossesse ? si oui, la grossesse est-elle intra-utérine ?
et est-elle évolutive ?
L’existence d’un processus gravidique sera évoquée sur
plusieurs éléments : régularité des cycles menstruels, date
de l’aménorrhée, type de contraception, aspect des dernières
règles.
Les signes « sympathiques » de grossesse
(tension mammaire, mictions fréquentes, nausées) sont
également évocateurs.
L’examen au spéculum est indispensable et permet d’affirmer
que les saignements sont d’origine utérine.
Le toucher
vaginal apprécie l’état du col (longueur, perméabilité),
précise le volume utérin, et explore les culs-de-sac vaginaux
à la recherche d’une masse annexielle latéro-utérine
douloureuse évocatrice d’une grossesse extra-utérine.
Lorsque le doute subsiste, un dosage de b-hCG est nécessaire.
Sa positivité affirme l’existence d’un processus gravidique sans préjuger de sa localisation.
L’échographie,
véritable prolongement de l’examen clinique, permet de
recueillir de nombreuses informations quant à la localisation
et à l’évolutivité de cette grossesse.
Métrorragies du 1er trimestre
sans rapport direct avec la grossesse
:
Une hématurie ou un saignement d’origine vaginale seront
rapidement exclus par l’interrogatoire et par l’examen au
spéculum.
Celui-ci permet également de diagnostiquer certains
polypes muqueux ou friables.
Un ectropion (éversion
de la muqueuse endocervicale), souvent présent pendant la grossesse, peut
saigner spontanément ou après une surinfection ou un rapport.
L’association cancer du col et grossesse, si elle est rare, n’est
pas exceptionnelle.
En cas de métrorragies postcoïtales, un frottis cervical est
souhaitable.
Grossesse extra-utérine (GEU) :
On appelle grossesse extra-utérine, une grossesse implantée
en dehors de l’endomètre.
Sa fréquence moyenne est
de l’ordre de 1 %.
L’absence de diagnostic conduit habituellement
à des ruptures avec hémopéritoine pouvant
conduire au décès maternel.
Dans le cas contraire, une prise
en charge précoce permet un traitement conservateur, médical
ou chirurgical.
Lorsqu’une femme en période d’activité
génitale présente des métrorragies et des douleurs pelviennes,
le diagnostic de grossesse extra-utérine doit être
évoqué de principe.
L’aphorisme de Mondor reste d’actualité
: « Pensez-y, pensez-y toujours, quand on y pense
toujours, on y pense pas encore assez. »
L’interrogatoire permet de sélectionner une population à
risque : notion d’infertilité ou de stérilité traitée ou non, antécédents
de plastie tubaire, de salpingite ou d’endométriose,
contraception par stérilet ou microprogestatifs.
L’existence
d’une grossesse extra-utérine dans les antécédents est un facteur
de risque majeur.
L’interrogatoire précise également la
durée de l’aménorrhée et l’aspect des dernières menstruations
ainsi que celui des métrorragies.
Des saignements brun
sépia, peu abondants sont particulièrement évocateurs d’un
processus extra-utérin.
La clinique est trompeuse et variable,
aucun signe n’étant pathognomonique.
1- Forme classique :
La plus rare actuellement, elle est souvent diagnostiquée
dans un service de chirurgie ; la patiente arrive dans un état de choc hypovolémique lié à une rupture tubaire avec un
hémopéritoine important.
Les signes généraux prédominent
(hypotension, pâleur, dyspnée, tachycardie).
La
patiente décrit des douleurs abdominales intenses, souvent
associées à une irradiation scapulaire liée à l’irritation péritonéale.
Le toucher vaginal, lorsqu’il est possible, retrouve
le classique « cri du Douglas » et bien souvent aucune
masse latéro-utérine n’est palpée.
Dans ce contexte, les facteurs de risque décrits précédemment
et le tableau clinique orientent le diagnostic sans
l’aide d’examens complémentaires.
Le dosage de b-hCG
confirmera le diagnostic de grossesse et l’échographie,
inutile devant une défense abdominale, montrerait une
inondation péritonéale.
Un traitement chirurgical en
urgence s’impose.
