Grossesse extra-utérine Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
La GEU est définie comme l’implantation d’une grossesse en dehors
de l’utérus. Cette définition exclut les grossesses interstitielles,
cervicales et cornuales.
Ces pathologies ne sont pas évoquées ici,
mais en pratique il faut, une fois le diagnostic de GEU éliminé,
savoir les évoquer.
La GEU occupe une place privilégiée dans la littérature médicale.
Malgré les avancées des techniques de biologie et de radiologie, plus
de la moitié des articles sont encore consacrés au diagnostic de cette
affection.
Nous rapportons ici les nouvelles techniques de diagnostic
de cette affection.
Cette pathologie reste potentiellement létale ; aux États-Unis, elle est
responsable de 9 % des morts maternelles et grève la fertilité des
patientes.
Cette pathologie a enfin la particularité de faire appel à un arsenal
thérapeutique de plus en plus large allant de l’abstention au
traitement chirurgical radical, en passant par le traitement médical.
Épidémiologie :
A - INCIDENCE :
Aux États-Unis, l’incidence de la GEU a été multipliée par quatre
entre 1970 et 1989.
En France, l’incidence de cette pathologie est difficile à évaluer.
En
effet, le taux de GEU dépend de la définition et du dénominateur
utilisé.
Le meilleur dénominateur semble être le nombre total de
grossesses, mais celui-ci est difficile à estimer car il n’existe pas de
registre national qui dénombre les grossesses avec fausse couche
spontanée, fausse couche induite, et les grossesses déclarées.
Le registre tenu dans deux départements permet d’approcher ce
taux.
En 1992, ce taux était de 2 % des naissances vivantes, de 1,6 %
des grossesses et de 0,09 % des femmes âgées de 15 à 44 ans.
Contrairement aux États-Unis et à la Norvège où l’incidence
augmente, à la Suède où l’incidence diminue, en France l’incidence
de la GEU est stable.
B - FACTEURS DE RISQUE
:
La connaissance des facteurs de risque a trois intérêts : permettre
une prévention primaire de la GEU en éliminant les facteurs de
risque, permettre une prévention secondaire en dépistant la GEU
dans les populations à risque ; enfin, tenter d’éviter une récidive.
Deux méta-analyses ont été publiées en 1995 et 1996.
La première méta-analyse étudie les effets des différentes
techniques contraceptives et fait la synthèse de 12 études castémoins
et d’une étude de cohorte.
Ces études doivent être séparées
en deux groupes ; le premier groupe est celui pour lequel les témoins
sont des femmes non enceintes.
Toutes les études qui comparent le
risque de GEU d’une série de femmes sous contraceptifs avec le
risque de GEU d’une série de femmes sans contraception, trouvent
un effet protecteur de tous les modes de contraception.
Le deuxième
groupe est celui pour lequel les témoins sont des femmes enceintes.
Les études qui comparent le risque de GEU d’une série de femmes
enceintes sous contraceptifs par rapport au risque de GEU d’une
série de femmes enceintes sans contraception trouvent des résultats
qui varient selon le mode contraceptif.
Si une femme est enceinte malgré l’utilisation de préservatifs, son
risque de GEU n’est pas augmenté.
Si une femme est enceinte
malgré une contraception hormonale, il existe une tendance vers une
augmentation (non significative) du risque de GEU, cette tendance
serait liée à l’effet des contraceptifs progestatifs qui diminuent la
motilité tubaire.
Si une femme est enceinte malgré l’utilisation d’un dispositif intrautérin,
son risque de GEU est multiplié par 4 à 45 selon les études ;
si elle est enceinte malgré un antécédent de stérilisation tubaire, le
risque est multiplié par 9.
En effet, ces deux techniques
contraceptives protègent mieux contre les grossesses intra-utérines
(GIU) que contre les GEU.
Il faut noter qu’un antécédent de contraception par dispositif intrautérin
(DIU) est également un facteur de risque de GEU (risque
multiplié par 1,6), ce qui suggère une relation entre la pose d’un
DIU et l’apparition de lésions tubaires.
Les mécanismes qui pourraient expliquer l’augmentation des risques
de GEU après ligature tubaire sont l’obturation tubaire incomplète
déformant la structure tubaire, une reperméabilisation tubaire ou la
formation d’une fistule utéropéritonéale.
La deuxième méta-analyse fait la synthèse de 27 études castémoins
et de neuf études de cohorte représentant 6 718 cas de GEU,
et s’intéresse à tous les facteurs de risque en dehors de la
contraception.
Six éléments augmentent de manière importante le risque de GEU :
les antécédents de GEU, les antécédents de chirurgie tubaire,
l’exposition au Distilbènet, l’existence de lésions tubaires et une
contraception de type DIU ou stérilisation tubaire.
Les facteurs qui augmentent de manière modérée les risques de GEU
sont les antécédents d’infection à Chlamydia, à gonocoque, de
pelvipéritonite, d’infertilité, de tabagisme et le nombre de
partenaires sexuels supérieur à un.
Les autres facteurs augmentent faiblement le risque : antécédent de
chirurgie abdominopelvienne, âge du premier rapport sexuel
inférieur à 18 ans, antécédent de contraception par DIU et
contraception microprogestative.
Impact préventif
:
La connaissance de ces facteurs a un triple impact préventif.
La prévention primaire de la GEU repose d’une part sur la prévention
des infections génitales par l’utilisation de préservatifs et le
traitement rapide et efficace des infections à Chlamydia et, d’autre
part, sur les campagnes antitabac.
Les travaux d’épidémiologie français de Coste et Job-Spira ont
démontré que près de la moitié des GEU étaient en rapport avec
une infection génitale, dont plus de la moitié étaient liées à une
infection à Chlamydia.
L’étude suédoise d’Egger a démontré l’efficacité des mesures
nationales pour le traitement précoce des infections à Chlamydia.
Une politique de dépistage a été instaurée en Suède dès les années
1980, avec réalisation de dépistage sérologique, traitement des
partenaires atteints et création de consultations destinées aux jeunes,
consultations qui prodiguent préservatifs, éducation sexuelle,
dépistage et traitement des infections à Chlamydia.
Cette étude a
démontré que chez les femmes de moins de 35 ans, l’incidence de la GEU était fortement corrélée au taux d’infection à Chlamydia.
Entre
1985 et 1995, il a été observé une décroissance simultanée des taux
de GEU et des taux d’infection à Chlamydia.
Au-delà de 35 ans, il semble que les lésions tubaires soient plus
souvent liées au gonocoque qui était une cause fréquente dans les
années 1960-1970.
En France comme aux États-Unis, des mesures de santé publique
devraient être prises pour non seulement promouvoir le préservatif,
mais aussi dépister et traiter les jeunes porteurs de Chlamydia.
La prévention secondaire doit permettre le dépistage des patientes à
risque.
Les femmes qui ont un antécédent de GEU, de lésion tubaire
ou de chirurgie tubaire, un passé d’infection pelvienne ou qui sont
enceintes malgré un DIU ou un antécédent de stérilisation tubaire,
doivent être prévenues du risque de GEU.
