Fractures des phalanges et des métacarpiens Cours de Chirurgie
Généralités
:
A - RAPPEL ANATOMIQUE
:
1- Métacarpe :
Le métacarpe constitue le squelette de la région palmaire ou paume
de la main.
C’est une sorte de « gril osseux », quadrilatère formé par
cinq os, les métacarpiens, intermédiaires entre carpe avec lequel ils
s’articulent et le squelette des doigts qui continue la direction de
chacun d’eux.
Ainsi se trouve constituée une chaîne digitale osseuse, mobile,
polyarticulaire, constituée de trois phalanges et d’un métacarpien, à
l’exception du pouce où il n’existe que deux phalanges.
Parmi ces
éléments osseux, on peut distinguer deux groupes d’éléments, les
uns fixes, les autres mobiles :
– les structures fixes comprennent la dernière rangée des os du
carpe ainsi que les deux métacarpiens centraux (le deuxième et le
troisième) ;
– les structures mobiles comprennent les éléments phalangiens ainsi
que les métacarpiens externes (le premier et le cinquième).
2- Arches
:
Chaque métacarpien présente une légère courbure à concavité
antérieure.
De même, le corps de chaque phalange décrit une légère
courbure à concavité antérieure.
Ainsi se trouve constituée une
première arche longitudinale mobile en fonction du jeu des surfaces
articulaires interphalangiennes et métacarpophalangiennes.
Au
niveau du carpe se trouve réalisée une arche transversale proximale
qui présente une forte concavité antérieure.
En deçà, l’arche
transversale métacarpienne, également à concavité antérieure,
présente une grande capacité d’adaptation du fait de la mobilité des
métacarpiens externes (le premier et le cinquième).
La clef de voûte
de ces deux arches se trouve située au niveau des articulations métacarpophalangiennes dont l’épaisse capsule antérieure (plaque
palmaire) limite l’hyperextension. Les doigts longs mis en flexion ne
sont pas parallèles.
Ils convergent tous vers la base de l’éminence
thénar en regard du scaphoïde.
3- Phalanges
:
Le squelette de chaque doigt est formé de trois colonnettes osseuses
superposées : les phalanges.
Les phalanges, désignées sous le nom
de première (P1) ou phalange proximale, seconde ou phalange
intermédiaire (P2), troisième ou phalange distale (P3), offrent un
volume progressivement décroissant.
Le pouce n’a que deux
phalanges ; mais l’histoire du développement de ce doigt prouve que le pouce est en réalité pourvu de ses trois phalanges, et que la
première est réunie au premier métacarpien, ne formant avec lui
qu’un seul os, le premier métacarpien classique.
Aux articulations interphalangiennes proximales et distales, l’épaisse
plaque palmaire limite les mouvements d’hyperextension de
chacune d’entre elles.
4- Mobilité
:
Landsmeer, au cours d’une étude anatomique du mouvement des
doigts, a montré que la fonction d’un muscle à l’égard d’une
articulation ne pouvait être déduite de la position de ce muscle par
rapport à cette articulation.
Dans les doigts, les tendons (extenseurs
et fléchisseurs) franchissent plus d’une articulation.
La dynamique
d’une chaîne biarticulaire avec un os intercalaire est complexe : le
rapport des distances des tendons par rapport aux axes articulaires
détermine le mouvement de l’os intercalaire lorsque le système est
en charge.
Toute fracture d’un os, selon son orientation, est
soumise à cet équilibre entre les muscles intrinsèques et
extrinsèques.
Il en résulte un déplacement d’importance variable.
B - TRAITS DE FRACTURE ET DÉPLACEMENTS
:
Selon leur situation (épiphysaire, métaphysaire ou diaphysaire) et
leur direction, on distingue schématiquement les types suivants :
– trait métaphysaire : fracture proximale ou distale encore appelée
fracture du col ;
– trait de fracture avec arrachement des insertions ligamentaires ou
tendineuses au niveau des épiphyses ;
– fracture comminutive par écrasement aux diaphyses et aux
épiphyses.
