Grossesse et accouchement après 40 ans Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Le désir de grossesse à 40 ans et au-delà est un phénomène de
société actuel comme l’atteste l’augmentation du nombre
d’accouchements des femmes de plus de 40 ans, tant aux États-Unis
où le nombre de premiers accouchements entre 40 et 44 ans a
augmenté de 50 % qu’en France.
Plusieurs raisons expliquent
ce phénomène : améliorations des techniques contraceptives,
mariage tardif, poursuite d’une carrière ou seconde union avec un
partenaire souvent plus jeune et sans enfant.
Deux populations de femmes enceintes de 40 ans doivent être
individualisées : les primipares âgées qui ont repoussé l’âge de leur
première maternité volontairement ou involontairement (infertilités
traitées) et les grandes multipares.
Si les primipares âgées ne sont
exposées qu’aux complications obstétricales liées à l’âge, les
multipares conjuguent risques liés à l’âge et risques liés à la
multiparité.
Nombreuses sont actuellement les femmes qui consultent pour un
désir de grossesse après 40 ans et la situation du gynécologue
interrogé n’est guère facile car les données précises sur ces
grossesses ne sont pas fréquentes, les publications antérieures sur
les grossesses de 40 ans concernant souvent les grandes multipares.
Il est donc intéressant d’essayer de savoir si une grossesse après
40 ans, en l’an 2000, fait vraiment courir un haut risque maternel ou
foetal. Les résultats de la littérature sont souvent contradictoires.
Dans la plupart des publications anglo-saxonnes antérieures à 1990,
une grossesse qualifiée de tardive (après 35 ans) faisait courir des
risques accrus tant pour la mère que pour le foetus.
Les études plus
récentes concluent de façon nettement plus optimiste.
Cette
divergence s’explique par l’amélioration de la surveillance prénatale,
par certaines imprécisions dans les enquêtes les plus anciennes
(prématurité et petit poids de naissance confondus), mais aussi par
la différence des populations étudiées, les grandes multipares de bas
niveau socioéconomique faisant désormais place à des primipares de meilleure situation ayant volontairement repoussé l’âge de leur
première grossesse.
Dufour, Haentjens et Vinatier ont ainsi rapporté,
en 1997, 62 % de haut niveau social chez les primipares dites âgées
pour moins de 18 % chez les multipares.
Il est intéressant de noter que les femmes de 35 ans et plus (elderly
gravidas des Anglo-Saxons) étaient initialement considérées comme
des gestantes âgées, puis, avec le recul de l’âge de la maternité, ce
terme de parturiente âgée s’est adressé aux femmes de 40 ans.
Un
nouveau terme a été récemment créé pour définir les grossesses
après 45 ans : on parle désormais d’âge maternel très avancé (very
advanced maternal age).
Pathologie de la grossesse :
A - AVORTEMENTS SPONTANÉS ET ABERRATIONS
CHROMOSOMIQUES :
Le premier écueil de ces grossesses de la quarantaine est leur taux
élevé de fausses couches spontanées (FCS).
D’après Warbuton, le
taux de FCS atteindrait 33,8 % à partir de 40 ans contre 11,7 % entre
30 et 34 ans, 17,7 % entre 35 et 39, et 53,2 % après 45 ans.
Ces
valeurs, apparemment très élevées, sont confirmées par les résultats
obtenus en procréations médicalement assistées (PMA) où, entre 30
et 35 ans, le taux de FCS n’est que de 16,4 % dans le bilan FIVNAT
1996, alors qu’entre 38 et 40 ans il atteint 24,6 %, et 39,6 % à partir
de 42 ans (p < 0,01).
On admet généralement qu’au moins 60 % de
ces avortements précoces sont liés à des anomalies
chromosomiques.
L’élévation du taux d’aberrations chromosomiques avec l’âge est
bien connue.
Le risque de survenue d’anomalies chromosomiques
est estimé à 1,6 % à 38 ans, 2,21 % à 40 ans et 4 % à 42 ans.
La fréquence des atteintes chromosomiques entre 40 et 45 ans est de
3 % des naissances vivantes.
