Hémoptysie massive

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Introduction :

L’hémoptysie massive, heureusement peu fréquente, a toujours été une cause de décès particulièrement marquante. L’aphorisme d’Hippocrate, « le crachat de pus fait suite au crachat de sang, la consomption suit les crachats et la mort survient », est resté valable jusqu’au début de ce dernier siècle où la tuberculose était la cause principale des hémoptysies. De nos jours et en Europe, le cancer et les pathologies inflammatoires chroniques des bronches représentent les premières causes d’hémoptysies.

Hémoptysie massiveElles sont le plus souvent de faible abondance et permettent alors le diagnostic et la prise en charge de la pathologie broncho-pulmonaire à un stade souvent précoce. L’hémoptysie massive vient parfois clore l’évolution des cancers broncho-pulmonaires arrivés au stade terminal et n’a alors pas sa place, malheureusement, dans ce chapitre en dehors du traitement symptomatique et étiologique. En dehors de cette situation, l’hémoptysie abondante doit conduire à une hospitalisation en urgence et doit toujours être considérée comme menaçante pour le pronostic vital. En effet, l’arrêt spontané d’une hémoptysie de moyenne abondance peut être le prologue d’une hémoptysie cataclysmique foudroyante.

L’hémoptysie massive entraîne le décès des patients dans plus de 50 % des cas. Sa prise en charge symptomatique et étiologique est au mieux réalisée dans une structure de soins intensifs et fait appel à une équipe multidisciplinaire associant réanimateurs, pneumologues, radiologues interventionnels et chirurgiens. La chirurgie, quand elle est possible et donc pour des lésions localisées, reste le seul traitement curatif de la plupart des lésions à l’origine du saignement. Ses indications sont codifiées. Le moment de sa réalisation en particulier vis-à-vis de la radiologie interventionnelle et des possibilités d’embolisation des artères bronchiques doit être précisé.

Définition :

L’hémoptysie est dite grave lorsqu’elle menace à court terme la vie du patient. Le risque vital est d’abord lié à l’asphyxie par inondation trachéo-bronchique avant l’hypovolémie.

La gravité peut être quantitative liée à l’importance du saignement ou qualitative en raison d’un déficit fonctionnel respiratoire préexistant du patient. Le qualificatif « massive » ne prend en compte que la quantité de sang émis et sa définition est variable selon les auteurs : de 200 ml à plus d’un litre sur 24 à 48 heures ou plus de 400 ml émis sur 24 heures ou encore l’émission de 500 à 600 ml rejetée en une fois. Pour certains, c’est la nécessité de transfusion sanguine qui permet de classer ces patients dans le cadre des hémoptysies massives. Le terme cataclysmique est consacré à l’hémoptysie abondante et foudroyante

Historique :

Après Eloesser rapportant en 1938 l’échec de la ligature en masse du pédicule pulmonaire, puis Pitkin décrivant en 1941 la première pneumonectomie pour hémoptysie, la chirurgie a trouvé sa place à la fin des années 1960, la résection pulmonaire en urgence permettant alors de diminuer le taux de mortalité de 40 à 15 % pour certains patients sélectionnés. C’est surtout depuis 1973, date à laquelle Rémy et coll. publiait les premiers cas d’embolisation artérielle bronchique pour hémoptysie, que la chirurgie a connu quelques controverses et qu’elle a dû redéfinir sa place dans la chronologie de la prise en charge mais aussi en fonction du mécanisme à l’origine du saignement.

Physiopathologie :

La vascularisation bronchique et pulmonaire est apportée par deux systèmes aux caractères anatomiques et physiologiques différents :

La vascularisation bronchique proximale :

La vascularisation bronchique proximale est systémique, par des artères provenant de l’aorte thoracique, vaisseaux de petit calibre, à haute pression, à paroi épaisse bien pourvue en fibres musculaires lisses et donc contractiles.

L’hypervascularisation systémique bronchique est à l’origine de 90 % des hémoptysies. Cette hypervascularisation est induite par des phénomènes locaux d’inflammation chronique ou par un déficit du réseau artériel fonctionnel pulmonaire. Ce déficit peut être d’origine congénitale ou acquise. Cette hypothèse a été confirmée expérimentalement par ligature des artères pulmonaires et est couramment retrouvée dans la maladie thromboembolique pulmonaire chronique ou dans les cardiopathies congénitales avec hypo perfusion pulmonaire. Une néovascularisation systémique extrabronchique, pariétale peut être également induite par un phénomène d’inflammation chronique de la plèvre au contact de lésions intra-parenchymateuses avec hypervascularisation périphérique ayant pour origine les artères intercostales ou mammaires internes. Une effraction ou une érosion de ce réseau hypervasculaire provoque l’extravasation sanguine dans l’arbre aérien.

