On désigne sous le nom de glaucome congénital les hypertonies
oculaires présentes à la naissance.
Elles peuvent être primaires et
secondaires, à angle ouvert ou fermé.
Par extension, nous traitons
également les hypertonies apparaissant plus tardivement dans
l’enfance, et comprenant les glaucomes infantiles et les glaucomes
juvéniles.
Bilatéral dans 75 % des cas, le glaucome congénital primitif atteint
deux fois plus de garçons que de filles et la fréquence croît avec la
consanguinité des parents ; cela la fait varier d’un cas sur
2 500 naissances dans certains pays à un cas sur 15 000 naissances
dans d’autres.
Les conséquences de l’affection peuvent être dramatiques pour la
fonction visuelle.
Celle-ci se dégrade pour plusieurs raisons : perte
de transparence cornéenne, astigmatisme, amblyopie et perte
irréversible des fibres du nerf optique.
Cette dernière n’est pas
immédiate, car la distension du globe entraîne d’abord un
élargissement réversible du canal optique avec conservation
anatomique des fibres optiques proprement dites.
À ce stade,
l’excavation visible au fond d’oeil peut encore régresser après
normalisation tensionnelle.
Mais si celle-ci n’est pas rapidement
obtenue, les fibres elles-mêmes se dégradent, et cette fois-ci de façon
irréversible.
C’est pour cette raison qu’il faut savoir reconnaître l’urgence
thérapeutique de ces glaucomes congénitaux, car l’oeil du nourrisson
est fragile et déformable jusqu’à l’âge de 2 ans, sous forme d’une buphtalmie aux conséquences multiples, vergetures descemétiques,
distension du limbe et opacification cornéenne.
Parmi les particularités de ces glaucomes, la récidive de l’hypertonie
est une des plus difficiles à gérer.
Il est donc nécessaire de surveiller
longtemps la tension et savoir ne jamais considérer un résultat
comme définitivement acquis.
Embryologie
:
A - PREMIÈRE ÉBAUCHE DU SEGMENT ANTÉRIEUR :
Pour comprendre la formation des composants de la chambre
antérieure intervenant dans la genèse des glaucomes congénitaux, il
faut se reporter à la sixième semaine du développement de
l’embryon et se représenter sa structure au niveau du diencéphale.
À ce stade et à ce niveau, il est constitué de trois tuniques, une
interne, le tube neural qui a une forme tubulaire, et une externe,
l’épiblaste qui le double à distance, ménageant un espace
intermédiaire que remplissent les cellules du mésoblaste colonisé par
les cellules de la crête neurale.
À la partie antérieure, le tube neural
émet de chaque côté un prolongement en « doigt de gant », ébauche
de nerf optique qui s’enfle et s’invagine rapidement pour former les
vésicules optiques.
Chaque vésicule optique comprend donc un
feuillet interne, future rétine sensorielle, un feuillet externe, futur
épithélium pigmentaire, et une crête, futur iris.
En face, l’épiblaste
s’épaissit pour former les placodes cristalliniennes, qui vont, elles
aussi, se transformer en vésicules et se séparer de la paroi dont elles sont issues pour donner naissance au premier cristallin.
Entre
celui-ci et l’épiblaste se crée donc un nouvel espace, future chambre
antérieure, que vont coloniser les cellules de la crête neurale.
Celles-ci vont ainsi largement contribuer à la formation de
nombreux éléments essentiels de la chambre antérieure.
B - CRÊTE NEURALE
:
Les crêtes neurales se sont formées lorsque, au cours de la troisième
semaine, la plaque neurale se courbe pour former le tube neural.
C’est d’ailleurs le seul moment où elles méritent le nom de crêtes.
La fermeture du tube neural libère les deux crêtes qui
fusionnent.
Ensuite, les cellules qui la constituent perdent leur
caractère de cellules épithéliales jointives et stationnaires pour
devenir des cellules mobiles de type mésenchymateux.
Elles migrent
ainsi latéralement au cours de la cinquième semaine entre le tube
neural et l’épiblaste, sur toute la longueur du tube neural.
Au niveau
des ébauches oculaires, ces cellules vont, vers la sixième semaine,
affluer autour des vésicules optiques, et former la choroïde et la sclère, et, en trois vagues successives, contribuer à former les
principales structures de la chambre antérieure et de l’angle
iridocornéen.
