Grossesses multiples Étude anatomoclinique et prise en charge Cours de
Gynécologie Obstétrique
Fréquence
:
La fréquence exacte des grossesses multiples est difficile à évaluer
car le nombre accru d’avortements précoces en sous-estime la valeur.
Elle est classiquement de 1 pour 89 dans une population d’origine
européenne et varie de 4 à 40/1 000 dans la littérature.
Établies à partir d’études statistiques, la loi de Helin ou celle de
Zeloni élèvent la fréquence des grossesses triples à 1/89 au carré
(soit 1/7 921), à 1/89 au cube pour les grossesses quadruples (soit
environ 1/700 000).
Au-delà du quatrième rang, les grossesses
spontanées deviennent rarissimes (pour les grossesses quintuples :
environ 1/41 000 000).
En pratique, la fréquence des grossesses
multiples de haut rang (GMHR) varie beaucoup selon les
publications et est comprise entre 1/427 et 1/16 000.
La
dispersion de ces valeurs peut être expliquée par les différences de
période et de site de recueil des observations (centres d’aide
médicale à la procréation [AMP]) et par la prise en compte ou non
des modalités d’issue de la grossesse.
Analyse fondamentale :
A - GROSSESSES GÉMELLAIRES DIZYGOTES :
1- Mécanisme, fécondation
:
Une grossesse gémellaire dizygote résulte en règle générale de la
fécondation simultanée par deux spermatozoïdes de deux ovocytes
issus des deux ovaires ou d’un seul.
Il est actuellement admis que ces pontes multiovocytaires sont dues à un dérèglement du
gonadostat, avec excès de follicule stimulating hormone (FSH)
secondaire, en partie ou en totalité, à des facteurs héréditaires
d’origine maternelle.
Le rôle de la luteinizing hormone (LH) ne
semble pas prouvé.
La gémellité dizygote peut aussi résulter de deux mécanismes
exceptionnels :
– la superfécondation : fécondation rapprochée de deux ovocytes
par deux spermatozoïdes de pères différents ;
– la superfoetation : la fécondation de deux ovocytes issus de deux
cycles successifs n’a jamais été décrite dans l’espèce humaine.
Toutefois, la survenue d’une seconde ovulation à quelques jours
d’intervalle sur un même cycle, voire une double fécondation à
partir de follicules bi- ou polyovocytaires ont été évoquées.
2- Épidémiologie
:
De multiples facteurs, tant génétiques que socioenvironnementaux,
ont été incriminés dans la genèse des grossesses gémellaires
dizygotes.
– Leur fréquence croît avec l’âge maternel parallèlement à
l’élévation importante du taux de FSH, induisant des ovulations
doubles.
En revanche, après 37 ans, une régression brutale de
cette fréquence s’observe, en raison du taux croissant habituellement
décrit d’avortements spontanés sur anomalies ovulaires.
– La gémellité dizygote augmenterait avec la parité,
indépendamment de l’âge maternel.
– Une prédisposition familiale est certaine, les facteurs héréditaires
intervenant par l’intermédiaire du génotype féminin.
Les
jumelles ont deux fois plus de jumeaux que la population
générale.
– Les facteurs ethniques ont un rôle important puisque la fréquence
des grossesses dizygotes va de 6/1 000 dans la population
asiatique à 16/1 000 dans la population africaine (atteignant
même 45/1 000 chez les Yorubas au Nigeria).
Ces variations sont
indépendantes de la localisation géographique.
– Les études réalisées chez les Yorubas ont permis de mettre en
évidence l’influence de paramètres nutritionnels (consommation
quasi exclusive de yams, contenant des substances oestrogène-like).
De même, on a constaté moins de naissances gémellaires dizygotes
lors de périodes de malnutrition, sans modification parallèle du taux
de gémellité monozygote.
– Les facteurs saisonniers en modifient la fréquence (pic en juillet et
nadir en janvier), par le biais probable de l’influence de la
photopériode sur la sécrétion de FSH.
– Par ailleurs, certains hydrocarbures polychlorinés à effets
oestrogéniques ont été incriminés comme facteurs potentiels de
gémellité dizygote.
– Enfin, l’avènement des traitements de la stérilité a été responsable
d’une forte augmentation iatrogène du nombre de grossesses
multiples.
Selon les données de FIVNAT 1998, sur
9 500 grossesses pour une période allant de 1994 à 1996, on a recensé
25 % d’accouchements de jumeaux (24,5 % après intracytoplasmic
sperm injection [ICSI] et 25,9 % après fécondation in vitro [FIV]
classique).
3- Nidation, placentation :
La nidation des grossesses dizygotes ne diffère de celle des
singletons que par les contraintes d’espace, de contiguïté et de
position relatives dues au développement simultané des deux oeufs
indépendants dans l’utérus.
Chacun s’implante individuellement
dans la cavité utérine et y développe ses propres annexes.
La
placentation est toujours de type bichoriale biamniotique, les masses
placentaires pouvant être séparées par nidation sur des faces
différentes de l’utérus (50 % des cas), ou fusionnées par implantation
voisine des deux blastocytes.
La membrane interovulaire, épaisse et
opaque, comporte quatre feuillets et est indissociable de la plaque
choriale marquée d’un bourrelet blanchâtre plus ou moins saillant.
Les insertions funiculaires anormales, l’artère ombilicale unique ou
les anomalies de configuration placentaire sont plus fréquentes que
dans les grossesses uniques.
Il n’y a théoriquement jamais
d’anastomose vasculaire entre les deux circulations foetales, bien que
d’exceptionnelles observations aient été rapportées chez des
jumeaux de même sexe.
4- Particularités physiologiques
et anatomopathologiques :
* Chimères
:
Les jumeaux dizygotes peuvent exceptionnellement échanger des
cellules au cours des premiers stades de l’embryogenèse par
circulation commune entre mère et foetus ou entre jumeaux.
Ils
deviennent alors chimères, individus à populations cellulaires
différentes dérivant de plus d’un oeuf fécondé.
Chez les humains,
les 11 chimères décrites sont de type XX-XY et présentent une
ambiguïté sexuelle ou d’autres signes d’hermaphrodisme ; elles
peuvent avoir deux populations d’hématies à marqueurs distincts et
des types différents d’haptoglobine sérique.