Une vasoconstriction du réseau artériel systémique bronchique et extrabronchique peut-être obtenue par méthode pharmacologique (glypressine intraveineuse ou intrabronchique, adrénaline par voie aérosol) ou physique (lavage endobronchique sous endoscopie au sérum glacé). L’obstruction endoluminale du réseau vasculaire bronchique exubérant par l’embolisation écarte à court et moyen terme le risque de saignement mais il ne supprime pas définitivement le risque de récidive à long terme. En effet, l’embolisation ne traite que l’extravasation sanguine, mais ne supprime pas le foyer inducteur de l’angiogénèse. La récidive à long terme provient d’une néorégénération vasculaire systémique induite par la lésion pulmonaire laissée en place. Ainsi, après tarissement du saignement par embolisation artérielle bronchique et/ou pariétale, un bilan anatomique et fonctionnel doit être effectué pour évaluer l’intérêt et la possibilité d’un traitement chirurgical. Ce dernier ne se justifie qu’en présence d’une lésion localisée.

La vascularisation artérielle pulmonaire :

La vascularisation artérielle pulmonaire est apportée par des vaisseaux de gros calibre, à basse pression et à paroi très fine pauvre en fibres musculaires lisses contractiles. Les saignements provenant du réseau artériel pulmonaire naissent d’une érosion vasculaire pulmonaire soit par un processus de nécrose du parenchyme pulmonaire (nécrose tumorale parfois chimio ou radio induite ou plus rarement pneumonie nécrosante) soit par érosion vasculaire causée par un corps étranger (broncholithiase) ou prothèse endobronchique ayant migré au travers de la paroi bronchique). Il peut s’agir enfin d’une blessure ou d’une rupture à l’occasion d’un traumatisme grave.

Contrairement au réseau systémique bronchique, les moyens non-chirurgicaux pour contrôler un saignement provenant du réseau artériel pulmonaire sont peu efficaces. La couche musculaire est pauvrement représentée dans la paroi des artères pulmonaires par rapport aux artères bronchiques.

Une vasoconstriction physique ou pharmacologique est difficilement réalisable. Le saignement provenant d’une ulcération de paroi vasculaire pulmonaire ne peut spontanément se tarir par vasoconstriction. À ce niveau, l’interruption transitoire du saignement est due à une coagulation endocavitaire réalisant un « effet bouchon » au niveau de la paroi vasculaire. La reprise hémorragique sous forme cataclysmique survient dans un deuxième temps après lyse du caillot. Ce mécanisme a été décrit autrefois pour la tuberculose sous le terme d’anévrysme de Rasmussen. Les techniques d’occlusions endovasculaires par embolisation ne sont pas efficaces lorsque les saignements viennent de gros troncs vasculaires proximaux, ce qui est souvent le cas. Les prothèses occlusives peuvent être utilisées pour traiter les anévrismes aortiques responsables de fistules aortobronchiques.

Étiologies :

Un grand nombre de pathologies des systèmes respiratoires et cardiovasculaires et des autres systèmes peuvent entraîner une hémoptysie.

Pathologies respiratoires :

Cancers broncho-pulmonaires, pathologies inflammatoires (tuberculose, infections fongiques en particulier aspergillaires), mucoviscidose, pneumonies nécrosantes et abcès pulmonaires, traumatismes ouverts ou fermés du thorax, accidents iatrogènes, embolie pulmonaire (cause rare mais possible sous traitement fibrinolytique et anti-coagulant).

Pathologies cardio-vasculaires :

Les pathologies congénitales ou valvulaires acquises peuvent être la cause d’hémoptysies. Des hémoptysies massives ont été rapportées chez des patients porteurs de tétralogie de Fallot, de fistules artério-veineuses pulmonaires et d’anévrismes des vaisseaux pulmonaires ou bronchiques.

Diagnostic de l’hémoptysie :

Le diagnostic d’hémoptysie massive est évident. La plupart des hémoptysies massives sont d’origine broncho-pulmonaire et relèvent d’une stratégie diagnostique et thérapeutique coordonnée et adaptée pour laquelle l’étude des éléments cliniques, des informations disponibles concernant les antécédents du patient, de l’imagerie et des constatations endoscopiques est particulièrement précieuse. Ces patients associent bien souvent une pathologie cardiovasculaire traitée par anti-aggrégants ou anticoagulants.