Leurs médecins doivent les inciter à consulter un gynécologue dès
que le diagnostic de grossesse est établi afin d’en préciser le siège.
Le dépistage systématique des GEU dans une population à risque a
été tenté par l’équipe de Mol aux Pays-Bas.
Entre 1993 et 1996,
143 femmes à risque accru de GEU ont subi, dès le diagnostic de
leur grossesse, un dépistage par b-hCG et échographie.
Les
inconvénients de ce type de dépistage sont un coût élevé, une iatrogénicité élevée (angoisse des femmes, risque de faux positif).
Les avantages sont de pouvoir rassurer les patientes dont la
grossesse est intra-utérine et de dépister des GEU à un stade qui
permette de réaliser un traitement peu invasif (médical
conservateur).
Malheureusement, même dans cette population à risque, le taux de GEU était faible : 5,6 % (n = 8).
Dans ce contexte, le rapport
bénéfice/risque de ce dépistage est médiocre. Un tel dépistage ne
pourra être efficace que si l’on isole un sous-groupe de femmes à
très haut risque de GEU.
Physiopathologie :
A - FACTEURS DE RISQUE ET ÉTIOLOGIE
:
Un facteur de risque épidémiologique n’est pas synonyme de facteur
étiologique, néanmoins de nombreux travaux scientifiques ont
montré que plusieurs facteurs de risque de la GEU étaient également
des facteurs étiologiques.
1- Infection à « Chlamydia trachomatis »
:
Une étude de biologie moléculaire récente a montré que l’acide
ribonucléique (ARN) de C. trachomatis (CT) était présent dans sept
cas sur dix de GEU.
Cette étude a un intérêt majeur ; en effet, la
seule détection de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de CT comme
la seule détection des anticorps anti-Chlamydia ne permettent pas de
distinguer une infection ancienne d’une infection récente.
En revanche, la détection de l’ARN permet d’affirmer l’existence
d’une infection active.
2- Tabagisme actif et passif
:
L’étude expérimentale réalisée récemment in vivo chez le hamster
par une équipe californienne a démontré que l’inhalation active
ou passive de fumée de cigarette entraînait d’une part un
ralentissement du transport des embryons et d’autre part une
diminution de l’activité contractile des trompes.
La fumée agit par
un double mécanisme d’action sur les cellules ciliées et sur les
cellules musculaires lisses.
Dans cette étude, la contraction des trompes est significativement
inhibée à partir de 15 bouffées de cigarette.
En cas d’inhalation active
de fumée de cigarette, il existe un effet dose-dépendant ; en cas
d’inhalation passive, l’effet inhibiteur est rapide et indépendant de
la dose.
La composition de la fumée inhalée est différente de celle qui se
dégage à l’extrémité de la cigarette, la présence d’un composant
toxique non encore identifié pourrait expliquer pourquoi, dans cette
étude, le tabagisme passif est encore plus nocif que le tabagisme
actif.
Ces données expérimentales confirment les données
épidémiologiques françaises de Coste.
3- Anomalies de l’oeuf
:
Même si 50 % des GEU sont expliquées par un facteur tubaire,
d’autres mécanismes sont possibles.
L’étude de Bouyer a montré sur 1 955 femmes que le risque de
GEU augmentait avec l’âge maternel et ceci indépendamment de la
plus longue exposition aux divers facteurs de risque.
L’odds ratio
passe de 1,55 à 28 ans à 5,56 après 40 ans.
L’hypothèse d’une
altération chromosomique du produit de la GEU a été avancée pour
expliquer la majoration de ce risque, mais n’est toutefois pas
démontrée.
4- Cas particulier : grossesse extra-utérine
et procréation médicalement assistée
L’infertilité est un facteur de risque de GEU, les médicaments
utilisés en procréation médicalement assistée (PMA) pourraient
également jouer un rôle, ainsi le citrate de clomifène perturbe le
transport tubaire.
Quatre à 5 % des grossesses obtenues après fécondation in vitro
(FIV) sont des GEU, un taux supérieur de deux à trois points à
l’incidence dans la population générale.
Ces grossesses sont
expliquées par le reflux de l’embryon dans la trompe malade.
La
gravité des GEU qui surviennent en cours de PMA tient au fait que
1 % des grossesses sont hétérotopiques.
Dans ces cas, la
visualisation d’une grossesse intra-utérine n’écarte en rien celle
d’une grossesse extra-utérine qui peut lui être associée.
B - SIÈGE DE LA NIDATION :
La localisation tubaire est la plus fréquente (96 à 99 % des cas).
Le plus souvent, la GEU est localisée dans l’ampoule (60 à 92 %).
Anatomiquement, ce segment est large et extensible.
Les signes
cliniques sont donc relativement tardifs et la rupture de la trompe
est précédée d’un syndrome fissuraire.
L’isthme est une localisation plus rare (8 à 25 %).
Il est de petit
calibre et peu extensible, du fait de la forte musculature tubaire : les
signes cliniques sont donc précoces, avec une évolution rapide vers
la rupture.
Les localisations interstitielles sont rares (2 %).
La rupture est la
règle, elle se produit dans une zone très vascularisée.
En cas de localisation pavillonnaire, la trompe n’est pas distendue.
Le risque de rupture est faible. Ces GEU peuvent guérir
spontanément par « avortement tuboabdominal ».
Les localisations ovariennes sont rares (moins de 1 %).
Le
trophoblaste peut siéger en surface de l’ovaire ou en profondeur
dans le corps jaune.
Les GEU abdominales pures correspondent à l’implantation du
trophoblaste sur le péritoine.
Elles sont exceptionnelles et posent le
problème de la date et du type d’intervention, soit immédiatement,
soit lorsque la viabilité foetale est atteinte.
C - MODES D’IMPLANTATION :
Trois modes d’invasion trophoblastique sont possibles.
C’est le cas dans 56 % des grossesses ampullaires.
Le trophoblaste s’implante superficiellement sur la muqueuse
tubaire.
La grossesse se développe dans la lumière tubaire, l’apport
vasculaire est faible.
La musculeuse n’est le plus souvent pas
concernée (85 % des cas).
Dans ce cas, la rupture tubaire est un
phénomène progressif lié à l’accumulation de sang dans la trompe,
elle est précédée de saignements qui s’extériorisent par la trompe,
ces saignements pourront parfois décoller l’oeuf et entraîner une
guérison spontanée.
Ce type d’implantation permet de comprendre
un des intérêts du test au bleu lors de la coelioscopie pour GEU ; ce
test pourrait permettre, une fois le diagnostic de GIU éliminé, de
« laver » la trompe sous pression et ainsi de décoller une GEU
débutante dont l’implantation est superficielle et qui n’a pas de
traduction macroscopique.
2- Implantation profonde dite « extraluminale »
:
Cette implantation est rare et ne concerne que 7 % des cas.
