Polyradiculonévrite aiguë inflammatoire (syndrome de Guillain et Barré) Cours de Neurologie
Chez l’homme, le syndrome de Guillain et Barré est
une des causes les plus fréquentes de paralysie
acquise par atteinte des nerfs périphériques.
Il évolue en
3 phases : installation rapide, plateau de durée variable
et récupération généralement longue (quelques mois).
Son incidence annuelle est d’environ 1 à 2 pour
100 000 ; il touche les 2 sexes, sans distinction d’âge ou
de race.
Bien que son pronostic soit réputé favorable,
environ 5 % des patients décéderont, et 15 à 25 % garderont
des séquelles définitives.
Cependant, les progrès
réalisés durant les 15 dernières années dans la prise en
charge du syndrome de Guillain et Barré ont sensiblement
diminué sa mortalité et sa morbidité.
La physiopathologie
pourrait impliquer des mécanismes infectieux
et/ou immunologiques.
Diagnostic
:
Le diagnostic du syndrome de Guillain et Barré repose dans sa forme typique sur l’association de signes cliniques
et paracliniques dont aucun n’est spécifique de la
maladie.
C’est donc la réunion d’un faisceau d’arguments
qui permet de porter le diagnostic de syndrome de
Guillain et Barré.
Des critères diagnostiques ont été proposés, ils ne s’appliquent qu’aux formes
typiques de la maladie.
A - Signes cliniques :
1- Phase d’installation :
Typiquement, il s’agit d’une paralysie ascendante d’installation
rapide, touchant d’abord les membres inférieurs
puis les membres supérieurs de façon grossièrement
symétrique, et accompagnée ou précédée de
troubles sensitifs, généralement à type d’engourdissements
ou de paresthésies.
L’abolition des réflexes ostéo-tendineux témoigne du
caractère périphérique de la paralysie, mais plus rarement,
les réflexes peuvent être seulement diminués ou
normaux.
Une atteinte des paires crâniennes est fréquente, le
plus souvent représentée par une paralysie faciale
périphérique bilatérale (dans environ 50 % des cas).
L’atteinte des dernières paires crâniennes, quant à
elle, peut être responsable de troubles de la phonation
et de la déglutition imposant une alimentation entérale.
La paralysie des muscles respiratoires est généralement
plus tardive lorsqu’elle survient, mais sa perspective
nécessite une surveillance étroite des paramètres ventilatoires
car la décompensation peut être très rapide,
imposant un transfert en réanimation.
On estime qu’environ
20 à 30 % des patients auront besion d’une ventilation
mécanique.
Des douleurs sont présentes initialement dans un quart
des cas sous formes de rachialgies ou sciatalgies, qui
peuvent être inaugurales et retarder le diagnostic.
La durée d’installation des paralysies est par définition inférieure ou égale à 4 semaines et le déficit moteur est
maximal en une douzaine de jours en moyenne.
Dans
deux tiers des cas environ, le syndrome de Guillain et
Barré est précédé d’une infection bactérienne ou virale.
L’absence d’un tel antécédent ne remet donc pas en
cause le diagnostic.
2- Phase de plateau :
Le déficit moteur est constitué, il s’agit d’une tétraplégie
ou d’une tétraparésie d’intensité variable, habituellement
symétrique.
Les troubles sensitifs sont le plus souvent au second
plan.
Les paresthésies peuvent persister et l’examen clinique
révèle généralement une hypoesthésie vibratoire
et une altération du sens de position, témoignant d’une
atteinte concernant plutôt les grosses fibres myélinisées.
L’aréflexie généralisée est la règle, même si les réflexes
peuvent être préservés.
Outre l’atteinte du VII et des dernières paires crâniennes,
une ophtalmoplégie ou un ptosis, témoignant
d’une atteinte des nerfs oculomoteurs, peuvent survenir
dans 15 % des cas environ.
Des douleurs à ce stade seraient présentes dans 9 cas sur
10, nécessitant un traitement symptomatique.
Le système nerveux autonome serait atteint dans 70 %
des cas.