Plus rarement, des investigations cardiovasculaires ou biologiques de la crase sanguine seront nécessaires au diagnostic étiologique en l’absence de cause respiratoire.

Prise en charge :

Elle comporte deux volets : la prise en charge initiale puis la localisation du saignement et son origine qui conditionnent son traitement.

La prise en charge initiale :

Il s’agit d’une urgence pour laquelle une prise en charge réglée ou protocolisée est capitale pour conduire les patients à l’étape suivante. Il s’agit d’assurer la vacuité de l’arbre respiratoire afin d’éviter l’asphyxie en prenant parallèlement les mesures pour restaurer ou conserver l’équilibre hémodynamique.

– Repos au lit en décubitus latéral du côté du saignement pour éviter l’inondation du côté sain.

– Aspiration buccale et éventuellement trachéobronchique.

– Oxygénothérapie, contrôle continu de la saturation en O2 et de la tension artérielle, aérosol adrénaliné.

– Prise d’une voie veineuse de gros calibre, perfusion intraveineuse de vasopressine (20 unités en 15 minutes puis 0,2 unité par minute pour 36 heures ou jusqu’au traitement effectif du saignement).

– Prise d’une voie artérielle pour mesure répétée des gaz du sang et de la tension artérielle en continu.

– Éventuellement sédation avec une petite dose de morphine qui évite les quintes de toux excessives tout en permettant une toilette bronchique efficace.

– Antibiothérapie à large spectre, adaptée si besoin aux résultats des prélèvements endobronchiques.

Ces mesures permettent le plus souvent le contrôle initial de l’hémoptysie et d’envisager la deuxième phase d’une manière active, sans relâcher la surveillance. En effet, une hémoptysie, quelle que soit son importance initiale, peut être le prologue d’un saignement cataclysmique.

Dans certains cas, ce protocole est insuffisant pour maîtriser une hémorragie aigue ou répétée. Il faut recourir alors aux moyens suivants appliqués en fonction de l’importance du saignement, de l’état du patient et des éléments de l’anamnèse :

– bronchoscopie souple, éventuellement après intubation avec une sonde de gros calibre, et lavage au sérum froid (4°C) ou application locale d’adrénaline ou de glypressine (saignement après biopsie de tumeurs hypervascularisées).

– Photo coagulation laser (NdYAG) ou thermocoagulation haute fréquence si le saignement provient de lésions proximales bourgeonnantes et/ou tumorales, geste visant à réaliser une coagulation de surface.

– Le blocage d’une partie de l’arbre bronchique par positionnement, sous bronchoscopie rigide, d’une sonde à ballonnet (type Fogarty).

– Exclusion pulmonaire droite ou gauche par une des différentes sondes d’intubation sélective utilisées pour l’anesthésie en chirurgie thoracique. Ce geste spécialisé permet le contrôle immédiat des situations les plus graves.

– Ventilation avec une PEP (Pression Expiratoire Positive) > 10 en cas de saignement diffus d’origine pulmonaire susceptible de diminuer l’hémoptysie par le jeu des pressions.

La localisation du saignement :

La radiographie ne permet de localiser la source du saignement que dans 50 % des cas. La fibroscopie a été considérée longtemps comme la méthode de choix qui autorise dans le même temps d’initier un traitement local. Toutefois, dans le cadre des hémoptysies massives, l’inondation bronchique masque volontiers l’origine du saignement. Le rôle du scanner est essentiel. Il permet de reconnaître des causes méconnues par la radiographie, bronchectasies, tumeurs, aspergillome. Il permet de localiser le site du saignement dans 60 à 100 % des cas. Scanner et fibroscopie sont d’autant plus complémentaires que le scanner est réalisé en premier et guide le fibroscopiste.

Le mécanisme du saignement :

Plus que la nature de la lésion broncho-pulmonaire à l’origine du saignement, c’est le type de lésion vasculaire qu’il est capital de connaître : le saignement a-t-il une origine systémique ou pulmonaire ?