D’autres hypothèses
demandant confirmation ont été envisagées, comme une
segmentation immédiate de l’ovocyte et de son globule polaire due
au vieillissement ovocytaire, rendant possible leur double
fécondation par deux spermatozoïdes différents.
* Grossesses hétérotopiques :
Elles résultent de la nidation simultanée intra- et extra-utérine des
deux embryons après fécondation de deux ovules expulsés à court
intervalle de temps. Les facteurs de risque sont ceux des
grossesses extra-utérines (GEU).
Par ailleurs, on note une
augmentation de la fréquence (1/30 000 naissances) des grossesses
hétérotopiques depuis le développement des techniques d’AMP,
mais la part respective de ces techniques et de leurs indications n’est
pas déterminée.
Johnson rapporte une incidence de 2,9 % sur
173 grossesses obtenues par FIV.
B - GROSSESSES GÉMELLAIRES MONOZYGOTES :
1- Mécanisme, fécondation
:
Les grossesses gémellaires monozygotes (uniovulaires, vrais
jumeaux) sont issues de la fécondation d’un seul ovule par un seul
spermatozoïde donnant un oeuf unique se divisant secondairement.
Les deux foetus sont en théorie génétiquement identiques et
nécessairement de même sexe.
Les cycles prolongés avec ovulation retardée ou avec fécondation
tardive et vieillissement postovulatoire seraient responsables d’ovopathies par surmaturité et favoriseraient, outre la survenue
d’anomalies chromosomiques et d’avortements, la séparation de
l’oeuf embryonné.
Ce phénomène de vieillissement ovocytaire aurait
les mêmes conséquences, qu’il soit pré- ou postovulatoire.
Dans
l’espèce humaine, des arguments en faveur d’une telle relation
causale ont été retrouvés. De même, les cycles menstruels seraient
plus longs et irréguliers que chez les femmes porteuses d’une
grossesse dizygote.
2- Fréquence, facteurs épidémiologiques
:
La fréquence est stable, 3,5 à 5/1 000 naissances.
Elle ne varie ni
avec l’origine ethnique ni avec la parité.
La part de l’hérédité est
classiquement faible dans l’étiologie de la gémellité monozygote ;
toutefois, le nombre de grossesses gémellaires monozygotes
observées chez des patientes elles-mêmes vraies jumelles semble
significativement accru.
Seul l’âge maternel évolue parallèlement à la fréquence (3/1 000 à
25 ans contre 4,5/1 000 après 40 ans).
Pour Bomsel-Helmreich, la
distribution des âges maternels en cas de grossesses monozygotes
présente une discrète élévation dans les classes d’âge très jeune et
un pic plus important proche de 35 ans, de manière identique à celle
observée chez les mères d’enfants trisomiques 21.
Il n’en est pas de
même pour les grossesses dizygotes dont la distribution est voisine
de la population générale.
3- Nidation, placentation
:
Le clivage de l’oeuf peut se produire à des stades divers du
développement embryonnaire.
Ce processus de partition peut
survenir à partir du stade deux blastomères jusqu’au début de la
troisième semaine postfécondation.
La placentation des jumeaux
monozygotes varie donc en conséquence.
* Placentation monochoriale :
Spécifique des grossesses monozygotes, on peut ainsi distinguer :
– le type monochorial biamniotique : il représente environ 70 % des
cas.
La division s’effectue entre le troisième et le septième jour postfécondation, au stade de bouton embryonnaire, avant la
formation de l’amnios mais après individualisation du trophoblaste.
Le placenta est unique ; il existe deux cavités séparées d’une fine
membrane constituée de l’accolement des deux amnios. L’insertion vélamenteuse ou marginale des cordons est très fréquente.
Les
anastomoses vasculaires entre les circulations foetales sont
constantes, superficielles ou profondes ; ces dernières, artérioveineuses, sont impliquées dans la genèse du syndrome de
transfusion interfoetale ;
– le type monochorial monoamniotique : il est rare (1 à 2% des
jumeaux monozygotes) et résulte de la division tardive de l’embryon
au cours de la deuxième semaine de son développement (8e-13e jour
postfécondation).
Les insertions funiculaires sont généralement
voisines et source de complications.
Les anastomoses vasculaires
sont ici encore constantes, mais on ne décrit jamais de
syndrome transfuseur-transfusé.
* Placentation bichoriale biamniotique :
Placentation unique des jumeaux dizygotes, c’est également celle
d’environ 30 % des monozygotes.
La séparation de l’oeuf intervient
précocement avant le stade morula (jusqu’à 120 heures postfécondation).
Il n’existe théoriquement pas d’anastomose
vasculaire.
Les placentas peuvent être distincts ou fusionnés (50 %
des cas) en fonction du site de nidation.
Au total, les grossesses dizygotes ont toutes une placentation bichoriale biamniotique ; les grossesses monochoriales sont toujours
monozygotes, mais toutes les grossesses bichoriales ne sont pas
dizygotes.
4- Particularités physiologiques
et anatomopathologiques :
Exceptionnellement, la division embryonnaire s’effectue à un stade
très tardif, après formation du disque embryonnaire au-delà du
14e jour du développement ; elle est alors incomplète et conduit à la
formation de jumeaux siamois.
L’existence de jumeaux monozygotes hétérocaryotes (à caryotypes
différents) a été décrite, impliquant la survenue simultanée d’une
mosaïque cellulaire et d’un clivage zygotique précoce. Il en est de
même pour certains jumeaux monozygotes hétéroalléliques différant
par l’existence chez l’un d’eux d’une mutation génétique ou
allélique.
C - GROSSESSES MULTIPLES DE HAUT RANG
:
1- Épidémiologie
:
Certains facteurs étiopathogéniques sont clairement reconnus :
– origine ethnique : la fréquence est plus faible dans les populations
asiatiques que dans les populations noires ;
– âge maternel : la fréquence est augmentée aux âges extrêmes de
la période d’activité génitale ;
– multiparité ;
– facteurs héréditaires.
D’autres paramètres restent controversés : critères socioéconomiques
et climatiques, morphotype maternel, contraception orale prolongée, hyperfécondité
du couple...
2- Grossesses induites :
L’augmentation de fréquence des GMHR évolue parallèlement au
développement des méthodes d’AMP et au développement des
traitements inducteurs de l’ovulation.
Selon les données FIVNAT
1997, le taux recensé de GMHR est de 5,5 % avant réduction
embryonnaire.