Le
trophoblaste se développe en dehors de la lumière, et le plus
souvent la muqueuse et la musculeuse tubaire sont respectées (83 %
des cas).
3- Implantation mixte
:
Ce mode d’implantation est fréquent, concernant 37 % des GEU
ampullaires.
Dans la grande majorité de ces cas, on observe des
lésions de la muqueuse et de la musculeuse tubaire (81 % des cas).
Le trophoblaste envahit la musculeuse tubaire ; elle peut même
dépasser la musculeuse et continuer à se développer entre le
péritoine et celle-ci.
L’apport vasculaire est important. Dans ces cas,
les ruptures tubaires sont les plus hémorragiques.
On retiendra que l’implantation est le plus souvent intraluminale
ou mixte avec, dans le premier cas, un respect de la musculeuse et,
dans le deuxième cas, une atteinte de celle-ci.
La connaissance du mode d’invasion trophoblastique serait
intéressante puisqu’elle permettrait de proposer un traitement
médical ou un traitement chirurgical conservateur dans les cas
d’implantation intraluminale, et un traitement radical dans les cas
d’implantation mixte ou extraluminale.
On peut également distinguer deux modes d’implantation selon que
la GEU s’implante en regard ou non du mésosalpinx.
Cette différence semble avoir une traduction clinique ; ainsi Kemp
montre que sur 21 cas de GEU tubaires, les 13 GEU évolutives s’implantent toutes en regard du mésosalpinx tandis que sept des
huit GEU non évolutives sont implantées du côté opposé au
mésosalpinx.
Nous verrons que cette distinction, qui semble
accessible au doppler couleur, pourrait participer au choix
thérapeutique.
D - THÉORIES ÉTIOPATHOGÉNIQUES :
Le trophoblaste ne peut s’implanter que lorsque le blastocyste est
sorti de la zone pellucide, soit 4 à 5 jours après l’ovulation.
À cette
date, l’embryon se trouve normalement dans la cavité utérine.
Pour
qu’il y ait une implantation tubaire, il est indispensable que
l’embryon soit dans la trompe entre le quatrième et le septième jour.
Trois théories existent.
– Anomalie de captation de l’ovocyte. La trompe n’assure pas son rôle
de captation de l’ovocyte.
Ceci entraîne une fécondation dans le cul-de-sac de Douglas.
Ce mécanisme permet d’expliquer l’existence de GEU non tubaires, ovariennes ou abdominales.
– Retard de migration.
La trompe n’assure pas le transport
embryonnaire de façon correcte et 4 à 5 jours après l’ovulation, l’oeuf
est toujours dans la trompe.
La cause peut être hormonale ou
mécanique.
La progestérone favoriserait la migration de l’oeuf dans la trompe,
alors que l’estradiol la freinerait.
Un excès d’estradiol serait donc
susceptible d’induire cet asynchronisme.
Ceci pourrait expliquer
l’augmentation d’incidences des GEU chez les femmes qui ont une
insuffisance lutéale.
Les causes mécaniques sont plus évidentes.
Il peut s’agir de
perturbations des cellules musculaires lisses tubaires ou des cellules
ciliées.
Les arguments en faveur de cette théorie sont très nombreux :
rôle délétère de la chirurgie tubaire, fréquence des adhérences lors
des GEU, fréquence des lésions de la trompe proximale chez les
patientes ayant présenté une GEU, déciliation fréquente chez les
patientes porteuses de stérilet, rôle du tabac.
– Reflux tubaire.
C’est une théorie décrite en 1963.
Le blastocyste
arrive normalement dans la cavité utérine, mais, sous l’effet de
perturbations hormonales, il est renvoyé dans la trompe 6 à 7 jours
après l’ovulation, à une date où le trophoblaste est un tissu
particulièrement agressif.
Ce mécanisme permet d’expliquer les GEU
après FIV.
E -
HISTOIRE NATURELLE :
1- Hématosalpinx :
La GEU entraîne une érosion des vaisseaux tubaires, le saignement
se collecte dans la trompe et conduit à une dilatation tubaire.
Ce
mécanisme explique l’absence de corrélation entre la dimension de
l’image échographique et l’évolutivité de la GEU.
Un volumineux hématosalpinx peut accompagner une GEU peu évolutive.
2- Rupture tubaire
:
Elle correspond, soit à l’évolution ultime d’un hématosalpinx, soit à
l’envahissement de la paroi tubaire par le trophoblaste.
La rupture
est d’autant plus hémorragique que la GEU a une implantation
proximale (interstitielle ou isthmique) ou en regard du mésosalpinx.
3- Avortement tuboabdominal :
Si la GEU s’implante superficiellement et si elle s’implante à
l’opposé du mésosalpinx, sa vascularisation est parfois insuffisante.
La GEU se sépare alors de la paroi tubaire et est évacuée par le
pavillon.
L’évolution peut se faire sur trois modes : la guérison
spontanée, la grossesse ectopique abdominale (implantation du
trophoblaste sur l’épiploon ou la séreuse utérine), ou l’hématocèle
enkysté (comblement du Douglas par un hématome).
Diagnostic de la grossesse
extra-utérine :
A - CLINIQUE :
1- Interrogatoire :
Il recherche l’ensemble des facteurs de risque précédemment décrits.
2- Signes cliniques :
La symptomatologie clinique de la GEU est hétérogène, allant de la
forme asymptomatique de découverte fortuite à l’état de choc
hémorragique.
Le nombre important d’examens paracliniques qui sont proposés
pour faire le diagnostic de cette affection traduit bien les limites de
la clinique.
Devant toute femme en période d’activité génitale qui consulte pour
métrorragie ou pour douleurs pelviennes, le premier diagnostic à
évoquer est la GEU.
Le tableau classique associe aménorrhée, douleurs pelviennes,
métrorragies.
* Douleurs abdominales :
Présentes dans plus de 90 % des cas, il s’agit, contrairement à la
douleur de la fausse couche qui est médiane, d’une douleur
latéralisée.
Il n’existe pas de douleur spécifique de la GEU.
Cette
douleur est parfois totalement absente.
Les scapulalgies
appartiennent au syndrome péritonéal et correspondent à l’irritation
diaphragmatique par l’hémopéritoine.
* Aménorrhée :
Elle se rencontre dans 70 % des cas.
Elle n’est parfois pas reconnue
par la patiente ; en effet, les métrorragies peuvent être prises pour
des règles.
* Métrorragies :
Elles sont classiquement de couleur brune, sépia, peu abondantes et
récidivantes, et s’opposent ainsi à celles des fausses couches qui sont
rouges et abondantes.
Elles sont la conséquence d’une stimulation
hormonale de l’endomètre décidualisé.
Parfois les saignements sont
absents ou au contraire plus abondants, simulant une fausse couche.
* Autres symptômes
:
– Les signes sympathiques de grossesse sont inconstants.
– Toute syncope, lipothymie ou malaise doivent faire
systématiquement évoquer la GEU, ces signes sont des signes de
gravité et évoquent un hémopéritoine.