Les notions d’antécédents respiratoires et les résultats des bilans déjà réalisés sont d’une aide précieuse quand on peut les obtenir. Une hémoptysie survenant au décours d’une aplasie pour traitement d’une hémopathie avec suspicion d’infection aspergillaire invasive suggère fortement une érosion artérielle pulmonaire. La succession sur les clichés thoraciques d’une image cavitaire se transformant en image pleine doit faire penser à un anévrisme de Rasmussen développé dans une cavité. L’examen tomodensitométrique thoracique est essentiel pour déterminer le mécanisme du saignement. Les artères bronchiques dilatées sont visibles en scanner multicoupe et attestent d’un saignement d’origine artérielle bronchique. De plus, la possibilité d’identifier l’origine précise des troncs dilatés en position normale ou ectopique en fait un préalable indispensable à l’artériographie bronchique qui est simplifiée. Les hypervascularisations d’origine pariétales sont identifiées par la présence d’un épaississement pleural et des sections vasculaires visibles dans la graisse sous-pleurale.

À l’inverse, la position centrale d’une cavité ou d’une lésion au contact des gros troncs pulmonaires suggère une origine artérielle pulmonaire. L’artériographie bronchique montre les anomalies des artères bronchiques et systémiques non bronchiques : hypertrophie, shunt systémo-pulmonaires, hypervascularisation, mais rarement l’extravasation du produit de contraste qui seule atteste d’un saignement actif. L’absence d’hypervascularisation systémique bronchique ou extra-bronchique lors de l’artériographie doit faire réaliser une angiographie pulmonaire.

Le traitement :

Les moyens :

L’embolisation bronchique et/ou des artères systémiques non bronchiques et la chirurgie représentent les seuls traitements efficaces à moyen et long terme. L’endoscopie interventionnelle itérative ou prothétiques et la radiothérapie sont des moyens palliatifs à court terme réservés aux lésions néoplasiques évoluées inopérables, proximales sans anomalie de la vascularisation bronchique.

L’embolisation des artères bronchiques et systémiques non bronchiques :

Elle est capitale dans la prise en charge des hémoptysies massives. Elle impose la disponibilité d’une équipe de radiologues interventionnels capables de prendre en charge dans les heures qui suivent leur admission les patients graves éventuellement intubés et ventilés pour la réalisation d’une angiographie bronchique suivie immédiatement d’une embolisation ou d’une angiographie pulmonaire éventuellement suivie d’une vaso-occlusion. Les résultats de l’embolisation des artères bronchiques ou pariétales non bronchiques sont excellents au plan du contrôle du saignement dans 80 à 90 % des cas et se maintiennent à moyen terme. Les risques de complications médullaires par occlusion de l’artère spinale antérieure qui peut naître d’une artère bronchique sont faibles mais réels. Le contexte d’hémoptysie grave et ses risques de récidive doivent être pris en compte. Dans les saignements d’origine pulmonaire, si la vaso-occlusion avec succès de lésions périphériques, pseudoanévrismes développés sur sonde de Swan et Ganz ou tumeurs ont été rapportées, les lésions centrales sont le plus souvent inaccessibles à un traitement conservateur.

Les techniques chirurgicales :

Elles sont nombreuses, tenant à la diversité des lésions rencontrées et aux conditions de prise en charge des patients en post-opératoire.

Les exérèses pulmonaires systématisées :

Elles vont de la segmentectomie épargnant le maximum de volume pulmonaire à la pneumonectomie, geste très lourd dans ces conditions d’urgence. Il peut y être associé un geste de thoracoplastie apicale lors de l’exérèse de lésions chroniques séquellaires (tuberculose, mycobactéries) laissant en place un parenchyme inextensible. Elles requièrent une attention particulière du chirurgien sur la qualité de la suture bronchique et de sa protection : le risque de fistulisation est ici majoré par la présence d’une inflammation de l’arbre bronchique, l’absence de préparation préopératoire et la nécessité éventuelle d’une ventilation post-opératoire. Cette dernière est en effet souvent nécessaire compte tenu de l’inondation bronchique controlatérale au moment de l’hémoptysie avec ses risques infectieux, compte tenu du contexte hémodynamique et des transfusions massives. Elle représente la menace principale pour les suites opératoires.

La dévascularisation pariéto-pulmonaire chirurgicale :

Après avoir connu un certain engouement de la part des chirurgiens, cette technique consistant à libérer et à lier chirurgicalement toutes les connexions vasculaires systémiques est aujourd’hui abandonnée devant les bons résultats de l’embolisation, devant la lourdeur de ce geste chirurgical techniquement difficile dans des tissus hypervascularisés et inflammatoires, et devant les récidives à moyen terme par poursuite du processus d’angiogenèse liée à la pathologie laissée en place.