Les déplacements osseux sont directement liés aux
insertions musculaires sur ces mêmes os.
Sur le premier métacarpien
s’insère le long abducteur du pouce l’opposant et le premier interosseux dorsal.
Sur les autres métacarpiens s’insèrent les muscles
interosseux palmaires et dorsaux, ainsi que, pour le deuxième et le
troisième métacarpien, le court abducteur du pouce, le premier et
deuxième radial.
Du fait de la fracture, les rapports aux axes
articulaires ne sont plus égaux, la chaîne articulaire ne peut être
maintenue droite par les deux tendons antagonistes (extenseur et
fléchisseur) qui sont de part et d’autre des articulations.
Le système
bascule dans une position en zigzag.
D’autres facteurs s’associent aux déformations : mécanisme et
intensité du traumatisme, lésions associées des parties molles
périphériques, tendons, ligaments, …
Une désaxation articulaire lorsqu’elle est permanente ne peut être
tolérée.
Une désaxation osseuse peut être tolérée selon les segments
osseux considérés : les quatrième et cinquième métacarpiens, étant
très mobiles, sont susceptibles de compenser certaines angulations
de 20 à 35°, alors que les deuxième et troisième métacarpiens, plus
fixes, ne peuvent tolérer plus de 10° de désaxation.
Nous y
reviendrons.
C - EXAMEN CLINIQUE ET RADIOGRAPHIQUE
:
1- Fracture fermée
:
Si certains traumatismes entraînent peu de déplacement, l’examen
clinique est surtout orienté par la recherche d’une part d’un oedème
localisé, d’un hématome en regard des parties molles, et d’autre part
surtout par une douleur élective dans la zone fracturaire.
Dans le
cas de déformation importante, cette recherche clinique peut être
gênée par l’importance d’un hématome ou de l’oedème en relation
avec l’ancienneté du traumatisme (délai écoulé).
2- Fracture ouverte
:
Les circonstances doivent être précisées afin d’apprécier le degré
d’ouverture, de souillure.
Le délai de survenue, l’existence
potentielle de corps étrangers (verre, métal, gravillons, …), les
éventuelles lésions associées des parties molles environnantes (nerfs,
artères, tendons, ligaments, …) sont des éléments essentiels à
prendre en compte dans l’attitude thérapeutique.
3- Bilan radiographique
:
Il comprend trois incidences : face, profil et trois quarts pour les
phalanges ; en ce qui concerne les métacarpiens, incidences de face
et de trois quarts.
Pour l’articulation trapézométacarpienne, des vues spécifiques sont
nécessaires : pouce vu de face « rayon parallèle d’antérétroposition
», pouce vu de profil rayon parallèle à l’axe flexionextension
(incidence de Kapandji).
Principe du traitement
:
A - BUT DU TRAITEMENT
:
Le but du traitement, qu’il soit orthopédique ou chirurgical, doit
être d’obtenir un rétablissement fonctionnel complet et rapide, ce
qui suppose certes la consolidation de la fracture en position
anatomique, mais aussi l’absence de raideur articulaire et
d’adhérences tendinopériostées.
Celles-ci sont favorisées par une
immobilisation prolongée ou inadaptée, des abords chirurgicaux
extensifs, du matériel d’ostéosynthèse trop volumineux qui limitent
le jeux tendineux et capsuloligamentaire.
Le principe du traitement
de la fracture repose donc sur une méthode adaptée qui doit
autoriser, chaque fois que possible, une mobilisation précoce voire
immédiate des éléments articulaires ou tendineux proches du foyer
de fracture, sans pour autant compromettre la stabilité et la
consolidation de celui-ci.
B - CRITÈRES DE CHOIX
:
1- Caractéristiques de la fracture
:
* Déplacement
:
Le déplacement du foyer de fracture peut conduire à trois
conséquences :
– locale, par une altération des plans de glissement tendineux ou
articulaire et par les lésions tissulaires qu’elle entraîne, favorisant
l’oedème et l’hématome source d’une prolifération collagénique
responsable d’une raideur.