– Des épisodes de douleur de l’hypocondre droit doivent être
recherchés et font évoquer un syndrome de Fitz-Hugh-Curtis.
– Un ténesme évoque une hématocèle mais n’est pas spécifique de
la GEU.
– L’expulsion de la caduque est peu fréquente, source d’erreur
diagnostique. Seul l’examen anatomopathologique permet de
redresser le diagnostic.
3- Examen clinique :
* Tension artérielle, fréquence cardiaque
:
Il est le plus souvent normal, rappelons que chez la femme jeune la
tachycardie précède la baisse de la tension artérielle qui, même en
cas de rupture tubaire, est tardive.
Mais même en cas de rupture, la
tachycardie n’est pas constante…
* Palpation abdominale
:
On retrouve souvent une sensibilité sus-pubienne ou une douleur
provoquée en fosse iliaque.
Les signes du syndrome péritonéal doivent être recherchés : douleur
controlatérale à la décompression (signe de Blomberg), défense
péritonéale (celle-ci doit être recherchée avec la pulpe des doigts qui
sont posés à l’horizontale et dépriment lentement la paroi
abdominale).
* Examen au spéculum
:
Il confirme l’origine endo-utérine des saignements, montre un canal
cervical fermé.
Il exclut le diagnostic de fausse couche en cours.
* Toucher vaginal
:
Classiquement, il retrouve un utérus de taille plus petite que ne le
suggérerait l’aménorrhée, une masse annexielle sensible (50 %) ou
une douleur d’un cul-de-sac (90 % des cas).
Le syndrome péritonéal inconstant comprend le fameux « cri du
Douglas ».
4- Formes cliniques
:
* État de choc hémorragique :
La patiente est le plus souvent adressée par le Samu avec un
syndrome péritonéal net : abdomen hyperalgique, défense
péritonéale, cri du Douglas, tachycardie, pâleur.
L’échographie, éventuellement réalisée aux urgences, confirme
l’hémopéritoine avec comblement des gouttières pariétocoliques ; un
sondage aller-retour permet de récupérer quelques centilitres d’urine
sur lesquels les b-hCG sont réalisées.
Aucun examen paraclinique
ne doit retarder la prise en charge.
L’anesthésiste, la panseuse sont
immédiatement prévenus, l’indication opératoire est formelle et
immédiate.
* Formes pseudoabortives :
Cette forme mime une fausse couche.
Les métrorragies sont rouges et abondantes, s’accompagnant de
coliques expulsives.
C’est le bilan paraclinique qui redresse le
diagnostic.
* Formes hétérotopiques :
Particulièrement trompeuses, il s’agit de l’association d’une GEU et
d’une GIU.
Les formes spontanées sont rares, entre 1/3 000 et 1/10 000 grossesses
; elles sont plus fréquentes après FIV, atteignant dans
certaines séries des taux de 1 %.
Dans ce cas, la constatation d’une GIU évolutive ne doit pas rassurer
le médecin qui doit rechercher une masse latéro-utérine.
Le
traitement est compliqué par le souci de préserver si possible la GIU.
* Hématocèle enkystée, GEU « chronique »
:
Cette forme est devenue rarissime.
Le tableau clinique est dominé par des douleurs abdominales et des
douleurs au toucher vaginal dans le cul-de-sac de Douglas, associées
à un ténesme et à des épreintes.
Dans la série de Bedi, il existe
22 cas formellement diagnostiqués par examen histologique.
On note
que dans un cas sur deux les b-hCG sont négatives.
Une hématocèle semble survenir après une rupture tubaire à bas
bruit ou un avortement tuboabdominal.
* GEU après hystérectomie
:
Plus de 30 cas ont été rapportés dans la littérature entre 1895 et
1983, ces cas peuvent survenir dans les jours qui suivent mais aussi
plusieurs années après une hystérectomie.
Les cas immédiats sont
expliqués par un rapport sexuel dans les 48 heures qui précèdent
l’intervention.
* GEU au début
:
La GEU peut prendre la coelioscopie en défaut ; en cas de
coelioscopie « blanche », il faut réaliser un curetage à la recherche de
villosités choriales et un suivi par hCG.
* GEU bilatérale
:
Elle doit être évoquée systématiquement en cas d’échec du
traitement médical ou chirurgical.
* GEU après interruption volontaire de grossesse (IVG)
:
Chez une femme qui consulte pour des métrorragies ou des
douleurs abdominales après une IVG, la GEU doit être évoquée.
Il
faut dans ces cas vérifier la réalité de la grossesse intra-utérine en
demandant à la patiente l’échographie qui doit montrer un embryon
intra-utérin, ou en récupérant les résultats de l’examen histologique
du curetage.
+ En conclusion :
Comme l’a démontré Dart dans sa série de 441 femmes enceintes
admises pour douleurs abdominales ou métrorragies, on doit retenir
qu’aucun regroupement de signes cliniques n’est suffisamment
sensible ou spécifique pour confirmer ou éliminer le diagnostic de
GEU.
B - BILAN PARACLINIQUE :
Le couple b-hCG-échographie reste indispensable en cas de
suspicion de GEU.
Les dosages biochimiques ont l’intérêt, contrairement à
l’échographie, de ne pas être opérateur-dépendants et d’être disponibles à
moindre coût.
1- b-hCG :
L’hCG est une hormone glycoprotéique produite par le blastocyste
avant l’implantation.
Elle est composée de deux sous-unités alpha et bêta.
La sous-unité
alpha a une structure identique à celle des sous-unités de luteinizing
hormone (LH), follicle stimulating hormone (FSH) et thyroid stimulating
hormone (TSH).
La sous-unité bêta est spécifique de chaque
hormone.
Le taux sérique d’hCG atteint sa valeur maximale entre 8 et
10 semaines de grossesse, puis décroît.
L’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-hCG permet de dépister
et de quantifier l’hCG dans le plasma dès le huitième jour
postovulatoire, soit dès le 22e jour du cycle, donc avant le retard de
règles.
Mais la valeur absolue d’hCG ne renseigne ni sur le siège ni sur le
terme de la grossesse.
* Précaution d’utilisation :
Il existe trois standards de référence pour le dosage des b-hCG, il
existe également plusieurs anticorps monoclonaux utilisés pour le
dosage.
Ceci explique pourquoi seuls les taux de b-hCG issus d’un
même laboratoire peuvent être comparés.
* Dosage qualitatif
:
C’est le seul examen qui, négatif, permet d’exclure le diagnostic de GEU aiguë (en revanche, des b-hCG négatifs n’excluent pas le
diagnostic d’hématocèle enkystée encore appelée par certains « GEU
chronique »).
* Dosage quantitatif
:
Un unique dosage d’hCG ne permet pas de diagnostiquer le siège
d’une grossesse.
Des taux de 10 à plus de 100 000 UI/L sont
observés dans les GEU.
