Gastrectomie pour cancer
(Suite) Cours de Chirurgie
Gastrectomie totale type D2
:
La gastrectomie totale D2, qui correspond globalement aux
descriptions classiques de gastrectomie totale élargie, est une
gastrectomie de type D1 complétée par un curage ganglionnaire de
second ordre.
Celui-ci nécessite, pour être complet, la réalisation
d’une splénopancréatectomie caudale.
À l’inverse du curage N1,
celui-ci varie considérablement selon la localisation de la tumeur
gastrique.
Deux modalités sont envisageables pour effectuer ce curage.
Il est
possible d’effectuer une gastrectomie de type D1 et de compléter le
geste en réalisant une lymphadénectomie sur chaque site
complémentaire.
Il est également envisageable, comme le prônent
les équipes japonaises, de réaliser une exérèse monobloc.
Nous présentons ici les
particularités de l’exérèse monobloc D2, en reprenant les différents
temps de la gastrectomie de type D1.
L’installation du patient, de l’équipe chirurgicale et l’incision sont
en tous points comparables à une gastrectomie totale D1.
A - PREMIER TEMPS : DÉCOLLEMENT COLOÉPIPLOÏQUE
Le décollement coloépiploïque débute de façon identique au
décollement réalisé pour une gastrectomie polaire inférieure
jusqu’au niveau de l’angle colique gauche.
Il est à ce moment
nécessaire de mobiliser le pôle inférieur de la rate et de la queue du
pancréas en incisant la partie inférieure de la ligne de réflexion
péritonéale rétrosplénique.
Les vaisseaux courts ne sont pas
disséqués.
B - DEUXIÈME, TROISIÈME ET QUATRIÈME TEMPS :
DISSECTION ET SECTION DISTALE
Ces temps opératoires suivent les mêmes modalités que lors de la
réalisation d’une gastrectomie D1.
L’opérateur procède
successivement à la ligature de l’artère gastroépiploïque droite et à
la dissection de l’artère gastrique droite.
Il convient de noter que le
curage du ligament hépatique, qui correspond aux relais
ganglionnaires du groupe 12, ne fait pas partie de la gastrectomie
D2 mais de la gastrectomie D3, qui n’est qu’exceptionnellement
réalisée.
Le duodénum est sectionné avant d’aborder le tronc
coeliaque.
C - CINQUIÈME TEMPS : ABORD DU TRONC COELIAQUE
Après la section du duodénum, l’abord de la région coeliaque est
l’un des temps qui sont le plus modifiés par l’approche D2.
Il
implique la dissection complète du trépied coeliaque, avec curage
respectif du tronc coeliaque (groupe 9), de l’artère hépatique
commune (groupe 8), de l’artère gastrique gauche (groupe 7) et de
l’artère splénique (groupe 11).
La dissection débute à la partie gauche du ligament hépatoduodénal
et au bord supérieur du pancréas.
L’artère hépatique commune est
« pelée » de son tissu celluleux.
Plusieurs ligatures fines peuvent
être nécessaires pour assurer l’hémostase d’un fin lacis vasculaire
entourant fréquemment ces vaisseaux.
Le moyen le plus simple de
procéder est d’utiliser une pince à angle droit qui cherche son
chemin de proche en proche au contact du vaisseau.
La dissection
se poursuit vers la gauche, au niveau du tronc coeliaque jusqu’à son
origine dans l’aorte, puis vers ses branches de division, splénique et
gastrique gauche.
Tout le tissu cellulaire et conjonctif situé autour
du tronc coeliaque et des piliers du diaphragme doit être réséqué
jusqu’à l’artère gastrique gauche.
Le pédicule étant libre, l’artère
gastrique gauche peut être facilement contrôlée et liée à son origine.
Cette dissection peut être laborieuse, surtout chez des
patients obèses, et peut être à l’origine de saignements peropératoires et d’une lymphorée postopératoire.
À la fin de ce
temps opératoire, l’artère splénique peut également être liée à
proximité de son émergence du tronc coeliaque, juste au-delà de sa
première collatérale à destinée pancréatique.
