Hémiplégies d’installation soudaine Cours de
réanimation - urgences
Définitions et terminologie
:
Avant d’aborder la conduite à tenir, quelques remarques préalables
d’ordre sémantique s’imposent.
Si l’atteinte de la motricité est le
symptôme le plus spectaculaire, il ne doit pas résumer à lui seul les
syndromes neurologiques de constitution soudaine.
Le terme
d’hémiplégie, employé au sens strict comme une atteinte hémicorporelle de la motricité, apparaît donc trop réducteur.
Il est
plus approprié d’utiliser le terme global d’hémisyndrome pour
traduire l’atteinte hémicorporelle et d’y adjoindre le ou les adjectifs
qualifiant la nature du dysfonctionnement : moteur, sensitif, visuel
ou cognitif.
De la même manière, ce terme d’hémiplégie signifie une
atteinte complète et proportionnelle, ce qui est tout aussi réducteur
de la diversité des déficits moteurs hémicorporels.
Là encore, il est
nécessaire de qualifier le degré d’atteinte du déficit (complet,
incomplet) et d’en définir la topographie (proportionnelle, face,
membre supérieur, membre inférieur).
Dans le même esprit, s’il est vrai que l’atteinte neurologique apparaît
dramatiquement, « comme un coup de fusil dans un ciel serein », le
mode d’installation doit être plus volontiers qualifié de soudain que
de brutal.
L’accent est ainsi mis sur la rapidité de survenue plutôt
que sur la sévérité de l’atteinte.
Cette nuance terminologique permet
de distinguer la gravité clinique de quantification variable, de la
modalité de début qui peut être « d’une seconde à l’autre », plus
progressive ou par à-coups.
Aspects cliniques
:
La reconnaissance clinique de l’hémisyndrome est le plus souvent
aisée, du fait de la fréquence du déficit moteur dont l’expression est
manifeste.
Un certain nombre d’éléments sémiologiques sont à
prendre en considération pour évaluer l’extension et la gravité du
déficit moteur.
Ainsi, il est important d’explorer les trois segments
de l’hémicorps (face, membre supérieur, membre inférieur).
La
technique rapide d’examen doit être standardisée, comportant les
principales manoeuvres passives et actives suivantes :
– asymétrie faciale au repos, lors de la fermeture des yeux ou lors
de la réalisation de grimaces ; étude de la motricité faciale par la
manoeuvre de Pierre-Marie et Foix chez les patients comateux ;
– élévation des bras à l’horizontale et maintien de la position du
serment ; étude de la mobilisation contre pesanteur et résistance
pour le membre supérieur ;
– mobilisation passive par le maintien de la position de Mingazzini
et active par élévation du membre inférieur contre pesanteur et
résistance, flexion-extension globale de la jambe pour le membre
inférieur.
Le tonus est étudié par les mouvements passifs et actifs avec
recherche d’une hypotonie ou à l’inverse d’une hypertonie spastique
en flexion ou en extension.
L’étude des réflexes est moins importante
durant la phase aiguë ; elle peut se borner à la recherche de la
réponse du réflexe cutané plantaire.
L’absence de signe de Babinski
ne doit en aucun cas signifier la négation de l’atteinte pyramidale ;
ce signe peut n’apparaître que dans les jours suivant la constitution
du déficit moteur.
L’évaluation des autres modalités, sensitives, visuelles et
intellectuelles, doit être aussi complète que possible tout en
demeurant rapide.
Dans le cadre de l’urgence, l’examen de la
sensibilité peut se limiter à apprécier le niveau de discrimination
tactile et douloureuse, sans oublier les stimulations bilatérales
simultanées qui permettent d’identifier une extinction sensitive.
Une étude rapide des fonctions mentales peut se limiter à la recherche
d’une désorientation temporospatiale et la mise en évidence de
troubles du langage sous forme de paraphasies, d’un manque du
mot et d’un trouble de la compréhension (ordres simples ou
complexes).
L’examen doit être obligatoirement complété par l’étude des paires
crâniennes.
L’étude du champ visuel s’effectue même chez les sujets
non coopérants grâce à la recherche du clignement à la menace.
L’existence de troubles de la déglutition impose des mesures
thérapeutiques particulières.
L’oculomotricité est évaluée lors de la
poursuite oculaire volontaire et par la mobilisation céphalique
passive qui provoque les réflexes oculomoteurs.
Enfin, une gradation de l’état de vigilance est effectuée au mieux
par l’utilisation d’échelles standardisées de type score de Glasgow.
En outre, une appréciation de l’état général, cardiaque,
hémodynamique et respiratoire est indispensable pour adapter
d’éventuelles mesures de réanimation en cas de défaillance
systémique.
Plusieurs échelles composites ont pu être utilisées dans un souci de
standardisation de l’examen neurologique face à un hémisyndrome
(score du National Institute of Health [NIH], d’Orgogozo ou score
scandinave).
L’ensemble de ces scores sous-évalue la sévérité d’une
souffrance du territoire vertébrobasilaire par rapport à une atteinte
hémisphérique. Nous retiendrons le score NIH,
actuellement utilisé par la majorité des unités d’urgences
neurovasculaires.
Ce score demeure relativement exhaustif en dépit
de l’absence d’éléments évaluant le vertige, l’oculomotricité ou la
motricité de l’oropharynx.
D’utilisation aisée et facilement
reproductible, il permet une standardisation de l’examen
neurologique face à un patient pris en charge par des équipes
multidisciplinaires (urgentiste, neurologue, neuroradiologue) et
permet d’assurer un suivi objectif de l’évolution de son statut
neurologique.
Enfin, il constitue un des critères de décision de
thrombolyse intraveineuse lors d’infarctus de moins de 3 heures.
À ce stade, le diagnostic différentiel sémiologique est plus théorique
que pratique (impotence par conversion hystérique, traumatisme ostéoarticulaire ou déficit musculaire par lésion périphérique).
Diagnostic étiologique
:
Le contexte clinique accompagnant l’hémisyndrome neurologique
est le premier élément d’orientation.
L’interrogatoire et l’examen
clinique doivent systématiquement rechercher les principaux
symptômes associés, céphalées, crises d’épilepsie, température,
contexte vasculaire etc, qui permettent de classer le tableau
neurologique dans un groupe syndromique particulier.
Les principaux examens complémentaires à visée neurologique
permettent d’assurer le diagnostic étiologique et d’orienter les
mesures thérapeutiques.
Ils ne doivent pas être réalisés
systématiquement, mais au contraire s’intégrer dans une démarche
diagnostique cohérente et progressive. Ainsi, on analyse pour
chaque examen le rapport risque/avantage.
Par exemple, le fond
d’oeil n’a plus d’indication avant la réalisation d’une ponction
lombaire ; en cas de doute sur un processus expansif localisé, le
scanner est beaucoup plus informatif.
L’artériographie et l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) sont rarement indiquées en
urgence.
L’électroencéphalogramme (EEG) permet de conforter le
diagnostic d’encéphalite ou de crises épileptiques.
Le scanner
cérébral sans contraste demeure l’examen le plus rentable dans le
cadre de l’urgence (l’injection de contraste iodé ne doit pas être
systématique).
Les indications respectives de ces examens
complémentaires seront rapidement détaillées pour chaque étiologie.
L’installation soudaine d’un hémisyndrome est tellement associée à
un mécanisme vasculaire que par principe : « tout déficit
neurologique soudain doit être supposé d’origine vasculaire ».
Nous
envisagerons brièvement les autres étiologies non vasculaires
(processus expansifs tumoraux ou infectieux, méningoencéphalites,
crise d’épilepsie avec paralysie de Todd), puis détaillerons la
pathologie vasculaire cérébrale en précisant, pour chaque type
d’accident vasculaire cérébral (AVC), la physiopathologie, les
tableaux cliniques, les éléments du diagnostic positif et étiologique,
les facteurs pronostiques et les mesures thérapeutiques à instituer.
Causes non vasculaires
:
Le contexte clinique et/ou le scanner cérébral permettent d’assurer
le diagnostic.
A - CAUSES TUMORALES
:
Ainsi, les tumeurs peuvent se décompenser soudainement par
hémorragie intratumorale.
Le scanner révèle alors l’hémorragie,
mais la présence d’un oedème périlésionnel intense doit faire réaliser
une injection iodée. De la même manière, un hématome sous-dural
peut se présenter avec un déficit soudain en l’absence de contexte
traumatique évident.
Le scanner sans injection montre facilement
l’hémorragie, sauf en cas d’hématome sous-dural isodense où une
injection iodée est justifiée.
B - CAUSES INFECTIEUSES
:
La démarche diagnostique est différente pour les déficits
neurologiques soudains survenant dans un contexte fébrile.
La
réalisation urgente du scanner, sans et le plus souvent avec injection
de produit de contraste, est toujours indiquée.
1- Abcès cérébral
:
Une ou plusieurs prises de constraste au sein de processus
occupants cérébraux évoquent le diagnostic d’abcès ; la ponction
lombaire est alors contre-indiquée.
À l’inverse, en cas de scanner
sans effet de masse, l’étude du liquide céphalorachidien (LCR) est
obligatoire.
Une pléiocytose lymphocytaire (> 50 éléments), pouvant
être associée à une discrète protéinorachie (< 1g/L), doit orienter
vers le diagnostic de méningoencéphalite.
2-
Méningoencéphalites herpétiques (MEH) :
Elles doivent être rapidement dépistées du fait de leur fréquence
(1 à 4 pour 1 million d’habitants par an), de la morbidité et de la
mortalité qui y sont associées (de 60 à 80 % de séquelles lourdes
lorsque le traitement est retardé), ainsi que de leur sensibilité au
traitement antiviral.
La suspicion de MEH impose de débuter
l’aciclovir (Zoviraxy, 10 mg/kg/8 heures) par voie intraveineuse de
toute urgence, éventuellement sans attendre les résultats de la
ponction lombaire ou de l’imagerie cérébrale.
La détection de l’acide
désoxyribonucléique de l’herpes simplex virus dans le LCR par la
technique de polymerase chain reaction permet de confirmer le
diagnostic avec une spécificité et une sensibilité supérieures ou
égales à 95 %.
Le scanner cérébral fait apparaître le plus souvent
une hypodensité de siège temporal, frontal ou occipital, pouvant être
uni- ou bilatérale.
Il peut également être normal, notamment à la
phase précoce de la MEH.
L’IRM est plus sensible, faisant apparaître
des lésions hypo-T1/hyper-T2, parfois hyper-T1 et hyper-T2 lors de
phénomènes hémorragiques, ou encore une prise de contraste
traduisant la rupture de la barrière hématoencéphalique.
Outre ces
deux examens clés, l’EEG peut être très suggestif dans 70 % des cas,
retrouvant un aspect pseudopériodique temporal uni- ou bilatéral.
Le traitement par aciclovir par voie intraveineuse doit être poursuivi
au minimum 10 jours, éventuellement associé à un traitement
antioedémateux, antiépileptique et aux mesures de réanimation
adéquates.
3- Autres étiologies
:
Devant un tableau d’encéphalite aiguë fébrile, les autres étiologies à
évoquer sont :
– chez les patients immunocompétents, une encéphalite parasitaire
(accès palustre, trypanosomiase), bactérienne (abcès en phase présuppurative, endocardite bactérienne), vasculaire (formes fébriles
d’un AVC ischémique, d’une thrombose veineuse cérébrale ou d’une
hémorragie méningée) ;
– chez les patients immunodéprimés, une toxoplasmose, une cryptococcose, une tuberculose neuroméningée, une encéphalite à
virus de l’immunodéficience humaine ou à cytomégalovirus et une
leucoencéphalite multifocale progressive.