* Cinétique des b-hCG :
La cinétique des b-hCG a un intérêt diagnostique, le temps de
doublement des b-hCG est de 48 heures dans la plupart des GIU
évolutives, mais 17 % des GEU ont un taux de doublement normal,
tandis que 15 % des GIU évolutives ont une augmentation de moins
de 66 % après 48 heures.
À j4, une diminution de plus de 50 % des b-hCG rend la fausse
couche spontanée (FCS) très probable, une élévation de plus de 50 %
des b-hCG rend la GIU possible, enfin une diminution ou une
élévation de moins de 50 % rendent le diagnostic de GEU plus
probable.
* Seuil de discrimination
:
L’utilisation du seuil de discrimination a été proposée pour la
première fois par Kadar en 1981.
Le seuil de discrimination est
défini comme la valeur d’hCG la plus faible au-delà de laquelle un
sac endo-utérin peut toujours être visualisé par échographie
endovaginale.
Grâce à l’amélioration de la résolution des échographes et à
l’utilisation de sondes endovaginales, ce seuil est passé de
6 000 UI/L en 1981 à 1 500 en 2000.
Il a fallu attendre 1998 pour que Mol et al étudient la valeur de ce
seuil en fonction des signes cliniques et des signes échographiques
en établissant des courbes ROC (Receiver Operating Characteristic
Curver).
Ce seuil n’est pas influencé par les signes cliniques de la
patiente, en revanche les signes échographiques (existence d’une
masse annexielle ou d’un épanchement du Douglas) ont un impact
sur le choix du seuil.
En l’absence d’épanchement et de masse latéroutérine,
le meilleur seuil est de 2 000 UI/L ; en présence d’un
épanchement ou d’une masse latéro-utérine, ce seuil doit être de
1 500 UI/L.
En effet, dans cette série de 354 patientes dont 129
avaient une GEU, cinq patientes avaient un taux d’hCG compris
entre 1 500 et 2 000 UI/L, une échographie sans épanchement ni
masse annexielle, et avaient une fausse couche.
Au-dessus de ce seuil, le diagnostic de GEU est porté, s’il n’y a pas
de sac gestationnel visible dans l’utérus.
En dessous de ce seuil, le dosage de b-hCG doit être répété 2 puis
4 jours après.
Cette même étude démontre que la notion de seuil de
discrimination ne s’applique qu’au premier prélèvement.
* Valeur de b-hCG et risque de rupture tubaire
:
Il est aujourd’hui démontré que le risque de rupture tubaire n’est
pas proportionnel au taux de b-hCG.
Dans une série de 693 GEU, la
distribution des valeurs de b-hCG est la même dans le groupe des
GEU rompues (n = 234) que dans celle des GEU non rompues (n =
459) et 11 % des femmes qui ont une GEU rompue ont un taux de
b-hCG inférieur à 100 UI/L.
Une GEU rompue peut être observée avec des taux de 10 à
189 720 UI/L.
Cette notion doit être toujours présente à l’esprit
des gynécologues obstétriciens et toutes les patientes candidates au
traitement médical doivent recevoir une information sur les
symptômes de la rupture tubaire et sur la conduite à tenir dans
cette situation.
2- Progestéronémie :
La progestérone est principalement synthétisée par le corps jaune
stimulé par des facteurs lutéotrophiques émis par l’embryon
implanté.
La progestéronémie se distingue de l’hCG par deux
caractéristiques : elle reste relativement stable durant les 8 premières
semaines de gestation et sa demi-vie est courte (10 minutes).
L’utilisation de ce marqueur a été proposée dès 1980 par
Milwidsky.
La méta-analyse de Mol avait pour but d’évaluer l’intérêt
diagnostique d’un dosage unique de progestérone. Dans les
13 études qui utilisent un seuil de 5 ng/mL, 0,3 % des GIU
évolutives ont un taux inférieur à ce seuil (5/1 615).
Dans les 12
études qui utilisent un seuil de 20 ng/mL, 2,6 % des GEU ont un
taux supérieur à ce seuil (29/1 107).
Pour Gelder, 2 % des GEU
ont un taux supérieur à 25 ng/mL.
Il est donc actuellement impossible de proposer un seuil qui mette
la patiente à l’abri d’une erreur de diagnostic.
À notre connaissance, aucune étude prospective n’a recherché la
valeur diagnostique du dosage de la progestérone en fonction du
taux de b-hCG et des constatations échographiques (épanchement
masse latéro-utérine), enfin ce dosage est ininterprétable si la
patiente a reçu des progestatifs ou subi une stimulation hormonale.
3- Créatine kinase :
La créatine kinase est une enzyme contenue dans les cellules
musculaires lisses tubaires.
Les auteurs qui ont proposé ce dosage
expliquent que, en cas de GEU, le zygote pénètre l’épithélium
tubaire et que, du fait de l’absence de couche sous-muqueuse dans
la trompe, il est immédiatement en contact avec la musculeuse
tubaire et entraîne la libération de créatine kinase.
Ce mécanisme
est discutable en effet, comme nous l’avons vu lorsque la GEU se
développe sur le mode « intraluminal », elle épargne dans plus de
80 % des cas la musculeuse tubaire.
Plusieurs études ont recherché la valeur prédictive du taux de
créatine kinase pour le diagnostic de GEU, mais aucune étude n’a
eu pour objet de valider un seuil prédéfini.
Les études sont
discordantes ; ainsi, pour un seuil de 45 UI/L, les spécificités vont
de 67 à 100 % ; pour d’autres, une spécificité de 100 % n’est
atteinte que pour un seuil de 75 UI/L.
De plus, on doit se rappeler que le taux de cette enzyme diminue de
20 à 30 % chez une patiente qui est au repos au lit par rapport à une
patiente active.
Actuellement, en dehors de protocole de recherche, ce dosage n’a
pas sa place dans le cadre du diagnostic de GEU.
4- Rénine et prorénine :
Les ovaires sont le principal lieu de production extrarénale de rénine
et de prorénine.
Le taux de prorénine augmente dès le début de la phase lutéale pour
atteindre son pic vers 5 semaines d’aménorrhée (SA), et reste ensuite
stable jusqu’au deuxième trimestre de la grossesse.
La rénine active s’élève dès le milieu de la phase lutéale et reste
stable durant les 9 premières SA.
L’étude rétrospective de Zorn démontre que le dosage de prorénine n’est pas intéressant puisque l’existence d’un kyste de
l’ovaire peut augmenter les taux.
En revanche, le taux de rénine est significativement plus bas dans
les GEU par rapport aux GIU évolutives et aux FCS.
Par ailleurs,
l’association d’un taux bas d’hCG (inférieur à 15 000 UI/L) et d’une
rénine active basse (inférieure à 30 pg/mL) a une valeur prédictive
positive de 75 %.
Enfin, une valeur de la rénine active supérieure à
33 pg/mL(25e percentile) semble être capable d’exclure le risque de
GEU.
Là encore, une étude prospective est nécessaire pour
vérifier l’intérêt de ces dosages.
5- Fibronectine cervicale
:
Les études réalisées ont montré que ce dosage n’améliorait pas
l’efficacité du diagnostic de GEU.