D - SIXIÈME TEMPS : DISSECTION DE L’OESOPHAGE
Après avoir réalisé le curage et la section de l’artère gastrique
gauche, l’abord de l’oesophage abdominal et le curage des groupes 1
et 2 sont comparables à ceux de la gastrectomie D1.
La grosse
tubérosité n’étant pas totalement libre, la dissection de l’oesophage
est moins aisée.
La section de l’oesophage permet de présenter et de
mettre légèrement sous tension la région splénique.
E - SEPTIÈME TEMPS : EXÉRÈSE SPLÉNOPANCRÉATIQUE
Après section de l’oesophage abdominal, la pièce opératoire ne tient
plus que par l’accolement rétrosplénique et pancréatique.
La
dissection se porte au pôle inférieur de la rate.
Les attaches
postérieures de la rate sont sectionnées aux ciseaux, l’usage de la
section électrique étant difficile à cet endroit. Une compresse protège
la rate qui est attirée vers la droite.
La section du repli péritonéal
libère la rate et donne un meilleur accès à la face postérieure du
pancréas qui est mobilisée en « monobloc » avec la rate.
Le
décollement ne doit pas être poursuivi jusqu’à la veine porte, ou en
arrière d’elle.
Après décollement complet de la rate, la pièce ne tient
plus que par le pancréas.
L’artère a déjà été liée.
La veine splénique
est liée et sectionnée à proximité de la veine mésentérique inférieure.
Il faut prendre garde à ne pas arracher quelques veines
directes pancréatiques.
Le pancréas est à ce moment totalement
disséqué et il peut être sectionné, achevant de libérer la pièce
opératoire.
Le moyen le plus rapide et le plus sûr de fermeture de la
tranche pancréatique est d’appliquer un coup de pince automatique
linéaire et d’effectuer la section au-delà des rangées d’agrafes.
Il est parfois nécessaire de compléter l’hémostase de la
tranche par un ou deux points appuyés.
La section de la tranche
pancréatique peut également être effectuée au bistouri froid, ou au
bistouri électrique, puis la tranche est refermée par un simple ou un
double surjet d’enfouissement.
Il faut ensuite envisager le rétablissement de la continuité digestive
qui suit les mêmes modalités qu’après gastrectomie D1.
Gastrectomie D3
:
La gastrectomie D3 est réalisée par une gastrectomie totale
emportant tous les groupes ganglionnaires N1 et N2.
Le geste est
ensuite complété par un curage extensif des groupes 12, 13 et 14.
La
dissection du groupe ganglionnaire 12 implique une squelettisation
du pédicule hépatique, ainsi qu’une cholécystectomie pour
compléter la dissection des branches artérielles hépatiques droites et
gauches.
La dissection débute au hile hépatique en prolongeant
l’incision qui a permis l’exérèse du petit épiploon au-delà du
ligament hépatoduodénal.
Cette incision est poursuivie au bord
droit du ligament.
La dissection du tissu cellulograisseux peut alors
être réalisée en disséquant les groupes 12b, puis 12p en arrière de la
veine porte.
La dissection du tissu celluleux est poursuivie en arrière
du pancréas qui comporte le groupe ganglionnaire 13.
Le bloc duodénopancréatique est basculé par une manoeuvre de Kocher et
les artères pancréaticoduodénales postérieures supérieures et
inférieures sont disséquées et libérées de tout tissu cellulaire.
La veine porte marque la limite latérale gauche de cette dissection.
Cette dissection doit être menée prudemment, car une lésion du
pancréas serait à l’origine d’une fistule pancréatique de traitement
difficile.
Le groupe ganglionnaire 14 est situé à la racine du
mésentère, le long de l’artère mésentérique supérieure.
Latéralement,
la zone de dissection est limitée par la bifurcation du tronc gastrocolique, en bas par les branches des veines jéjunales et en haut
par l’origine de l’artère mésentérique supérieure.
Cette dissection
peut en fait être menée plus simplement après résection du bloc splénopancréatique, en disséquant directement l’aorte du haut vers
le bas, jusqu’à l’origine de l’artère mésentérique supérieure.