2- Forme gynécologique :
C’est la forme la plus fréquemment rencontrée en pratique
courante.
Il s’agit habituellement d’une femme consultant
pour un retard de règles d’une durée variable voire une
absence d’aménorrhée avec des menstruations d’aspect anormal.
Il s’associe à ces troubles des règles, des douleurs modérées
et des métrorragies brunâtres de faible abondance.
• L’examen au spéculum confirme l’origine endo-utérine
des saignements.
Le toucher montre un utérus souvent de
taille normale, indolore à la mobilisation.
L’examen annexiel peut retrouver une masse latéro-utérine dans 50%
des cas, cette masse pouvant correspondre à un corps jaune
kystique.
Dans ce contexte atypique, et avant d’entreprendre
des examens complémentaires, la recherche
d’autres petits signes évocateurs oriente le diagnostic : lipothymies,
vertiges, pertes de connaissances fugaces.
• Le diagnostic biologique de grossesse est positif 9 jours
après la fécondation sans toutefois préjuger du site d’implantation.
Le temps de doublement de l’hCG est d’environ
48 h.
Certains ont utilisé cet argument pour suspecter
une grossesse extra-utérine lorsque le taux d’hCG n’augmentait
pas régulièrement.
Malheureusement, cette
méthode est largement prise en défaut (30 % d’échecs).
Devant une suspicion de grossesse extra-utérine, une élévation
anormale de l’hCG ne fera qu’accroître la présomption
diagnostique.
D’autres ont proposé d’associer le
dosage d’hCG à celui de la progestérone.
En effet, seules
2 % des grossesses extra-utérines ont une progestéronémie
supérieure à 20 ng/mL.
• Toutefois, le diagnostic de grossesse extra-utérine ne
peut être porté uniquement par un dosage anormal de b-hCG et l’échographie pelvienne prend toute son importance.
Le seul signe direct est l’existence d’un sac gestationnel
extra-utérin avec un embryon ayant parfois une activité
cardiaque visible.
Malheureusement, ce signe est
présent dans moins de 10 % des grossesses extra-utérines.
En revanche, il existe de nombreux signes indirects :
– l’absence de sac ovulaire intra-utérin : celui-ci doit être
visualisé par voie endovaginale lorsque le taux d’hCG est
supérieur à 1 000 voire 750 U/L.
La vacuité utérine aurait
une sensibilité proche de 100 % avec une spécificité de
98%;
– une masse latéro-utérine évoquant un hématosalpinx doit
être différenciée des images ovariennes normales.
Son
absence n’élimine nullement le diagnostic de grossesse
extra-utérine ;
– un épanchement du cul-de-sac de Douglas, de volume
variable, traduit un hémopéritoine lié soit à une grossesse
extra-utérine en voie de rupture, soit parfois à l'existence
d’une hématocèle.
Une échographie normale ne doit pas faire rejeter le diagnostic
de grossesse extra-utérine.
Cela se produit généralement
lorsque l’examen est réalisé trop précocement.
Devant une suspicion de grossesse extra-utérine, cet examen
couplé au dosage d’hCG doit être réitéré après 48 h.
C’est l’évolution des données cliniques, biologiques et
échographiques qui permet de distinguer une grossesse
extra-utérine d’une grossesse intra-utérine non évolutive.
Selon le contexte, un traitement conservateur médical ou
chirurgical voire un traitement radical sera envisagé (voir
« Pour en savoir plus »).
Avortements
ou menaces d’avortement
:
Deux situations cliniques peuvent se présenter.
1- Jeune femme avec un retard de règles connu :
Elle consulte pour des métrorragies de sang rouge relativement
abondantes.
Elle se plaint de douleurs à type de
colique expulsive siégeant dans l’hypogastre.
L’examen au
spéculum constate l’abondance des saignements d’origine endo-utérine et note parfois la présence de débris ovulaires
dans l’endocol.
Le toucher vaginal est souvent évocateur
avec un utérus augmenté de taille et un col perméable à un
doigt.
Dans ce contexte, le diagnostic de fausse couche en
cours est rapidement posé et un curetage évacuateur et
hémostatique permet d’arrêter les saignements.