Les mécanismes étiologiques
d’écrasement favorisent gravement ces lésions ;
– mécanique, par la rupture d’un équilibre précaire entre extenseur,
fléchisseurs et interosseux qui peut devenir responsable de
modifications des amplitudes articulaires ;
– fonctionnel : une désorientation de la chaîne digitale peut induire
un raccourcissement, une angulation ou un trouble de rotation ne se
démasquant qu’en position digitale fléchie, avec un défaut de
convergence vers le tubercule du scaphoïde et un chevauchement.
Ainsi, tout déplacement fracturaire doit être réduit en étant
particulièrement vigilant aux déplacements des surfaces articulaires,
dont les anomalies persistantes peuvent entraîner la survenue de
lésions arthrosiques.
Cependant, une bonne tolérance fonctionnelle et anatomique est
possible pour certains déplacements extra-articulaires, notamment
dans le plan sagittal.
C’est le cas des fractures diaphysaires ou épiphysaires des quatrième et cinquième métacarpiens, dont une
angulation de 20 à 35° est fonctionnellement acceptable et n’impose
pas obligatoirement une réduction.
En revanche, les deuxième et
troisième métacarpiens ne peuvent tolérer un déplacement supérieur
à 15°.
De même, un raccourcissement sans angulation importante ni
trouble de la rotation, que l’on peut rencontrer dans certaines
fractures spiroïdes métacarpiennes, est fonctionnellement bien toléré
jusqu’à 4 ou 5 mm au prix d’un recul, pouvant parfois être jugé
inesthétique, et d’une saillie de la tête métacarpienne.
Pour le premier métacarpien, une angulation palmaire jusqu’à 20°
est tolérable et bien compensée par la grande mobilité trapézométacarpienne. Au-delà de 30°, la réduction est
indispensable.
Aux phalanges, le degré de tolérance d’un déplacement sagittal est
minime et ne peut excéder 20°.
Dans certains cas les
raccourcissements sans angulation ni trouble de rotation peuvent
être mal tolérés par un effet de butée en flexion sur l’extrémité d’une
spire.
* Stabilité
:
Ce critère est souvent difficile à apprécier, mais la distinction entre
une fracture stable et une fracture instable est essentielle d’un point
de vue thérapeutique et pronostique.
Retenons comme critères d’instabilité :
– les foyers de fractures très mobiles avant ou après réduction du
déplacement ;
– les fractures à grand déplacement ;
– les fractures non engrenées ;
– les fractures oblique courtes ;
– les fractures transversales diaphysaires ;
– les fractures articulaires condyliennes ;
– les fractures articulaires de la base du premier et du cinquième
métacarpien du fait de leur puissante insertion musculaire.
Cependant pour un trait de fracture identique, les fractures des
métacarpiens sont plus stables que les fractures des phalanges.
Les fractures diaphysaires transversales des doigts longs sont plus
instables aux phalanges qu’au métacarpien, ce qui est l’inverse pour
le pouce.
Les fractures de deux ou plusieurs métacarpiens adjacents sont plus
instables qu’une fracture de métacarpien isolé.
La stabilisation d’une fracture instable impose donc une
immobilisation du foyer (contention simple ou ostéosynthèse).
Une
fracture instable devient stable avant sa consolidation osseuse, du
fait de l’engluement progressif du foyer par le cal non ossifié.
Cela
permet de modifier le type de contention au cours du traitement et
d’encourager la mobilisation précoce.
2- Lésions associées
:
Certaines lésions associées imposent pour leur traitement un geste
chirurgical, la fracture est donc abordée et traitée dans le même
temps.
Ce sont les fractures ouvertes, les fractures associées à des
lésions tendineuses, vasculaires ou nerveuses, les fractures étagées à
la main et du poignet et les fractures de la main chez le
polytraumatisé.