Gastrectomie D4
:
Nous citons pour principe la gastrectomie D4.
Proposée par
quelques équipes japonaises, elle nécessite une dissection
ganglionnaire bien au-delà de la dissection du groupe N3.
Elle
emporte les adénopathies du groupe 15, en réalisant une colectomie
transverse pour réséquer les vaisseaux coliques médians, ainsi que
le curage complet du groupe 16 situé autour de l’aorte.
Celui-ci
comprend les ganglions du hiatus aortique (16a1), du bord supérieur
du tronc coeliaque au bord inférieur de la veine rénale gauche (16a2),
du bord inférieur de la veine rénale gauche à la partie supérieure de
l’artère mésentérique inférieure (16b1) et de la partie supérieure de
l’artère mésentérique inférieure à la bifurcation aortique (16b2).
L’intérêt de ce type de curage n’est pas démontré.
Variantes des gastrectomies
pour cancer :
A - GASTRECTOMIE TOTALE TYPE D2
AVEC CONSERVATION PANCRÉATIQUE
:
La fréquence des complications liées à l’exérèse pancréatique a
amené Maruyama à mettre au point une technique de gastrectomie
avec curage D2 préservant le pancréas.
L’intérêt de cette
technique est démontré par des études autopsiques qui montrent
que si le pancréas peut être envahi par le cancer gastrique, il n’existe
jamais de ganglions intraparenchymateux et que la résection
artérielle avec son tissu celluleux permet une exérèse ne
compromettant pas la radicalité du curage D2.
Une étude artériographique a précisé que la viabilité du pancréas est préservée
par l’apport vasculaire des artères intrapancréatiques.
La technique
implique de peler la séreuse pancréatique du tissu pancréatique,
emportant le tissu cellulograisseux avec l’artère splénique.
L’artère
pancréatique dorsale est habituellement issue du tronc coeliaque et
doit être préservée.
Au cas où elle naît de la partie proximale de
l’artère splénique, ce segment doit être préservé.
L’obtention d’un
champ opératoire satisfaisant impose une mobilisation du bloc splénopancréatique avant de débuter la dissection.
Quelques artères
communicantes, entre le corps et la queue du pancréas et l’artère
splénique, sont liées individuellement.
La rate est progressivement
séparée du pancréas, avec ligature élective des vaisseaux artériels à
destinée pancréatique.
La veine splénique est sectionnée au contact
de la queue du pancréas.
La résection de la pièce opératoire
implique encore la ligature de l’artère pancréatique destinée au
corps du pancréas et de la veine gastrique postérieure qui rejoint
habituellement la veine splénique.
Tout le bord supérieur du
pancréas est alors disséqué avec un curage complet.
B - GASTRECTOMIE AVEC CONSERVATION PYLORIQUE
:
Après réalisation d’une gastrectomie classique, les moyens de
rétablissement de la continuité digestive peuvent utiliser des
greffons iléocæcaux ou des transplants grêles pour rétablir la
continuité.
Dans ce cas, un reflux biliaire peut être à l’origine de
troubles alimentaires, d’oesophagite et de troubles fonctionnels.
La
préservation du pylore pourrait être une solution permettant de
pallier ces problèmes.
La gastrectomie avec préservation
pylorique a d’abord été proposée uniquement dans le traitement
chirurgical du cancer superficiel, en raison des difficultés de
réalisation des curages liées à la conservation du pylore et à la
préservation de sa vascularisation.
Plus récemment, les
possibilités de réalisation de curages avec conservation pylorique
ont été montrées.
La résection gastrique suit les modalités habituelles.
Au niveau du
pylore, l’artère infrapylorique issue de l’artère gastroduodénale est
préservée, alors que l’artère gastrique droite est liée classiquement à
son origine.
La dissection des ganglions juxtapyloriques est réalisée
en liant électivement les branches distales du nerf vague et en
réséquant les ganglions à son contact.
La longueur d’estomac
conservée en amont du pylore est de 1,5 cm.