La trisomie 21 représente la moitié
des atteintes chromosomiques imputables à l’âge maternel.
Hecht and Hook ont actualisé la prévalence à la naissance des
trisomies 21 ; ils l’estiment à 10,4/10 000 à 40 ans, 18,3/ 10 000 à
42 ans, 44,1/10 000 à 45 ans et 107/10 000 à 48 ans.
La prévalence des anomalies chromosomiques est bien sûr plus
grande au terme du diagnostic prénatal qu’à terme, et d’autant plus grande que le diagnostic est réalisé tôt, un foetus trisomique risquant
beaucoup plus la mort in utero qu’un foetus normal.
Les trisomies
13 et 18 augmentent également avec l’âge maternel, de même que
les anomalies des chromosomes sexuels, 47 XXX et 47 XXY.
De Vigan et al viennent de faire le point sur la politique
française qui est de proposer une amniocentèse à partir de 38 ans et
aux patientes à risque (avec enfants porteurs d’une anomalie
chromosomique ou si l’un des parents est porteur d’une
translocation ou encore en cas d’anomalie décelée à l’échographie,
et depuis 1997, si les marqueurs sériques l’indiquent).
Le registre
parisien des malformations congénitales a permis de suivre le
retentissement de ces nouvelles attitudes.
Le taux de diagnostic
prénatal est globalement de 89,9 % dans cette série entre 1992 et
1997.
De plus, sur les 41 trisomiques nés chez les femmes de plus de
38 ans pendant cette période, 31 mères avaient refusé l’amniocentèse
et huit, connaissant la trisomie, avaient choisi de poursuivre la
grossesse.
Au total, 39 trisomies sur 41 étaient à rapporter à un choix
maternel.
Ces chiffres parisiens ne peuvent être extrapolés à toute la France.
Dans le nord de la France, Dufour, Haentjens et Vinatier n’avaient
rapporté que 62,9 % de diagnostic anténatal réalisé au terme
approprié, le suivi des primipares ou des paucipares âgées semblant
largement supérieur à celui de la population générale, tandis que
chez les grandes multipares, il semblait légèrement inférieur.
L’étude parisienne démontre également une légère diminution de la
prévalence de la trisomie 21 à la naissance de 1992 à 1997, mais une
prévalence globale élevée (30,6/10 000), ce qui est pour les auteurs
en partie lié à la population parisienne où les parturientes âgées
sont plus fréquentes que dans le reste de la France.
Enfin, le passé gynécologique de ces patientes (fibromes, synéchies
ou béances du col dues à des curettes trop appuyées) expliquent les FCS tardives où les anomalies chromosomiques ne représentent plus
que 10 à 20 %.
B - COMPLICATIONS DE LA GROSSESSE
:
1- Diabète gestationnel
:
La quasi-totalité des études met en évidence une augmentation de
la fréquence du diabète gestationnel dans les grossesses tardives.
Grimes et Gross n’observent pas cette augmentation
chez les primipares de 35 ans et plus, mais uniquement sur les
multipares de plus de 38 ans.
Certaines équipes observent une
augmentation de l’incidence du diabète gestationnel dès la première
grossesse à partir de 35 ans, mais notent que l’incidence est
cependant moindre que chez les multipares.
Au contraire, les études les plus récentes, telles celle de Gilbert, Nesbitt et Danielsen et celle de Bianco et al observent une
augmentation identique des taux de diabète gestationnel chez les
nullipares et les multipares, et concluent que l’âge est en cause et
non la parité.
2- Hypertension artérielle
:
Une augmentation de l’apparition de l’hypertension artérielle (HTA)
pendant la grossesse à partir de 35 ans est notée dans la grande
majorité des études, avec des chiffres relativement
comparables d’une étude à l’autre.
Seules les études de Blum et
de Booth et Williams n’observent pas plus d’HTA dans les
grossesses de primipares âgées de 35 ans et plus.
Cependant, l’étude
de Blum ne porte que sur 55 femmes de plus de 35 ans.
Quant à
celle de Booth et Williams, si le taux d’HTA chez les primipares de
35 à 39 ans n’est pas plus élevé que celui des femmes plus jeunes, il
atteint 15 % chez celles de 40 ans et plus.