Le VEGF est un facteur angiogénique impliqué à la fois dans la
croissance du trophoblaste et dans celle de l’endomètre.
Dans des
conditions d’implantation défavorables comme lors d’une
implantation tubaire, on peut s’attendre à ce que l’organisme
réagisse par une élévation « réflexe » de la production de VEGF
destinée à compenser ces conditions défavorables.
Cette hypothèse
a été récemment testée par Daniel. Dans cette étude, la forme
libre du VEGF a été dosée chez 40 patientes dont 20 GEU.
Avec un seuil de 200 pg/mL, le dosage du VEGF a une valeur
prédictive positive de 86 %.
Ce dosage apparaît prometteur dans la mesure où, contrairement à
la progestérone et à la b-hCG, le VEGF a un rôle au niveau du
trophoblaste, mais aussi de l’endomètre.
Des études prospectives portant sur des séries plus nombreuses doivent être réalisées et
étudier l’apport de ce dosage isolé ou en association avec les signes
échographiques et le dosage de b-hCG.
7- Échographie pelvienne :
Le dosage des b-hCG et l’échographie sont les deux examens
paracliniques les plus importants.
8- Échographie abdominale (vessie pleine)
:
L’échographie endovaginale doit aujourd’hui être réalisée en
première intention.
La voie abdominale nécessite une vessie en réplétion imposant une
attente incompatible avec un diagnostic qui est souvent réalisé dans
le cadre de l’urgence ; par ailleurs, elle impose d’utiliser des sondes
de faible fréquence qui ont une moins bonne résolution.
On se
souvient qu’il existe cependant quelques rares cas où l’échographie endovaginale est négative mais l’échographie abdominale
positive.
L’échographie abdominale peut avoir un intérêt en cas d’utérus polymyomateux, rétroversé, ou chez une femme porteuse
d’anomalie annexielle connue.
La réalisation d’une échographie
abdominale et endovaginale augmente de 0 à 5 % la sensibilité du
dépistage par rapport à l’échographie vaginale seule.
Les signes échographiques décrits par voie abdominale ne sont pas
spécifiques de cette voie ; ils sont décrits ci-après.
9- Échographie endovaginale (vessie vide)
:
* Signe direct de GEU : masse annexielle
+ Localisation
:
L’exploration de l’annexe doit débuter par le repérage des ovaires et
du corps jaune ; en effet, la GEU est située le plus souvent du côté
du corps jaune (dans 85 % des cas selon Bourne).
La GEU apparaît souvent comme une masse annexielle anormale
située près de l’ovaire : dans 95 % des cas, elle est située à moins de
1 cm de l’ovaire, en saillie par rapport au contour ovarien.
+ Description :
– Sac gestationnel.
Il peut s’agir d’un sac contenant un embryon avec une activité
cardiaque (6 à 16 % des cas) ou contenant une vésicule vitelline ou
un embryon, mais sans activité cardiaque.
Il s’agit parfois d’un sac vide entouré d’une paroi épaisse (de 4 à
6 mm) correspondant à la réaction trophoblastique donnant une
image d’« anneau tubaire » (tubal ring ou annexal ring).
Le sac est une image anéchogène ovalaire ou arrondie de 3 à 40mm
de diamètre, cerclée par un anneau hyperéchogène.
Il existe parfois une image échogène hétérogène de 3 à 9mm, peu
spécifique échographiquement, mais très suspecte dans ce contexte.
Le diagnostic de GEU par visualisation du sac ectopique est obtenu
dans 48 à 69 % des cas de GEU.
– Hématosalpinx.
Image hétérogène, d’autant plus échogène et hétérogène qu’elle est
récente, qui devient en quelques jours finement échogène et plus
homogène ; cette image est dans l’axe de la trompe ; la masse est en
grande partie avasculaire, sauf au niveau du trophoblaste qui peut
être situé au sein de l’hématosalpinx.
– Hématocèle.
C’est une image échogène, hétérogène, complexe, située dans le cul-de-sac de Douglas.
Elle correspond à un amas de caillots associé à
un sac gestationnel et à des adhérences.
Elle peut être prise à tort
pour un pelvis inflammatoire ou une endométriose.
* Signes indirects de GEU :
+ Vacuité utérine :
Dans une GIU, l’échographie permet l’identification d’un sac
gestationnel intra-utérin, avec près de 8 jours d’avance par rapport
à la voie abdominale.
Même si un sac gestationnel est normalement visible dès 5 SA
révolues, compte tenu des erreurs fréquentes d’âge gestationnel, la
visibilité du sac ne doit pas reposer sur le calcul du terme mais sur
les corrélations avec le taux de b-hCG.
En théorie, dans une grossesse normalement évolutive, le seuil de
visibilité du sac gestationnel est de 1 000 UI/L et le seuil de
visibilité de l’embryon de 3 000 UI/L.
Ce travail a été confirmé par
d’autres études.
En revanche, comme nous l’avons vu au
chapitre sur le dosage des b-hCG, le seuil est plus élevé si l’on veut
éliminer une GIU non évolutive, le seuil est alors de 1 500 UI/L s’il
existe un épanchement pelvien ou une masse annexielle et de
2 000 UI/L s’il n’y a pas d’anomalie échographique.
Au-delà de ces seuils, la non-visibilité d’un sac gestationnel fait
porter le diagnostic de GEU.
L’absence de sac gestationnel peut être expliquée en cas d’obésité
ou de rétroversion utérine.
La présence d’un sac gestationnel intra-utérin permet a priori
d’exclure le diagnostic de GEU, mais deux pièges sont à éviter :
– les grossesses hétérotopiques : les cas spontanés sont rares (1/3 000
à 1/10 000) ; en revanche, ce diagnostic doit être systématiquement
évoqué en cas de grossesse après FIV (1 %) ;
– le pseudosac gestationnel : c’est une image anéchogène de quelques
millimètres de diamètre, hypotonique, dont les limites n’ont pas la
netteté des contours de la couronne trophoblastique.
Il est toujours médiocavitaire, tandis que le sac gestationnel,
implanté sous la muqueuse, est plutôt excentré.
Ces fausses images
sont liées à la décidualisation de l’endomètre et à l’hémorragie
endocavitaire.
Benacerraf a démontré, en 1999, que l’utilisation d’une sonde de
10 MHz permettait d’améliorer significativement le diagnostic de sac
gestationnel par rapport à l’utilisation d’une sonde de 6 ou 7 MHz.
Ainsi, parmi huit patientes chez lesquelles il existait un sac de moins
de 10 mm, l’utilisation d’une sonde de 10 MHz a permis d’éliminer
le diagnostic de pseudosac en visualisant, soit la vésicule vitelline,
soit la couronne trophoblastique.
+ Épanchement péritonéal
:
C’est une image anéchogène, de taille variable ; il est le plus souvent
limité au cul-de-sac de Douglas.