Parallèlement, la recherche de foyers septiques systémiques est
toujours nécessaire (hémocultures, examen cytobactériologique des
urines...).
C - AUTRES CAUSES
:
Lors d’une affection démyélinisante, le diagnostic étiologique, le
plus souvent déjà connu, ne pose donc pas de problème.
Il peut être
plus difficile s’il s’agit d’une première poussée ; l’âge, le contexte
clinique et les examens complémentaires permettent de
diagnostiquer une affection démyélinisante.
Enfin, plus exceptionnellement, un déficit neurologique peut être
secondaire aux crises épileptiques généralisées ou partielles
(réalisant la paralysie de Todd).
L’évolution est le plus souvent
favorable spontanément, même si le déficit peut persister plusieurs
jours, voire définitivement.
Certains critères cliniques permettent
d’orienter vers une origine épileptique : des symptômes positifs
précédant le déficit (cris, mouvements anormaux, hallucinations...),
une altération de la conscience, un profil évolutif moins soudain et
une extension des symptômes en tache d’huile.
Dans la plupart des
cas, le scanner cérébral permet d’assurer le diagnostic.
Accidents vasculaires cérébraux
:
A - GÉNÉRALITÉS. DÉFINITIONS
:
Un AVC implique d’une part une atteinte parenchymateuse qui
s’exprime cliniquement de façon transitoire ou permanente, et
d’autre part une lésion vasculaire responsable de cette atteinte.
1- Épidémiologie
:
En termes de mortalité et de morbidité, les AVC sont responsables
de 50 000 décès par an en France et sont la première cause de
handicap (50 %).
L’incidence globale des AVC varie selon les classes
d’âge, avec 30 pour 100 000 habitants par an avant 45 ans, 300 pour
100 000 habitants entre 55 et 65 ans et 1 500 pour 100 000 habitants
après 75 ans.
On distingue les AVC hémorragiques et les AVC ischémiques.
Ces
derniers représentent de 75 % à 80 % des AVC. Les accidents
hémorragiques se divisent en hémorragies intraparenchymateuses
et hémorragies méningées. Enfin, les thromboses veineuses
cérébrales (TVC) représentent de 3 à 5%.
Le diagnostic global d’AVC ne doit plus être retenu ; il est
indispensable de connaître précisément la nature de l’AVC
(ischémique ou hémorragique) et d’essayer d’en déterminer la cause
le plus exactement possible.
Il s’agit d’un préalable obligatoire à
toute décision thérapeutique cohérente.
De ce fait, la réalisation du
scanner cérébral est une urgence devant l’installation soudaine d’un hémisyndrome moteur.
2- Modalités évolutives initiales des accidents
vasculaires cérébraux
:
Classiquement, les modalités évolutives initiales sont de trois types :
– les accidents transitoires, où le dysfonctionnement apparaît de
façon soudaine et régresse classiquement en moins de 24 heures ; il
s’agit par définition d’accidents d’origine ischémique transitoire
(AIT) ; en pratique, la durée de tels épisodes neurologiques n’excède
pas 1 à 2 heures, la moyenne étant de 30 minutes ; de tels épisodes
sont le plus souvent de diagnostic rétrospectif ; ils représentent 10 %
de l’ensemble des AVC ischémiques et sont très largement sousestimés
(absence de consultation, voire de reconnaissance) ; ils
constituent pourtant un signe d’alerte d’une récurrence ischémique,
avec un taux moyen de 5 % de récidive par an.
Le risque de la
récidive est plus important dans le premier mois après l’épisode
(25 % des cas) ; ils nécessitent une prise en charge rapide pour la
réalisation d’un bilan étiologique complet et la mise en oeuvre de
mesures de prévention secondaire ; nous ne les développerons pas
du fait de leur rareté comme motif direct d’hospitalisation
d’urgence ;
– les accidents en évolution ; il s’agit d’un déficit neurologique
s’aggravant sur plusieurs heures, classiquement jusqu’à 24 heures
pour les AVC du territoire carotidien et 72 heures pour le territoire
vertébrobasilaire ; la constatation dès les premières heures de cette
aggravation nécessite la mise en route de mesures thérapeutiques
avant que le tableau ne se soit complètement stabilisé ; leur prise en
charge diagnostique est urgente ; il s’agit assez fréquemment d’une
thrombose artérielle extensive (thrombose carotidienne ou du tronc
basilaire) ;
– les accidents constitués ; il s’agit d’AVC où le déficit atteint son
maximum rapidement (de quelques minutes à moins de 1 heure) et
se maintient au-delà de la vingt-quatrième heure soit sous un mode
stabilisé, soit sous forme d’une régression partielle ; on différencie
les accidents rétrocessifs en moins de 8 jours (dont le pronostic est
identique à celui des AIT) des accidents avec séquelles à la troisième
semaine ; ce type d’accident a longtemps été considéré comme une
fatalité pour laquelle il n’existait aucune mesure thérapeutique en
dehors de la préservation des fonctions vitales ; actuellement, du
fait de l’existence de thérapeutiques potentiellement efficaces, une
telle attitude n’est plus acceptable ; ce type d’accident doit être
considéré comme une urgence à la fois diagnostique et de prise en
charge thérapeutique ; cette dernière est définie en fonction du délai
d’admission du patient.
Ainsi, on peut résumer ces données classiques :
– AIT : mesures de prévention secondaires ;
– accident en évolution : urgence du diagnostic différentiel ;
– accident constitué : appréciation du pronostic vital et fonctionnel.
En pratique, ce type de schéma n’est plus applicable, puisque la
plupart des patients vont être examinés dès les premières 24 heures.
En fait, plutôt que de s’attacher à ces différents profils évolutifs,
l’attitude la plus cohérente est d’apprécier immédiatement la gravité
de l’atteinte neurologique et son mécanisme.
L’attitude attentiste qui
consiste à évaluer a posteriori le profil évolutif ne reflète qu’un
nihilisme thérapeutique qui n’est plus justifié actuellement.
Il faut
considérer en pathologie vasculaire cérébrale que la réalisation du
scanner est aussi importante que celle de l’électrocardiogramme en
cas de douleurs thoraciques.
B - ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX ISCHÉMIQUES
:
1- Physiopathologie
:
L’ischémie est définie comme une réduction de l’apport sanguin à
une partie ou à la totalité de l’encéphale (ischémique focale ou
globale).
Elle entraîne au minimum un trouble purement fonctionnel
(trouble métabolique neuronal sans destruction), que l’on rencontre
au cours des AIT.
Le plus souvent, l’ischémie conduit à une
destruction cellulaire responsable d’un infarctus parenchymateux,
c’est l’accident ischémique constitué.
On exclut de l’étude l’ischémie
globale, qui résulte le plus souvent d’une hypotension artérielle
sévère ou d’un arrêt cardiaque.
La survenue d’un infarctus cérébral est liée dans environ 75 à 80 %
des cas à une occlusion artérielle dont l’origine est une embolie
artérielle ou cardiaque.
Plus rarement (10 à 15 %), un mécanisme
hémodynamique est en cause, secondaire à une hypotension sévère
et/ou à des sténoses multiples des vaisseaux extracrâniens,
entraînant un type particulier d’infarctus (infarctus jonctionnels).
Enfin, dans 5 à 15% des cas, il s’agit d’une occlusion des artères de
petit calibre par une dégénérescence de la paroi artérielle
spécifiquement liée à l’hypertension, la lipohyalinose.
D’une manière générale, la taille et la localisation de l’infarctus vont
dépendre bien sûr du siège initial de l’occlusion, mais aussi de la
possibilité d’une suppléance artérielle par le polygone de Willis
et/ou par des anastomoses corticopiemériennes fonctionnelles
revascularisant le réseau artériel à contre-courant.
2- Rappel anatomique. Vascularisation cérébrale
:
* Vascularisation artérielle carotidienne
:
La vascularisation des hémisphères est sous la dépendance presque
exclusive de l’artère carotide interne, à l’exception du territoire
occipital et temporal interne qui dépend du système vertébrobasilaire.
La carotide interne se termine en se distribuant en
quatre branches artérielles principales de calibre inégal : artère
cérébrale antérieure (ACA), artère cérébrale moyenne (ACM), artères
choroïdienne antérieure et communicante postérieure.
Toutes les
artères du cerveau se distribuent au parenchyme à la fois par des
collatérales destinées à un territoire profond ou central (noyaux gris
centraux et faisceaux de substance blanche) et à un territoire
superficiel ou cortical (cortex et région sous-corticale).
L’ACM ou artère sylvienne est la principale branche terminale de la
carotide interne, avec un diamètre d’environ 4 à 5mm.
Elle se divise
d’abord en artères profondes (ou lenticulostriées de Duret) qui
vascularisent principalement les noyaux gris centraux (putamen et
noyau caudé), le bras antérieur de la capsule interne et la partie
inférieure du centre semi-ovale de Vieussens.
Elle se termine en
deux ou trois troncs de division, donnant les branches corticales
terminales.
On distingue principalement des branches ascendantes
destinées à la majeure partie externe du lobe frontal, et des branches
descendantes vascularisant particulièrement les circonvolutions
temporales et pariétales.
Le territoire de vascularisation comporte le
cortex, la substance blanche immédiatement adjacente et la partie
supérieure du centre ovale.
Ainsi, les quatre cinquièmes externes de
l’hémisphère, à l’exception du pôle occipital, frontal et la partie
interne temporale, sont vascularisés par l’ACM.
L’ACA est la branche de division interne de la carotide interne, de
calibre inférieur à celui de l’ACM.
Elle s’anastomose avec l’ACA
controlatérale via l’artère communicante antérieure.
On distingue les
artères profondes destinées au diencéphale et à la tête du noyau
caudé, et les artères corticales qui vascularisent la majeure partie de
la face inférieure, interne du lobe frontal ainsi que la plus grande
part du corps calleux.
L’artère choroïdienne antérieure donne deux types de collatérales
inférieures, avec une branche corticale destinée au lobe temporal, à
une partie de la bandelette optique et du corps genouillé externe, et
une branche profonde pour le pallidum interne, le bras postérieur
de la capsule interne et la queue du noyau caudé.
À la surface du cortex cérébral, les principales artères
s’anastomosent dans les régions limitrophes de leurs territoires de
vascularisation par leurs arborisations distales.
Il existe des zones
frontières corticales, antérieure entre l’ACA et l’ACM, postérieure
entre l’ACM et l’artère cérébrale postérieure (ACP) et à la jonction
des trois territoires corticaux des artères hémisphériques
(Dreiländerecke).
Enfin, des zones frontières profondes ou souscorticales
existent entre les territoires superficiels et profonds de
l’ACM.
À l’inverse du réseau cortical piemérien, les artères
profondes perforantes basales et de la substance blanche sont des
artères terminales.
Elles pénètrent dans la partie profonde des
hémisphères cérébraux, sans établir aucune anastomose, soit avec
les artères perforantes voisines, soit entre ces deux réseaux.
* Vascularisation artérielle vertébrobasilaire
:
Le système vertébrobasilaire ou système postérieur est constitué des
deux artères vertébrales et du tronc basilaire.