La première vague (septième semaine) est destinée à
former le stroma cornéen et le stroma antérieur de l’iris. La
deuxième vague (dixième semaine) va former le cadre rigide du
limbe et cette rigidité va entraîner le changement de courbure entre
la cornée et la sclère, contribuant à créer le volume de la chambre
antérieure.
La troisième vague (troisième mois) va former
l’endothélium cornéen, le stroma irien, et les vaisseaux de la
membrane pupillaire.
Pendant ce temps, le mésenchyme adjacent
va former les insertions des muscles oculomoteurs sur la sclère et le
vitré primitif.
À partir du quatrième mois, la chambre antérieure est
déjà formée, et à la jonction de l’endothélium périphérique et de la
racine de l’iris, on trouve (15e semaine) un nid de cellules, d’origine
mésenchymateuse, qui vont participer à la construction du futur trabéculum.
Les cellules de l’endothélium vont ensuite se retirer de
l’angle et l’iris se reculer vers l’arrière, libérant donc
progressivement les structures du sommet de l’angle qui acquiert
ainsi un contact direct avec la lumière de la chambre antérieure
(septième mois).
Ce processus se poursuit normalement après la
naissance ; la racine de l’iris continue de reculer pour laisser, chez
l’adulte, l’angle ouvert sur la face antérieure du corps ciliaire.
C - CONSÉQUENCES SUR LE DÉVELOPPEMENT
DE L’ANGLE IRIDOCORNÉEN :
La différenciation des différents éléments du trabéculum, uvéal,
cornéoscléral et juxtacanaliculaire, se fait tardivement par étapes
successives, et il existe un plan de clivage entre les deux derniers
qui se maintient, ce qui explique qu’il soit possible de peler
chirurgicalement le trabéculum externe.
Le retard ou l’absence de
recul de la racine de l’iris est responsable de l’aspect d’insertion
haute de l’iris.
À l’extrême, les muscles ciliaires peuvent recouvrir le trabéculum.
D - CONSÉQUENCES SUR LA FRÉQUENCE
DES LÉSIONS OCULAIRES ASSOCIÉES :
Le processus de formation des éléments de la chambre antérieure à
partir de la crête neurale explique la possibilité de rencontrer des
glaucomes congénitaux associés à d’autres anomalies oculaires de
développement, comme une sclérocornée, un syndrome d’Axenfeld-Rieger, une anomalie de Peters, une aniridie, un embryotoxon
postérieur, une mégalocornée, une corectopie, ou un ectropion
congénital de l’uvée.
E - CONSÉQUENCES SUR LA POSSIBILITÉ
DE LÉSIONS GÉNÉRALES ASSOCIÉES :
La crête neurale existe aussi au niveau des autres ébauches
d’organes, ce qui explique qu’un dysfonctionnement de son
développement ou de la migration de ses cellules puisse entraîner
des malformations générales que l’on peut voir associées à certaines
malformations oculaires.
F - CONSÉQUENCES POUR L’APPROCHE THÉRAPEUTIQUE
:
Les anomalies de développement ont pour conséquences des
spécificités anatomiques qui dictent la stratégie chirurgicale.
Une
insertion haute de l’iris se traite par goniotomie, d’autres
dysgénésies de l’angle doivent faire appel à des chirurgies filtrantes,
trabéculotomies perforantes ou non perforantes, selon l’aspect de la
dysgénésie de l’angle qui peut être totale ou partielle.
Les glaucomes
secondaires peuvent relever du traitement de la cause, comme
l’ablation d’un cristallin subluxé vers l’avant par une rupture
zonulaire ou la poussée vasculaire évolutive d’une persistance du
système vasculaire foetal.
Diagnostic clinique
:
A - EXAMEN DE L’ENFANT ÉVEILLÉ :
PREMIÈRE CONSULTATION
1- Circonstances de découverte
:
Les parents amènent l’enfant car ils ont constaté des anomalies
fonctionnelles et physiques.
Les signes fonctionnels d’appel sont assez caractéristiques : photophobie, larmoiement clair, frottement
des yeux.
Les signes physiques d’appel peuvent être plus variés :
opacification de la cornée, agrandissement du diamètre cornéen,
strabisme ou nystagmus.