Enfin, l’enquête de Berkowitz et al qui ne porte que sur des primipares de bon niveau
socioéconomique (682 femmes de 35 à 39 ans et 117 de 40 ans et
plus) retrouve, elle aussi, une augmentation significative de l’HTA
de la grossesse avec l’âge.
Les études les plus récentes, telles celle de Bianco et al et celle de
Gilbert, Nesbitt et Danielsen, retrouvent une augmentation de
l’HTA et de la prééclampsie après 40 ans, quelle que soit la parité,
plus nette chez les nullipares !
L’étude de Gilbert, Nesbitt et
Danielsen, publiée en 1999, est à ce jour l’étude la plus importante
consacrée aux gestantes de 40 ans et plus, puisqu’elle porte sur
24 032 femmes de 40 ans et plus.
Il s’agit d’une étude rétrospective,
sur 2 ans (1992-1993), de patientes de 40 ans et plus ayant accouché
dans des hôpitaux californiens, comparée à un groupe contrôle de
femmes de 20 à 29 ans.
3- Métrorragies du troisième trimestre
et placenta prævia :
À ce sujet, les données de la littérature divergent.
Si la majorité des
études relèvent une plus grande fréquence des métrorragies et des
placentas prævia après 35 ans, cette augmentation n’est pas toujours
retrouvée chez les primipares.
Gilbert, Nesbitt et Danielsen
annoncent cependant un taux de placentas prævia huit fois plus
élevé chez les nullipares âgées que chez les nullipares de 20 à 29 ans,
et Bianco et al affirment une augmentation après 40 ans, quelle
que soit la parité.
S’il est logique de penser que la fréquence des
hématomes rétroplacentaires est également augmentée avec l’âge, il
est difficile d’en apporter la démonstration, étant donné la faible
incidence de cet accident.
Modalités d’accouchement
:
Un taux significativement plus élevé de césariennes est retrouvé
dans toutes les publications dès 35 ans.
Cette augmentation du taux
de césariennes, plus nette chez les primipares, est cependant
observée le plus souvent aussi chez les multipares, sauf
pour Kessler.
Cette augmentation de la fréquence des
césariennes est liée aussi bien à l’augmentation des césariennes de
principe (décidées avant la mise en travail) qu’à l’augmentation des
césariennes en urgence, et est retrouvée pour toutes les indications,
y compris souffrance foetale.
L’angoisse de l’accoucheur et celle de
la parturiente se reflètent dans ces chiffres.
Paradoxalement, peu
d’études font état de la variété de présentation du foetus.
À
Boucicaut, le taux de présentations céphaliques était
significativement abaissé après 40 ans (82,3 % versus 95,6 % ; p
< 0,001), ce qui peut expliquer en partie l’augmentation du taux des
césariennes.
Tuck rapporte qu’après 35 ans la fréquence des
césariennes est beaucoup plus élevée chez les femmes infertiles
devenues enceintes après un traitement de leur stérilité (20,8 %
contre 10,17 %).
Autre raison de césariennes, la durée du travail
après 40 ans est souvent prolongée.
Classiquement, le travail est en
effet considéré comme plus long chez les primipares âgées.
Si
certaines études à l’origine de cette assertion, telle celle de Flierh,
datent de 1956, les études plus récentes telles celle de Tuck et al en
1988 ou celle, plutôt optimiste, de Berkowitz et al arrivent aux
mêmes conclusions pour les primipares ; seule l’étude de Blum les
contredit.
Chez les multipares, l’âge ne semble pas prolonger la
durée du travail.
Le taux d’extraction instrumentale est également plus élevé dans
toutes les études, quelle que soit la parité.
État des enfants à la naissance
:
A - PRÉMATURITÉ :
Toutes les études anciennes réalisées sans définition précise de la
prématurité (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée [SA])
incluaient dans le groupe des « prématurés » les enfants de moins
de 2 500 g.
Ces études affirmaient toutes que la « prématurité » était
plus fréquente en cas de grossesse tardive.