Les taux de grossesses multiples, comparables dans toutes les études
, varient selon la technique utilisée :
– clomifène : 5 à 10% de grossesses multiples, essentiellement
gémellaires ;
– human menopausal gonadotrophin (hMG), human chorionic
gonadotrophin (hCG) : 20 à 30 % de grossesses multiples ;
– FIV, ICSI : 20 à 30 % de grossesses multiples (25 % de gémellaires,
1,5 % de triples, 0,05 % de rang supérieur).
3- Nidation, placentation
:
Les GMHR peuvent résulter d’une plurizygotie ou de divisions
successives d’un oeuf unique à différents stades de son
développement.
Dans ce cas, toutes les associations de types
anatomiques placentaires sont possibles.
Les anomalies de
configuration placentaire ou d’insertion funiculaire sont d’autant
plus fréquentes que le nombre de foetus est grand.
Physiologie maternelle :
A - ADAPTATION MÉTABOLIQUE
:
La réponse physiologique maternelle sous contrôle endocrinien est
majorée au cours des grossesses multiples, du fait de la synthèse
hormonale protéique et stéroïdienne accrue d’origine foetoplacentaire.
La prise de poids est ainsi importante (+ 31 % en moyenne à
36 semaines d’aménorrhée [SA]), en partie conséquence de
l’augmentation de l’eau totale du corps.
La rétention hydrosodée est
en effet responsable d’un accroissement majeur de la volémie, en
général corrélée à un pronostic favorable.
L’utilisation des réserves maternelles en fer et en folates pour
l’hématopoïèse foetale, associée à l’hémodilution, conduit à la
réduction de leur concentration plasmatique pouvant expliquer la
fréquence de l’anémie en cas de grossesse multiple, limitant le
transfert d’oxygène vers l’unité foetoplacentaire.
Toutefois, les taux
d’hémoglobine plasmatique et de folates sont souvent peu modifiés
par rapport à une grossesse monofoetale.
Il est impératif de tenir
compte, dans ce contexte, de l’importance des pertes hémorragiques per partum toujours supérieures à celles des grossesses
monofoetales.
L’augmentation des besoins métaboliques, reflétant la
consommation énergétique des foetus pour assurer leurs dépenses
basales et leur croissance, semble importante, comme en témoigne
l’élévation de la consommation maternelle en oxygène.
En
conséquence, il est ainsi recommandé d’augmenter la ration
calorique journalière de la mère.
La grossesse gémellaire ne semble
pas représenter un risque particulier de perturbation du
métabolisme et de la tolérance glucidique.
B - ADAPTATION DU SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE
ET PULMONAIRE :
Les modifications cardiovasculaires sont précoces et importantes.
L’augmentation du débit cardiaque par accroissement de la
fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique est majorée,
surtout aux deuxième et troisième trimestres.
La distribution du
flux sanguin reste identique ; toutefois, le débit utérin est supérieur
à celui d’une grossesse monofoetale, sans modification de la
différence artérioveineuse en oxygène, traduisant l’augmentation de
la consommation utéroplacentaire. Les résistances artérielles et
veineuses sont diminuées.
L’hypotension orthostatique est plus
fréquente, par gêne au retour veineux et réduction d’efficacité des
mécanismes réflexes du contrôle de pression artérielle.
L’hyperventilation, majorée en cas de grossesse multiple, se traduit
par une augmentation du volume courant et une légère alcalose ventilatoire, conséquence possible de l’environnement hormonal
(progestérone), sans que le mécanisme ne soit clairement élucidé.
C - ADAPTATION DU SYSTÈME RÉNAL :
Secondairement à l’élévation du débit cardiaque, le flux sanguin
rénal et la filtration glomérulaire sont augmentés, dépassant
certaines capacités de réabsorption du tubule rénal.
La régulation
de la balance hydrosodée par l’atrial natriuretic peptide (ANP) et le
système rénine-aldostérone est inchangée ; les taux d’ANP sont
abaissés en cas de grossesse gémellaire par rapport à ceux observés
en cas de grossesse unique.
Par ailleurs, la compression urétérale par l’utérus gravide est ici plus
fréquente, prédominante à droite.
D - ADAPTATION DE L’UTÉRUS :
En cas de grossesse gémellaire, le volume intra-utérin est voisin à
25 SA de celui d’une grossesse monofoetale à terme (5 L).
Il peut
approcher 10 L en fin de grossesse.
Physiologie foetale
:
Il existe peu de données concernant les spécificités de la physiologie
foetale en cas de gémellité. Seule une avance maturative certaine des
jumeaux a pu être mise en évidence.
L’étude échographique de la
maturité placentaire montre l’existence d’une avance d’environ
1 mois dans l’acquisition des grades.
Une maturité pulmonaire
plus précoce a été objectivée par la mesure du rapport lécithinesphingomyéline
intra-amniotique.
Plusieurs études permettent
de constater que le minimum de mortalité périnatale des jumeaux
est observé à 37-38 SA, alors qu’il se situe vers 39-40 SA pour les
enfants uniques.
De même, le risque de mort néonatale des
jumeaux par prématurité est plus faible que celui des enfants
uniques de même durée de gestation.
Ainsi le risque accru de mort
foetale d’un ou des deux jumeaux au voisinage du terme pourrait
être expliqué par la survenue prématurée d’un syndrome de postmaturité, posant le problème du terme optimal de naissance des
jumeaux qui différerait de celui des enfants uniques.
Cependant, une étude de cohorte récente, ajustée sur l’âge, ne
met pas en évidence de différence en termes de mortalité,
d’hémorragie intraventriculaire néonatale et de détresse respiratoire
entre 112 grossesses gémellaires par rapport aux grossesses simples.
Diagnostic positif :
A - DIAGNOSTIC CLINIQUE :
L’interrogatoire précise l’origine ethnique de la patiente, ses
antécédents obstétricaux, la notion d’antécédents familiaux de
grossesse multiple et les conditions de fécondation de la grossesse
en cours (grossesse induite, AMP...).
La classique augmentation des signes sympathiques de grossesse,
parallèle à l’imprégnation hormonale, est cependant inconstante
dans son amplitude et sa fréquence.
L’examen clinique permet souvent d’objectiver une inadéquation
entre l’âge présumé de grossesse et le volume utérin.
En fait, en
début de grossesse, cette constatation, associée aux éventuelles
données de l’anamnèse, ne sert le plus souvent qu’à poser
l’indication d’une échographie précoce.
B - DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE :
L’élévation trop importante du taux d’hCG-bêta par rapport au
terme présumé de grossesse n’est qu’un élément d’orientation et fait
porter l’indication d’une échographie.
Les autres dosages hormonaux ne présentent aucun intérêt
diagnostique.
C - DIAGNOSTIC ÉCHOGRAPHIQUE :
Le diagnostic positif impose la visualisation sur un même plan de
coupe des embryons ou de segments embryonnaires identiques.
La visualisation de plusieurs sacs gestationnels, précocement dans
la grossesse (avant 6 SA par voie abdominale ou 5 SA par voie vaginale), laisse place à des diagnostics différentiels fréquents :
hématome périovulaire, défaut temporaire d’accolement des
caduques (signe de Nyberg).
L’existence d’un léger décalage évolutif
de deux oeufs indépendants peut égarer le diagnostic.
Enfin, un
examen ultrasonique trop précoce n’objectivant qu’un sac
gestationnel unique peut méconnaître une grossesse gémellaire monochoriale.
La découverte échographique d’une grossesse gémellaire doit
conduire à varier les incidences échographiques pour ne pas ignorer
un troisième embryon.
En pratique, à 7 SA, un examen échographique soigneux doit
permettre de porter un diagnostic positif de grossesse multiple dans
100 % des cas.
L’inconstance des signes d’appels fonctionnels et la difficulté de
l’examen clinique sont autant d’arguments à la réalisation
systématique d’une échographie précoce, au moins à 12 SA, pour
poser dès les premières semaines de grossesse le diagnostic de
grossesse multiple et en déterminer le type anatomique.
Grossesse multiple « normale » :
particularités de la prise en charge
:
Les grossesses multiples représentent des situations à risque pour la
mère et les enfants. Une prise en charge spécifique s’impose donc.
En règle générale, il apparaît souhaitable que la gestation soit prise
en charge en milieu spécialisé pour optimiser le pronostic maternofoetal.
L’application de politiques globales de prise en charge des
grossesses gémellaires permet de réduire la prématurité et la
survenue de ses complications habituelles, diminuant ainsi
notablement la mortalité périnatale.
Pons et al ont montré, sur
un suivi de 842 grossesses gémellaires, qu’une prise en charge
associant différentes mesures préventives permet de réduire
efficacement la mortalité périnatale en diminuant le taux de grande
prématurité ; le taux de prématurité globale reste inchangé.
Ces programmes de prévention reposent sur le diagnostic précoce
de gémellité, argument fondamental plaidant pour la réalisation
d’une politique de dépistage échographique systématique au
premier trimestre, permettant également de préciser au plus tôt le
type anatomique exact.
Une fois ce diagnostic posé, la patiente doit être informée des
particularités de sa grossesse et des mesures préventives, tant
médicales que sociales, qui s’imposent, avec réduction précoce des
activités professionnelles et physiques.
Une prise en charge clinique avec contrôle mensuel du col utérin est
satisfaisante en début de gestation, mais reste insuffisante au
troisième trimestre.
Certains auteurs utilisent un score cervical
(longueur du col moins dilatation de l’orifice interne en centimètres)
permettant le dépistage de patientes à risque d’accouchement
prématuré.
Différents moyens préventifs de la prématurité ont été évalués.
L’administration de progestérone, de bêtamimétiques ou
d’indométacine, ainsi que la surveillance de l’activité utérine par télé-monitoring n’ont pas démontré leur efficacité isolément en cas
de grossesse multiple.
L’intérêt de la corticothérapie par voie parentérale dans la
prévention des complications néonatales de la prématurité n’est,
quant à lui, plus à démontrer et certains la préconisent pour toute
grossesse multiple de manière systématique.
Ceci est d’autant plus
vrai que la maturité précoce des jumeaux est encore sujette à
controverse.
Pour les grossesses de haut rang, son intérêt est
fondamental dès 27 SA, pour prévenir la maladie des membranes
hyalines (31 % en l’absence de corticothérapie contre 13 % après).
L’hospitalisation systématique ne présente pas d’intérêt dans les
grossesses gémellaires.
En ce qui concerne les grossesses triples,
plusieurs auteurs ont proposé l’absence d’hospitalisation
systématique en fin de grossesse en dehors de complications,
mais cette possibilité est finalement peu fréquente.
L’intérêt de cette
attitude est controversé, puisque Adams montre que la réduction
de l’hospitalisation maternelle s’accompagne d’une augmentation
des complications périnatales ; la durée de séjour cumulée anténatale
et néonatale est alors identique à celle des femmes hospitalisées
pendant la grossesse.
De nouvelles investigations sont actuellement préconisées dans le
dépistage des grossesses gémellaires à risque d’accouchement
prématuré. Ainsi, l’échographie endovaginale permet avec une
certaine précision d’évaluer la longueur cervicale.
Comme pour les
grossesses simples, il semble qu’une longueur cervicale en deçà
de 25 à 35 mm entre 24 et 28 SA selon les études expose la patiente à
un accouchement prématuré ; les sensibilité, spécificité, valeur
prédictive positive et valeur prédictive négative varient
respectivement de 75 à 90 %, de 30 à 50 %, 30 à 63 %, et de 43 à 97 %
.
À ce jour, il n’existe aucune étude concernant la valeur de
l’échographie endovaginale pour les grossesses de haut rang.
La recherche de la fibronectine foetale est une alternative
intéressante. Une étude récente menée sur 121 grossesses gémellaires
montre qu’un test à la fibronectine positif à 28 SA permet de prédire
un accouchement prématuré avec une spécificité de 92 % et une
valeur prédictive négative de 87 %.
Les études comparant ces deux méthodes ne permettent pas de
conclure à la supériorité de l’une sur l’autre et il n’a pas été
démontré d’amélioration de la valeur prédictive lorsque ces deux
examens sont combinés.
Les résultats sont encore discordants mais
il semble que ces deux techniques permettent plutôt de reconnaître
les patientes à faible risque d’accouchement prématuré.
Le cerclage des grossesses gémellaires et triples n’est pas bénéfique
pour la plupart des auteurs, sauf en cas de facteurs de
risque associés (malformation utérine, incompétence cervicale).
Associé à un repos strict, il reste systématique au-delà de trois foetus.