2- Examen de l’enfant éveillé :
Cet examen est forcément rapide et succinct, mais il peut apporter
des renseignements précieux, qui doivent tous être notés : symétrie
ou dissymétrie des globes oculaires ; degré de la buphtalmie ;
importance de la mégalocornée ; régularité et degré de transparence
de la cornée ; présence de vergetures descemétiques (assez bien
visibles avec un ophtalmoscope direct et une lentille de +10) ou d’un
embryotoxon parfois évident ; aspect de la sclère qui peut être plus
ou moins pigmentée ; profondeur en général importante de la
chambre antérieure (la constatation d’une chambre antérieure effacée
et d’une hypertonie doit faire évoquer le diagnostic de glaucome
par blocage pupillaire secondaire à une luxation antérieure d’un
cristallin microsphérophaque et ectopique) ; aspect de l’iris, qui peut
être le siège d’anomalies de développement : il peut ainsi être
partiellement ou totalement absent, avoir une pupille décentrée ou
déformée, ou être le siège d’une polycorie ; aspect du fond d’oeil
lorsqu’il est examinable, montrant un disque optique élargi et
excavé.
Mais l’examen des structures intraoculaires est souvent
impossible en raison de l’insuffisance de transparence de la cornée.
3- Antécédents :
Devant ce tableau, il faut faire préciser par l’interrogatoire si la buphtalmie était présente à la naissance ou si elle est apparue
secondairement, comment se comporte l’enfant, son éveil et son
caractère.
On s’inquiète des circonstances de la grossesse et de
l’accouchement, ainsi que des antécédents ophtalmologiques
familiaux, et on dresse, comme pour tout examen
d’ophtalmopédiatrie, un arbre généalogique de la famille sur lequel
on note toutes les anomalies ophtalmologiques existantes.
4-
Signes associés :
On doit rechercher des signes associés au niveau de la face et du
reste du corps, morphologie générale, aspect des paupières pouvant
être le siège d’un neurofibrome, anomalies de vascularisation ou de
pigmentation de la face comme un angiome plan.
On se renseigne
également sur le comportement de l’enfant, notamment en ce qui
concerne sa réaction à la lumière et aux bruits.
L’examen des autres membres de la famille peut montrer, chez les
parents, des séquelles de glaucome opéré dont l’interrogatoire
précise les circonstances, ou révéler des signes de dysgénésie de la
chambre antérieure sans hypertonie.
Dès la fin de cet examen, il faut expliquer aux parents ce que ces
constatations imposent, en commençant par la nécessité d’un
examen sous anesthésie générale.
B - EXAMEN SOUS ANESTHÉSIE GÉNÉRALE :
L’examen sous anesthésie générale est en effet indispensable dès que
le diagnostic de glaucome congénital est évoqué, et s’il est confirmé,
l’intervention est programmée dans le même temps anesthésique.
Il
se déroule selon un rituel rigoureux, bilatéral et comparatif.
1- Cornée :
On mesure le diamètre cornéen qui est normalement de
9,5 mm à la naissance et grandit progressivement pour atteindre
11,5 mm dans le courant de la deuxième année. Dans un glaucome
congénital, il excède souvent ces chiffres de 1,5 mm ou plus.
L’appréciation de l’état cornéen comprend également l’évaluation de
la diminution de sa transparence et l’importance des vergetures, signes tous deux évolutifs et qui sont pathognomoniques de
l’affection lorsqu’ils sont associés.
2- Réfraction :
La mesure de la réfraction, lorsque l’état cornéen le permet, peut
montrer une myopie due à la buphtalmie, pouvant être associée à
un astigmatisme parfois important, conséquence de ruptures
descemétiques.
3- Tonus oculaire :
La mesure du tonus oculaire se fait avec un tonomètre
portable à aplanation (Perkinst) et éventuellement selon d’autres
méthodes dont on compare les résultats, tonomètre à air et
Tonopent par exemple.
Les chiffres obtenus sont variables, parfois
très élevés.
Il faut tenir compte de l’erreur de mesure due à
l’anesthésie et savoir majorer les chiffres obtenus de 30 à 40 %, selon
le type d’anesthésie utilisé.
La tension ne doit pas dépasser
10 mmHg chez un nourrisson ; elle augmente ensuite
progressivement pour être de 12 mmHg à 1 an, et de 14 mmHg à 4
ans.
La mesure normale sous anesthésie générale devrait donc être
d’environ 6 mmHg à la naissance, 8 mmHg à 1 an, 10 mmHg à 2 ans.
4- Gonioscopie
:
C’est un temps essentiel. Elle est plus ou moins difficile à réaliser en
fonction de la transparence cornéenne.