Avec une définition exacte de la prématurité, à Béclère, primipares
et multipares confondues, la proportion de prématurés passe de
5,7 % avant 35 ans à 8,2 % après 40 ans (p < 0,001), cette prématurité
étant en partie d’indication médicale (c’est-à-dire due à une décision
obstétricale d’interrompre la grossesse pour raison maternelle ou
foetale : 2,9 % avant 35 ans de prématurité iatrogène contre 4,8 % à
partir de 40 ans).
Uniquement sur des primipares, Tuck et al
annoncent également quatre fois plus de naissances prématurées
après 35 ans.
Seuls, Berkowitz et al qui n’étudient que des
primipares de bon niveau socioéconomique n’observent pas cette
augmentation du taux de prématurité et observent même une
diminution après 40 ans.
Enfin, Yasin et Beydoun montrent
qu’après 40 ans le taux de prématurité est plus élevé chez les
primipares (36,8 %) que chez les multipares (13,6 % ; p < 0,02), mais
que dans les deux cas, il est supérieur chez les femmes de plus de
40 ans au taux observé chez des femmes plus jeunes.
L’étude de
Gilbert, Nesbitt et Dianelsen qui comporte l’effectif le plus
important (24 032 femmes de 40 ans et plus) confirme cette
augmentation de la prématurité par rapport à un groupe contrôle
de 20-29 ans, aussi bien chez les primipares (14,1 % de naissances
avant 37 SA contre 9,1 % dans le groupe témoin) que chez les
multipares (13,7 versus 10,3 %).
Si l’augmentation de la prématurité n’est pas étonnante chez les
multipares âgées, il est plus surprenant de constater que plusieurs
études affirment une prématurité accrue chez les primipares.
Ceci
justifie une surveillance accrue des primipares âgées en deuxième
partie de grossesse.
B - POIDS DE NAISSANCE :
La plupart des études précitées observent des poids moyens des
enfants identiques quel que soit l’âge de la mère, mais avec une
proportion élevée d’enfants de petits poids de naissance et d’enfants
de plus de 4 000 g (ce qui explique le poids moyen identique), dus
pour les uns aux HTA et pour les autres au diabète.
Trois études
s’opposent cependant à cette vision simpliste.
Sur des patientes
primipares de 35 ans et plus, Berkowitz et al annoncent des
enfants de plus petit poids de naissance que chez les mères plus
jeunes, mais sans hypotrophie réelle.
À parité égale, Lee et al
annoncent cependant une diminution progressive du poids avec
l’âge des mères. Gilbert, Nesbitt et Danielsen, sur leurs
24 032 grossesses de plus de 40 ans, tranchent avec un poids de
naissance abaissé chez les nullipares âgées et inchangé chez les
multipares âgées par rapport aux groupes contrôles 20-29 ans.
C - SCORE D’APGAR ET TRANSFERT EN SOINS INTENSIFS :
Les publications divergent totalement sur ce point ou ne le
mentionnent pas.
L’étude de Béclère observe une augmentation
parallèle du taux d’enfants avec Apgar inférieur à 7 à la naissance,
de l’âge de la mère, et des transferts en unité de soins intensifs, ce
qui n’est pas observé à Boucicaut.
Paradoxalement, Berkowitz et
al n’observent pas de score d’Apgar plus bas, mais rapportent
cependant plus de transferts en soins intensifs, ce qui peut paraître
surprenant, mais on connaît la valeur limitée du score d’Apgar à la
naissance.
L’étude de Bianco et al retrouve aussi une diminution
du score d’Apgar à 1 minute et une augmentation des admissions
en unité de soins intensifs pour les enfants des nullipares âgées.
D - MALFORMATIONS CONGÉNITALES :
Seule l’étude de Yasin et Beydoun rapporte une augmentation de
ces malformations mais surtout d’ordre chromosomique.
Ceci est
probablement dû au fait que leur étude porte sur une population de
bas niveau socioéconomique, avec peu de diagnostic anténatal, alors
que ces malformations sont éliminées dans les autres études par les
interruptions thérapeutiques de grossesse.
Le problème des malformations congénitales, hors aberration
chromosomique, après 40 ans est très peu abordé dans les études
publiées.