Les artères vertébrales
pénètrent dans la boîte crânienne par le trou occipital ; elles
enserrent le tronc cérébral avant de se rejoindre sur sa face médiane
au sillon bulboprotubérantiel.
Elles forment alors le tronc basilaire.
Ce dernier chemine sur la face antérieure de la protubérance pour
se diviser à la hauteur du sillon pontomésencéphalique en deux
ACP.
À l’inverse du système carotidien, il s’agit d’un système
artériel vertical, dont les collatérales partent à angle droit pour
pénétrer directement le tronc cérébral ou pour l’entourer avant de
gagner le cervelet.
Les collatérales des artères vertébrales sont les
artères spinales antérieures destinées à la moelle cervicale haute et
les artères cérébelleuses postéro-inférieures.
Au tronc basilaire, on
distingue deux types de branches : les branches directes vascularisant la partie antérieure du tronc cérébral (artères
paramédianes courtes et longues), et les artères latérales de plus gros
calibre constituant les artères cérébelleuses antéro-inférieures et
supérieures.
Ces dernières donnent à la fois des collatérales postérolatérales pour le tronc cérébral et des branches terminales
irriguant le cervelet.
Le tronc basilaire se termine en donnant les
deux artères cérébrales postérieures.
L’ACP assure la vascularisation
à la fois du pédoncule cérébral et du thalamus par l’intermédiaire
d’artères perforantes, et des hémisphères cérébraux dans leur partie
postérieure (lobe occipital et temporal interne) par des branches
corticales.
3- Aspects cliniques et conduite à tenir
:
On distingue les infarctus du territoire carotidien et ceux du
territoire vertébrobasilaire.
* Données cliniques générales
:
Les signes généraux accompagnant la constitution d’un infarctus
cérébral ne sont pas caractéristiques du territoire artériel atteint
(carotidien ou vertébrobasilaire), mais dépendent plutôt du
mécanisme étiologique ; par exemple, les AIT précessifs sont plus
fréquents en cas de pathologie carotidienne (10 % de tous les AVC
sont des AIT carotidiens et près de 75 % des AIT sont en relation
avec une sténose carotidienne athéromateuse).
L’évolution en deux
temps avec aggravation secondaire survient fréquemment lors de la
migration ou de la fragmentation tardive d’un embole d’origine
cardiaque.
Une crise épileptique est associée dans moins de 5 % des
cas à l’installation d’une ischémie cérébrale artérielle ; elle n’est pas
un indice de gravité de l’infarctus.
En revanche, une crise d’épilepsie
survient dans près de deux tiers des cas de TVC.
* Infarctus du territoire carotidien
:
+ Infarctus corticaux
:
Le tableau clinique de l’atteinte du territoire carotidien semble a
priori le plus stéréotypé.
L’ensemble de la symptomatologie
concerne un hémicorps associant de façon variable des perturbations
de la motricité, de la sensibilité, du champ visuel à des troubles des
fonctions cognitives.
Mais les combinaisons de ces signes sont très
nombreuses.
Si en théorie il est possible de prédire la topographie
lésionnelle à partir d’une association de signes observés, en pratique
la variabilité des territoires de vascularisation rend aléatoire tout
diagnostic précis de localisation avant le bilan neuroradiologique.
Pour des raisons didactiques, nous n’exposerons pas en détail tous
les différents tableaux cliniques rencontrés selon les localisations des
infarctus.
Il faut retenir pour la pratique quelques syndromes fréquents
caractéristiques de certains infarctus corticaux partiels de l’ACM :
– aphasie de conduction associée à un déficit hémicorporel sensitif
à prédominance faciobrachiale évoquant une atteinte du territoire
de l’artère pariétale antérieure gauche ;
– aphasie de Wernicke isolée avec ou sans hémianopsie latérale en
faveur d’un infarctus de l’artère temporale gauche ;
– aphasie transcorticale motrice avec déficit proximal du membre
inférieur et difficulté à l’enchaînement des séries motrices
témoignant d’un infarctus de l’artère précentrale gauche ;
– aphasie de Broca avec syndrome operculaire par infarctus de
l’artère centrale gauche ;
– état confusionnel avec déficit visuel de l’hémichamp gauche ou
négligence visuelle gauche par infarctus de l’artère temporale
antérieure droite.
Un hémisyndrome moteur ou sensitif à prédominance crurale
évoque en premier lieu un infarctus du territoire cortical de l’ACA ;
peuvent s’y associer une atteinte frontale, une hypertonie
oppositionnelle, des troubles du langage sous la forme d’un
mutisme initial puis d’une aphasie transcorticale motrice, des
troubles de l’humeur et plus rarement un syndrome de
dysconnexion calleuse (apraxie unilatérale gauche).
+ Infarctus du territoire des branches perforantes profondes
:
Contrairement au réseau artériel pial, les branches perforantes
profondes issues de la partie distale de la carotide intracrânienne ou
du tronc de l’ACM sont des branches de type terminal qui perforent
la partie basale des hémisphères cérébraux, sans système collatéral
de suppléance.
Pour cette raison, l’occlusion d’une ou de plusieurs
de ces branches perforantes est toujours associée à un infarctus, en
général de taille limitée au territoire profond correspondant.
Les
branches perforantes hémisphériques profondes sont formées
essentiellement par la gerbe des artères lenticulostriées issues du
tronc de l’ACM.
On distingue également les branches perforantes
du siphon carotidien, de l’artère choroïdienne antérieure, de l’artère
de Heubner issue de l’ACA et de l’artère communicante postérieure
(artère thalamique polaire ou tubérothalamique).
Leurs tableaux cliniques sont très variables, dépendant de la
localisation précise et du volume de l’infarctus.
Pour les infarctus
atteignant le territoire lenticulostrié, on observe un hémisyndrome
moteur proportionnel complet et plus rarement l’atteinte motrice est
incomplète.
Une hypertonie en flexion doit orienter cliniquement
vers un hématome profond.
L’atteinte sensitive et les troubles du
champ visuel sont plus inconstants, dépendant de l’extension de
l’infarctus vers l’arrière.
En revanche, un déficit cognitif est assez
fréquent (aphasie motrice en cas d’atteinte gauche ou anosognosie
dans les lésions droites).
Pour les infarctus de petite taille localisés
dans les régions sous-corticales (principalement le centre ovale), la
présentation clinique associe de nombreux signes : moteurs, sensitifs
(plus volontiers incomplets), cognitifs et plus rarement hémiataxie,
mouvements involontaires, syndrome extrapyramidal, hémianopsie,
déviation conjuguée ou syndrome operculaire.
Le terme de
syndrome lacunaire avait été proposé pour qualifier non seulement
une clinique spécifique (hémiplégie motrice pure, déficit sensitif pur,
hémiplégie sensitivomotrice, hémiparésie ataxique) mais aussi une
origine particulière (microangiopathie liée à l’hypertension).
En fait,
ce terme ne doit plus être utilisé car aucun type clinique
d’hémisyndrome n’est évocateur d’une étiologie spécifique.
La sévérité du tableau clinique peut être majeure lorsque le siège de
l’occlusion est proximal, réalisant alors un tableau massif et péjoratif
d’atteinte complète du territoire de l’ACM (territoire profond et
superficiel) : il associe un hémisyndrome moteur et sensitif complet,
une hémianopsie latérale homonyme, une atteinte neuropsychologique
majeure (aphasie totale ou syndrome d’Anton-Babinski) et
une déviation conjuguée de la tête et des yeux du côté de la lésion.
Un infarctus du territoire superficiel total de l’ACM réalise un
tableau clinique tout à fait comparable et de pronostic également
péjoratif.
* Infarctus du territoire vertébrobasilaire
:
La principale caractéristique de ce type d’infarctus est le caractère
protéiforme et riche de la symptomatologie.
D’une manière générale,
la bilatéralité des troubles réalisant les syndromes alternes classiques
est évocatrice.
Leur énumération reste fastidieuse et purement
académique.
Une approche pragmatique de ce type d’infarctus
suppose une bonne connaissance anatomique des structures
cérébrales permettant de localiser le niveau lésionnel.
Il s’agit
généralement de l’association d’une atteinte des voies longues de la
motricité (hémisyndrome moteur) ou de la sensibilité (de type
lemniscal) avec une atteinte d’une ou de plusieurs paires crâniennes
et/ou d’un syndrome cérébelleux controlatéral.
Il existe très fréquement des troubles oculomoteurs, allant de la simple
dysconjugaison des globes oculaires aux paralysies plus ou moins
complexes (nucléaires ou supranucléaires).
L’élément le plus important est la recherche de critères de gravité
comme les troubles de la vigilance, le caractère bilatéral des déficits
moteurs ou les troubles de la déglutition.
Certains tableaux particulièrement redoutables doivent être bien
connus ; ils imposent une prise en charge spécialement agressive du
fait de leur pronostic gravissisme.
+ Occlusion du tronc basilaire
:
Elle représente un piège diagnostique important malgré l’apparente
évidence de sa symptomatologie.
Elle associe des troubles de la
vigilance très rapidement progressifs, évoluant vers un coma
profond, à un déficit moteur complet bilatéral et à des troubles
oculomoteurs variés.
Des céphalées postérieures ne sont pas rares.
Les modalités évolutives sont variables comprenant des formes avec
coma d’emblée ou bien, à l’inverse, avec des fluctuations des signes
sur quelques heures (déficit asymétrique ou à bascule, vertiges,
diplopie et troubles de la vigilance).
Le caractère protéiforme de la
symptomatologie explique les difficultés diagnostiques.
La réalisation d’une angiographie cérébrale sélective en urgence doit
être effectuée devant toute suspicion d’occlusion du tronc basilaire.
+ Infarctus oedémateux du cervelet
:
Ils évoluent en trois stades.
Initialement, il s’agit d’une ataxie
cérébelleuse statique et cinétique de survenue soudaine, souvent
dans un contexte de céphalées postérieures.
Secondairement, en 24
à 48 heures, il apparaît des troubles de vigilance avec des déficits
moteurs bilatéraux mais asymétriques. Enfin, un coma profond
s’installe avec signes de décérébration, témoignant de la
compression du tronc cérébral.
Le diagnostic doit être fait en
urgence.
Le scanner de contrôle révèle alors l’accentuation de
l’hypodensité cérébelleuse avec effet de masse et compression du
quatrième ventricule, responsable de l’hydrocéphalie triventriculaire.
Ce type d’infarctus impose une intervention
neurochirurgicale d’urgence (dérivation ventriculaire et éventuellemnt craniotomie décompressive de la fosse cérébrale
postérieure).
4- Pronostic et critères de gravité des infarctus
cérébraux :
* Pronostic global
:
Les études qui évaluent le pronostic ont des résultats discordants et
hétérogènes.
Un certain nombre d’indicateurs sont connus, tels le
décès et l’incapacité (basée sur des échelles validées de handicap).
L’évolution immédiate, appréciée principalement sur la mortalité,
les scores neurologique et de handicap, est à distinguer de
l’évolution lointaine (3 à 6 mois), évaluée par le retentissement social
et le handicap.
La fréquence globale de décès par AVC est d’environ 20 %.
Selon les
études de population, 10 % des patients sont décédés au premier
jour, 16 % au troisième, 19 % à une semaine et 25 % à deux semaines.
À 30 jours, la mortalité varie de 20 à 26 %, à 3 mois de 28 % à 30 %
et à 6 mois de 30 à 50 %.