Le rétablissement de la
continuité est réalisé par une anastomose selon Péan en cas de
gastrectomie polaire inférieure ou par une anse grêle libre avec
éventuelle réalisation d’un réservoir pour recréer un circuit digestif
physiologique.
La préservation pylorique diminuerait les séquelles fonctionnelles
de la gastrectomie, sans morbidité ajoutée.
Les indications en sont
peu nombreuses.
Rétablissement de la continuité
digestive après gastrectomie totale
:
Les modalités de rétablissement de la continuité sont multiples.
Elles
ont longtemps fait appel à des montages simples : une anse jéjunale
montée en « Y », en « oméga », ou interposée entre l’oesophage et le
duodénum.
Plus récemment ont été décrits différents montages
ayant pour but la création d’un réservoir qui reproduirait de façon
plus fidèle la physiologie gastrique. Ces réservoirs utilisent l’intestin
grêle ou la jonction iléocæcale.
Nous décrivons les principaux
montages proposés.
L’objectif de ces montages, outre le rétablissement de la continuité
digestive, est d’offrir au patient un confort maximal après
gastrectomie. Plusieurs dizaines de montages avec leurs variantes
ont été proposés pour rétablir le circuit digestif.
Nous décrivons les
principales modalités de restauration de la continuité digestive, en
sachant que de nombreuses variantes existent par la réalisation des
sutures (terminales ou latérales, manuelles ou mécaniques), par la
confection de réservoirs associés ou par des dérivations latérales et courts-circuits ajoutés.
Aujourd’hui, notre préférence va à l’anse
montée en « Y », montage simple, bien codifié et facilement
réalisable par la plupart des équipes.
A - ANSE MONTÉE EN « Y »
:
L’anse en « Y » est la solution chirurgicale la plus simple, qui a
notre préférence.
Ce procédé, décrit par Roux, est facile à mettre en
oeuvre et presque toujours réalisable.
Il consiste en la section d’une
anse jéjunale, puis en la montée sur son pédicule vasculaire de sa
portion distale, sa portion proximale étant réanastomosée en aval.
L’anse doit être longue, de l’ordre de 60 cm, pour éviter les risques
de reflux biliaire.
Elle est passée en transmésocolique ou en
prémésocolique, ce qui préviendrait son envahissement précoce en
cas de récidive locale.
Le choix de l’anse est important : il faut qu’elle soit suffisamment
longue, mobile et bien vascularisée.
1- Choix de l’anse
:
L’anse est choisie le plus près possible de l’angle de Treitz pour
limiter autant que possible la longueur de grêle exclue.
Le segment
choisi doit être suffisamment mobile pour monter sans tension au
niveau de l’oesophage. Habituellement, la première ou la deuxième
anse jéjunale se présente bien : la longueur de l’anse doit sembler
suffisante en position précolique.
Lorsqu’elle est placée en transmésocolique, les quelques centimètres gagnés permettent de
réaliser l’anastomose sans tension.
2- Préparation de l’anse
:
La préparation de l’anse utilise la transillumination.
Un assistant
place une lumière rasante par rapport au champ opératoire pour transilluminer le méso du grêle, présenté par un second assistant.
L’opérateur peut identifier la localisation des arcades vasculaires et
sélectionner idéalement la zone à sectionner.
La première arcade
vasculaire du grêle doit être coupée pour avoir une anse libre
longue.
Les ligatures sont doublées pour éviter leur arrachement lors
de la traversée des mésos.
La section intestinale est alors réalisée
perpendiculaire au grêle, après mise en place d’un clamp sur la
section d’amont.
Durant le même temps opératoire, il est possible d’utiliser la transillumination pour effectuer de façon sûre une brèche du
mésocôlon.
Le segment distal du grêle peut alors être monté au
travers de cette brèche et placé à proximité du moignon oesophagien.
Si l’anastomose est réalisée à l’aide de pinces à agrafage
automatique, le moignon du grêle est laissé ouvert.
En cas
d’anastomose manuelle, l’extrémité du grêle est refermée dès ce
temps par des points séparés et une bourse d’enfouissement.