L’âge maternel, comme la parité, est reconnu comme jouant
un rôle mineur dans le risque d’avoir un enfant présentant une
malformation congénitale.
L’élévation des malformations
congénitales admise dans les anciennes études est désormais
contestée si l’on individualise les aberrations chromosomiques.
Kessler et al, dans l’une des rares études qui rapporte le taux de
malformation chez les femmes de 35 ans et plus, n’observent aucune
augmentation.
Mortalité périnatale et maternelle
:
Pour la majorité des auteurs, il existe une augmentation des morts
in utero et de la mortalité périnatale dans les grossesses tardives.
Ceci est observé même dans les études les plus récentes qui se
veulent plus optimistes ; Darbois et Boulanger rapportent, après
40 ans, une mortalité périnatale de 30/1 000, 2,5 fois plus élevée que
dans l’ensemble des accouchées.
L’étude de Fretts et al qui
analyse 94 346 accouchements à Montréal de 1961 à 1993 a montré
une diminution de 70 % des morts foetales, liée à l’amélioration de
la prise en charge obstétricale, mais confirme l’effet néfaste de l’âge
maternel dès 35 ans, chez les nullipares comme chez les multipares.
Berkowitz et al, sur leurs primipares « favorisées », n’observent
pas cette pathologie, et une étude de Kiely et al avec ajustement
sur la parité, le niveau socioéconomique et autres cofacteurs
retrouve seulement une augmentation des morts in utero.
Quant à la mortalité maternelle, malgré sa très nette diminution due
à la qualité actuelle du suivi prénatal, son taux s’élève
avec l’âge, passant de 7,8/100 000 naissances entre 25 et 29 ans, à
33,4/100 000 entre 40 et 44, et 209,3/100 000 après 45 ans.
Ces
chiffres justifient une surveillance accrue des futures mères âgées
tant au cours du troisième trimestre de leur grossesse qu’au cours
de l’accouchement pour tenter de prévenir les accidents vasculaires
sévères.
Comparaison primipares-multipares :
Les conclusions optimistes de l’étude de Berkowitz et al sur des
primipares de 35 ans et plus de bon niveau socioéconomique
laissaient penser qu’une première grossesse à 40 ans se déroulerait
mieux qu’une deuxième ou troisième grossesse.
Les rares études
comparant multipares et primipares ne corroborent pas
cette hypothèse.
L’étude de Yasin, comme celle de Boucicaut, sur
des femmes de 40 ans et plus, montrent que même chez les
primipares, il y a une augmentation des pathologies de la grossesse
par rapport aux parturientes plus jeunes (bien que le mécanisme ne
soit peut-être pas le même que chez les multipares).
Chan et Lao,
comparant 51 primipares de 40 ans et plus à 154 multipares du
même âge, ont observé chez les primipares plus d’HTA (17,6 versus
5,2 % ; p = 0,015), plus de métrorragies après 28 SA (17,6 versus
5,8 % ; p = 0,0188) et plus de césariennes (58,8 versus 20,8 % ;
p < 0,001), mais un état néonatal identique dans les deux groupes,
des poids de naissance identiques et aucune différence concernant
les risques de diabète gestationnel et les taux de prématurité.
La
toute récente étude de Gilbert, Nesbitt et Danielsen qui porte sur
24 032 femmes de 40 ans et plus, dont 64 % de multipares, va dans
le même sens.
Bien entendu, le taux de césariennes est beaucoup
plus élevé chez les nullipares (47 %) que chez les multipares ; de
plus, toutes les complications de la grossesse sont plus fréquentes
chez les nullipares que chez les multipares ; seule la mortalité
périnatale est supérieure chez les multipares.
CONCLUSION DES GROSSESSES :
À 40 ANS
Bien entendu, les études citées concluent souvent différemment et il
est malaisé d’en faire une synthèse.
Un certain nombre de points
sont cependant à souligner qui peuvent expliquer les divergences.
La plupart des études anglo-saxonnes anciennes qualifiaient de
grossesses tardives les grossesses à partir de 35 ans, et les effectifs
étudiés de femmes de 40 ans et plus étaient faibles.