Schématiquement, le décès survient soit
par lésion massive du cerveau à l’origine d’environ 50 % des décès
(dont 30 à 35 % d’engagement temporal), soit par complications
intercurrentes liées au décubitus, responsables de 35 % des décès
(dont 20 à 30 % de pneumopathies et de 3 à 15% d’embolies
pulmonaires), soit par la survenue de maladies associées, surtout
cardiaques (de 7 % à 20 % des décès).
Le délai des décès varie selon
la cause.
D’une façon générale, ce délai est court (moins de
1 semaine) dans les AVC avec destruction cérébrale massive, alors
que le délai est plus long quand le décès est dû à une pathologie
intercurrente ou associée.
Dans les infarctus massifs, le décès par
engagement temporal survient entre les jours 2 et 6 du fait de
l’oedème.
Les complications de l’immobilité (infections pulmonaires
ou urinaires, septicémies, embolies pulmonaires, escarres...)
entraînent le décès au-delà de la première semaine.
Ces
complications surviennent chez des patients âgés dont l’état
fonctionnel est particulièrement sévère.
Après la sortie de l’hôpital,
la plupart des décès surviennent dans les 6 mois, et surtout chez des
patients ayant un handicap.
La récupération fonctionnelle après un AVC est rapide au cours des
3 premiers mois, puis elle diminue notablement.
À 6 mois, on peut
considérer que la très grande majorité de la récupération a été
obtenue (stade des séquelles).
Environ deux tiers des survivants sont
indépendants dans la vie quotidienne, 60 à 85 % des survivants
remarchent, le retour au domicile est possible chez environ 80 %
d’entre eux ; en revanche, la reprise d’une profession n’est effective
que deux fois sur dix.
* Pronostic selon la topographie de l’infarctus
:
Le pronostic des infarctus corticaux de l’ACM dépend de la
localisation et l’extension de l’ischémie, comme en témoignent les
données des registres.
Ainsi, la mortalité précoce semble assez faible
(de 1 et 5 %).
La récupération permet une autonomie satisfaisante
avec reprise des activités antérieures dans plus de la moitié des cas.
Dans un quart des cas, les séquelles sont invalidantes.
Il apparaît
que les infarctus des troncs postérieurs de l’ACM sont associés à
une sévérité plus marquée que les infarctus des troncs supérieurs
(l’importance des troubles cognitifs rend difficile l’intégration sociale
ultérieure).
Les AVC vertébrobasilaires ont un pronostic immédiat
plus grave, avec une mortalité de 20 % environ, mais l’évolution
ultérieure est bien meilleure.
De même, les infarctus sous-corticaux
de type lacunaire ont une mortalité très faible, de l’ordre de 5 %,
avec une autonomie quasi complète chez 95 % des survivants, mais
avec un taux de récidive élevé pouvant entraîner rapidement un
état démentiel vasculaire.
* Indicateurs du pronostic à court et moyen terme
Dès l’admission du patient, des indicateurs pronostiques sont déjà
présents et ainsi il est possible d’établir les grandes lignes du
pronostic dès les premières heures.
+ Indicateurs du décès
:
Les indicateurs cliniques sont l’âge, les troubles de la vigilance, le
déficit moteur surtout s’il affecte le membre inférieur (souvent le
témoin d’une lésion affectant les structures profondes ou la totalité
du territoire de l’ACM), un signe de Babinski bilatéral (bilatéralité
des lésions par atteinte infratentorielle ou par volumineux infarctus
hémisphérique avec compression des structures diencéphaliques),
l’asymétrie des pupilles (signe tardif traduisant l’engagement
temporal) et l’hémianopsie latérale homonyme.
Les antécédents
d’AVC par la sommation des destructions cérébrales, la nature de
l’AVC (occlusion d’une artère de gros calibre, topographie de
l’infarctus (vertébrobasilaires/carotidiens) et la glycémie initiale sont
également des éléments pronostiques importants. L’apparition
précoce d’une hypodensité au scanner cérébral est de mauvais
pronostic.
+ Indicateurs du déficit fonctionnel résiduel
:
Ce sont les même que ceux du décès.
L’âge est un marqueur
péjoratif du déficit fonctionnel, mais peut-être en partie du fait de la comorbidité plus fréquente à un âge avancé.
La topographie vertébrobasilaire de la lésion serait de meilleur pronostic que la
topographie hémisphérique.
L’occlusion de l’origine de l’artère
cérébrale moyenne est de moins bon pronostic que celle de l’artère carotide interne.
La taille réduite de l’infarctus est de meilleur
pronostic qu’une lésion volumineuse.
La rapidité de récupération
des performances motrices dès les premiers jours est favorable.
L’hémianopsie et les déficits neuropsychologiques ne sont péjoratifs
qu’associés à d’autres indicateurs de mauvais pronostic, en
particulier le déficit moteur.
+ Indicateurs selon le type d’infarctus
:
Les infarctus complets de l’ACM sont évidemment les plus graves,
avec une mortalité d’environ 65 % et une morbidité importante
(moins de 3 % des patients retournent à leur domicile).
On identifie
au moins quatre critères de mauvaise évolution : la survenue rapide
(en moins de 12 heures) de troubles de la vigilance, une déviation
tonique de la tête et des yeux, un déficit moteur complet atteignant
le membre inférieur et une hémianopsie latérale homonyme.
L’occlusion du tronc basilaire est redoutable, avec une mortalité de
95 % ou réalisant un syndrome de locked-in chez les survivants.
Par
ailleurs, très fréquemment les infarctus vertébrobasilaires entraînent
des troubles de la déglutition qui doivent être dépistés
systématiquement et imposent la mise en place d’une sonde
nasogastrique.
L’exemple le plus caricatural est le syndrome de
Wallenberg, dont le pronostic vital est bon si l’on excepte le risque
pulmonaire par fausses-routes.
5- Orientation du diagnostic étiologique
:
Elle nécessite la réalisation d’un bilan minimal qui permet de couvrir
les différentes étiologies possibles.
Ainsi, il doit comporter en
première intention : la réalisation d’un échodoppler des vaisseaux
du cou, un électrocardiogramme et un contrôle biologique
(glycémie, ionogramme, lipidogramme et tests d’hémostase).
La
réalisation d’examens plus approndis tels l’artériographie,
l’échocardiographie, le holter-électrocardiogramme, l’étude du LCR
est effectuée dans un second temps en fonction du contexte et/ou
des thérapeutiques envisageables
* Étiologies générales des infarctus
:
+ Ischémies liées à l’athérome
:
L’athérosclérose des vaisseaux extra- ou intracrâniens représente
l’étiologie la plus fréquente chez les sujets de plus de 50 ans.
Elle est
sous la dépendance des facteurs de risque vasculaire (tableaux
hypertension artérielle, obésité, dyslipidémie, hyperglycémie).
La
répartition des lésions, bien que large, se situe préférentiellement
sur les zones de bifurcation artérielle (trépied carotidien, ostium
vertébral, siphon carotidien et tronc basilaire).
Une localisation
particulière a été récemment décrite, au dôme de la crosse de l’aorte,
dont la mise en évidence a bénéficié de l’apport de l’échocardiographie transoesophagienne.
Les artères de moyen calibre
intracrâniennes (ACM ou ACP) sont rarement le siège de lésion
significative.
En revanche, les petites artères intracrâniennes
présentent des anomalies spécifiques sous la forme d’une lipohyalinose, induisant une obstruction artérielle responsable des
infarctus lacunaires ou une formation de microanévrismes dont la
rupture provoque un hématome intracérébral.
L’évolution de la
plaque d’athérome conduit à la formation d’une sténose puis d’une
occlusion artérielle.
L’AVC se produit principalement à l’occasion
de la migration distale d’un thrombus formé sur une ulcération de
plaque ou une sténose évolutive (hémorragie intraplaque, rupture
de plaque, thrombose extensive).
L’occlusion progressive des artères extracrâniennes provoque la chute du débit d’aval, particulièrement
dans les derniers territoires vasculaires, et entraîne plus rarement
un AVC spécifique, l’infarctus jonctionnel.
L’évaluation de ce type
d’AVC nécessite au minimum un bilan ultrasonologique par doppler
et au mieux une artériographie sélective cérébrale qui permet
d’apprécier l’état du réseau intracrânien (le doppler transcrânien ou
l’angio-IRM pourraient à l’avenir la remplacer).
En effet, la
constatation d’une sténose carotidienne supérieure à 75 % doit faire
discuter une indication chirurgicale de prévention secondaire.
Une endartériectomie ou une désobstruction carotidienne d’urgence ne
sont jamais indiquées.
+ Cardiopathies emboligènes
:
Le diagnostic de l’origine cardioembolique est basé sur
l’identification d’une source cardiaque potentielle d’embolie.
Les
arguments cliniques neurologiques, comme le début soudain ou
l’évolution en deux temps, sont de moindre importance.
À l’inverse,
les douleurs thoraciques, les palpitations, une auscultation cardiaque
anormale ou un électrocardiogramme pathologique sont des
arguments plus nets.
La réalisation d’explorations cardiologiques
approfondies (échocardiographie transthoracique et transoesophagienne)
ne sera obligatoire que chez les sujets jeunes.
Les
cardiopathies emboligènes représentent suivant les études de 25 à
30 % des causes d’infarctus. Les étiologies varient suivant l’âge.
Ainsi, chez le sujet jeune, il s’agit le plus souvent de valvulopathies
rhumatismales, de prothèses valvulaires, de myocardiopathie
hypertrophique ou d’anomalies particulières dont la responsabilité
directe dans la survenue de l’AVC est débattue (anévrisme du
septum interauriculaire ou foramen ovale perméable).
L’arythmie
par fibrillation auriculaire est très fréquemment en cause chez les
sujets âgés (45 %).
L’infarctus du myocarde à la phase aiguë est
responsable de migrations emboliques dans 2,5 % des cas.
La
constitution d’un thrombus mural est plus fréquente dans les
infarctus antérieurs (risque de 14 %).
À distance, la formation d’un
anévrisme ventriculaire gauche peut être à l’origine de l’embolie.
Enfin, d’autres causes sont plus rarement trouvées (endocardites
infectieuses, myxome auriculaire, prolapsus valvulaire mitral,
rétrécissement aortique calcifié).
Le traitement anticoagulant se
justifie dans la plupart de ces cas.
+ Autres causes
:
On regroupe dans ce cadre les étiologies retrouvées principalement,
mais non exclusivement pour certaines, chez les sujets jeunes
(< 45 ans).
– Dissections artérielles
Elles surviennent le plus souvent sur les segments extracrâniens de
l’artère carotide interne ou vertébrale.
L’angio-IRM ou l’échographie
doppler sont insuffisantes et l’angiographie cérébrale reste l’examen
essentiel pour le diagnostic positif.
Certains éléments cliniques sont
évocateurs, tels une douleur latérocervicale, un signe de Claude
Bernard-Horner ou une paralysie des dernières paires crâniennes.
Un traumatisme cervical direct ou le plus souvent indirect peut être
retrouvé dans les jours ou les semaines précédant l’AVC, le lien de
causalité n’étant pas toujours certain, surtout en présence d’une
fibrodysplasie artérielle.
Ce diagnostic doit être systématiquement
suspecté chez un patient victime d’un accident de la voie publique
qui présente un déficit neurologique hémicorporel et un scanner
normal à la phase aiguë.
Le traitement anticoagulant est
recommandé, favorisant la reperméabilisation.