Les fractures sur os pathologique (ostéopénie, chondrome) sont au
contraire le plus souvent traitées orthopédiquement.
3- Terrain
:
Dans le choix du traitement, beaucoup de facteurs sont propres au
patient : âge, dominance, demande fonctionnelle en tenant compte
des activités professionnelles, des loisirs et des activités sportives,
des exigences socioéconomiques, et du degré de motivation et de
coopération.
Les facteurs généraux systémiques (diabète, maladie
générale, etc) interviennent aussi et doivent être pris en compte.
4- Environnement chirurgical
:
Certaines techniques chirurgicales nécessitent un matériel adapté,
soit pour une ostéosynthèse spécifique soit pour un contrôle
radiographique ou fluoroscopique peropératoire.
Le degré
d’équipement du bloc opératoire tout comme le niveau de
compétence du chirurgien s’imposent donc comme des éléments
déterminants dans le choix des méthodes thérapeutiques.
Méthodes orthopédiques
:
Ce traitement a une place primordiale dans la prise en charge des
fractures fermées des phalanges ou des métacarpiens.
S’il s’agit d’un traitement simple en apparence qui induit un très
faible taux de complication, il doit néanmoins être réalisé avec une
rigueur extrême.
Il ne peut et ne doit être considéré comme un
abandon thérapeutique.
Il se déroule en trois étapes : réduction, contention, rééducation.
A - RÉDUCTION
:
Cette réduction n’est d’ailleurs pas nécessaire dans la majorité des
fractures des métacarpiens et des phalanges ; pour Barton, 75%
des fractures de phalanges ne sont pas déplacées ou ont un
déplacement acceptable.
Il convient donc d’apprécier pour chaque phalange ou métacarpien
le caractère tolérable ou non d’un déplacement.
Cet élément est
également pris en compte dans l’évaluation de la qualité de la
réduction orthopédique et la tolérance d’un déplacement résiduel.
La réduction, si elle est nécessaire, est réalisée sous anesthésie
régionale, souvent tronculaire.
Il est possible de tester la stabilité de
la réduction.
Les manoeuvres externes de réduction sont effectuées en fonction de
la localisation de la fracture et du déplacement.
Pour les fractures du col du cinquième métacarpien dont la bascule
est le plus souvent palmaire : on peut recourir à la manoeuvre de Jahss (1938) en plaçant l’articulation métacarpophalangienne
proximale (MCP) en flexion à 90°, permettant la détente de la
musculature intrinsèque, puis, en appliquant une pression sur la
diaphyse, puis en appliquant une pression sur les articulations
interphalangiennes proximales (IPP) fléchies à 90°.
Pour le déplacement frontal, souvent évident, il est bien apprécié sur
les radiographies de face, rayon perpendiculaire à la plaque.
La
correction se fait par la manipulation directe du fragment en traction
dans l’axe du doigt.
Le contrôle clinique de la réduction se fait par
l’évaluation de l’orientation et de la convergence des doigts vers le
tubercule du scaphoïde dans les mouvements de flexion des doigts
et radiographiquement sur les clichés de face.
Pour le déplacement sagittal :
– fractures de P1 : la flexion à 90° de l’articulation MCP relâchant
les muscles intrinsèques associée à une extension de l’IPP relâchant
l’appareil extenseur, le segment distal peut alors être manipulé par
l’opérateur qui exerce une traction axiale et peut aligner le fragment
proximal ;
– les fractures de P2 de manière analogue peuvent être réduites par
flexion de l’interphalangienne (IP).
La réduction est appréciée sur
les clichés de profil.
La rotation axiale est le déplacement le plus souvent méconnu.
Cliniquement, elle est habituellement masquée avant la réduction
par les autres éléments de la déformation.
La radiographie ne
permet pas de la déceler convenablement ni avant ni après la
réduction.
Ainsi, elle ne peut être contrôlée que par l’examen
clinique après la réduction :
– parallélisme des doigts et absence de chevauchement lors de la
flexion ;
– orientation des doigts en direction du tubercule scaphoïde ;
– orientation correcte des ongles en inspectant les extrémités
digitales en extension (nécessité de laisser découvertes les
extrémités).