Lorsque cela est possible, on
apprécie le degré d’ouverture de l’angle ainsi que le type, le degré
et l’anatomie de la dysgénésie, c’est-à-dire : le niveau de l’insertion
de l’iris, la présence éventuelle de vaisseaux visibles, l’accès gonioscopique aux structures normales de l’angle, en particulier de
l’éperon scléral qui peut être visible en certaines zones et invisible ailleurs, l’état de la cornée périphérique, siège par exemple d’un
embryotoxon plus ou moins développé, l’état de l’iris dont on apprécie le degré
d’atrophie, de vascularisation et le développement.
5-
Examen du fond d’oeil :
Il évalue le diamètre de l’anneau papillaire, la coloration de la
papille et l’importance de l’excavation dont elle est le siège.
La papille peut être, en début d’évolution, simplement élargie avec
respect d’un anneau de fibres optiques de coloration normale ; c’est
un stade réversible.
Elle peut aussi être vue atrophique à travers une cornée trouble à
un stade terminal.
On doit impérativement faire un dessin de cette papille, et si
possible la photographier.
6- Échographie :
Elle doit se faire impérativement en mode B ; c’est également un
temps essentiel de l’examen.
Elle permet d’apprécier la longueur axiale du globe et la présence
ainsi que l’importance de l’excavation de la papille qu’il est
possible de mesurer.
Il faut savoir qu’une papille normale de nourrisson donne une image
en relief sur le plan rétinien, qu’une papille vue plate est déjà
excavée et qu’une papille vue excavée est le siège d’une atteinte
très évoluée.
7- Échodoppler couleur
:
Il apporte en plus une appréciation dynamique de la circulation
dans les vaisseaux nourriciers du pôle postérieur du globe.
8- Angiographie
:
Elle est également un appoint très utile pour apprécier l’évolution
de la répercussion de l’affection sur la vascularisation de la tête du
nerf optique.
Ces examens ont pour but d’établir le diagnostic et le stade évolutif
du glaucome congénital, le retentissement fonctionnel de l’affection,
et de déterminer la conduite à tenir et la technique chirurgicale la
mieux adaptée à la forme clinique considérée.
C - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Les diagnostics différentiels du glaucome congénital sont plus
théoriques que réels, car il est difficile de se tromper.
Ce sont les
autres causes de photophobie et de larmoiement : obstructions
primaires ou secondaires des canalicules lacrymaux ; les autres mégalocornées, constitutionnelles non pathologiques et ne
s’accompagnant d’aucun autre signe fonctionnel ou physique ; les
autres opacifications cornéennes, pour lesquelles il faut de toutes
façons mesurer la pression oculaire.
Examens complémentaires
:
Les examens complémentaires permettent d’évaluer le
retentissement anatomique et fonctionnel de la maladie sur le nerf
optique et sa vascularisation.
Ils ont donc un rôle essentiel pour le
diagnostic et le pronostic de l’affection.
Comme ce sont des examens
encore mal connus, nous en décrirons la mise en oeuvre et
l’interprétation. Les examens les plus utilisés sont l’échographie B,
l’échodoppler, l’électrorétinogramme (ERG) et le potentiel évoqué
visuel (PEV), et l’angiographie.
A - CAMPIMÉTRIE :
L’étude du champ visuel n’est possible que chez l’enfant de 5 ans au
moins, lorsqu’il est très coopérant, ce qui n’est pas souvent le cas.
Les résultats montrent des déficits localisés qu’il faut savoir
interpréter, scotomes paracentraux et scotomes arciformes.
Il est par
ailleurs difficile de faire la part de l’amblyopie dans l’appréciation
des scotomes observés.
B - ÉCHOGRAPHIE B :
L’examen doit comprendre une coupe axiale permettant de donner
des renseignements biométriques et une étude de la papille.
1- Technique :
Il faut disposer d’un échographe B, équipé d’une sonde de 10 MHz
permettant de réaliser la coupe axiale en immersion et de donner
des renseignements biométriques : profondeur de la chambre
antérieure, épaisseur du cristallin et longueur axiale totale.
La sonde
n’est pas posée directement sur l’oeil dont elle est séparée par une
petite quantité de gel ophtalmique épais, pour obtenir une coupe
axiale en immersion simplifiée.
Jusqu’à l’âge de 5 ans, on ne peut
pas obtenir une bonne coopération de l’enfant et l’examen, pour être
fiable, doit donc être réalisé sous anesthésie générale.
La mesure de la longueur axiale et l’analyse de la papille sont
réalisées à gain standard, c’est-à-dire relativement réduit, permettant
de reconnaître facilement les différentes couches pariétales oculaires.