– Causes rares
Diverses affections hématologiques (syndromes myéloprolifératifs,
polyglobulies, dysglobulinémie, troubles de la coagulation...)
peuvent être responsables d’un AVC.
Le rôle étiologique des
anticorps antiphospholipides, retrouvés de manière fréquente lors
des bilans étiologiques, est mal connu ; ils témoignent rarement
d’une vascularite spécifique (syndrome de Sneddon).
Le diagnostic
des artériopathies rares (Moya-moya, syphilis, vascularites
inflammatoires) est posé par l’artériographie cérébrale.
Chez le sujet
âgé, l’artérite de Horton est facilement évoquée devant des
céphalées temporales rebelles et un syndrome inflammatoire
biologique.
Les toxicomanies sont une étiologie des AVC du sujet
jeune dont la fréquence augmente.
Il en est de même pour le
syndrome immunodéficitaire acquis.
Chez la femme, la grossesse
peut favoriser la survenue d’AVC avec une microangiopathie lors
des crises d’éclampsie et les thromboses veineuses cérébrales dans
la phase du post-partum.
– Causes incertaines
La relation entre migraine et accident ischémique reste discutée et
l’étiologie migraineuse doit rester une étiologie d’élimination.
L’utilisation des contraceptifs oraux est un facteur de risque pour les infarctus cérébraux, souvent en association avec une intoxication
tabagique.
La survenue d’un AVC sous pilule contre-indique
l’utilisation ultérieure des contraceptifs oraux.
* Les différentes étiologies selon la topographie de l’infarctus
:
Les causes principales des infarctus corticaux hémisphériques
carotidiens sont les embolies d’origine artérielle (athérome sténosant
de l’origine de la carotide interne) dans plus de 30 % des cas ou
d’origine cardiaque dans 25 %.
On a constaté une plus grande
fréquence du point de départ cardioembolique en cas d’infarctus du
territoire inférieur de l’ACM.
Bien qu’imparfaitement connu, le principal mécanisme des infarctus
du territoire profond de l’ACM semble être une embolie d’origine
cardiaque ou artérielle.
Malgré tout, le rôle de l’athérome localisé à
l’ostium des artères lenticulostriées est probablement sous-estimé.
Malgré la prévalence élevée de l’HTA et du diabète (60 % à 94 %),
une origine potentiellement embolique (cardiaque ou artérielle) est
retrouvée dans plus d’un cas sur trois d’infarctus sous-cortical.
Ce
type d’infarctus impose un bilan minimal avant de parler d’infarctus
lacunaire qui doit être réservé à des patients âgés hypertendus ou
diabétiques et avec un tableau clinique suggestif de syndrome
lacunaire.
Les causes cardioemboliques sont majoritaires au cours des infarctus
vertébrobasilaires, représentant près de 50 % des cas.
La pathologie athérothrombotique intracrânienne n’est pas négligeable (sténoses
du dernier segment de la vertébrale ou du tronc basilaire et
mégadolicho-tronc basilaire).
6- Mesures thérapeutiques
:
Elles vont varier à la fois selon le mécanisme de l’ischémie cérébrale
et le délai de la prise en charge.
Le degré d’urgence est inversement
proportionnel à la durée écoulée depuis le début de la
symptomatologie et l’hospitalisation, et aussi dépendant de
l’étiologie suspectée.
* Mesures générales
:
Elles sont fondamentales et ne doivent jamais être négligées.
Une
surveillance doit être effectuée pluriquotidiennement, avec
l’appréciation de la vigilance (échelle de Glasgow), le monitoring
tensionnel (horaire durant les 48 premières heures) et cardiaque
(détection de troubles rythmiques), l’auscultation pulmonaire, l’état
d’hydratation (clinique et biologique), la surveillance de la diurèse,
le contrôle de la glycémie et de la gazométrie, et enfin la surveillance
de l’état cutané.
De telles mesures sont au mieux appliquées dans
des unités spécialisées de neurologie.
+ Contrôle de la pression artérielle et cardiaque
:
La régulation de la tension artérielle est indispensable.
Actuellement,
la réduction de l’HTA à tout prix lors de la phase aiguë de l’ischémie
cérébrale est remise en cause.
Après un AVC, une tension artérielle
élevée peut s’observer durant quelques jours.
Elle est le plus souvent
réactionnelle à l’épisode neurologique, et tente de maintenir une
pression de perfusion correcte au sein de la zone ischémiée : elle
doit être respectée.
Seules des valeurs très élevées et très prolongées
sont considérées comme délétères (> 200 mmHg de pression
systolique et/ou 110 mmHg de pression diastolique) et constituent
une indication au traitement.
Cette réduction ne doit pas être brutale
et trop importante.
La nicardipine par voie intraveineuse est la
thérapeutique de première intention.
De même, un débit cardiaque
adéquat et une surveillance de l’état coronarien doivent être assurés.
La restauration d’un rythme et/ou d’une conduction normale
(cardioversion ou sonde d’entraînement) s’impose parfois.
+ Protection des voies aériennes et fonction respiratoire
:
Une bonne oxygénation sanguine et une pression partielle en gaz
carbonique normale voire un peu basse (induisant une diminution
de la pression intracrânienne) sont les objectifs.
L’oxygénation est
améliorée par l’administration de 1 à 2 L/min d’oxygène (sonde
nasale) et éventuellement l’utilisation de bronchodilatateurs.
Le
risque d’inhalation impose la mise en place d’une sonde gastrique.
Chez les patients avec troubles de la conscience, il peut être urgent
d’intuber et de ventiler (accidents du tronc cérébral, sujets jeunes).
Les pneumopathies surviennent fréquemment à la quarantehuitième
heure, imposant une antibiothérapie adaptée et une
kinésithérapie respiratoire.
+ Équilibre hydroélectrolytique et glycémique
:
Les états de déshydratation avec augmentation de l’hématocrite
(augmentation de la viscosité sanguine) et d’hyperhydratation
(augmentation de l’oedème cérébral et décompensation cardiaque)
doivent être évités.
Le contrôle hydroélectrolytique doit être pratiqué
quotidiennement.
Expérimentalement, l’hyperglycémie contribue à
l’altération tissulaire cérébrale.
De nombreux patients sont
diabétiques et le diabète est parfois découvert au décours de la
constitution de l’infarctus.
Une décompensation est fréquente et
nécessite un traitement temporaire par insuline.
+ Élévation de la pression intracrânienne et oedème cérébral
:
Le maintien d’une pression intracrânienne correcte est obtenu grâce
au positionnement de la tête à 30°, par le contrôle de la température
et parfois par une hyperventilation temporaire.
Le mannitol est
utilisé à la dose initiale de 25 à 50 g toutes les 30 minutes, puis 25 g
toutes les 3 à 12 heures pendant 2 à 3 jours, suivant la réponse
clinique et avec surveillance de l’osmolalité sanguine et de la
fonction rénale.
Le glycérol pourrait être plus utile et moins toxique.
Les corticoïdes sont inefficaces et dangereux (risques de
décompensation diabétique, surinfections, troubles digestifs).
Une
décompression chirurgicale précoce s’envisage lors d’infarctus
cérébelleux oedémateux ; elle n’est pas recommandée en cas
d’infarctus hémisphérique.
+ Autres mesures
:
– Détection précoce des troubles de la déglutition (sonde nasogastrique) et des troubles sphinctériens (sonde urinaire ou
cathéter sus-pubien).
– Prévention précoce des troubles du transit (laxatifs).
– Prévention des thromboses veineuses profondes : chez tout patient
avec déficit moteur, l’utilisation d’héparine de bas poids moléculaire
ou d’héparine non fractionnée à doses préventives, même en cas
d’infarctus massif, est recommandée.
– Apport nutritif : débuté d’emblée, soit par sonde nasogastrique
en l’absence de trouble de vigilance, soit par voie parentérale avec
apport vitaminique.
– Une rééducation précoce et des changements fréquents de
position préviennent les escarres et aident à la ventilation.
* Traitements spécifiques de l’ischémie cérébrale
:
Les objectifs visent à une recanalisation
du vaisseau, au maintien de la perfusion locale et à la
prévention de la destruction cellulaire liée à l’ischémie.
+ Thrombolytiques
:
La Société francaise de neurologie vasculaire a publié récemment
des recommandations préconisant l’utilisation du tissue plasminogen
activator par voie intraveineuse dans les strictes limites des critères
d’inclusion de l’essai NINDS.
La décision thérapeutique ne
peut être prise qu’au décours d’un diagnostic précis effectué par un
neurologue ayant une expertise en neurologie vasculaire, le scanner
ayant été interprété par des médecins possédant une expertise dans
la lecture des signes précoces (l’effacement des sillons, l’effet de
masse, l’oedème étant des contre-indications).
Les contre-indications
absolues sont les suivantes :
– horaire du début des symptômes inconnu ;
– utilisation courante d’anticoagulants oraux ou international normalised ratio supérieur à 1,7 ;
– utilisation d’héparine dans les 48 heures précédant le début des
symptômes ou allongement spontané du temps de céphaline activé ;
– taux de plaquettes inférieur à 100 000/mm3 ;
– antécédent d’AVC ou de traumatisme crânien dans les 3 mois
précédents ;
– intervention chirurgicale majeure dans les 2 semaines
précédentes ;
– pression artérielle systolique supérieure à 185 mmHg ou pression
artérielle diastolique supéreure à 110 mmHg avant l’institution du
traitement ;
– amélioration rapide des symptômes ;
– déficit neurologique modéré (NIH stroke scale [NIHSS] inférieur
ou égal à 4) ou sévère (NIHSS supérieur ou égal à 22) ;
– hématome intracérébral ;
– glycémie inférieure à 0,5 g/L ou supérieure à 4 g/L ;
– crise d’épilepsie partielle ou généralisée ;
– antécédent d’hémorragie gastro-intestinale ou urinaire dans les
3 semaines précédentes.
Le reconbinant tissue plasminogen activator doit être utilisé dans les
3 premières heures d’un infarctus cérébral aux doses de 0,9 mg/kg
sans dépasser un maximum de 90 mg.
Sur la dose totale, 10 %
doivent être administrés en bolus suivis du complément sur une
perfusion au pousse-seringue électrique durant 60 minutes.
S’il est certain que le traitement fibrinolytique aura à l’avenir une
place privilégiée à la phase aiguë des accidents ischémiques
cérébraux, nous n’en connaissons pas encore les meilleures
indications et beaucoup de points restent encore à préciser.
Quelle intensité de déficit doit-on fibrinolyser ?
Les infarctus étendus
doivent-ils être exclus, même dans les 3 premières heures ?
Les
déficits modérés et les infarctus lacunaires, qui ont une grande
probabilité d’une bonne récupération à 3 mois, doivent-ils être
traités ?
Dans quel délai ?
Celui-ci varie probablement en fonction du siège
de l’occlusion et de son mécanisme, et il est possible qu’un délai
supérieur à 3 heures puisse être envisagé dans certains cas.
Quelles contre-indications radiologiques ?
Des signes précoces
présents au scanner doivent-ils être systématiquement des critères
d’exclusion, lorsque l’on sait que les hémorragies ne surviennent pas
toujours dans le territoire de l’artère occluse ?
Quelles occlusions, quelles localisations ?