L’étude de Berkowitz et al parue en mars 1990 a été largement diffusée en
France à titre d’encouragement à procréer tardivement en raison de
ses résultats plutôt favorables.
Cependant, les auteurs eux-mêmes
concluent en signalant qu’ils n’ont étudié que des primipares de
35 ans et plus, et seulement 117 femmes de 40 ans et plus, de bon
niveau socioéconomique, et que s’il est vrai qu’ils n’ont pas observé
d’effet néfaste de la maternité retardée sur l’enfant, ils ont en
revanche observé des taux de complications pendant la grossesse et
de césariennes nettement plus élevés que chez les patientes plus
jeunes !
Les trois études récentes qui séparent nullipares et multipares
vont globalement dans le même sens et concluent à un devenir foetal
favorable mais soulignent toutes les trois l’augmentation des
complications, quelle que soit la parité.
Certains médecins n’hésitent pas à encourager les femmes de 40 ans
et plus qui souhaitent un enfant. Pour d’autres, ce projet mérite
réflexion.
Ces deux opinions ne sont peut-être pas si contradictoires.
Certes la pathologie de la grossesse (donc son coût) est augmentée
après 40 ans, mais les résultats sont loin d’être catastrophiques.
Il
vaut mieux avoir des enfants avant 35 ans, et il convient que les
femmes en soient informées ; toutefois si les hasards de la vie font
que ce n’est que plus tard qu’il leur devient possible de devenir
mère et qu’elles sont averties des risques encourus et bien suivies,
pourquoi leur refuser cet épanouissement ?
Grossesses après 45 ans :
Les publications sur les grossesses spontanées entre 45 ans et 50 ans
sont rares.
Leridon rapporte en France, pour l’année 1993,
870 naissances provenant de femmes de 45 ans et plus.
Dildy et al
étudiant 126 500 naissances sur 10 ans ont retrouvé 79 grossesses de
mères de 45 ans et plus (44 de 45 ans, 21 de 46 ans et 14 de 47 ans et
plus).
Seules trois de ces 79 grossesses provenaient de l’assistance
médicale à la procréation (AMP).
Trente-sept d’entre elles, soit
46,8 %, ont présenté des complications obstétricales dont les deux
plus fréquentes sont le diabète gestationnel (12,7 %) et la prééclampsie (10,1 %).
Sur 79 grossesses ayant dépassé 20 SA, huit
(soit 9,9 %) anomalies de caryotype ont été dépistées.
Le taux de
césariennes est de 31 %. Le poids moyen de naissance est de 3 466 g,
mais 17,3 % sont inférieurs à 2 500 g et 19,8 % supérieurs à 4 000 g.
Le terme moyen est de 39 SA.
Le taux de mortalité périnatale est de
1,3 % ; aucune mort maternelle n’est à déplorer.
Les auteurs, qui
reconnaissent l’absence de groupe contrôle plus jeune, concluent que
le devenir maternel et foetal est bon.
Cette étude présente un biais,
la majorité de ces patientes appartenant à une minorité religieuse
avec une gestité moyenne de neuf, et de sept à neuf enfants vivants
par femme.
Il s’agit donc d’une population très particulière qui ne
permet pas de tirer des conclusions valables.
L’étude israélienne de Dulitzki et al porte sur 109 femmes de 44 ans et plus, comparées
à 309 patientes de 20 à 29 ans.
Les patientes sont plus classiques
avec une parité moyenne de 3,6 et 27 % de ces grossesses ont été
obtenues par traitement de l’infertilité.
L’HTA et le diabète viennent
au premier rang des complications, comme dans l’étude précédente,
mais les auteurs concluent différemment : bien que globalement les
résultats soient favorables, un âge maternel élevé est pour eux
facteur de complications de la grossesse.
Le taux de césariennes est
également élevé : 39,4 % contre 4,2 % dans le groupe 20-29 ans, de
même que le taux de naissances avant 37 SA : 18,3 % contre 8,4 %
dans le groupe contrôle.
Grossesses après 50 ans :
Des grossesses spontanées sont observées après 50 ans comme en
attestent les chiffres fournis par l’Institut national de la statistique et
des études économiques (INSEE) ou par l’Institut national d’études
démographique (INED).