La coupe doit passer par le centre de la cornée, la cristalloïde
antérieure et la papille.
Pour s’en assurer, il faut obtenir sur l’écran
les images du double pic cornéen, correspondant à l’épithélium et à
l’endothélium, de l’arc de la cristalloïde antérieure, bien convexe par
rapport au plan irien, et une bonne visibilité de la papille.
L’image
en mode A correspondant doit passer par l’axe visuel, le centre de la
cornée, le centre des cristalloïdes antérieure et postérieure, et la
macula (située en temporal de la papille), permettant ainsi de
mesurer les différentes valeurs biométriques utiles : épaisseur de la
cornée, profondeur de la chambre antérieure, épaisseur du cristallin
et longueur axiale totale.
On fait trois mesures dont on retient la
moyenne (écart-type < 0,10).
On peut, immédiatement après cette
biométrie, faire simplement une étude du vitré (à gain maximal), de
la paroi du globe et du pôle postérieur (à nouveau à gain standard).
Cet examen permet ainsi d’étudier le retentissement de la pression
oculaire sur la papille.
Pour cela, après avoir retiré le blépharostat,
la sonde est posée sur la paupière supérieure recouverte de gel
ophtalmique, et en choisissant le bon angle, on obtient une coupe
parasagittale (coronale) qui permet d’étudier l’importance de
l’excavation.
2- Résultats
:
L’oeil normal d’un enfant de moins de 2 ans est en phase de
croissance rapide, et on est amené à comparer les résultats
biométriques obtenus à des courbes standards de croissance oculaire.
La papille normale vue en coupes para-axiale et parasagittale
doit être bien saillante par rapport au plan rétinien, avec une fine
excavation physiologique centrale.
Dans le glaucome congénital, on observe une augmentation de la
longueur axiale et de la profondeur de la chambre antérieure.
L’examen objective également l’excavation papillaire, qui est
mesurée.
Avec les nouveaux échographes ayant une sonde focalisée
à 25 mm, l’évaluation est facile et reproductible.
En fonction de
l’évolution, on peut voir tous les stades, depuis un simple aspect
plat de la papille, avec disparition du bourrelet neural,
jusqu’à une excavation profonde en « chaudron », allant jusqu’à la
lame criblée.
L’augmentation de profondeur de la chambre antérieure et de la
longueur axiale, associée à une excavation « échographique » de la
papille, est hautement caractéristique d’un glaucome congénital.
Une papille en « chaudron » désigne l’urgence thérapeutique.
Pour
certains auteurs, les signes les plus utiles pour prendre la décision
d’une réintervention sont la tonométrie et l’aspect échographique de la papille
optique.
Enfin, la longueur axiale est un excellent signe de suivi des
glaucomes congénitaux opérés.
3- Biomicroscopie ultrasonore (UBM)
:
Elle peut aussi être utilisée lorsque la cornée est opaque, pour
étudier les anomalies du segment antérieur.
C - ÉCHODOPPLER COULEUR (B)
:
L’échodoppler couleur est une technique d’imagerie ultrasonore non
invasive superposant sur une même image des informations
morphologiques obtenues par échographie B et des informations
vélocimétriques obtenues par effet doppler.
Il est applicable à l’étude
des flux lents donc, en ophtalmologie, à la pathologie vasculaire de
la tête du nerf optique, et en particulier au glaucome congénital.
1- Technique
:
Comme la moindre pression sur l’orbite pourrait entraîner des
altérations des constantes vélocimétriques mesurées, il est
indispensable de mettre une très grosse quantité de gel épais sur la
paupière supérieure et le canthus externe de l’orbite à étudier, si
l’on veut avoir une bonne reproductibilité inter- et intraexaminateur.
On fait d’abord une image de repérage en mode B, afin de
reconnaître les structures anatomiques qui serviront de guide : paroi
du globe oculaire au pôle postérieur, papille et nerf optique.
Puis,
on superpose sur cette image le mode couleur (bidimensionnel), qui
donne les informations vélocimétriques des flux au sein des
vaisseaux, vus colorés selon la direction et la vitesse du flux.
On
étudie ainsi, systématiquement, les vaisseaux de la tête du nerf
optique, les vaisseaux centraux de la rétine (artère centrale de la
rétine/veine centrale de la rétine [ACR/VCR]), les vaisseaux ciliaires
courts postérieurs (artères ciliaires courtes postérieures [ACCP]),
l’artère ophtalmique et la veine ophtalmique supérieure.