En raison de l’insuffisance des données cliniques en cas de grossesse
multiple, la réalisation d’une échographie mensuelle se justifie dans
le but d’un dépistage des pathologies malformatives, des troubles
de croissance et des anomalies du volume amniotique.
En fin de
grossesse, un rythme bimensuel est préférable.
Le contrôle de la vitalité foetale est réalisé au mieux par
enregistrement simultané des rythmes cardiaques foetaux.
Les modalités de l’accouchement doivent être précocement
déterminées compte tenu du terme optimal physiologique avancé.
La surmaturité probable des jumeaux impose la mise en oeuvre, à
partir de la 38e SA, d’une conduite à tenir voisine de celle établie
pour la postmaturité des grossesses monofoetales, en raison de
l’accroissement démontré de la mortalité périnatale à partir de ce
terme.
En cas de conditions obstétricales favorables, un
déclenchement peut être alors envisagé.
Une préparation psychoprophylactique parentale doit être proposée.
En effet, le retentissement psychologique d’une GMHR nécessite le
plus souvent un accompagnement.
Celui-ci peut s’inclure
dans le cadre d’une association (Association nationale d’entraide des
parents de grossesses multiples) et être couplé à une aide sociale,
parfois prolongée, intervenant en pré- et post-partum.
Diagnostic anténatal : particularités,
conduite à tenir
A - ÉCHOGRAPHIE :
1- Premier trimestre :
* Type anatomique :
C’est dans la seconde moitié du premier trimestre que la réalisation
d’une échographie systématique permet de déterminer avec le
maximum de rigueur et de précision le type anatomique.
L’examen
doit associer systématiquement la voie vaginale à la voie transabdominale.
– Grossesse bichoriale.
Le diagnostic est ici précoce, mais les diagnostics différentiels sont
également nombreux, imposant donc la plus grande prudence.
Au sein de chaque sac ovulaire apparaissent successivement une
vésicule vitelline puis une structure embryonnaire.
L’individualisation totale de deux masses trophoblastiques est
caractéristique.
L’accolement des sacs, dû à leur augmentation de
volume, rend ensuite l’analyse plus difficile.
Toutefois, le signe du
lambda, formé par l’angle de raccordement des deux chorions, est
alors constant et pathognomonique, bien mis en évidence entre 8 et
15 SA.
L’épaisseur importante de la membrane interovulaire est
classiquement décrite à ce terme.
Ces signes affirment la bichorialité, mais en aucun cas la dizygotie.
– Grossesse monochoriale.
L’échographie transvaginale prend dans ce cas toute sa valeur,
permettant de préciser précocement les structures ovulaires internes.
Une seule cavité choriale est visualisée, avec une masse
trophoblastique unique.
Au sein d’un seul sac, deux vésicules vitellines puis deux embryons
sont mis en évidence.
En cas de grossesse diamniotique, une cloison est présente entre les
deux embryons, mais le signe du lambda est absent ; son
implantation se fait perpendiculairement au trophoblaste.
La
finesse de celle-ci, classiquement décrite, est encore parfois
difficile à affirmer.
L’absence de toute cloison retrouvée après un examen patient et
minutieux conduit au diagnostic de grossesse monoamniotique.
Le diagnostic précoce et certain de monochorialité affirme alors la
monozygotie.
* Dépistage des complications :
– Évanescence embryonnaire.
Elle se traduit par la lyse précoce d’un
sac ovulaire et d’un embryon préalablement visualisé.
– Dépistage précoce des malformations.
Comme pour les grossesses
simples, une étude anatomique doit être réalisée, préférentiellement
en fin de premier trimestre, permettant une mesure de la clarté
nucale de chaque embryon.
Certaines malformations foetales sont dépistables dès le premier
trimestre de grossesse, qu’elles soient non spécifiques ou spécifiques
(foetus acardiaque, jumeaux conjoints).
2- Deuxième et troisième trimestres
:
*
Anatomie foetale :
L’augmentation globale de fréquence des pathologies malformatives
observées en cas de grossesses multiples est sujette à controverses
du fait de l’absence de données épidémiologiques fiables.
D’après
une revue de 14 séries de grossesses gémellaires, le risque de
malformations est multiplié par 1,2 à 2.
La réalisation d’examens
échographiques soigneux doit permettre de dépister certaines
malformations non spécifiques plus fréquentes ou spécifiques.
En règle générale, l’examen est rendu difficile en raison des positions
relatives des foetus.
Il est donc recommandé de pratiquer une
première étude précoce, puis des études répétées mensuelles au
cours du deuxième trimestre, jusqu’à visualisation complète de
l’anatomie foetale.
Globalement et dans ces conditions, les valeurs
prédictives positives et négatives de l’échographie dans le dépistage
des malformations congénitales sur grossesses multiples sont
élevées, avec, pour Edwards, une sensibilité de 88 % et une
spécificité de 100 %.
* Type anatomique :
Le type anatomique est, à ce terme, beaucoup plus difficile à
diagnostiquer.
Il repose sur les mêmes critères qu’en début de gestation. Le
développement des masses placentaires est responsable le plus
souvent d’un accolement des sites d’insertion.
Le signe du lambda
devient incertain, même si son équivalent, décrit sous le nom de twin peak, peut persister jusqu’à la fin du deuxième trimestre.
L’épaisseur de la cloison interovulaire, difficile à apprécier et parfois
délicate à évaluer en cas de compression foetale ou de volume
amniotique réduit, reste controversée ; toutefois, l’amélioration
de la définition des sondes échographiques permet à certains
auteurs de proposer le compte des différents feuillets amniochoriaux
avec une sensibilité de 94 %, une valeur prédictive de bichorionicité
de 100 % et une excellente reproductibilité.
En cas de bichorialité, le seul argument échographique permettant
d’évoquer un diagnostic de zygosité est la détermination du sexe
des foetus.
* Biométrie et estimation pondérale foetales
:
Compte tenu de l’impossibilité d’appréciation clinique fiable, un
délai maximal de 4 semaines entre deux biométries échographiques
est souhaitable, même en l’absence de toute pathologie.
Les paramètres biométriques sont identiques à ceux habituellement
utilisés en cas de grossesse unique, à savoir le diamètre bipariétal, la
circonférence céphalique, le diamètre abdominal transverse ou la
circonférence abdominale, la longueur fémorale.