La déconnexion bronchique et artérielle pulmonaire ou exclusion chirurgicale :

Cette technique salvatrice, rapportée par des chirurgiens exerçant dans les pays où l’endémie tuberculeuse persiste et où les moyens de prise en charge sont limités, mérite d’être connue de tous : lorsque la résection pulmonaire n’est pas réalisable ou lorsque les structures de soins ne permettent pas d’envisager une réanimation respiratoire de longue durée. Cette opération réalise une section-suture bronchique lobaire ou de la bronche souche associée à la section-suture de l’artère pulmonaire correspondante en laissant le retour veineux intact. Cette technique semble donner d’excellents résultats pour le contrôle de l’hémoptysie avec une mortalité très faible.

La stratégie thérapeutique :

Notre expérience :

Elle s’appuie sur l’étude rétrospective des patients admis dans notre unité de soins intensifs de chirurgie thoracique pour hémoptysie grave entre septembre 1996 et décembre 2001 et selon les critères définis ci-dessus. La prise en charge des patients était effectuée selon le même protocole avec des moyens dont l’ordre d’application était dicté par la gravité de la situation : traitement médical, traitement endoscopique interventionnel, l’intubation sélective, l’embolisation artérielle bronchique, traitement chirurgical. Ces moyens thérapeutiques étaient aussi adaptés à l’étiologie du saignement, pressentis sur les antécédents du patient et l’examen clinique, la fibroscopie bronchique, et le scanner thoracique. Après application de la prise en charge initiale, la radiographie thoracique était le premier examen d’ordre morphologique effectué à l’arrivée du patient.

L’endoscopie trachéobronchique était ensuite réalisée. Elle avait un rôle diagnostique si possible ou seulement de localisation topographique du saignement et permettait la réalisation de prélèvement pour analyse bactériologique. Lorsqu’une cause endobronchique était retrouvée, des manoeuvres interventionnelles étaient effectuées dans le même temps. Le scanner thoracique était un complément de l’endoscopie pour l’étude globale du parenchyme pulmonaire, et un préalable indispensable avant une embolisation bronchique ou une résection chirurgicale pulmonaire. Une intervention chirurgicale était effectuée en urgence lorsque l’origine du saignement était bien individualisée, l’indication de résection pulmonaire justifiée et que les autres moyens ne permettaient pas de tarir momentanément le saignement. L’intervention chirurgicale était préférablement réalisée de manière différée après tarissement du saignement par les moyens thérapeutiques initiaux, pour des lésions localisées, et chez les patients opérables au plan fonctionnel après bilan, même lorsque l’embolisation avait été complètement effectuée. En dehors de ces circonstances, le patient était averti de l’efficacité potentiellement transitoire de l’embolisation et des possibilités de séances itératives en cas de récidive d’hémoptysie.

Quarante-trois patients ont ainsi été traités pour hémoptysie grave. Il s’agissait de 34 hommes et 9 femmes âgées de 32 à 79 ans avec une moyenne de 54 ans. 21 patients ont eu une transfusion globulaire allant de 1 jusqu’à 6 culots soit une moyenne de 1,57 culot par patient, total des transfusions pendant le séjour des patients traités médicalement ou transfusions pré-opératoires ou pré interventionnelles pour les autres. Tous les patients ont pu avoir une fibroscopie bronchique et un scanner thoracique.

La prise de traitement anticoagulant retenu comme facteur favorisant était retrouvée dans 6 cas (4 patients sous traitement antivitamine K et 2 patients sous ticlopidine). Les causes de l’hémoptysie étaient : une dilatation des bronches dans 12 cas, une lésion néoplasique dans 12 cas, des lésions dystrophiques séquellaires de pathologies bénignes dans 9 cas, des séquelles de tuberculose pulmonaire dans 4 cas, une pneumopathie nécrosante dans 3 cas, une aspergillose pulmonaire, une mycobactérie atypique et une insuffisance cardiaque chez un patient porteur de valve cardiaque dans 1 cas. En fonction du traitement effectué, les patients ont été classés en 3 groupes : 16 patients ont été opérés soit immédiatement (groupe 1) soit secondairement et après embolisation pour 4 des 5 patients (groupe 2). Les autres ont été traités par des moyens non-chirurgicaux (groupe 3).