Quand les
flux sont très lents, on peut aussi utiliser une autre représentation
(bidimensionnelle), le mode énergie, qui ne dépend que du nombre
de réflecteurs (globules rouges) en mouvement dans le champ
exploré.
Dans tous les cas, il est indispensable de faire une étude
quantitative de ces informations en mode pulsé, qui représente sur
une coupe d’analyse spectrale le profil vélocimétrique du flux du
vaisseau étudié.
Différentes constantes peuvent être mesurées ou
calculées par la machine.
Les plus utiles pour apprécier le
retentissement d’un glaucome congénital sont la vitesse systolique
maximale (VSM ou pic systolic velocity [PSV]), et l’index de résistance
de Pourcelot (resistive index [RI]), témoignant de la résistance à
l’écoulement du flux au sein du vaisseau considéré.
Il est égal à (SD)/
S, où S et D représentent les vitesses systolique maximale et
diastolique minimale au sein du vaisseau considéré.
Les valeurs de
ces différentes constantes sont spécifiques de chaque vaisseau étudié
mais ne sont pas les mêmes que chez l’adulte.
2- Interprétation
:
Sur une image d’échodoppler, on peut voir un certain
nombre d’informations.
* Réglages
:
Certaines concernent les réglages, et sont indiquées en haut de page.
– Pulse repetition frequency (PRF) : fréquence de répétition des
impulsions ; elle correspond à l’échelle des vitesses étudiables.
En
ophtalmologie, pour les vaisseaux de la tête du nerf optique, elle est
comprise entre 1 000 et 2 500 Hz. Pour l’artère ophtalmique, elle est
comprise entre 3 000 et 6 000 Hz.
Les vaisseaux se dirigeant vers la
sonde (il s’agit principalement d’artères) sont codés en rouge en
mode couleur et ont une courbe positive en mode pulsé.
Les
vaisseaux s’éloignant de la sonde (il s’agit principalement de veines)
sont codés en bleu en mode couleur et ont une courbe négative en
mode pulsé.
– « Prof » : c’est la profondeur de la porte doppler par rapport à la
surface de la sonde ; habituellement, cette distance est égale environ
à 3 cm pour les vaisseaux de la tête du nerf optique et à 3,5 cm pour
l’artère ophtalmique et la veine ophtalmique supérieure.
– « Taille » : c’est la taille de la porte doppler ; pour les vaisseaux
orbitaires, elle est habituellement choisie à 2 mm.
– Index thermique et index mécanique (Itm et IM) : ils traduisent la
puissance ou l’énergie du faisceau ultrasonore (et doppler) utilisé.
Pour suivre les recommandations officielles (Food and Drug
Administration [FDA]), et afin d’éviter tout danger biologique des
ultrasons (en particulier pour le doppler), ils doivent être inférieurs
ou égaux à 1,2.
* Vélocimétrie
:
Les autres informations concernent la vélocimétrie du vaisseau
étudié.
– PSV : le chiffre en regard est exprimé en fréquence (Hz) ou
converti automatiquement en cm/s si l’on corrige l’angle de l’axe
du vaisseau par rapport à l’axe du tir doppler (angle).
– Minimum diastolic velocity (MDV) : vitesse diastolique minimale,
moyennée sur plusieurs cycles cardiaques, exprimée également en
cm/s.
– RI : il traduit la résistance à l’écoulement du flux au sein du
vaisseau.
Comme c’est un rapport de vitesses, il n’a pas d’unité.
Il
n’est pas dépendant de l’angle du vaisseau par rapport au tir
doppler.
3- Résultats
:
* Résultats obtenus sur un oeil normal d’enfant :
D’une façon générale, les vitesses de flux artériels sont moins élevées
chez l’enfant que chez l’adulte.
Les flux dans les VCR sont très lents chez les nourrissons.
Pour cette
raison, il est préférable d’utiliser le mode énergie pour les visualiser,
même si avec ce mode, on ne différencie pas l’ACR de la VCR.
En
mode pulsé, sur l’ACR, la VSM est inférieure à 5 cm/s ± 2 cm/s
jusqu’à 1 an et est voisine de 6 cm/s ± 3 cm/s vers 5 ans.
Elle rejoint
les valeurs de l’adulte (12,5 cm/s ± 3 cm/s) vers 12 ans.
À tous les
âges, l’IR est égal à 0,62 ± 0,05 chez les sujets normaux.