Si un consensus
s’est imposé pour choisir, en pratique quotidienne, l’abdominométrie
comme paramètre le plus représentatif de la trophicité foetale, la
précision des mesures est rendue difficile par la gémellité, surtout
en fin de grossesse.
L’estimation échographique du poids foetal est
donc intéressante en raison de sa prise en compte globale du foetus
et représente un critère décisionnel fondamental.
Il est classiquement admis que la croissance des jumeaux est
sensiblement superposable à celle d’un foetus unique jusqu’à environ
30 SA, puis subit un infléchissement.
En fait, une telle constatation
traduit une réelle situation pathologique et la croissance de chaque
foetus doit être surveillée de manière individuelle.
Des normes
spécifiques ont ainsi été publiées, mais celles-ci ne semblent
pas justifiées et elles restent peu utilisées.
La circonférence
abdominale et l’estimation du poids foetal sont à comparer aux
courbes établies pour les grossesses monofoetales qui permettraient
en fait une meilleure prédiction de la morbidité néonatale.
* Annexes foetales :
– Liquide amniotique.
Les paramètres d’évaluation et de surveillance du volume de liquide
amniotique sont identiques à ceux utilisés en cas de grossesse monofoetale.
La difficulté d’appréciation réside dans
l’individualisation des deux poches amniotiques.
L’hydramnios est décrit dans environ 10 % des grossesses multiples.
L’hydramnios chronique, signe d’appel important de pathologies
malformatives, doit être différencié de l’hydramnios aigu du
deuxième trimestre, spécifique des grossesses monochoriales, dans
le cadre d’un syndrome transfuseur-transfusé ou d’une grossesse
monoamniotique.
Le plus souvent, on se trouve en présence d’une simple disparité de
volume de liquide dans les deux poches amniotiques.
Dans environ
8 % des cas, l’augmentation du volume liquidien est telle qu’elle
aboutit au syndrome de stuck twin, plaquant le second foetus en
oligoamnios contre la paroi utérine, moulé par la cloison
interamniotique.
– Placentas et cordons.
Une attention particulière doit être portée au dépistage des
insertions basses du placenta, plus fréquentes en cas de gémellité.
L’examen des cordons s’attache, en cas de grossesse monochoriale,
à rechercher de fréquentes insertions vélamenteuses et en cas de
grossesse monoamniotique, à dépister un emmêlement funiculaire,
source d’accident foetal grave.
B
- DOPPLER :
1- Vélocimétrie ombilicale :
Les conditions de mesure ne diffèrent pas de celles devant être
observées lors d’une grossesse monofoetale.
Le site d’enregistrement
préférentiel doit, dès le deuxième trimestre, être porté au niveau
ombilical, une insertion funiculaire placentaire ne pouvant, le plus
souvent, être attribuée avec certitude à un foetus donné.
Toutefois,
l’interprétation de la valeur brute obtenue au niveau de l’insertion
ombilicale est délicate, en raison des résistances funiculaires
intrinsèques alors prises en compte.
Les courbes de normalité des différents index, et en particulier de
celui de Pourcelot, sont superposables à celles utilisées dans les
grossesses monofoetales.
Un index pathologique a la même
signification que dans une grossesse monofoetale, aussi bien en
termes de prédiction d’une souffrance foetale chronique que
d’altération du pronostic périnatal.
2- Vélocimétrie cérébrale
:
Les techniques de mesures sur les différents sites et l’interprétation
des résultats obtenus ne diffèrent pas des grossesses monofoetales.
La découverte d’une valeur pathologique prédictive de la survenue
d’une souffrance foetale aiguë chez un jumeau, ainsi que les
décisions qui en découlent, doivent impérativement être nuancées
par la préservation du second foetus.
3- Vélocimétrie utérine :
Si une relation statistiquement significative entre la présence
d’anomalies du doppler utérin et l’apparition de pathologies
vasculaires est acquise dans les grossesses uniques, seules deux
publications dans la littérature ont rapporté les valeurs normales et
prédictives du doppler utérin dans les grossesses gémellaires.
Rizzo a étudié transversalement une population de
149 grossesses gémellaires qu’il a comparées à 315 grossesses
simples.
Il a ainsi pu observer que les valeurs moyennes des index
étaient toujours inférieures à celles des grossesses simples, avec une
pente selon le terme légèrement plus faible.
D’autre part, il montre à
partir d’une étude prospective concernant 64 grossesses gémellaires,
que la valeur prédictive du doppler est insuffisante, avec une
sensibilité de 20 à 45 % et une spécificité de 65 à 70 % avec un
mauvais test de kappa (<= 0,10). Chen a réalisé un doppler utérin
à partir de 19 SA et tous les 15 jours à 24 patientes présentant une
grossesse gémellaire qu’il compare à 99 grossesses simples.
Il
constate que, quel que soit l’âge gestationnel, l’index de pulsatilité
est toujours inférieur en cas de gémellité et décroît progressivement
pour atteindre une valeur seuil à 27 SA.
Cependant, à hauteur
utérine égale, les index restent significativement inférieurs au-delà
de 29 cm.
La surdistension utérine doit donc intervenir dans l’afflux
sanguin utérin.
Ceci est d’ailleurs conforté par les publications
concernant les modifications du doppler utérin en cas de variations
importantes de volume du liquide amniotique.
À l’heure actuelle, le doppler utérin semble donc être un mauvais
examen de prédiction de pathologies vasculaires dans les grossesses
gémellaires.
Cependant, la littérature n’est actuellement pas encore
suffisante pour conclure de façon définitive.
C - PRÉLÈVEMENTS FOETAUX
:
Les spécificités de tout prélèvement de tissu foetal en cas de
grossesse multiple et le risque iatrogène en règle accru, obligent à
répondre formellement à trois impératifs :
– permettre de porter un diagnostic précis sur une pathologie, sans
en aggraver le pronostic ni porter préjudice au foetus sain ;
– avoir la certitude de prélever les deux foetus ;
– attribuer un résultat pathologique à un foetus donné sans
équivoque possible, ce qui implique un repérage extrêmement précis
du site de prélèvement.
1- Techniques
:
*
Amniocentèse :
Elle doit être réalisée selon la technique habituelle entre 15 et 17 SA
et reste relativement aisée dans les mains d’un opérateur entraîné
sous guidage échographique.