Groupe 1 : Interventions chirurgicales immédiates

Onze patients étaient opérés en urgence avec réalisation de 3 pneumonectomies et 8 lobectomies. Seulement 2 patients avaient bénéficié d’une exploration fonctionnelle respiratoire prescrite par le pneumologue avant l’épisode d’hémoptysie.

Dans 9 cas, l’intervention est effectuée pour persistance du saignement sous traitement médical. Trois patients étaient sous ventilation unipulmonaire après intubation par une sonde à double canal. L’intervention était effectuée après stabilisation hémodynamique et après confirmation du caractère localisé des lésions. Dans 2 cas, le saignement était contrôlé, mais l’intervention était faite pour éviter sa récidive à partir d’une érosion de l’artère pulmonaire, suspectée pour un patient porteur d’une séquelle cavitaire de tuberculose et démontrée par l’angiographie pulmonaire pour l’autre cas. Trois patients dans ce groupe sont décédés (27 %) après une pneumonectomie et deux lobectomies.

Groupe 2 : Interventions chirurgicales différées

Cinq patients étaient opérés secondairement (5 lobectomies) lors d’une deuxième hospitalisation respectivement au 7e, 9e, 16e, 17e et 22e jour après l’hémoptysie massive. Le contrôle du saignement était obtenu par le traitement médical dans un cas et par embolisation dans 4 cas. Les lésions étaient localisées et les patients préparés pour l’intervention au plan cardiorespiratoire. Aucun patient dans ce groupe n’est décédé.

Groupe 3 : Traitements non-chirurgicaux

Vingt-sept patients étaient porteurs de lésions trop diffuses ou d’une fonction cardiorespiratoire trop médiocre pour êtres opérés. Onze patients ont été adressés pour embolisation. Réalisée dans 10 cas, elle n’a pu être complète pour un patient en raison de la présence d’une artère spinale antérieure. Le dernier patient ne présentait pas d’anomalies des artères bronchiques. 7 patients sont décédés (26 %).

Résultat global de la série :

La mortalité hospitalière de l’ensemble de la série est de 10 patients (23 %). Deux patients porteurs de tumeur excavée sont décédés d’une reprise cataclysmique de l’hémoptysie. Il s’agissait d’une nécrose tumorale après radiothérapie d’une tumeur inopérable dans 1 cas. Dans l’autre cas, la tumeur était résécable, mais l’intervention avait été différée au lendemain.

Un patient est décédé d’une tachycardie ventriculaire imputée à la glypressine* (Terlipressine) plus efficace que la vasopressine mais contre-indiquée en cas de choc septique, d’insuffisance cardiaque sévère et après 70 ans. Les autres décès sont d’origine infectieuse ou dans les suites de syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte. La mortalité chez les patients opérés est de 3 patients (19 %) et de 7 patients (26 %) chez les patients non opérés. Aucun patient traité par embolisation seule ou par chirurgie n’a présenté de récidive hémoptoïque avec un recul de 3 mois à 4 ans (moyenne 1 080 jours).

Notre analyse :

La chirurgie d’urgence est à haut risque. Elle est cependant impérative :

– sans délai, pour un saignement d’origine artériel pulmonaire dû à une lésion centrale, même en cas de contrôle de l’hémorragie, devant le risque majeur de saignement cataclysmique. Différentes techniques d’exérèse ou d’exclusion pulmonaire chirurgicale peuvent être envisagées ;

– devant la persistance d’un saignement en rapport avec une lésion localisée et après embolisation ou tentative d’embolisation.

L’embolisation bronchique est à envisager dans la majorité des cas. Réalisée par une équipe de radiologues expérimentés, elle amène d’excellents résultats chez les patients présentant une hypervascularisation bronchique ou pariétale systémique à l’origine de l’hémoptysie permettant :

– de différer une chirurgie radicale qui sera réalisée alors dans les meilleures conditions pour les lésions opérables ;

– de traiter l’épisode hémorragique sans récidive à moyen terme chez les patients inopérables.

Conclusion :

L’hémoptysie massive ayant pour origine une lésion potentiellement curable relève d’une prise en charge multidisciplinaire. L’artériographie bronchique avec embolisation permet le plus souvent, en présence d’une hémoptysie grave, de tarir le saignement pour différer la résection chirurgicale si celle-ci est indiquée. À l’opposé, une hémoptysie d’origine artérielle pulmonaire centrale constitue à notre avis une urgence chirurgicale qui doit être opérée sans délai.

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