3- Anastomose oesojéjunale
:
La réalisation de l’anastomose peut être effectuée par une suture
manuelle ou par une suture mécanique, utilisant une pince à
agrafage circulaire.
* Anastomose mécanique
:
L’oesophage a été préparé avant sa section avec mise en place d’une
bourse automatique.
En son absence, il est possible d’utiliser une
pince à bourse conventionnelle ou encore de réaliser une bourse
manuelle.
Une pince à agrafage circulaire est choisie pour réaliser
l’anastomose.
Son diamètre doit être le plus large possible, mais est
souvent limité à 25 ou 28 mm.
La tête de la pince doit rentrer sans
forcer dans l’oesophage abdominal.
Il est éventuellement possible de
dilater légèrement celui-ci à l’aide de bougies de Hegar de taille
croissante, mais elles sont rapidement à l’origine de brèches
musculaires risquant de compromettre la sûreté de l’anastomose.
La
tête est introduite et la bourse serrée.
La pince à anastomose
circulaire est introduite par l’extrémité du grêle ouverte.
La pince
est ouverte et perfore le bord antimésentérique du grêle à environ
5 cm de son extrémité.
La pince est encliquetée et
l’anastomose réalisée.
Après ouverture de la pince, les deux
collerettes sont soigneusement contrôlées pour vérifier leur intégrité,
gage d’étanchéité de l’anastomose.
L’orifice d’entrée de la pince est
alors refermé par application d’un coup de pince à agrafage linéaire.
Cette méthode a notre préférence en raison de sa simplicité
et de sa reproductibilité.
Toutefois, son coût plus élevé peut faire
opter pour la réalisation d’une anastomose manuelle.
* Anastomose manuelle
:
L’anastomose entre l’anse jéjunale et l’oesophage peut être réalisée
manuellement, en un ou en deux plans.
Elle peut également être
effectuée en terminoterminal ou en terminolatéral.
L’anastomose terminoterminale a ses partisans : elle paraît plus logique et évite
une suture digestive.
Ses principaux inconvénients en sont une
fréquente incongruence entre les deux extrémités et une
vascularisation souvent précaire de la partie toute terminale du
grêle.
Nous prenons comme modèle de description l’anastomose terminolatérale réalisée sur clamp.
Elle permet de présenter
l’oesophage pendant tout le temps de la suture et d’éviter sa
rétraction vers le haut. L’anastomose est réalisée en deux temps.
Les
fils sont des sutures résorbables, 2 ou 3/0.
Deux points d’angles sont
passés et mis sur pincette en attente.
Ils délimitent les plans
antérieur et postérieur.
Le premier temps réalise l’anastomose
postérieure.
Un premier plan postérieur est réalisé par des points
d’adossement, séreux sur le grêle et musculaires sur l’oesophage.
Les
fils sont préférentiellement mis en attente sur des pinces fines puis
sont noués après rapprochement de l’oesophage et de l’intestin grêle
où ils peuvent être noués au fur et à mesure, les noeuds étant en extraluminal sur la séreuse.
Une dizaine de points est
nécessaire pour réaliser ce plan postérieur.
Le grêle est ensuite
ouvert ainsi que la moitié de la circonférence de l’oesophage.
Le
second plan est réalisé par des points extramuqueux sur le grêle de
dedans en dehors et prend toute la paroi de l’oesophage de dehors
en dedans.
Les points sont noués avec un noeud dans la
lumière digestive.
Le grêle et l’oesophage sont alors bien solidaires.
Il est possible d’effectuer le plan antérieur.
On termine la recoupe
oesophagienne.
La suture des plans antérieurs est réalisée
de la même façon que les plans postérieurs mais les points passent
du dehors vers le dedans de la paroi du grêle, puis du dedans vers
le dehors de la paroi oesophagienne, les noeuds étant alors situés à
l’extérieur.
Les points peuvent être noués immédiatement, car il n’y
a pas de problème d’exposition.
Le premier plan est effectué entre la
paroi séromusculaire du grêle et toute la paroi de l’oesophage.
Le
second plan prend la musculaire oesophagienne et la séreuse grêle.