Les études réalisées par
voie intraveineuse ne permettent pas de répondre ; on peut
d’ailleurs penser que certains patients traités n’avaient plus
d’occlusion artérielle lorsqu’ils ont reçu l’agent fibrinolytique, ce qui
a peut-être même favorisé une transformation hémorragique, en
agissant sur un tissu fragilisé par la rupture de la barrière hématoencéphalique.
Les études par voie intra-artérielle permettront
probablement de répondre à ces questions, en sachant que les
résultats des traitements seront dépendants non seulement du siège
et du type de l’occlusion, mais également de la présence d’une
circulation collatérale fonctionnelle.
Quels chiffres de pression artérielle ?
L’hypertension artérielle est
fréquente à la phase aiguë des AVC et doit être le plus souvent
respectée ; en effet, dans la zone de pénombre ischémique,
l’autorégulation entre débit sanguin cérébral et pression artérielle
est défaillante ; le débit sanguin cérébral varie donc directement en
fonction de la tension artérielle ; aussi toute baisse de la pression
artérielle entraîne-t-elle une diminution du débit sanguin cérébral,
ce qui risque d’aggraver la taille de l’ischémie par nécrose du tissu
encore préservé situé à la périphérie de l’infarctus.
Faut-il faire
abaisser rapidement la tension artérielle en vue d’une fibrinolyse et
risquer d’aggraver l’état neurologique ?
Les relations entre élévation
de la pression artérielle et hémorragies intracrâniennes après
utilisation de fibrinolytiques ne sont pas bien définies.
Quels traitements peuvent-ils être associés ?
Des recherches sont
encore nécessaires pour savoir si l’utilisation de traitements tels
l’aspirine ou l’héparine peut réduire le temps de lyse du caillot,
prévenir la survenue d’une réocclusion, sans pour autant augmenter
le risque d’hémorragies.
Il est indispensable de déterminer les patients à risque de
complications hémorragiques de la thrombolyse.
Même dans l’essai
du NINDS où le traitement fut institué très précocement, il y a une
augmentation significative du nombre d’hémorragies (6 %
d’hémorragies symptomatiques dans le groupe traité contre 0,6 %
dans le groupe placebo).
La place du traitement thrombolytique intra-artériel reste à définir.
Il pourrait s’agir d’un traitement de choix, lorsque le délai
d’administration est compris entre 3 et 6 heures après le début des
symptômes, ou lorsqu’il s’agit d’une occlusion du tronc basilaire.
·
+ Antiagrégants plaquettaires
:
L’utilisation d’antiagrégants plaquettaires à la phase précoce de
l’ischémie cérébrale repose sur des essais thérapeutiques
multicentriques dont les résultats sont en faveur d’une diminution
du nombre de récidives à 2 semaines (IST), de décès précoces
(CAST) ou de l’association décès-récidive d’AVC.
Malgré le nombre
important de patients, ces études souffrent cruellement de biais
méthodologiques évidents (absence de scanner pour presque 20 %
des patients inclus, délai d’admission moyen de 25 heures pour CAST...) et, à notre sens, leur conclusion ne peut être appliquée à
chaque patient pris individuellement.
Là encore, il reste à définir les
mécanismes, les étiologies et la topographie des infarctus pouvant
bénéficier à la phase initiale de l’efficacité d’un traitement
antiagrégant plaquettaire.
Il reste aussi à définir la place de nouveaux antiagrégants
plaquettaires (abciximax) utilisés dans l’infarctus du myocarde et
dans des cas isolés d’infarctus cérébraux.
+ Anticoagulants
:
La justification d’une anticoagulation précoce dans l’ischémie
cérébrale repose sur la limitation de l’extension du thrombus et sur
la prévention de la récidive d’embole.
Le risque dominant,
longtemps redouté, est la transformation hémorragique de la zone
infarcie.
Il faut distinguer en fait deux types d’hémorragie : les
infarctus hémorragiques qui sont asymptomatiques et fréquents,
survenant qu’il y ait ou non une anticoagulation ; les hématomes
intra-infarctus, plus rares, qui sont associés à une détérioration
clinique et liés à l’étendue de l’ischémie.
Ce risque prédomine au
cours des 72 premières heures. Ainsi, l’anticoagulation pourrait être
retardée dans les infarctus massifs, après un scanner de contrôle (2 à
3 jours).
L’évaluation d’une anticoagulation à dose efficace dès les
premières heures de l’ischémie est actuellement en cours et paraît
souhaitable.
+ Vasodilatateurs
:
Ils se sont révélés inefficaces, voire nocifs (hémodétournement
artériolaire au détriment de la zone lésée).
Il en est de même pour la prostacycline, malgré son effet vasodilatateur local et antiagrégant
plaquettaire.
+ Hémodilution
:
Elle apparaît logique uniquement en cas d’ischémie cérébrale
associée à une hyperviscosité sanguine (polyglobulie, paraprotéine...).
+ Corticoïdes et barbituriques
:
Ils sont inefficaces en matière de neuroprotection.
Ils ont même
une action délétère par les nombreuses complications qu’ils
engendrent. Ils ne devraient plus être utilisés.
+ Neuroprotecteurs
:
De nombreuses thérapeutiques ont été essayées ; aucune n’a montré
de résultats positifs lors d’essais cliniques.
La classe des calcium bloqueurs (nimodipine) apparaît pourtant encourageante
(administrés avant la huitième heure).
Le blocage des récepteurs des
acides aminés excitotoxiques type NMDA (N-Méthyl-D-Aspartate)
serait le traitement de neuroprotection le plus prometteur ; il est en
cours d’évaluation.
C - HÉMORRAGIES INTRAPARENCHYMATEUSES
:
Les termes hémorragie et hématome sont désormais indistinctement
utilisés pour désigner les conséquences de la rupture d’une artériole
intracérébrale.
Il est classique de distinguer les hématomes intracérébraux post-traumatiques des hématomes intracérébraux
spontanés (HICS).
Les HICS sont subdivisés en HICS primaires,
favorisés par l’HTA, l’éthylisme chronique ou les traitements
anticoagulants, et en HICS secondaires en rapport avec une cause
identifiable comme une malformation vasculaire ou un processus
tumoral.
En pratique courante, la distinction entre HICS primaires
et secondaires n’est pas toujours aisée.
Certaines causes d’HICS
comme les petites malformations vasculaires, les cavernomes ou
l’angiopathie amyloïde ne peuvent être confirmées que par l’examen
anatomopathologique.
Les HICS représentent de 9 à 17% des AVC.
L’incidence des HICS
est plus importante dans la population masculine.
Elle est maximale
dans la tranche d’âge de 60 à 80 ans.
Une hémorragie méningée isolée est exceptionnellement responsable
d’un hémisyndrome déficitaire ; elle se présente plutôt comme un
syndrome méningé de constitution brutale pur.
1- Formes étiologiques
:
* Hémorragie post-traumatique
:
L’hémorragie post-traumatique s’intègre généralement dans un
contexte polytraumatique et relève donc d’une prise en charge
spécifique en service de réanimation.
Elle sort du cadre de l’étude
présente.
* HICS secondaires à une malformation vasculaire
:
Les malformations artérielles ou artérioveineuses sont à l’origine de
3 à 5 % des hémorragies intraparenchymateuses.
Il s’agit le plus
fréquemment d’hémorragies cérébroméningées survenant chez un
sujet jeune.
La localisation du saignement et l’aspect scanographique
de l’hémorragie (localisation corticale temporale interne ou
orbitofrontale, et hémorragie sous-arachnoïdienne importante ou
localisée à la vallée sylvienne) permettent généralement d’évoquer
le diagnostic de rupture vasculaire.
Cette découverte d’hémorragie
sur rupture d’anévrisme artériel nécessite la réalisation urgente
d’une artériographie et une prise en charge en milieu
neurochirurgical.
* HICS secondaires à une tumeur
:
Environ 5 à 10% des tumeurs intracérébrales sont le siège d’une
hémorragie au cours de leur évolution.
Il s’agit essentiellement de
tumeurs malignes primitives de type glioblastome ou de métastases.
Les métastases cérébrales des mélanomes et des cancers du rein ou
du poumon sont le plus volontiers hémorragiques.
L’importance de
l’oedème périlésionnel et le caractère hétérogène du saignement
doivent orienter vers ce diagnostic.
* HICS primaires
:
Les HICS primaires sont les plus fréquentes et représentent de 80 à
85 % des hémorragies non traumatiques.
Plusieurs facteurs de risque
sont répertoriés.
+ Hypertension artérielle
:
L’HTA chronique est classiquement le principal facteur de risque de
survenue d’un HICS primaire.
Elle induit des altérations des
artérioles perforantes prédisposant à leur rupture.
La fréquence de
l’HTA dans les séries d’HICS primaires varie de 40 à 60 % et le rôle
de l’HTA comme facteur de risque doit donc être relativisé.
Il est
important de ne plus utiliser le terme « hématomes hypertensifs »
pour désigner les HICS primaires.
+ Alcool :
L’incidence des HICS primaires est plus élevée chez les éthyliques
chroniques.
L’alcool pourrait intervenir soit de manière directe, par
une éventuelle toxicité sur les vaisseaux cérébraux, soit de manière
indirecte en induisant une HTA.
+ Anticoagulants
:
Une complication hémorragique survient chez 6 à 8% des patients
suivant un traitement par antivitamines K, et un hématome
intracérébral dans 1 à 2% des cas.
Le risque de survenue d’un HICS
primaire est multiplié par sept ou huit dans une population traitée
par anticoagulants oraux par rapport à une population témoin
appariée.
Les HICS survenant lors d’un traitement par héparine sont
exceptionnels.
+ Drogues
:
L’utilisation d’amphétamine, de phénylpropanolamine ou de
cocaïne fait désormais partie des facteurs de risque de survenue
d’un HICS primaire.
L’HTA induite par les effets sympathomimétiques
des substances et les éventuels dommages artériels
causés par les embolisations de matériel étranger lors de l’injection
sont probablement des éléments importants dans la
physiopathologie.
2- Rappels anatomopathologiques
et physiopathologiques :
* Anatomopathologie
:
À la phase aiguë, la collection sanguine se présente comme une
masse sanguine liquide ou semi-liquide refoulant le tissu cérébral
voisin.
L’hémorragie peut rester localisée ou progresser par fusées
le long des axes myélinisés et aboutir à une rupture ventriculaire.
De petits fragments de tissu nécrotique sont parfois visibles au
centre de l’hématome, mais le diagnostic différentiel avec un
infarctus hémorragique ne pose habituellement pas de difficultés.
La détersion de l’hématome, assurée par les polynucléaires et les
macrophages, débute rapidement.
En quelques semaines, la
liquéfaction des caillots aboutit à la formation d’une cavité kystique
entourée d’une gliose astrocytaire.
Le contenu de la cavité reste
longtemps riche en hémosidérine.
* Topographie des hémorragies
:
En plus des hémorragies strictement intraventriculaires, il est
classique de distinguer plusieurs grands sites d’hémorragies
parenchymateuses :
– l’hémorragie capsulolenticulaire, dans laquelle le saignement
prend naissance à la partie postérieure du putamen ou de la capsule
externe ; l’extension antéropostérieure est prédominante, donnant un
aspect ovoïde à l’hématome ;
– l’hémorragie capsulothalamique ou striée interne, où le point de
départ du saignement est le thalamus ; l’extension médiale aboutit à
la rupture dans le troisième ventricule ; latéralement, la capsule
interne peut être envahie par l’hémorragie ;
– l’hémorragie du noyau caudé, rare et souvent limitée à la tête du
noyau ;
– l’hémorragie massive des ganglions de la base et du thalamus,
responsable de la constitution d’un volumineux hématome
quadrilatère ;
– les hémorragies lobaires, qui siègent dans la substance blanche
des lobes frontaux, temporaux, pariétaux, plus rarement occipitaux ;
le saignement sépare le cortex de la substance blanche sous-corticale ;
– les hémorragies cérébelleuses, dans lesquelles le saignement se
situe le plus souvent dans un hémisphère cérébelleux, dans la région
du noyau dentelé ;
– les hémorragies du tronc cérébral, fréquemment localisées à la
protubérance et exceptionnellement au bulbe.