Toutefois, la répétition des insertions d’aiguille en cas de grossesse multiple augmente le taux de
complications inhérentes au geste ; ainsi, plusieurs publications
soulignent l’intérêt de prélever les deux poches amniotiques par une
seule insertion d’aiguille prolongée à travers la cloison,
ramenant ainsi le risque à celui d’une ponction unique.
Cet excès de
morbidité habituellement retenu a toutefois été contesté récemment
par certains auteurs ; Wapner le rapporte plus aux complications
propres des grossesses multiples qu’au geste lui-même.
La certitude de prélèvements différents classiquement acquise après
injection dans la première poche amniotique ponctionnée d’un
colorant neutre dilué doit être aujourd’hui abandonnée ; la
responsabilité du bleu de méthylène en particulier a été mise en
cause dans la genèse de sténoses digestives, voire de morts in
utero.
Dumez préconise la réalisation d’un prélèvement sélectif échoguidé de part et d’autre de la membrane sans mobiliser la
sonde.
D’autres moyens ont également été proposés à titre
discriminatif, comme la différence d’analyse spectrophotométrique
du liquide amniotique ou son étude biochimique.
Cette
dernière méthode nécessite la congélation de quelques millilitres de
liquide amniotique dont l’analyse biochimique est réalisée de
manière différée en cas de résultats génétiques identiques, pouvant
indiquer de nouveaux prélèvements.
L’identification des foetus est également souvent source de
difficultés.
En général, elle implique le repérage des positions
foetales, la localisation des masses placentaires et des sites d’insertion cordonale, seuls éléments fixes ; l’identification de sexes différents
reste bien sûr le meilleur critère.
La réalisation d’amniocentèses hyperprécoces (avant 15 SA) peut
s’avérer intéressante à condition d’en limiter les complications par
une technique rigoureuse.
Elle permet en effet une bonne certitude
du site de prélèvement et une aide par examen biochimique reste
possible, mais la difficulté d’identification du foetus pathologique
existe parfois.
Les résultats obtenus par analyse de l’ADN, après
amplification génique, sont disponibles rapidement.
Il pourrait donc
s’agir d’une bonne alternative au prélèvement de villosités choriales
lorsqu’un diagnostic précoce est nécessaire.
* Prélèvement de villosités choriales :
Les données de la littérature restent limitées, de nombreux auteurs
insistant sur la difficulté technique de ce geste en cas de grossesse
gémellaire.
En effet, il est classique d’affirmer que :
– la certitude de prélèvements distincts est difficile, surtout en cas
de placentas uniques ou fusionnés, sans recours biologique facile en
cas de sexes et de résultats identiques ; seule l’étude des
microsatellites en biologie moléculaire peut être envisagée ;
– l’identification de l’embryon atteint est souvent difficile ;
– le terme de réalisation du prélèvement ne met pas à l’abri d’une
évanescence ovulaire et la question d’une imputabilité au geste ne
peut être écartée.
Toutefois, pour certains auteurs, le prélèvement de villosités
choriales reste un prélèvement de choix dans les mains d’opérateurs
entraînés à cette technique, avec un taux de complications
comparable à celui attribué aux amniocentèses.
Il en est ainsi
pour les prélèvements effectués par voie transabdominale, voire par
voie mixte (transcervicale pour un chorion et abdominale pour le
second), parfois techniquement plus aisée ; la voie transcervicale
exclusive doit être proscrite.
Pour Brandenburg, cependant, ces
données doivent être pondérées en fonction de l’âge maternel ;
Sebire propose un calcul de risque effectué à partir de l’âge
maternel et de la mesure de la clarté nucale permettant le choix du
prélèvement adapté (villosités choriales ou liquide amniotique).
L’intérêt des choriocentèses en cas de grossesse multiple apparaît
donc certain, mais il nous semble logique de les réserver à des
conditions particulières de placentation (trophoblastes distincts), à
des indications sélectionnées et dans des mains expérimentées.
* Prélèvement de sang foetal :
La cordocentèse a longtemps été considérée comme la technique de
choix d’exploration biologique foetale en cas de gémellité.
En
effet, les difficultés de repérage et de distinction des prélèvements
sont ici résolues, notamment en cas de ponction à l’insertion
ombilicale.
Par ailleurs, la possibilité d’examens biologiques
sanguins extemporanés permet de lever tout doute. Le terme tardif
de réalisation est compensé par la rapidité d’obtention des résultats,
en particulier pour le caryotype foetal.
Toutefois, le risque inhérent au geste doit être mis en balance avec le
bénéfice attendu, et de ce fait les indications en sont réduites aux
caryotypes tardifs et à certaines investigations dans le cadre de
syndromes transfuseur-transfusé.
2- Indications
:
* Diagnostic des maladies géniques
:
– Maladie autosomique.
Que le mode de transmission génique soit dominant ou récessif, il
apparaît, au vu des calculs de probabilités, que le risque d’avoir un
enfant atteint est nettement supérieur à celui observé en cas de
grossesse monofoetale pour la même pathologie.
Toutefois les
chances d’avoir au moins un enfant sain sont en conséquence
également supérieures.
Ces données sont essentielles à prendre en
compte dans l’indication du diagnostic anténatal et dans ses
conséquences thérapeutiques.
– Maladie récessive liée à X (mère conductrice).
Seuls les enfants de sexe masculin sont atteints.
Si le sexe est connu, les probabilités d’un garçon atteint et d’un
garçon sain sont, pour une grossesse monofoetale, de une sur deux.
Donc, les risques en cas de grossesse gémellaire dizygote sont
identiques à ceux d’une maladie autosomique dominante.
Si le sexe n’est pas déterminé, les probabilités d’avoir un enfant
atteint sont identiques à celles observées pour une maladie
autosomique récessive.
* Diagnostic des maladies chromosomiques :
Connaissant la probabilité « p » qu’un foetus unique soit porteur
d’une dyschromosomie pour un âge donné, la probabilité qu’un
foetus soit atteint est doublée en cas de grossesse dizygote, celle que
les deux foetus soient porteurs est « p2 » en cas de grossesse
dizygote, et inchangée (p) en cas de grossesse monozygote.
Ainsi, chez une patiente âgée de 40 ans, sans antécédent particulier,
présentant une grossesse unique, le risque d’anomalie
chromosomique est d’environ 2/100.
En cas de grossesse dizygote,
la probabilité qu’un enfant soit atteint est donc proche de 4/100 ;
celle que les deux enfants soit malades est de 4/10 000.