4- Anastomose jéjunojéjunale au pied de l’anse
:
Après confection de l’anastomose oesophagienne, il faut rétablir la
continuité digestive par une anastomose au pied de l’anse montée
en « Y ».
Celle-ci peut être réalisée à l’aide de pinces mécaniques
(anastomose latérolatérale à la pince à agrafage et section linéaire)
ou à la main.
Nous préférons ici effectuer une anastomose manuelle, terminolatérale, par des points séparés ou par un surjet.
Les résultats
des deux méthodes sont identiques avec un coût moindre pour la
suture manuelle.
L’anse proximale est présentée à 40-60 cm de
l’anastomose oesophagienne.
Le jéjunum est ouvert sur une longueur
de 4 cm par une entérotomie longitudinale.
L’anastomose est réalisée
par des points extramuqueux, sur un plan antérieur, puis après
retournement de la pièce par un plan postérieur.
La brèche mésocolique est refermée par quelques points pour prévenir la
survenue d’une hernie interne.
B - ANSE INTERPOSÉE
:
Le principe de l’anse interposée réalise en fait un néoréservoir
gastrique par interposition d’un segment isolé de grêle.
La technique
est simple.
Le grêle est isolé à une distance de 30 cm de l’angle de Treitz.
Son méso est transilluminé pour identifier précisément le
réseau vasculaire et délimiter une zone vascularisée par une arcade
de bonne qualité et pouvant être isolée.
Le grêle est sectionné au
niveau de la première anse et à nouveau 25 à 30 cm en aval.
Son
méso est préservé. Le segment isolé est passé en transmésocolique.
L’extrémité proximale est anastomosée à l’oesophage.
Comme pour
l’anastomose de l’anse en « Y », l’anastomose peut être manuelle ou,
de préférence, mécanique.
Elle est réalisée en terminoterminal ou
latéral.
La pince peut être passée au travers de toute l’anse libre
pour effectuer l’anastomose oesophagienne.
La seconde anastomose
est réalisée entre la partie distale du segment libre de grêle et le
duodénum.
L’anastomose est réalisée à points séparés de fil
résorbable 2 ou 3/0.
La seconde possibilité est de réaliser
une ouverture à la partie moyenne du segment libre de grêle.
On
peut alors passer une pince à anastomose circulaire vers le haut, puis vers le bas pour effectuer les deux anastomoses de façon
mécanique, avant de refermer la brèche par quelques points.
C - ANSE AVEC RÉSERVOIR
:
Les différents procédés de reconstruction utilisant une anse grêle
peuvent bénéficier de l’adjonction d’un réservoir.
Celui-ci augmente
potentiellement la quantité pouvant être ingérée lors de chaque prise
alimentaire et rendrait au greffon une fonction physiologiquement
plus proche d’un réservoir gastrique.
Le principe, décrit depuis
longtemps et connu sous le nom de Hunt-Lawrence-Rodino, a connu
un regain d’intérêt avec le développement des pinces à suture
automatique.
En effet, celles-ci simplifient considérablement la
confection des réservoirs.
Sa réalisation est simple.
L’anse prélevée
doit avoir une longueur de 15 à 20 cm supérieure à la longueur
requise pour faire le rétablissement.
La partie proximale du segment
grêle est repliée en « U » sur une longueur de 20 cm. Une incision
est réalisée à la partie moyenne du U.
Les deux jambages sont
anastomosés en appliquant des coups de pince à agrafage et section
linéaire, de 60 ou de 90 mm, vers le haut jusqu’à la jonction du U et
en bas jusqu’à 1 ou 2 cm de la branche repliée.
Le grêle est éversé
pour fermer si nécessaire une brèche postérieure qui pourrait être
liée à l’absence de chevauchement des coups d’agrafeuse et pour
vérifier et éventuellement compléter l’hémostase des tranches de
section.
L’anastomose oesophagienne est ensuite réalisée par une
pince à agrafage circulaire qui est introduite par l’orifice
d’introduction de la pince linéaire.
L’anastomose distale est
réalisée par agrafage mécanique circulaire ou par anastomose
manuelle.
Après la confection des anastomoses, cette brèche est
refermée.