C’est ainsi que l’INSEE, en 1991, a
rapporté que 51 enfants étaient nés vivants en 1989 de mères nées
entre 1935 et 1939, c’est-à-dire ayant entre 50 et 54 ans !
Parmi ces enfants, il est étrange de constater que 15,9 % représentent
le premier enfant du couple, tandis que moins étonnant est le fait
que 34,1 % de ces enfants ont un rang de naissance supérieur à huit.
Le rapport sur la situation démographique de la France (INED, 1991
et 1992) décrit l’évolution du nombre de naissances selon l’âge de la
mère atteint dans l’année, et l’on peut constater que dès 1980 (où
n’existaient pas les grossesses par don d’ovocytes) 22 femmes de
50 ans avaient accouché, mais aussi quatre de 51 ans, quatre de
52 ans et qu’en 1990, on observe le même chiffre de 20 femmes de
50 ans, mais aussi six de 51 ans, trois de 52 ans, trois de 53 ans, et
cinq de 54 ans.
Enfin, un rapport de Nicole Guignon
(document statistique du SESI n°145, juillet 1992) rapporte le nombre
d’avortements selon l’âge atteint par la femme dans l’année, et on a
la surprise de découvrir qu’en 1980 il y avait 34 interruptions
volontaires de grossesse (IVG) répertoriées en France chez des
femmes de 50 ans, qu’en 1989 il y en a encore 20, et 30 en 1991.
Toulemon, de l’INED, estimait, en 1993, qu’après le 50e anniversaire,
on compte près de 30 naissances par an, 45 avortements et
25 FCS.
En plus de ces rares grossesses spontanées, on ne peut plus nier en
l’an 2000 que, grâce à l’AMP avec don d’ovocytes, la grossesse à 50 ans et au-delà est effectivement possible.
Dès 1984, Lutjen et al
avaient rapporté une grossesse chez une femme de 25 ans présentant
une ménopause précoce grâce à un don d’ovocytes lors d’un cycle
artificiel associant valérate d’estradiol par voie orale et progestérone
par voie vaginale, avec administration d’estradiol jusqu’à 12 SA et
de progestérone jusqu’à 19 SA.
Ultérieurement, Serhal et Craft,
en 1989, ont rapporté un taux de grossesses par cycle dans les
ménopauses réelles après 40 ans de 38,4 % pour 13 cycles (ne
précisant pas de quel type de grossesse, clinique ou évolutive, il
s’agissait), taux identique à celui qu’ils obtiennent dans les
ménopauses précoces (femmes de 29 à 37 ans) soit 36,3 % de
grossesses par cycle.
Sauer et al ont publié en 1993 le premier
travail sur les grossesses après 50 ans dans un article intitulé
« Grossesse après 50 ans : application du don d’ovocytes aux
femmes ménopausées ».
Convaincus du non-vieillissement de
l’utérus, ils ont proposé des dons d’ovocytes à des femmes
ménopausées de plus 50 ans.
Avant d’être acceptées dans ce
protocole, les femmes devaient être soumises à un bilan médical
incluant électrocardiogramme d’effort, radiographie pulmonaire,
mammographie, hyperglycémie provoquée, dosage du cholestérol,
bilan complet de la coagulation et bilan gynécologique.
Chaque
couple devait également être reçu par deux psychologues.
Parmi les
18 femmes initialement retenues, quatre ont été éliminées, dont deux
en raison d’un électrocardiogramme d’effort anormal, une pour une
hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) perturbée, et la
dernière en raison d’un volumineux fibrome.
L’âge moyen des
femmes était de 52,2 ans, allant de 50 à 59 ans, huit des 14 patientes
n’ont jamais eu d’enfant, tandis que trois sur les six qui avaient déjà
été mères, étaient déjà grand-mères.
Les maris étaient légèrement
plus jeunes, puisqu’ils avaient en moyenne 47,8 ans avec des
extrêmes allant de 27 à 70 ans !
Les ovocytes provenaient de
donneuses anonymes d’âge moyen de 28,1 ans, donneuses
volontaires recrutées par les médias et rémunérées 2 000 dollars par
ponction.