En cas de monozygotie, la probabilité d’avoir deux enfants porteurs est de
2/100.
Des études ont été récemment effectuées sur la valeur des taux
d’hCG, d’alphafoetoprotéine, et d’oestriol en cas de grossesse
multiple.
Toutefois, l’utilisation des marqueurs sériques de
trisomie 21 n’est pas encore exploitable en routine en raison du
faible recrutement gênant la détermination des normes et du seuil à
prendre en compte, compatible avec un taux acceptable
d’amniocentèses générées.
* Diagnostic du zygotisme :
Celui-ci apparaît donc d’une importance fondamentale dans le cadre
du diagnostic anténatal, mais il s’avère trop souvent d’affirmation
difficile.
En routine, l’échographie permet parfois de poser ce
diagnostic :
– la détermination du sexe foetal est le seul critère permettant
d’affirmer la dizygotie en cas de visualisation de sexes différents ;
– l’affirmation de la monochorialité implique la monozygotie.
Dans les autres hypothèses, seule l’étude de marqueurs génétiques
peut être d’utilité comme :
– l’étude des groupes sanguins ;
– l’étude électrophorétique du polymorphisme allélique de la
phosphatase alcaline placentaire (positif dans environ 18 % des cas) ;
– l’étude de l’ADN placentaire en biologie moléculaire, également
possible sur culture de fibroblastes, avec une incertitude d’environ
1 %.
Toute différence confirmée affirme la dizygotie.
Dans le cas contraire,
aucune conclusion ne peut être formellement portée et seul un calcul de probabilité est effectué.
En pratique, en raison de l’incertitude fréquente sur le diagnostic de zygotie, mais aussi de l’existence d’exceptionnels jumeaux
hétérocaryotes, l’établissement d’un diagnostic anténatal impose de
prélever chaque foetus.
* Diagnostic des anastomoses vasculaires
:
Comme nous l’avons vu, l’existence d’anastomoses vasculaires est
constante en cas de grossesse monochoriale.
Les anastomoses
profondes artérioveineuses créent une néocirculation interfoetale,
dont les conséquences sont telles que leur diagnostic est
fondamental.
Si le diagnostic du type anatomique reste méconnu et
que l’affirmation de l’existence de ce type d’anastomoses s’avère
indispensable en raison d’une thérapeutique anténatale éventuelle,
une cordocentèse peut être réalisée au niveau de l’insertion
ombilicale d’un foetus ; l’injection de 10 mL de sang adulte de
groupe O Rhésus négatif compatibilisé, suivie rapidement d’un
prélèvement au cordon du second jumeau, permet d’en établir le
diagnostic par les tests biologiques suivants :
– l’étude de la courbe de distribution, mettant en évidence un
double épaulement ;
– le test de Kleihauer ;
– la réactivité anti-I.
La fiabilité du résultat impose d’être sûr de la pureté du
prélèvement.
De manière non invasive, certains auteurs ont proposé l’utilisation
du doppler en codage couleur ou en mode énergie pour visualiser
ces anastomoses et en étudier le spectre.
3- Interruption de grossesse d’indication médicale :
* Techniques
:
La ponction permettant l’injection du produit toxique doit être
réalisée sous guidage échographique continu et dans des conditions
optimales d’asepsie.
Le trajet de ponction doit être le plus éloigné
possible de l’autre foetus ou de ses annexes.
Dans tous les cas, ce geste doit obéir à des conditions strictes :
– le repérage échographique doit être rigoureux ; un contrôle
biologique extemporané du site de ponction peut être nécessaire ;
– l’absence d’anastomoses vasculaires doit être affirmée.
Le
diagnostic préalable de bichorialité est donc impératif.
Dans le cas
contraire, l’interruption sélective de grossesse impose une
interruption de la circulation funiculaire du foetus par ligature ou embolisation, avec un risque propre encore important.
Même dans ces conditions, le taux global de morbidité reste élevé,
compris entre 25 et 50 %, avec un pourcentage d’avortement total
voisin de 15 %.
* Indications
:
– Grossesse bichoriale.
La conduite à tenir en cas de pathologie malformative découverte
sur un des jumeaux est liée aux conséquences intrinsèques à court,
moyen et long termes de cette malformation, mais également à son
retentissement éventuel sur le second foetus.
Toute décision
d’intervention doit impérativement tenir compte des conséquences
de celle-ci sur la grossesse et ne pas altérer le pronostic du foetus
sain.
En effet, pour plusieurs auteurs, le taux de prématurité
est significativement plus élevé en cas de malformation découverte
chez un jumeau par rapport aux grossesses gémellaires normales,
mais globalement le risque néonatal pour le jumeau sain semble peu
augmenté.
Le risque consécutif au foeticide sélectif, même tardif,
n’est pas significativement majoré, avec un taux d’accouchement
avant 34 SA proche de 14 %, retrouvé par Lipitz dans une étude
multicentrique récente.
Le principal facteur décisionnel est certes, le plus souvent, le
caractère spontanément létal ou non de la malformation.
Toutefois, les conditions les plus difficiles sont représentées par
certaines circonstances évolutives, comme l’apparition d’un
hydramnios chez le foetus malformé, représentant un facteur
déterminant dans la prise en charge, en raison de ses conséquences
potentielles sur l’évolution générale de la grossesse.
Des attitudes
spécifiques ont ainsi été proposées dans quelques situations
cliniques.
Toutefois, la gravité de ces décisions n’est le
plus souvent pas compatible avec un schéma décisionnel trop
sommaire, et impose qu’elles ne soient prises qu’au cas par cas,
après analyse globale de chaque situation particulière (obstétricale,
sociale, psychologique et familiale) par une équipe pluridisciplinaire
habituée à la gestion de tels problèmes.
– Grossesse monochoriale.
Plusieurs situations spécifiques doivent ici être distinguées.
En raison de la monozygotie, toute aberration chromosomique
affecte en théorie les deux jumeaux, simplifiant ainsi la conduite à
tenir.
La découverte d’un syndrome malformatif sur un foetus conduit le
plus souvent à éviter la réalisation d’une interruption sélective de
grossesse en raison de la constance des anastomoses vasculaires et
de la prise de risque liée aux difficultés techniques du geste.
Certaines malformations spécifiques imposent également une prise
en charge adaptée ; il en est ainsi de la découverte précoce de
jumeaux conjoints, d’un foetus acardiaque ou d’un foetus in
fetu.