2- Patiente présentant quelques saignements
de faible abondance :
Dans 20 % des grossesses, le retard de règles peut être
méconnu et seul un dosage d’hCG permet d’affirmer la
grossesse.
L’examen clinique est souvent normal, l’utérus
étant de taille conforme à l’aménorrhée.
L’examen annexiel
ne retrouve pas toujours de masse latéro-utérine.
Si celleci
existe, il peut s’agir d’un corps jaune.
Dans cette situation,
l’échographie joue un rôle déterminant puisqu’elle
permet de confirmer la localisation intra-utérine de la grossesse
et surtout de préciser si cette grossesse est évolutive.
La taille de l’embryon ainsi que l’activité cardiaque seront
notées.
Parfois, il existe un décollement ovulaire qui ne
préjuge en rien de l’évolution de la grossesse.
Ailleurs, dans
les cas défavorables, l’échographie montre un sac intrautérin
hypotonique avec un embryon sans activité cardiaque
ou un oeuf clair (absence de structure embryonnaire).
3- Diagnostic difficile dans certaines situations :
Soit l’oeuf est de trop petite taille, soit il n’existe aucune
image évocatrice d’un processus gravidique intra- ou extrautérin.
Ces situations nécessitent un contrôle biologique et
échographique après 48 h.
La croissance normale du taux
d’hCG ou l’apparition d’un sac intra-utérin signent l’évolutivité
de la grossesse.
Parmi les femmes qui
vont saigner au 1er trimestre en dehors des grossesses extrautérines
(24 %), la moitié évolueront vers une fausse couche.
Cette évolution peut être envisagée lorsque les
signes sympathiques de grossesse disparaissent ou lorsque
les saignements deviennent plus abondants.
Pour les femmes présentant une menace d’avortement,
aucun traitement n’a réellement fait preuve de son efficacité
et, habituellement, le repos est le plus utilisé.
Lorsqu’une
image de grossesse intra-utérine est visible à l’échographie,
le suivi biologique n’a plus aucun intérêt.
Seules
les échographies pratiquées une à deux semaines plus tard
permettront de juger de l’évolution normale de la grossesse
(présence et taille embryonnaires, activité cardiaque).
Maladies trophoblastiques
gestationnelles :
Elles sont principalement représentées par la môle complète
ou môle hydatiforme dont la fréquence est d’environ
1 pour 1 000 en France.
Sa caractéristique est de ne comporter
que des chromosomes d’origine paternelle.
Cliniquement, elle se caractérise par des métrorragies
d’abondance variable mais surtout par l’existence d’un utérus
mou et trop gros comparé à l’aménorrhée.
L’examen annexiel peut retrouver de gros ovaires polykystiques liés
à l’hypersécrétion d’hCG.
Les signes sympathiques de
grossesse sont souvent exacerbés avec des vomissements
importants.
Dans certains cas, il existe des signes d’hyperthyroïdie.
Rarement, le diagnostic est posé lors de l’expulsion
de vésicules môlaires mais habituellement l’échographie
fait le diagnostic.
Les images endo-utérines
évoquent « une tempête de neige » ou « un nid d’abeilles ».
Il n’existe jamais de structure foetale dans les môles complètes.
Ces images traduisent l’aspect vésiculaire, hydropique,
des villosités choriales et dans près de 50 % des cas,
on retrouve des kystes lutéiniques ovariens.
Le dosage de b-hCG est nécessaire pour le suivi thérapeutique.
Il montre généralement des taux très élevés
(> 100 000 UI/L).
Dans ce contexte, une évacuation endo-utérine est nécessaire
(aspiration plutôt que curetage) sous contrôle échographique.
Seul l’examen histologique permet d’affirmer
le diagnostic de môle complète.
Dans certains cas, l’histologie
diagnostiquera un choriocarcinome ou une môle partielle,
cette dernière étant à l’origine de 10 à 20 % des avortements sous la forme de syndrome triploïde.
Après évacuation, le suivi de ces patientes est fondamental.
Cette surveillance s’appuie sur l’étude de la décroissance
de l’hCG.
En fonction de l’évolution, un traitement
par chimiothérapie peut être nécessaire (môle invasive ou
maladie trophoblastique persistante).