Cette correction est aisée par les manoeuvres externes mais ne doit
être réalisée qu’après correction des autres déplacements.
Il est difficile de définir précisément en une liste exhaustive les
limites de tolérance des déplacements résiduels pour évaluer un alignement correct.
Il convient de prendre en compte leur nature,
leur ordre de grandeur et leur localisation.
Ainsi, une rotation de 5°
du métacarpien peut entraîner un déplacement latéral de 15 mm de
l’extrémité digitale.
De même, une angulation peut avoir des conséquences variables en
fonction de la localisation :
– une bascule de 30° sur une fracture du col du cinquième
métacarpien est tout à fait acceptable ;
– alors qu’une bascule de quelques degrés sur M2 ou M3 peut être
mal supportée.
Un raccourcissement au-delà de 5 mm peut s’avérer gênant.
Dans les fractures articulaires, l’exigence de la qualité de la réduction
est primordiale :
– valeur du signe du V dorsal au niveau de l’IP ;
– déplacement du petit fragment qui doit rester inférieur à 1 mm,
quelle que soit sa taille ;
– si le fragment atteint 25 % de la surface articulaire, le déplacement
doit être quasiment nul.
Nous y reviendrons plus précisément dans les indications.
B - CONTENTION
:
Certains principes doivent être soulignés : elle ne doit pas
immobiliser la totalité d’un doigt ; la période de contention doit être
réduite au minimum nécessaire et interrompue dès que le foyer de
fracture est cliniquement stable, situation souvent obtenue vers la 3e
semaine.
La position de contention obéit à des règles communes à la
quasi-totalité des fractures digitales : pour les doigts longs :
flexion des MCP de 70°, extension ou légère flexion (inférieure à
20°) pour les IP.
1- Notion de l’appareillage fonctionnel pour les
fractures de P1 :
Cette approche de mobilisation précoce associée prend toute sa
dimension dans la conception de l’appareillage fonctionnel.
Le
principe est de réaliser simultanément deux fonctions :
– la contention efficace du foyer ;
– la mobilisation active, précoce ou immédiate du doigt fracturé.
La contention doit s’opposer à la reproduction de chacun des
déplacements élémentaires susceptibles d’être rencontrés et qu’une
mobilisation précoce pourrait reproduire.
La contention dans le plan sagittal : le maintien en flexion des métacarpophalangiennes (MCP) permet de lutter contre ce
déplacement par la détente des muscles intrinsèques et de l ’appareil
fléchisseur.
Cette position protège également contre l’enraidissement
des articulations MCP.
La contention dans le plan frontal : facilement réalisée par la syndactylisation avec les doigts adjacents.
La contention dans le plan axial est également assurée par la syndactylisation avec les doigts voisins, induisant lors de la flexion
des IPP une correction automatique obligeant le doigt fracturé à
s’intégrer dans la convergence physiologique.
La mobilisation active précoce des articulations IPP dans le plus
grand secteur d’amplitude est le but principal de l’appareillage
fonctionnel pour limiter les raideurs des IPP qui sont la séquelle
principale de ce type de fracture.
La syndactylisation permet une mobilisation active y compris dans
les derniers degrés de l’extension active.
La condition nécessaire et
suffisante pour que la syndactylisation puisse obtenir ce résultat est
un alignement parfait des centres de rotations des articulations IPP
des quatre doigts longs.
Pour réaliser cet alignement, il faut
compenser l’inégalité de longueur des phalanges proximales.
Cela
est possible grâce à la mobilité des deux dernières articulations carpométacarpiennes qui permet d’aligner les IPP.
2- Différents types d’appareillages utilisables
:
* Syndactylisation
:
Elle consiste à utiliser comme attelle un doigt sain contigu au doigt
blessé, la mobilisation active est alors possible pour les
fractures stables.