* Physiopathologie
:
L’HICS est la conséquence de la rupture d’une artériole cérébrale.
L’HTA induit des anomalies des parois artérielles, comme la
lipohyalinose ou les microanévrismes de Charcot et Bouchard, qui
prédisposent à la rupture.
Un saignement prolongé, durant plus de
8 heures ou récidivant n’est pas un phénomène exceptionnel dans
les HICS.
L’extravasation sanguine intratissulaire provoque
rapidement une augmentation de pression sur le site de
l’hémorragie, refoulant le parenchyme sain.
L’hyperpression est
initialement responsable d’une hémostase spontanée par
compression des vaisseaux impliqués dans le saignement.
Dans un
deuxième temps, la collection hématique intratissulaire comprime le
parenchyme adjacent et crée une zone d’ischémie, elle-même
differenciée en une zone d’ischémie complète proche de la collection
sanguine et, plus à distance, une zone d’oligémie.
La zone
d’ischémie se transforme en oedème par libération d’acide arachidonique et de radicaux libres.
L’oedème est finalement
responsable d’une augmentation de pression intracrânienne et d’un
engagement cérébral.
3- Diagnostic
:
Devant un hémisyndrome d’installation soudaine évoquant le
diagnostic d’AVC, l’existence de céphalées importantes et de
troubles de la vigilance peut faire suspecter un hématome
intracérébral.
Le diagnostic positif est fait par le scanner cérébral
qui montre une hyperdensité spontanée.
Le scanner cérébral permet
de déterminer les principaux facteurs pronostiques, en particulier le
volume de l’hématome et l’extension ventriculaire de l’hémorragie.
D’autres examens complémentaires comme l’EEG, le fond d’oeil et
la ponction lombaire n’ont plus d’indication dans le diagnostic
positif d’un hématome intracérébral.
Actuellement, l’IRM occupe une place réduite dans le diagnostic
positif, mais sa réalisation permet, dans certains cas d’HICS
secondaires, de déterminer la cause du saignement.
L’artériographie
cérébrale n’a plus d’indication pour le diagnostic positif, mais est
également une exploration essentielle pour rechercher une cause
vasculaire malformative.
4- Pronostic
:
* Pronostic global
:
La mortalité précoce des HICS est importante.
Pour les HICS
primaires, le pourcentage de décès au trentième jour est
généralement compris entre 30 et 40 %.
Au moins la moitié de ces
décès survient dans les 72 premières heures d’évolution.
La
morbidité est plus difficile à évaluer, mais environ un tiers des
patients peuvent mener une vie indépendante 1 an après l’accident
hémorragique.
À volume égal, le pronostic fonctionnel des HICS est
bien meilleur qu’en cas d’ischémie artérielle.
* Facteurs pronostiques
:
+ Facteurs cliniques
:
Le facteur clinique incontestablement associé à la mortalité et à l’état
fonctionnel au trentième jour est le niveau de vigilance initial,
souvent apprécié par l’échelle de Glasgow.
L’intensité du déficit
moteur n’est pas systématiquement corrélée à l’évolution.
+ Facteurs scanographiques
:
Le volume de l’hématome, rapporté à la localisation, est le facteur
pronostique le plus fortement associé à la mortalité et à l’état
fonctionnel à 1 mois.
D’autres facteurs dépendant directement du
volume, comme le déplacement de la ligne médiane ou l’effet de
masse, sont également corrélés au statut évolutif.
L’hémorragie
ventriculaire est moins dépendante du volume ; elle est considérée
comme un facteur pronostique important.
+ Facteur biologique
:
Le taux de glycémie initial est corrélé à la mortalité à 1 mois.
+ Facteur étiologique
:
Les HICS survenant au cours d’un traitement anticoagulant oral sont
de plus grande gravité, avec une surmortalité de 20 %.
5- Traitement
:
Il n’existe pas de traitement spécifique de l’HICS.
Les moyens
thérapeutiques médicaux ou chirurgicaux visent à lutter contre
l’hypertension intracrânienne (HIC).
* Traitement médical
:
+ Mesures générales
:
La correction des troubles hydroélectrolytiques, l’oxygénation et la
prévention des troubles de déglutition sont indispensables.
La
prévention des complications thromboemboliques nécessite au
moins la prescription précoce d’une héparine de bas poids
moléculaire.
+ Contrôle de la pression intracrânienne
:
– Hyperventilation
L’hyperventilation induit une vasoconstriction secondaire à
l’hypocapnie, donc une réduction du débit sanguin cérébral.
Le
maintien d’une pression partielle en gaz carbonique entre 28 et
35 mmHg permet de lutter contre l’augmentation de la pression
intracrânienne.
L’effet de l’hyperventilation ne persiste que quelques
heures en raison de l’installation de mécanismes de régulation.
– Diurétiques osmotiques
Les diurétiques osmotiques comme le mannitol font passer l’eau du
secteur parenchymateux cérébral au secteur vasculaire.
Un autre
effet de tels diurétiques est la réduction de la production du LCR.
Les effets indésirables des diurétiques osmotiques sont l’installation
d’une hypokaliémie et d’une hyperosmolarité avec ses conséquences
rénales.
– Corticoïdes
Les corticoïdes par voie veineuse ont montré leur efficacité dans
l’oedème cérébral en rapport avec une tumeur ; leur utilité dans
l’oedème associé aux HICS est plus discutée.
– Barbituriques
Le thiopental à fortes doses permet d’obtenir une réduction du débit
sanguin cérébral.
Les contraintes techniques de cette thérapeutique
limitent son utilisation.
– Traitement des crises épileptiques
Les crises épileptiques précoces augmentent la pression
intracrânienne.
Elles nécessitent un traitement rapide.
+ Contrôle de l’hypertension artérielle
:
La pression de perfusion cérébrale dépend de la différence entre la
tension artérielle moyenne et la pression intracrânienne.
Le principal
mécanisme régulateur est le réflexe de Cushing, qui fait augmenter
la tension artérielle en cas d’élévation de la pression intracrânienne.
Il convient donc de ne pas corriger systématiquement l’HTA.
La
solution idéale consiste à corriger la tension artérielle sous contrôle
d’une mesure de la pression intracrânienne afin de maintenir la
pression de perfusion cérébrale entre 50 et 60 mmHg.
Les antihypertenseurs
de type vasodilatateurs périphériques provoquent
une vasodilatation cérébrale et contribuent à l’augmentation de la
pression intracrânienne.
Correction des troubles de la coagulation dus aux antivitamines K
Elle est urgente à mettre en oeuvre, du fait de la gravité particulière
de ce type d’HICS.
* Traitement chirurgical
:
L’objectif du geste chirurgical (trépanation ou stéréotaxie) n’est pas
d’évacuer totalement l’hématome, mais d’assurer une
décompression du parenchyme adjacent et de diminuer la pression
intracrânienne.
Hormis pour le drainage par ventriculostomie
devant une hydrocéphalie symptomatique ou une inondation
ventriculaire massive, les indications neurochirurgicales de l’HICS
primaire ne sont pas codifiées.
Aucune étude randomisée
prospective destinée à juger de l’intérêt du traitement
neurochirurgical n’a été jusqu’à présent entreprise.
D - THROMBOSES VEINEUSES CÉRÉBRALES (TVC)
:
Les TVC regroupent les thromboses des sinus veineux de la duremère
et des veines cérébrales superficielles et profondes.
Leur
fréquence est sous-estimée ; leurs étiologies sont multiples
(principalement non infectieuses).
Les méthodes d’exploration
modernes (IRM) permettent un diagnostic précoce et un suivi non
invasif. Le traitement par héparine a considérablement amélioré leur
pronostic.
Ainsi, leur prise en charge doit être active, permettant le
plus souvent une guérison.
Bien qu’elles puissent toucher toutes les
classes d’âge, les TVC prédominent chez le sujet jeune et chez la
femme, reflet de la prédominance des causes spécifiques (prise
d’oestroprogestatifs et post-partum).
L’incidence des TVC est
globalement sous-estimée et représente au moins 3 % des AVC.
1- Rappel anatomique et pathologique
:
Les veines superficielles drainent le sang de la majeure partie du
cortex.
Elles ont des parois minces, sans tunique musculaire ni
valvule, permettant leur dilatation et l’inversion du flux sanguin en
cas d’occlusion d’un sinus dural.
En revanche, leur variabilité
anatomique et le développement d’une circulation collatérale en cas
de thrombose expliquent l’absence de territoires veineux précis.
Les
veines profondes sont constantes, drainant le sang des noyaux gris
et de la substance blanche.
Les veines de la fosse postérieure sont
variables.
Les veines hémisphériques se drainent dans les sinus dure-mériens : sinus longitudinal supérieur (SLS) et sinus latéraux
(SL) pour les veines superficielles, sinus droit et sinus latéraux pour
les veines profondes.
Le SLS et SL reçoivent la plus grande partie des veines cérébrales.
Ils reçoivent également des veines méningées et diploïques qui,
communiquant par les veines émissaires avec les veines du cuir
chevelu, expliquent les TVC après infection ou contusion cutanées.
Enfin, ils communiquent avec les villosités arachnoïdiennes
constituant un des principaux sièges de résorption du LCR.
La
fréquence de l’HIC dans les TVC en est la résultante.
Le sinus
caverneux reçoit le sang veineux de la majeure partie de la face et
de l’étage antérieur du crâne et se draine dans les SL par
l’intermédiaire des sinus pétreux inférieur et supérieur.
Il est très
souvent concerné par les infections de la face et des cavités oto-rhino-laryngologiques.
La formation d’un thrombus au sein du système veineux peut rester
limitée aux veines corticales, mais fréquemment il s’étend aux sinus
duraux. Les lésions parenchymateuses sont inconstantes mais font
toute la gravité des TVC.
Elles sont représentées essentiellement par
les infarctus veineux, qui ont la particularité d’être hémorragiques
et d’affecter le cortex et la substance blanche adjacente, sans
répondre à un territoire de systématisation artérielle.
Une
hémorragie sous-arachnoïdienne ou un véritable hématome sousdural
associés sont possibles en cas d’extension importante.
2- Étiologies
:
On peut actuellement dénombrer près d’une centaine de causes de TVC.
Ce sont schématiquement toutes les causes de thromboses
veineuses périphériques auxquelles s’ajoutent des causes locales
(traumatisme crânien, infection de voisinage, tumeur cérébrale).
* Thromboses septiques
:
Elles étaient prédominantes avant l’utilisation des antibiotiques.
Actuellement, elles se sont considérablement réduites (de 8 % à
20 %).
La thrombose du sinus caverneux représente la forme la plus
classique de TVC septique.
Elle complique les sinusites et les
infections cutanées à Staphylococcus aureus de la face.