Cela peut se traduire par des anomalies pupillaires,
une labilité tensionnelle avec possibles accès
hypo- ou hypertensifs, mais surtout des troubles du rythme
ou de la conduction cardiaque (notamment des bradycardies
paroxystiques) pouvant causer des morts
subites.
La détection de ces troubles souvent latents doit
être systématique et fréquente.
Comme lors de la phase d’installation, la recherche systématique
d’une atteinte des muscles respiratoires est à
effectuer très fréquemment.
D’autres signes cliniques plus rares peuvent survenir,
comme un oedème papillaire, des myokymies, des myoclonies,
des troubles du comportement ou des crises
comitiales.
Des formes cliniques distinctes du syndrome
de Guillain et Barré ont été décrites.
B - Examens complémentaires :
1- Étude du liquide céphalo-rachidien (LCR) :
Elle révèle une hyperprotéinorachie généralement
modérée (<1g/L) sans hypercytose.
C’est la classique
dissociation albumino-cytologique. Cet élément peut
manquer lorsque la ponction lombaire est réalisée très
tôt dans l’évolution de la maladie (première semaine).
Une hypercytose supérieure à 20 cellules par mm3 doit
toujours faire évoquer un autre diagnostic que le syndrome
de Guillain et Barré.
2- Étude électrophysiologique :
Elle montre habituellement des signes électriques en
faveur d’une démyélinisation segmentaire et multifocale.
Ces signes sont :
– le ralentissement des vitesses de conduction motrice et
sensitive ;
– l’étalement (dispersion temporelle) de la réponse évoquée,
motrice ;
– l’allongement de la latence des ondes F ;
– l’allongement des latences distales motrices ;
– la présence de blocs de conduction, qui sont le signe le
plus caractéristique de la démyélinisation segmentaire.
La mise en évidence de signes de dénervation à l’électromyogramme
(examen de détection à l’aiguille) est
plus tardive. La présence de fibrillation au repos constituerait
un facteur de mauvais pronostic.
3- Autres examens complémentaires :
Depuis la mise en évidence d’antécédents fréquents
d’infection par Campylobacter jejuni dans des cas de
syndrome de Guillain et Barré (principalement dans
les formes axonales réputées plus sévères), le sérodiagnostic
spécifique de cette bactérie est pratiqué de
façon systématique dès la suspicion de syndrome de
Guillain et Barré.
La positivité de la sérologie pour le Campylobacter ne constitue qu’un élément d’orientation
supplémentaire, et n’est en aucun cas nécessaire
ou suffisante pour porter le diagnostic de syndrome
de Guillain et Barré.
Évolution, pronostic, prise en charge
:
L’évolution du syndrome de Guillain et Barré se fait
spontanément vers la récupération, mais les séquelles
définitives concerneront jusqu’à un quart des patients, et
le pronostic vital peut être mis en jeu par l’insuffisance
respiratoire, la dysautonomie et les complications liées à
l’alitement.
C’est pourquoi ces patients doivent bénéficier
d’une prise en charge neurologique spécialisée, à
proximité d’une unité de soins intensifs.
Il faut souligner
que chez ces patients conscients de leur état, toutes les
mesures thérapeutiques ainsi que les différents gestes
pratiqués et leur but doivent être clairement expliqués
par l’ensemble des membres de l’équipe soignante.
A - Complications et leur prise en charge :
L’évolution spontanée du syndrome de Guillain et Barré
se fait en 3 phases avec une tendance à la récupération
spontanée.
Les complications menaçant le pronostic
vital surviendront lors de la phase d’installation et de la
phase d’état.
1- Troubles de déglutition :
Lorsqu’ils surviennent, ils imposent une alimentation entérale (au mieux continue pour éviter les risques de
dilatation gastrique) par sonde nasogastrique, afin de
prévenir le risque de pneumopathie de déglutition.
2- Atteinte respiratoire :
Elle engage le pronostic vital, et la surveillance de la
fonction ventilatoire constitue un des points les plus
importants de la prise en charge de ces patients puisque
environ un quart d’entre eux devront être soumis à une
ventilation mécanique.