La confection d’un tel réservoir est possible avec une anse
libre comme avec une anse en « Y », en suivant exactement
le même principe.
D - ANSE EN « OMÉGA »
:
L’anastomose sur anse en « oméga » consiste à monter au niveau de
l’oesophage une anse jéjunale suffisamment longue, d’en
anastomoser la convexité avec l’oesophage, puis d’exécuter une
anastomose latérolatérale au pied de l’anse.
Elle utilise une
longueur importante de grêle puisqu’il faut théoriquement une
longueur égale des jambages.
Elle n’est donc pas toujours réalisable,
en particulier en cas de mésentère court.
Le grêle après l’angle de Treitz est déroulé jusqu’à mettre en évidence une boucle qui
« monte » sans tension en précolique au niveau de l’oesophage.
Cette
anse est alors passée en transmésocolique et présentée à proximité
de l’oesophage.
Une anastomose terminolatérale est réalisée à la
main ou à la machine, après introduction d’une pince à anastomose
circulaire par une incision latérale dans un jambage.
Le sommet de
l’anse peut être fixé par quelques points au pilier du diaphragme
pour éviter toute tension au niveau de l’anastomose.
L’anastomose latérolatérale entre les deux jambages est réalisée au pied de l’anse
en sous-mésocolique.
Ici encore, cette anastomose peut être réalisée
à la main ou au mieux à l’aide d’une pince à agrafage et section
linéaire.
Procédé de Tomoda
:
Il résulte du montage, sur une anse en « oméga », d’un long segment
de grêle non fonctionnel. Le procédé de Tomoda permet de
contourner ce problème.
Il consiste en la réalisation, après confection
de l’anse en « oméga », d’une anastomose duodénojéjunale
terminolatérale sur le versant efférent de l’anse.
On exclut ensuite
l’anse efférente en aval de cette anastomose par ligature ou par
agrafage mécanique, et également l’anse afférente en amont de
l’anastomose oesojéjunale.
On « contraint » ainsi le transit à passer
par le duodénum et le grêle proximal, laissant une minime longueur
de grêle exclue.
La complexité de ce montage en rend sa réalisation
exceptionnelle.
E - RÉSERVOIR ILÉOCÆCAL
:
L’usage de la jonction iléocæcale comme transplant de
reconstruction gastrique a été proposé dès 1950 par Lee.
L’intérêt
de ce montage est double.
Il permet, d’une part de recréer un
réservoir grâce à un segment du côlon ascendant.
Il empêcherait
d’autre part la survenue d’un reflux oesophagien grâce à la présence
de la valve iléocæcale dans le greffon.
Ce montage peut être utilisé
après gastrectomie totale, ainsi qu’après gastrectomie polaire
supérieure ou résection oesophagienne associée.
La réalisation technique du réservoir doit être minutieuse.
La région
iléocæcale est présentée.
La partie terminale de l’iléon est conservée
sur une longueur de 7 cm, le cæcum et le côlon ascendant sur 17 à
20 cm.
Ce segment est vascularisé sur l’artère colique droite.
Une appendicectomie est réalisée.
Le grêle distal, le côlon
et l’artère iléo-cæco-appendiculaire sont sectionnés.
Le segment
iléocæcal libéré est pédiculisé sur l’artère colique droite, puis tourné
dans un sens horaire de 180°.
Il est passé en transmésocolique au
travers d’une brèche effectuée en zone avasculaire.
L’extrémité
colique est placée sous le foie en évitant de tordre le pédicule
vasculaire.
Cette extrémité est suturée au duodénum par un surjet.
La partie proximale du grêle est anastomosée à l’oesophage distal
par des points séparés, en un plan.
Si le grêle est de petit
calibre, un artifice réalisé par une contre-incision antimésentérique
permet d’agrandir la bouche iléale.
La continuité digestive iléocolique est rétablie par une anastomose terminoterminale entre
le grêle terminal et le côlon ascendant.
F - CHOIX DU MONTAGE
:
Les études comparatives évaluant les bénéfices potentiels des
différents types de montages en termes de confort et de qualité de
vie sont peu nombreuses.