En fait, outre
les causes infectieuses locales, on peut trouver des causes générales
(septicémie, endocardite...).
* Thromboses aseptiques
:
Ce sont actuellement les plus fréquentes (de 80 à 92 %).
Elles
peuvent être secondaires à des causes locales (traumatismes crâniens
ouverts ou fermés parfois minimes, tumeurs) ou à des causes
générales.
Chez la femme jeune, deux étiologies prédominent : le
post-partum (un cas sur 3 000 accouchements) et la prise de
contraceptifs oraux.
Les maladies générales représentent la majorité
des étiologies, avec les cancers (hémopathies, lymphomes,
syndromes paranéoplasiques, tumeurs carcinoïdes), les maladies
inflammatoires (maladie de Behçet, lupus érythémateux, Wegener...)
et les troubles de l’hémostase (thrombocytémie, déficit en protéine
C, S ou antithrombine III).
Enfin, la fréquence des TVC sans étiologie
reste élevée, entre 25 % et 35 % des cas.
3- Clinique
:
Alors que les thromboses artérielles s’installent le plus souvent
soudainement, les TVC ont un mode de survenue extrêmement
variable : aigu (< 48 heures) dans environ 50 % des cas, subaigu (1 à
4 semaines) dans 40 % des cas et chronique (> 1 mois) dans 10 % des
cas.
Les symptômes sont variés.
Les céphalées témoignant de l’HIC sont
le symptôme le plus constant (80 %) et le plus précoce.
Parfois, elles
peuvent mimer aussi bien un accès migraineux qu’une hémorragie
méningée.
L’oedème papillaire est présent dans près de 50 % des
cas. Les crises comitiales sont très fréquentes (37 et 75 % des cas),
donnant un aspect particulier à l’« AVC ».
Rarement isolées, ces
crises prennent de nombreux aspects cliniques, focales, généralisées
ou alternantes. Les troubles de la conscience sont présents dans un
tiers des cas (simple obnubilation ou coma).
Les signes focaux
déficitaires sont fréquents (50 % des cas), parfois caractéristiques
avec un déficit moteur alternant (« à bascule ») et souvent rencontrés
après la survenue des crises épileptiques.
Exceptionnellement, il
peut exister des troubles psychiatriques ou un syndrome méningé
pur.
En fonction du mode d’installation des symptômes et de leurs
associations, trois grands syndromes peuvent être distingués.
L’HIC isolée constitue la forme clinique la plus homogène (20 %)
avec le tableau typique de l’« HIC bénigne ».
Les TVC avec signes focaux sont plus fréquentes (80 %), associant
des déficits constitués, transitoires, et/ou des crises comitiales et des
troubles de conscience, pouvant simuler un accident ischémique
artériel.
Mais la présence de crises comitiales, l’absence d’une
systématisation vasculaire artérielle de l’infarctus au scanner et
l’aggravation rapide de l’HIC doivent faire évoquer la TVC.
Les cas
chroniques simulent des tumeurs alors que les cas subaigus peuvent
orienter vers une encéphalite ou un abcès.
Selon la topographie de l’occlusion veineuse, le tableau clinique
varie : HIC pure en cas de thrombose limitée au SL ; HIC et signes
focaux (déficit et crises épileptiques) en cas de thrombose des veines
corticales étendues au SLS.
À l’inverse, la thrombose du SL peut
rester asymptomatique.
La thrombose des sinus pétreux est à
l’origine d’une atteinte du trijumeau et d’une paralysie du VI.
L’extension au golfe de la jugulaire peut entraîner un syndrome du
trou déchiré postérieur avec paralysie des derniers nerfs crâniens.
Les thromboses du système veineux profond sont rares et marquées
par l’installation brutale d’un coma avec signes de décérébration et
hypertonie extrapyramidale.
Le pronostic est sombre. Les
thromboses isolées des veines corticales sont très rares et se
manifestent par des crises épileptiques et/ou un déficit focal en
l’absence d’HIC.
La thrombose du sinus caverneux associe un chémosis, un ptosis et une ophtalmoplégie douloureuse. Son
évolution spontanée peut être dramatique, avec une extension aux
autres sinus.
4- Diagnostic positif
:
Il est assuré par les examens de neuro-imagerie.
Les autres examens
ne permettent jamais de trancher et ils sont plutôt réalisés pour
certains particularismes.
L’étude du LCR est essentielle devant tout
tableau d’HIC dite bénigne (c’est-à-dire isolée et à scanner normal) ;
elle permet à titre diagnostique la mesure de la pression d’ouverture
et, à titre thérapeutique, de diminuer rapidement l’HIC.
En
revanche, l’étude du LCR n’a guère d’intérêt dans les formes avec
signes focaux.
Elle peut cependant rester justifiée dans les formes
fébriles si l’on suspecte une méningite associée et dans les formes
sans cause apparente pour rechercher une méningite chronique.
L’EEG est anormal dans environ 75 % des cas mais sans spécificité.
Il demeure cependant intéressant dans les formes à symptomatologie
psychiatrique ou confusionnelle dominante.
* Scanner cérébral
:
Avec ou sans injection de produit de contraste, il est le premier
examen à effectuer.
Sa sensibilité et sa spécificité sont bonnes si
l’orientation clinique est correcte.
Les signes directs de la TVC sont représentés par la mise en évidence
de la thrombose (20 % à 30 % des cas) : spontanément par
l’hyperdensité des veines corticales (cord-sign) et des sinus (« triangle
dense »), et après injection par l’aspect du triangle vide ou « delta
sign » au niveau du SLS.
Les signes indirects sont en rapport avec le retentissement de la
thrombose sur les structures cérébrales.
La description est la
suivante : la prise de contraste anormale de la tente du cervelet et
de la faux du cerveau (témoignant de l’abondance de la circulation
collatérale), l’oedème cérébral diffus ou localisé (caractérisé par des
petits ventricules) et l’infarctus veineux.
Ce dernier se traduit par
une simple prise de contraste gyriforme, par une hypodensité ne
correspondant pas à un territoire artériel précis, ou par l’association
d’une hypodensité et d’une hyperdensité spontanée témoignant
d’un infarctus hémorragique (50 % des cas).
* Imagerie par résonance magnétique
:
L’IRM est remarquablement performante dans les TVC, car elle
visualise à la fois la thrombose, les éventuelles lésions parenchymateuses
associées et parfois la cause sous-jacente (tumeur,
mastoïdite etc).
L’hyposignal en T1 et en T2 d’un sinus normal se
transforme généralement en hypersignal en cas de thrombose.
Les
lésions parenchymateuses apparaissent sous la forme d’un hypersignal en T2 en cas d’oedème localisé ou d’ischémie.
En cas de
lésion hémorragique, il existe un hypersignal en T1 et un
hypersignal souvent entouré d’un anneau noir d’hyposignal (dépôt
d’hémosidérine) en T2.
L’IRM est actuellement la méthode de choix
pour le diagnostic des TVC mais elle peut être faussement négative
dans les tout premiers jours.
* Angiographie cérébrale
:
L’angiographie, qui a été longtemps la méthode de référence, reste
nécessaire pour le diagnostic de TVC en cas d’IRM normale.
Sa
réalisation doit être rigoureuse : angiographie artérielle des quatre
axes, avec clichés tardifs et incidence de face, de profil et de trois
quarts, afin de visualiser la totalité du SLS.
L’occlusion des sinus
réalise une absence d’opacification qui ne prête que rarement à la
confusion.
À l’inverse, la non-visualisation des veines corticales est
toujours difficile à affirmer en raison de la grande variabilité de leur
trajet et de leur nombre. Le ralentissement circulatoire et le
développement de la circulation collatérale avec des veines dilatées
et tortueuses (« tire-bouchonnées ») sont alors des signes indirects
de grande valeur.
Le diagnostic angiographique de thrombose du
système veineux profond est aisé car ce système est constant.
L’angio-IRM tend de plus en plus à remplacer l’angiographie
conventionnelle.
5- Évolution
:
La grande majorité des TVC possède une évolution favorable.
Les
cas mortels sont devenus rares, moins de 10 %, et le décès est
souvent plus en rapport avec l’affection causale.
La capacité de
récupération est généralement plus importante que face à une
thrombose artérielle.
Néanmoins, la persistance de séquelles n’est
pas exceptionnelle, environ 20 % des cas, à type de déficits focaux
ou même de cécité (en cas d’HIC traitée trop tardivement).
Certains
facteurs sont considérés comme péjoratifs : coma d’emblée, âge
élevé, présence de signes focaux déficitaires, atteinte du système
veineux profond ou des veines de la fosse postérieure et surtout
l’étiologie sous-jacente (thromboses septiques avec une mortalité de
78 %).
6- Traitements
:
La prise en charge thérapeutique des TVC associe un traitement
symptomatique, antithrombotique et de l’étiologie sous-jacente.
* Traitement symptomatique
:
Il comporte le contrôle des crises épileptiques en cas d’épilepsie,
une antibiothérapie adaptée à la porte d’entrée et à l’antibiogramme
en cas de thrombose septique, et un traitement antioedémateux
(corticoïdes, Diamoxt, restriction hydrique) en cas d’HIC.
Dans les
formes simulant une HIC bénigne, la soustraction de LCR associée à
l’acétazolamide (Diamoxt) permet, en règle générale, de contrôler
le risque visuel et d’éviter la dérivation lombopéritonéale.
* Traitement de la thrombose
:
Il fait essentiellement appel aux anticoagulants.
Longtemps débattu,
le bénéfice de l’héparine est maintenant démontré, même en cas
d’infarctus hémorragique.
Au bout de quelques jours, le relais est
pris par les anticoagulants per os et la durée totale du traitement est
de l’ordre de 3 mois, voire plus en cas de troubles de l’hémostase
sous-jacents.
E - INTÉRÊT DES UNITÉS NEUROVASCULAIRES
:
La publication d’essais cliniques randomisés et de leurs métaanalyses
au début des années 1990 a permis de démontrer le
bénéfice des unités neurovasculaires et de les inclure dans les recommandations.
Ces unités améliorent le pronostic vital
(diminution de la mortalité d’environ 20 %) et fonctionnel.
La qualité
de vie après un AVC, évaluée dans une analyse post-hoc, serait
également améliorée chez les patients traités dans une unité
spécialisée.
Globalement, il apparaît que, pour 100 patients traités
dans une unité neurovasculaire, cinq de plus retournent à leur
domicile et sont indépendants, quatre de moins décèdent et un de
moins nécessite une prise en charge en long séjour.
Environ
25 patients doivent être traités dans l’unité vasculaire pour prévenir
un décès et environ 20 patients pour permettre un retour au
domicile indépendant.
Ce bénéfice vital et fonctionnel se maintient
10 ans après l’AVC ; les patients qui survivent n’ont pas un risque
accru de récidive ou de handicap à long terme.
Le bénéfice est
observé indépendamment de l’âge, du sexe, de la gravité de l’AVC,
du délai de l’hospitalisation et de la structure de référence :
médecine, neurologie générale.
Il n’existe donc pas, dans cette métaanalyse,
de catégories de patients qui ne bénéficient pas d’une
hospitalisation en unité neurovasculaire.
Ces unités permettraient
aussi de réduire la durée d’hospitalisation et le coût direct de la
prise en charge des AVC.
Le bénéfice lié à de telles unités n’est pas
fondé sur l’action d’un médicament, mais sur l’efficacité d’une
équipe multidisciplinaire interactive.