Les indications en sont très nombreuses, soit
d’emblée, soit en complément ou à la suite d’une contention plus
importante.
Facile pour les trois doigts médians, elle est plus difficile
pour solidariser le cinquième avec le quatrième.
Il faut au moment
de la pose, fléchir les MCP et creuser l’arche métacarpienne de
manière à placer les IPP au même niveau.
Les matériaux utilisés
sont variables : élastoplaste, bandes de néoprène, …
Il faut placer
une compresse ou un peu de mousse entre les doigts pour éviter les
lésions cutanées de macérations sur les faces latérales en contact.
* Attelles digitales courtes rigides
:
Le matériau utilisé peut être de nature variable : aluminium,
thermoformé, plâtre.
Toutefois le choix d’un thermoformé donne
d’excellentes possibilités d’adaptation spécifique, notamment dans
les cas d’immobilisation plus complexes.
Leur utilisation a pour but
l’immobilisation stricte du foyer fracturaire :
– attelles tubulaires immobilisant les deux premières phalanges (P1-
P2) : indiquées dans les arrachements dorsaux non ou peu déplacés
de la base de P2 ;
– attelles immobilisant les deux phalanges distales : attelles que l’on
préfère dorsales (n’occultant pas la pulpe), soit attelles palmaires
type Stack.
Elles sont utiles pour certains arrachements dorsaux de
P3 ;
– attelles immobilisant les trois phalanges : on leur reproche de ne
pas contrôler la tension des intrinsèques, ni la moitié proximale de
P1.
On peut les utiliser pour certaines fractures de P2 déjà engluées
ou partiellement stables ;
– attelle de Beagle : faite de deux anneaux de plastique thermoformé
limitant l’extension de l’IPP à environ 20 à 30° et laissant libre la
flexion, elle est parfois utilisée dans les arrachements de la plaque
palmaire de l’IPP avec un fragment osseux à la base de P1.
Il existe
toutefois un risque de flessum résiduel de l’IPP.
* Attelle à appui métacarpien
:
La coque métacarpienne ne réalise pas une véritable contention.
Elle
est souvent associée à la syndactylisation.
Le gantelet métacarpien, bien que plus discret que les attelles
prenant le poignet, ne contrôle pas la tension des extrinsèques.
Il
peut servir de point d’appui à une attelle digitale complémentaire.
* Attelles à appui antibrachial
:
Le plâtre simple : peut être utilisé en provisoire, avant la fonte de
l’oedème.
Non circulaire, il immobilise le poignet en extension,
facilitant la flexion des MP.
Il est préférable de prendre un ou deux
doigts adjacents au rayon lésé.
Après quelques jours, le plâtre peut
être changé pour un appareil mieux moulé, circulaire ;
éventuellement en utilisant un autre matériau (thermoformé).
L’attelle dite de Boehler modifiée comporte une portion proximale
palmaire et antibrachiale maintenant le poignet en extension de 30°,
prolongé par une attelle digitale.
Cette attelle est incorporée dans la
portion proximale.
La MCP est fléchie à 70° (il faut pour cela courber
l’attelle d’aluminium, non pas à la base du doigt, mais face au pli
palmaire situé en regard des MCP).
Il faut surveiller et
protéger les éventuels points de pression.
Les deux premières
phalanges sont solidarisées à l’attelle. Pour les fractures des
métacarpiens, l’IPP doit être laissée libre.
Attelle de Thomine ou appareillage fonctionnel : il s’agit d’un apport
essentiel au traitement non sanglant des fractures digitales.
L’appareil comporte une pièce palmaire et une pièce dorsale.
Le
poignet est placé en position d’extension marquée (environ 60°), ce
qui évite au MP de s’échapper en extension.
Les MCP
sont placées à environ 90° sans craindre un éventuel flessum
résiduel.
La pièce palmaire d’abord mise en place prend l’avantbras
et le poignet et s’arrête au pli palmaire moyen pour ne pas
gêner la flexion maximale des MCP.
L’arche métacarpienne est modelée.