– Épanchement extrapelvien : la valeur diagnostique de
l’épanchement augmente avec son volume. L’épanchement
atteint parfois l’espace interhépatorénal et les gouttières
pariétocoliques ; l’indication opératoire est alors formelle.
– Épanchement limité au pelvis : en cas de grossesse, l’existence d’un
épanchement péritonéal n’est pas synonyme de GEU ; il peut en effet
s’agir d’un épanchement d’origine ovarienne (rupture de kyste
ovarien associée à une GIU).
En cas de GEU avérée, l’existence d’un épanchement n’est pas
suffisante pour porter le diagnostic de rupture tubaire.
En effet, en
cas d’avortement tuboabdominal, l’écoulement sanglant d’origine
pavillonnaire est responsable d’un épanchement péritonéal.
Dans une série récente, ce sont 94 % des GEU non rompues qui ont
un épanchement péritonéal.
En revanche, l’absence d’hémopéritoine exclut la rupture tubaire.
+ Épaisseur et aspect de l’endomètre :
L’étude de Mehta a démontré que l’épaisseur de l’endomètre ne
permettait ni d’exclure ni d’affirmer une GEU et ceci quel que soit le
taux de b-hCG.
Ainsi, en cas de GEU, l’épaisseur endométriale varie
de 2 à 20mm, alors qu’elle varie de 2 à 22mm dans les GIU
évolutives et de 2 à 18mm dans les FCS.
L’étude de Spandorfer a également démontré que 11 % des GEU
avaient un endomètre de plus de 8 mm et que 24 % des GIU
(évolutives ou non) avaient un endomètre de moins de 8 mm.
De même, l’aspect en trois couches de l’endomètre n’est ni sensible
ni spécifique de GEU.
* Performance de l’échographie dans le diagnostic de la GEU
:
Brown a réalisé une revue de la littérature sur les performances
de l’échographie dans le diagnostic de GEU.
Le meilleur critère
échographique est la présence d’une masse annexielle, à condition
qu’il ne s’agisse pas d’un simple kyste ni d’une lésion
intraovarienne.
La présence d’une telle image a une spécificité de
98,9 % avec une sensibilité de 84,4 %, les valeurs prédictives dans
une population où la prévalence des GEU est de 16 % sont
respectivement, pour les valeurs prédictives positives et négatives,
de 93,6 et 97 %.
La sensibilité de l’échographie endovaginale pour le
diagnostic de GEU varie de 20 à 84 %.
En revanche, la spécificité varie entre 98,9 et 100 % selon les
signes.
Il est donc capital de différencier les images intra- et extraovariennes,
les images intraovariennes sont en effet le plus souvent dues à des
anomalies du corps jaune.
En cas de doute sur la localisation de
l’image annexielle, on peut s’aider d’une part de la palpation
abdominale pour tenter de mobiliser la masse et d’autre part de la
visualisation des follicules ; toute masse dans laquelle il n’existe pas
de follicules est suspecte d’être extraovarienne.
L’intérêt de l’échographie est évident si les b-hCG sont supérieurs
au seuil de discrimination.
En dessous de ce seuil, l’échographie est également capitale.
Ainsi,
dans l’étude de Counselman, sur 18 patientes qui ont une GEU
prouvée et un taux de b-hCG inférieur à 1 000, 16 ont des signes
échographiques évocateurs de GEU.
* Limites de l’échographie
:
Plusieurs études ont montré qu’en cas de suspicion clinique de GEU, 8 à 28% des patientes qui ont une échographie normale ont
une GEU.
Une échographie normale ne permet pas d’exclure le
diagnostic de GEU.
En cas de suspicion clinique de GEU avec b-hCG
positif, il convient donc de répéter les examens.
De plus,
l’échographie ne peut souvent être interprétée qu’en fonction du
taux de b-hCG.
* Doppler :
+ Flux tubaire
:
Le flux trophoblastique est caractérisé par des vitesses élevées et
une faible résistance à l’écoulement, et cet aspect est le même qu’il
s’agisse d’une grossesse intra- ou extra-utérine.
Une augmentation significative du flux dans la trompe, liée à
l’invasion trophoblastique, peut faciliter le diagnostic de GEU.
En
effet, l’index de résistance mesuré au niveau de la trompe atteinte
diminue de 20 % en cas de grossesse tubaire.
Le doppler permettrait également de pouvoir apprécier la vitalité
d’une GEU dans les GEU viables ; une série de 34 cas a montré
que la couronne trophoblastique d’un sac de GEU viable était
entourée d’une couronne vasculaire, tandis que les sacs des GEU
non viables (susceptibles de guérir spontanément) étaient entourés
d’un maximum de trois échodopplers.
+ Endomètre
:
L’existence d’un flux artériel dans l’endomètre permet de diminuer
la probabilité de GEU, mais il existe des faux positifs.
En revanche,
l’existence d’un flux veineux endométrial ou l’absence de tout flux
dans l’endomètre n’ont pas de valeur diagnostique.
+ Corps jaune
:
Le doppler couleur peut aider au diagnostic de GEU en précisant la
localisation du corps jaune.
+ Artère utérine
:
Les résistances vasculaires des artères utérines et des artères
spiralées diminuent au fur et à mesure qu’une GIU évolue.
En cas
de GEU, les mesures répétées de l’index de résistance restent
constantes dans les artères utérines.
En résumé, aucune étude prospective n’a démontré la supériorité
du couple échographie doppler/b-hCG par rapport au couple
échographie/b-hCG.
* Échographie tridimensionnelle
:
Dans les GIU, l’invasion de l’endomètre entraîne une déformation
de la cavité qui devient asymétrique, tandis que dans les GEU
l’endomètre garde une forme symétrique.
Une étude a recherché la forme de l’endomètre dans le plan frontal.
Une asymétrie est constatée dans 83 % des GIU alors que la cavité
est symétrique dans 90 % des GEU.
Là encore, il existe des faux positifs ; en effet, lors d’une GEU, une
collection sanguine endométriale peut déformer la cavité.
10- Culdocentèse :
Classiquement, la ponction du Douglas était réalisée pour
diagnostiquer un hémopéritoine, à l’heure actuelle, cette indication
est désuète ; en effet, dans cette indication, la sensibilité de
l’échographie est supérieure à celle de la culdocentèse.
De plus, la culdocentèse réalisée à l’aveugle entraîne un risque non négligeable
de lésion des anses digestives ou de ponction vasculaire.
Afin de
limiter les risques de la ponction, celle-ci doit aujourd’hui être
réalisée sous échographie.
La culdocentèse a deux intérêts : elle permet d’une part de vérifier
la nature d’un épanchement du Douglas, c’est-à-dire de différencier
les épanchements citrins ou clairs des épanchements sanglants (en
cas d’hémopéritoine, c’est le caractère incoagulable de
l’épanchement. qui évoque la GEU), et d’autre part de calculer le
ratio-taux de b-hCG du liquide péritonéal/taux de b-hCG sérique.