Les flux dans les ACCP sont légèrement plus rapides que dans l’ACR
et peuvent être visualisés en mode couleur, même chez le
nourrisson.
On enregistre habituellement un contingent médial et
un contingent latéral.
Comme on ne connaît pas exactement l’axe de
ces très petits vaisseaux, on ne s’intéresse pas à la VSM, mais
seulement à l’IR.
Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’IR de ces
vaisseaux est entre 0,50 et 0,59.
L’artère ophtalmique est sinueuse et n’est donc pas visible en entier
sur une seule coupe.
Ses flux sont un peu moins rapides chez le
nourrisson que chez l’adulte. Jusqu’à 5 ans, la VSM normale est
comprise entre 25 et 30 cm/s.
En mode pulsé, la courbe d’analyse
spectrale est moins bien limitée que chez l’adulte et en particulier,
on ne remarque pas l’incisure protodiastolique de ce vaisseau,
toujours visible chez l’adulte.
L’aspect rejoint celui de l’adulte vers
l’âge de 12 ans.
À tous les âges, l’IR est égal à 0,62 ± 0,05 chez les
sujets normaux.
La veine ophtalmique supérieure, chez le petit enfant et sous
anesthésie, apparaît dilatée.
Son flux est rapide, toujours bien
modulé par le cycle cardiaque. La vitesse maximale est comprise
entre 20 et 30 cm/s et la vitesse moyenne entre 15 et 20 cm/s.
* Résultats obtenus dans le glaucome congénital :
Peu d’études ont été consacrées à l’utilité de l’échodoppler couleur
au diagnostic, au pronostic et au suivi du glaucome congénital.
En
revanche, les anomalies observées ont été largement étudiées chez
l’adulte.
L’élévation de l’IR a une valeur diagnostique et
pronostique, car elle est le témoin d’une diminution du flux
diastolique.
Il peut être seulement secondaire à l’hypertonie oculaire
principalement sur l’ACR ou les ACCP.
L’absence totale de flux
diastolique (IR = 1,00) est un signe d’urgence chirurgicale.
S’il reste
élevé au niveau de l’artère ophtalmique, malgré un traitement
efficace sur la tension oculaire, il témoigne de la participation
vasculaire à la neuropathie glaucomateuse.
L’abaissement de la VSM (PSV) a une valeur diagnostique, mais c’est
aussi un signe de gravité supplémentaire, donc de mauvais
pronostic.
L’élévation de l’IR dans l’artère ophtalmique, alors
que tous les autres paramètres sont normalisés, traduit la diffusion
du retentissement du glaucome et incite à poursuivre une
surveillance rapprochée.
D - ÉLECTRORÉTINOGRAMME
ET POTENTIEL ÉVOQUÉ VISUEL
:
Pour faire un examen électrophysiologique de l’oeil, il faut réaliser
une stimulation visuelle dont on recueille un signal qui est amplifié
et filtré.
Dans le glaucome congénital, il existe une souffrance des
cellules ganglionnaires et la traduction de cette souffrance peut être
constatée au moyen de l’ERG et du PEV.
1- Techniques
:
* ERG :
Il enregistre la variation du potentiel cornéen recueilli par une
électrode placée sur la cornée, en réponse à une stimulation visuelle
que donne une trame en forme de damier présentée devant l’oeil de
l’enfant (d’où le nom de pattern ERG).
L’utilisation de ces
stimulations structurées permet l’étude des cellules ganglionnaires.
Pour enregistrer le signal cornéen, il est nécessaire d’utiliser une
électrode qui ne perturbe pas l’image rétinienne.
Un nombre de
stimulations proches de 100 est nécessaire pour extraire le signal du
bruit de fond électrique.
* PEV :
C’est un enregistrement de l’activité électroencéphalique en réponse
à une stimulation spécifique.
Les électrodes de recueil sont placées
en regard du cortex occipital de façon centrale (position Oz) ou plus
latérale (positions O1 et O3 ou O2 et O4).
Pour étudier la fonction
des cellules ganglionnaires, différents types de stimulations peuvent
être utilisés selon l’âge de l’enfant.
Une stimulation lumineuse
intense et de courte durée (éclair ou flash), donne lieu à une réponse
globale des voies visuelles.
Une stimulation structurée comme un
damier noir et blanc permet une étude plus sélective de la fonction
visuelle, car on peut faire varier la densité et le contraste de la trame
ainsi que la fréquence de présentation.