Toutefois, les méthodes le plus souvent
utilisées ont été évaluées dans des séries comparatives.
Les
procédés utilisant des anses en « oméga » ne sont que très rarement
étudiés, même avec ses variantes qui compliquent singulièrement le
procédé.
Ils nécessitent une longueur importante de grêle non
fonctionnel par rapport aux procédés n’utilisant qu’un seul segment
de grêle, en « Y » ou en interposition.
Le rétablissement de continuité
par interposition d’une anse entre l’oesophage et le duodénum
contraint l’opérateur à effectuer une anastomose digestive
supplémentaire.
Ce montage semble plus physiologique que l’anse
en « Y », mais il expose au risque de reflux biliaire, en l’absence de
pylore.
Sa principale critique est théorique : une récidive locale du
cancer oblitérerait plus rapidement le montage que lors de la
réalisation d’une anse en « Y ».
En fait, cet inconvénient n’a jamais
été démontré, ni mis en évidence dans les études prospectives.
Ce
rétablissement est plus long et plus délicat à réaliser que l’anse en
« Y ».
L’apport théorique d’un réservoir, grêle ou colique, serait de
recréer un réservoir reproduisant la fonctionnalité de l’estomac.
L’intérêt de la réalisation d’un réservoir grêle, aussi bien pour une
anse libre que pour une anse en « Y », ne présente que peu
d’avantage pour le patient en termes de qualité de vie,
d’alimentation et de confort.
À long terme, la présence d’un
réservoir sur une anse libre permettrait un meilleur maintien
pondéral des patients.
Il serait lié à une meilleure assimilation
alimentaire par passage duodénal du bol alimentaire. L’anse en
« Y » simple est de réalisation plus rapide et plus simple.
Tout au
plus l’adjonction d’un réservoir à une anse en « Y » permettrait des
prises alimentaires unitaires plus importantes qu’en l’absence de
réservoir, mais sans avantage démontré sur la reprise pondérale des
patients.
L’intérêt du réservoir iléocæcal serait identique, en
permettant une prise alimentaire unitaire plus importante et en
évitant le reflux biliaire grâce à la présence de la valvule
iléocæcale.
Le réservoir iléocolique peut également être proposé
dans les gastrectomies préservant le pylore.
Il a l’inconvénient de
rajouter une anastomose colique au geste opératoire.
Toutefois, il
n’existe pas d’études comparatives évaluant ce procédé.
En conclusion, la réalisation d’une anse montée en « Y » que nous
préconisons reste la solution la plus simple, avec des résultats
fonctionnels tout à fait satisfaisants dans les études réalisées.
D’autres montages présentent un intérêt certain dans des indications
particulières, comme l’anse libre pour rétablissement de la continuité
après gastrectomie subtotale avec préservation pylorique.
Ils doivent
alors être discutés au cas par cas et en fonction de l’expérience de
l’équipe opératoire.
Soins et suivi postopératoires
:
Après réalisation du rétablissement de la continuité, une sonde
gastrique est passée au travers de la suture et est maintenue en
aspiration douce pendant quelques jours.
Il faut toujours penser à
refermer la brèche mésentérique transmésocolique en fin de
procédure pour éviter une incarcération d’une anse.
L’intérêt du
drainage n’est pas démontré, sauf pour le moignon duodénal où il
est systématique.
Il peut être réalisé à l’aide de drains passifs (lames
de Delbey, drains multitubulés) ou par des drains aspiratifs.
Le
drainage est retiré entre les quatrième et septième jours.
Nous avons
pour habitude de réaliser un transit oesojéjunal au septième jour
postopératoire à la recherche d’une éventuelle fistule anastomotique
avant la reprise de l’alimentation.
Certains auteurs préconisent la mise en place d’une jéjunostomie
d’alimentation provisoire afin de pouvoir envisager une
alimentation entérale précoce en cas de fistule postopératoire.
Nous
réservons cette indication aux anastomoses « fragiles », hautes, ou
en cas d’altération importante de l’état général du patient,
présentant alors un risque de fistule significatif.