La pièce dorsale s’étend jusqu’à la face dorsale des cols de
P1, elle moule aussi l’arche métacarpienne en vérifiant que les IPP
se trouvent au même niveau.
La syndactylisation est assurée en prenant P2 voire jusqu’à P3,
donnant par sa stabilité un effet d’entraînement par les doigts sains.
La mobilisation active est immédiate, l’attelle est maintenue
5 semaines pour les fractures diaphysaires de P1 qui en constituent
la meilleure indication.
Sur les fractures de P2, moins fréquentes,
l’appareillage est constitué d’une attelle digitale dorsale fixée à un
gantelet immobilisant la MP en flexion à 70°.
L’IPP est initialement
immobilisée en position de réduction (flexion ou extension).
Une
position défavorable en flexion peut être corrigée au bout de
2 semaines quand la stabilité du foyer est suffisante.
On entreprend
ensuite la mobilisation protégée de l’IPP dans un secteur limité.
Ces fractures consolident lentement et on peut être amené à
conserver l’appareillage fonctionnel MP fléchies, doigts solidarisés
pendant 4 et parfois 6 semaines.
Il est fortement déconseillé de laisser les IPP totalement
immobilisées plus de 15 jours.
* Attelle « extension block »
:
Elle est décrite pour les fractures-luxations dorsales de l’IPP.
L’attelle prend le poignet en flexion dorsale de 30°, la MCP est
fléchie à 90°, l’IPP est suffisamment fléchie (30 à 40°) pour réduire la
subluxation dorsale.
C - MOBILISATION PRÉCOCE
:
La mobilisation des segments laissés libres et la lutte contre l’oedème
doivent survenir dès le temps de contention.
Deux orientations sont à observer : la lutte contre l’oedème tissulaire,
source de raideur par les phénomènes cicatriciels qu’il induit, et la
mobilisation articulaire précoce.
La mobilisation précoce doit être
douce, progressive, contrôlée et doit toujours faire appel à la
coopération du patient.
Elle peut être débutée dès les premiers jours,
passé les réactions douloureuses liées au traumatisme et à la
réduction.
On commence par prévenir et lutter contre l’oedème tissulaire en
maintenant la main blessée en élévation et en mobilisant activement
tous les segments du membre non immobilisés par une attelle ou un
plâtre (doigts non fracturés, coude, épaule).
La mobilisation des
segments distaux du rayon fracturé commence en fait dès que le
patient peut surmonter son appréhension et sa douleur.
Le doigt du
rayon fracturé est entraîné par les doigts voisins auxquels il est
solidarisé.
Le patient contrôle ses mouvements, limités au début par
la douleur, puis augmente le secteur de mobilité jusqu’aux limites
autorisées.
Le rééducateur encourage et contrôle l’absence de
chevauchement des doigts et la mobilité dans les secteurs autorisés.
Entre les séances de mobilisation, et tant que l’oedème n’est pas
éliminé, le patient doit garder le plus possible sa main surélevée
au-dessus du coeur, en la laissant reposer par exemple sur l’épaule
opposée.
La prescription d’antalgiques et d’anti-inflammatoires est
utile à ce stade.
Une mobilisation passive douloureuse est proscrite.
Les fractures stables, qui représentent la majorité des fractures,
doivent être mobilisées immédiatement ou au plus tard avant le
15e jour.
Les fractures instables sont immobilisées sur des attelles ou ostéosynthésées.
Ces fractures sont mobilisées dès que la stabilité
du foyer l’autorise.
La majorité des fractures déplacées correctement réduites et
immobilisées peuvent être mobilisées dès la 3e semaine ou au plus
tard la 4e semaine.
L’indolence et la stabilité du foyer sont suffisants
pour autoriser la reprise des mouvements sans attendre les signes
de consolidation radiologique.
Le doigt fracturé est
systématiquement solidarisé aux doigts sains voisins.
En cas de
doute sur la stabilité, le recours à la mobilisation protégée et/ou à la
mobilisation sectorielle permet de réaliser un travail des mobilités
sans trop de risques.