D’avril 1991 à août 1992, 22 ponctions ont été réalisées
aboutissant à 21 transferts d’embryons, et huit grossesses cliniques
(c’est-à-dire avec un taux de human chorionic gonadotrophin [hCG]
supérieur à 1 000 mUI/mL et/ou la présence d’un sac embryonnaire
vu à l’échographie) sont rapportées, comprenant une fausse couche
et sept grossesses évolutives, quatre grossesses étaient encore en
cours à la date de la publication de l’article, trois avaient accouché
dont deux par césarienne pour toxémie gravidique.
Les auteurs
pensent avoir démontré que, bien après la ménopause, bien après
que les ovaires aient cessé de produire des ovocytes normaux,
l’utérus peut avoir une bonne réceptivité à des embryons provenant
de femmes jeunes.
Bien que n’ayant pas de complications
obstétricales sérieuses à déplorer, d’après eux, ils reconnaissent
cependant que leur effectif est trop faible pour permettre de
conclure.
Deux ans plus tard, en 1995, les mêmes auteurs ont à
nouveau publié l’évolution de 22 grossesses obtenues par don
d’ovocytes chez des femmes de plus de 50 ans. Sur ces 22
grossesses, seules 17 étaient des grossesses évolutives, et neuf des
17 étaient des grossesses multiples !
Huit patientes sur 17 ont
présenté des complications, soit 47 % (HTA : n = 7 ; prématurité : n
= 3 ; diabète gestationnel : n = 2 ; prééclampsie : n = 1).
Les grossesses après 50 ans sont donc possibles mais les problèmes
qu’elles posent sont nombreux, physiques et éthiques.
Les risques obstétricaux liés à l’âge de la femme sont bien connus.
Au-delà de 40 ans, HTA, toxémie gravidique, diabète gestationnel,
placenta prævia et hématome rétroplacentaire sont augmentés.
Les
taux de césariennes après 40 ans sont de l’ordre de 30 % ; enfin, la
mortalité maternelle, donnée habituellement peu connue, s’élève
avec l’âge.
Ces risques sont bien connus pour les
grossesses dites tardives après 35 ans pour les Anglo-Saxons, après
40 ans en France, mais les risques réels des maternités après 50 ans
sont totalement inconnus.
L’enfant né de mère de plus de 40 ans courrait des risques accrus de
prématurité, d’hypotrophie in utero, de mort in utero et de mortalité
néonatale ; en revanche, après 50 ans, on ne connaît pas actuellement
les risques.
D’autres risques sont encourus par l’enfant dont celui
d’être plus ou moins rapidement orphelin.
On admet actuellement
en France que l’espérance de vie sans incapacité d’une femme est de
l’ordre de 75 ans.
Si la grossesse est obtenue à 50 ans, il n’y a pas de
vrai problème.
En revanche, s’il agit d’une grossesse à 60 ans ou
plus, les risques d’être orphelin avant l’adolescence sont
extrêmement importants et doivent être pris en compte.
De plus,
Auroux a prouvé, sur les performances des jeunes rats puis des
humains en cours de service militaire, qu’il était préférable de ne
pas être un enfant né de père âgé ; mais s’agissait-il d’enfants
provenant de vieux gamètes ou d’enfants élevés dans un vieil
environnement, en d’autres termes ce qui est néfaste est-il inné ou
acquis pour les enfants de vieux ?
Autre problème : il n’est plus possible de négliger, en l’an 2000, le
coût de telles grossesses.
Sans même parler du coût du déroulement
de la grossesse, on ne peut négliger le coût de la tentative de l’AMP.
Il est vrai que désormais, au-delà de 50 ans, il est techniquement
possible d’obtenir une grossesse.
Il est également vrai qu’il faut
réfléchir avant de condamner formellement de telles pratiques ;
certains cas exceptionnels (décès d’un enfant par exemple)
pourraient amener des praticiens de bonne qualité à pratiquer de
tels actes, mais il est évident qu’il faut encore plus réfléchir avant de
laisser s’établir en France la pratique des PMA au-delà de 50 ans.