L’évolution de la gazométrie
sanguine constitue un très mauvais indicateur de la
dégradation respiratoire chez ces patients, qui garderont
très longtemps des gaz du sang normaux.
La surveillance
sera donc essentiellement clinique reposant par
exemple sur l’observation de l’ampliation thoracique
maximale et de l’efficacité de la toux, sur la mesure de
la durée maximale d’inspiration bloquée et sur l’appréciation
du déficit moteur des muscles abdominaux et de
l’importance de l’encombrement bronchique.
La mesure de la capacité vitale au lit du malade par spirographie
peut également s’avérer utile à la surveillance de la
fonction ventilatoire.
3- Troubles cardiocirculatoires :
Ils sont dus à l’atteinte du système nerveux autonome.
Les poussées d’hypertension artérielle sont en règle peu
menaçantes et n’imposent pas de traitement spécifique.
En revanche, les accès de bradycardie menacent le pronostic
vital et imposent une surveillance continue par cardioscope.
Ils peuvent être spontanés ou déclenchés
par les changements de position, les aspirations trachéales.
Leur traitement fait appel à l’atropine par voie
sous-cutanée et, en cas d’échec, à la mise en place d’une
sonde d’entraînement électrosystolique.
4- Autres
:
Chez ces patients souvent tétraparétiques, le risque thrombo-
embolique est élevé et doit être prévenu d’emblée par
une anticoagulation préventive par héparine de bas poids
moléculaire.
Cela ne dispense pas de la surveillance constante des signes de phlébite.
La prévention du risque
thrombotique passe également par la kinésithérapie passive
qui doit être débutée aussi tôt que possible.
La survenue d’escarres peut être très rapide chez des
patients paralysés, ce qui impose une présence intensive
avec changements de position fréquents, et l’utilisation
de matelas adaptés.
Les patients souffrant d’un syndrome de Guillain et
Barré sont d’autant plus soumis au risque infectieux
qu’ils sont alités et en réanimation.
C’est pourquoi les
mesures d’asepsie doivent être draconiennes, et les
infections (bronchopulmonaires ou autres) traitées au
mieux après preuve bactériologique.
La douleur sera traitée avec des antalgiques non sédatifs
chez les patients non ventilés en raison de l’effet délétère
des sédatifs sur la fonction ventilatoire.
Il n’est pas rare de voir survenir une hyponatrémie par
syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique
(SIADH), nécessitant la prise en charge habituelle
de ces troubles hydro-électrolytiques.
Le traitement
spécifique repose sur les immunomodulateurs.
B - Pronostic :
1- Pronostic vital :
Malgré les mesures générales et spécifiques de la prise
en charge en unités de soins intensifs, 5 % des patients
présentant un syndrome de Guillain et Barré décèdent
encore actuellement.
2- Pronostic fonctionnel
:
On estime que 15 à 25 % des patients garderont des
séquelles définitives après un syndrome de Guillain et
Barré.
Les séquelles motrices peuvent être particulièrement
invalidantes (dans une minorité de cas), ce qui souligne
l’intérêt de la mise en oeuvre très précoce des traitements
spécifiques, et d’une prise en charge intensive
par les kinésithérapeutes.
3- Facteurs de mauvais pronostic :
L’étude de grandes séries de patients a permis de mettre
en évidence un certain nombre de facteurs de mauvais
pronostic (vital ou fonctionnel).
Ces facteurs sont principalement
: un âge supérieur à 50-60 ans, un début rapide
(<7j), la nécessité d’une ventilation assistée, une
diminution importante des amplitudes motrices à l’électromyogramme
(EMG) attestant d’une atteinte axonale
concomitante et l’absence de traitement spécifique.
4- Formes à rechutes :
Environ 5 % des patients feront des rechutes de la maladie.
Ces formes cliniques sont à rapprocher des formes à rechutes
des polyradiculonévrites chroniques idiopathiques.