Ainsi, l’utilisation d’une
trame de grande taille, peu contrastée et à fréquence rapide, semble
donner des réponses plus spécifiques de la maladie glaucomateuse.
L’examen le plus facile à mettre en oeuvre chez l’enfant est le PEV
par flash, mais l’information qu’il apporte est limitée.
Le plus difficile à réaliser, à l’âge préverbal, est le pattern ERG, car il
nécessite une coopération souvent délicate à obtenir chez le très
jeune enfant.
On préfère donc le PEV par pattern qui est moins problématique car
il existe un certain degré de liberté de mouvement lié aux électrodes.
2- Résultats
:
* Courbes obtenues pour un oeil normal
:
Le pattern ERG comporte une première réponse positive proche de
50 ms, appelée onde P50, suivie d’une réponse négative, appelée
onde N95.
Le PEV par flash varie en fonction de l’âge de l’enfant : la réponse
chez le prématuré se caractérise par une grande onde négative qui
apparaît vers 195 ms ; chez l’enfant à terme, le tracé s’enrichit d’une
onde positive à 400 ms ; puis la latence de cette onde positive
diminue progressivement jusqu’à l’âge de 5 ans, pour atteindre les
valeurs adultes, proches de 100 ms.
Le pattern PEV, ou PEV par damier, est parfois présent dès
les premières semaines de vie mais il faut souvent attendre l’âge de
3 mois pour le voir apparaître.
Il n’est pas enregistrable chez l’enfant
prématuré.
* Résultats dans le glaucome congénital
:
Peu d’études prospectives se sont intéressées à la valeur pronostique
des explorations électrophysiologiques dans le glaucome congénital.
L’absence de réponse au pattern ERG n’a aucune valeur
diagnostique, mais une réponse présente est synonyme d’une bonne
conservation de la fonction des cellules ganglionnaires.
La
diminution ou la disparition de l’onde N95 est relativement
spécifique de la pathologie du nerf optique et elle s’altère
précocement dans le glaucome de l’adulte.
Chez le nourrisson, l’absence de réponse PEV flash adaptée à l’âge
réel (âge civil corrigé d’une éventuelle prématurité) est
pathologique, et témoigne d’une atteinte majeure de la fonction
visuelle, en l’absence de retard de maturation neurologique.
Cet
examen permet de confirmer une impression clinique (sur le
comportement visuel de l’enfant) de cécité.
L’absence de réponse au pattern PEV peut être la conséquence d’un
problème d’attention de la part de l’enfant.
Mais si l’enregistrement
a été obtenu dans des conditions satisfaisantes, une absence de
réponse au-delà de 6 mois chez un enfant avec des milieux
transparents et sans pathologie rétinienne (fond d’oeil normal, ERG
flash, qui étudie les photorécepteurs, normal) est très probablement
le signe d’une atteinte du nerf optique.
E - ANGIOGRAPHIE DANS LE GLAUCOME CONGÉNITAL :
1- Technique
:
Dans le glaucome congénital, la réalisation de l’examen peut être
rendue difficile en raison du trouble des milieux, en particulier
cornéen, et des éventuelles atteintes associées du segment antérieur.
Par ailleurs, chez l’enfant jeune, il est nécessaire de réaliser cet
examen sous anesthésie générale avec des angiographes portables
qui sont plus difficiles à manier, et qui n’ont donc pas la fiabilité des
angiographes de table.
Enfin, l’absence de couche pigmentée au
niveau de la papille et le remplissage vasculaire rapide ne
permettent pas, avec les techniques d’angiographie classiques, une
analyse fine de la vascularisation papillaire.
Cependant, l’examen
permet de suivre l’évolution de la qualité de la circulation artérioveineuse au niveau de la tête du nerf optique.
Le
recours aux méthodes d’angiographie par ophtalmoscopie à
balayage laser améliore partiellement les résultats et l’analyse.
2- Résultats :
Il existe un retard certain de la perfusion papillaire dans les formes
évoluées de glaucome, mais la corrélation clinique dans les formes
débutantes reste difficile car elle nécessite la prise en compte de
paramètres tels que le remplissage artériel et veineux et le temps
bras/rétine.
Il est en revanche indispensable, dès que les milieux le permettent,
de réaliser une surveillance photographique de la papille afin
d’évaluer le retentissement de l’hypertonie sur l’excavation ;
l’efficacité du traitement chez le jeune enfant peut se traduire par
une disparition de l’excavation constatée initialement.