Oettinger a étudié ce ratio sur une série de 62 patientes et a
démontré qu’en cas de GEU les taux d’hCG péritonéaux était
supérieurs aux taux sériques, alors qu’en cas de GIU ces taux étaient
similaires.
Le rapport b-hCG péritonéal/b-hCG sanguin est de 19,1
± 16,9 en cas de GEU contre 1,1 ± 0,2 en cas de GIU.
À notre
connaissance, aucun algorithme diagnostique n’utilise actuellement
ce ratio.
11- Hystérosalpingographie :
Compte tenu de l’irradiation qu’elle entraîne, la grossesse est une
contre-indication formelle de cet examen.
Tant qu’une GIU viable
n’a pas été éliminée, cet examen n’a pas sa place dans le diagnostic
de GEU.
12- Hystéroscopie :
Elle permet de vérifier la vacuité utérine et donc de différencier une
GEU d’une GIU non évolutive.
Son intérêt est limité aux cas de suspicion de GEU en dessous du
seuil de discrimination, mais même dans ce cas, aucune étude
prospective n’a démontré son innocuité.
13- Imagerie par résonance magnétique :
Une équipe japonaise a étudié l’intérêt de l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) dans le diagnostic de GEU.
Sur 18 cas, la sensibilité de l’IRM est de 80 % et la spécificité de
100 %.
L’IRM permet de visualiser l’hématosalpinx.
Selon les auteurs de
cette étude, l’IRM est la seule technique qui puisse permettre de
dater l’hématosalpinx, par ailleurs il peut exister un rehaussement
de la paroi tubaire.
Là encore, les résultats de cette technique ne
peuvent justifier le surcoût qu’elle provoque.
14- Coelioscopie diagnostique
:
Depuis l’avènement des traitements médicaux, cette méthode
diagnostique classique n’est plus systématique.
Le diagnostic de GEU peut en effet parfois être réalisé par le couple
b-hCG/échographie ou par l’échographie seule ; la coelioscopie n’est
plus indispensable pour faire le diagnostic.
Dans les cas douteux, elle permet d’avoir un diagnostic rapide.
L’exploration de la cavité péritonéale peut montrer, soit un aspect
typique d’hématosalpinx, soit une dilatation tubaire, soit un
avortement tuboabdominal. Les signes indirects comprennent
l’hémopéritoine et un éventuel syndrome de Fitz-Hugh-Curtis.
Une coelioscopie normale n’élimine pas une GEU ; en effet, il peut
s’agir d’une GEU au début sans hémopéritoine ni hématosalpinx.
Dans ce cas, la présence de quelques gouttes de sang, une nodosité
tubaire sont des signes d’alarme.
Techniquement, il est recommandé de ne pas canuler l’utérus avant
d’avoir exploré le pelvis, ceci évitant d’interrompre une GIU évolutive.
L’évaluation de la trompe controlatérale doit être
systématique et doit précéder tout geste sur la trompe malade.
15- Microcoelioscopie :
Cette technique est basée sur l’utilisation de trocarts de faible
diamètre qui permettent d’une part de réaliser l’intervention sous
anesthésie locale et sédation parentérale, et d’autre part de
minimiser les risques de blessure liés aux trocarts de gros diamètre.
Elle est utilisée par certains avec succès dans le diagnostic et le
traitement (par injection in situ de méthotrexate [MTX]) des GEU.
À notre connaissance, cette technique n’a, dans le cadre de la GEU,
fait l’objet d’aucune étude prospective comparative.
16- Curetage diagnostique
:
La détection des villosités choriales par curetage puis examen
microscopique a une faible sensibilité, ainsi aucune conclusion ne
peut être tirée de l’absence de villosités choriales dans le curetage,
que celui-ci soit réalisé à la canule de Karman ou par curetage ; en
revanche, la présence de villosités choriales exclut le diagnostic de GEU.
Une décroissance des hCG de plus de 15 % 12 heures après
un curetage est un signe de fausse couche. Si le taux de b-hCG
s’élève, stagne ou diminue de moins de 15 %, le diagnostic de GEU
est posé.
C - ALGORITHMES DIAGNOSTIQUES :
La prise en charge thérapeutique des GEU est passée par trois
étapes : la laparotomie dans les années 1970, la coelioscopie dans les
années 1980 et le traitement médical dans les années 1990.
Il est donc important d’avoir un diagnostic qui puisse reposer sur
des techniques non invasives excluant la coelioscopie. Deux auteurs
ont proposé de tels algorithmes.
1- Algorithme de Stovall (1990)
:
En dehors des cas où la femme est admise avec un état
hémodynamique instable, des cas où la GEU mesure plus de 3 cm et
des cas avec activité cardiaque, Stovall propose un algorithme
qui comprend le dosage initial de progestérone, les dosages de
b-hCG, le curetage et l’échographie endovaginale.
Dans ce protocole, une augmentation de l’hCG de moins de 50 % en
48 heures est considérée comme excluant une GIU évolutive et
entraîne la réalisation d’un curetage diagnostique.
Le seuil de progestéronémie en deçà duquel un curetage est effectué
est discutable puisque 0,3 % des GIU évolutives ont un taux
inférieur à 5 ng/mL.
De même, la réalisation d’un curetage
diagnostique si l’hCG augmente de moins de 50 % en 48 heures est
discutable puisque 15 % des GIU évolutives ont une augmentation
de moins de 66 % en 48 heures.
Cet algorithme, très utilisé aux États-
Unis, a selon Stovall une efficacité diagnostique de 100 %.
Cependant, parmi les 60 GEU décrites pas Stovall, 40 % avaient un
état hémodynamique instable qui les excluait de l’algorithme, tandis
que 2 % avaient une GEU avec activité cardiaque et 2 % une GEU
de plus de 3 cm.
Ainsi, seuls 56 % ont pu bénéficier de son
algorithme.
Cet algorithme est utilisé dans le monde par de nombreuses équipes.
2- Algorithme de Barnhart (1994)
:
Sur 205 GEU, 18,5 % n’ont pas bénéficié de l’algorithme du fait de
l’existence de signes de rupture.
Parmi les 167 patientes restantes,
41 % avaient un taux de b-hCG supérieur à 1 500 UI/L et 51/67
n’atteignaient pas le seuil échographique.
Cet algorithme repose sur
les dosages répétés d’hCG et l’échographie endovaginale.
Dans ce schéma, le diagnostic de GEU est suspecté si les b-hCG sont
supérieures à 1 500 et l’utérus vide, ou si les b-hCG sont inférieures
à 1 500 et augmentent de moins de 66 % en 48 heures.
Parmi les patientes en dessous du seuil, 62 % ont un diagnostic dans
les 4 jours qui suivent, et parmi les patientes au-dessus du seuil,
50 % nécessitent 48 heures d’attente.
Cet algorithme a une sensibilité
pour le diagnostic de GEU de 100 % et une spécificité de 99,9 %.
L’intérêt majeur de ces algorithmes repose dans leur simplicité
d’utilisation et leur reproductibilité, en particulier quand ils sont
utilisés dans les services d’urgences.