En ce qui concerne la mobilisation sectorielle, elle peut n’intéresser
que quelques dizaines de degrés, cela peut suffire à entretenir la trophicité de l’articulation et les plans de glissement.
La mobilisation
précoce ne signifie pas abandon thérapeutique.
Au contraire, les
contrôles doivent être systématiques, répétés, cliniques et
radiologiques, une fois par semaine les 3 ou 4 premières semaines.
Un traitement physiothérapique bien conduit doit être poursuivi
aussi longtemps que la mobilité articulaire progresse.
Parfois, le port
d’orthèse dynamique est utile entre les séances de mobilisation pour
lutter contre les défauts passifs de mobilité.
La mobilisation précoce des doigts fracturés est une règle générale
dès que la stabilité du foyer de fracture et l’état des parties molles
l’autorisent.
Elle doit être adaptée à chaque cas et à chaque stade de
l’évolution.
Elle nécessite la collaboration active du patient.
Elle est
dirigée par le chirurgien et fait appel à des rééducateurs informés.
Méthodes d’ostéosynthèse
:
Le choix du traitement chirurgical des fractures des métacarpiens et
des phalanges implique une connaissance parfaite des matériaux
disponibles et de leur technique de pose.
Chaque type de fracture
doit pouvoir bénéficier de la méthode qui lui est la plus appropriée,
à la fois en ce qui concerne la voie d’abord, mais aussi le type et le
placement du matériel implanté.
L’objet définitif de la chirurgie des
métacarpiens et des phalanges doit être d’obtenir un ou des foyers fracturaires réduits, stables, pour permettre une mobilisation précoce
voire immédiate.
Cet objectif ne peut être atteint que si la couverture
cutanée est de bonne qualité ; il serait en effet illusoire et dangereux
de mobiliser un ou des doigts stabilisés par une ostéosynthèse dont
le revêtement cutané serait instable ou insuffisant, le risque septique
serait alors à son maximum.
De nombreuses techniques sont
possibles, mais l’expérience propre de l’opérateur est un élément
décisif dans les facteurs de choix.
A - BROCHAGES PERCUTANÉS
:
Cette technique séduisante, ancienne, et qui peut faussement
paraître simple, s’est largement répandue et précisée pour devenir
la technique de choix dans certaines indications.
Elle nécessite un
moteur puissant pour introduire le matériel choisi, et un
amplificateur de brillance pour contrôler la qualité de
l’ostéosynthèse (réduction du foyer de fracture, longueur des
broches).
Il s’agit d’une méthode de synthèse applicable sur un foyer
de fracture réduit ou réductible par des manoeuvres externes.
Les règles techniques ne doivent pas être transgressées.
Introduites
à travers la peau, les broches de Kirschner évitent l’ouverture du
foyer de fracture, ce qui d’un point de vue biologique favorise la consolidation et limite sans doute le risque septique. Deux
impératifs techniques sont à respecter : éviter d’embrocher les
pédicules vasculonerveux, éviter de fixer à l’os les tendons
extenseurs ou fléchisseurs.
Les broches les plus fréquemment
utilisées sont les broches en acier 316 L d’un calibre de 10 ou
12 dixièmes de millimètres.
Pour certaines fractures articulaires, des
broches de 8 dixièmes sont utiles bien que très fragiles.
Elles sont
introduites au moteur à vitesse lente pour limiter l’échauffement de
l’os cortical, et plutôt à partir de points situés sur le bord dorsolatéral des doigts ou des métacarpiens pour ne pas léser les
tendons.
Pour les fractures proches des épiphyses, il est essentiel de
ne pas bloquer, chaque fois que possible, les articulations saines, ce
qui oblige à des brochages parfois obliques.
L’utilisation d’une seule broche est insuffisante, elle pourrait
constituer un axe de rotation préjudiciable à la réduction et à la
stabilisation du foyer fracturaire.
Une deuxième broche divergente
doit être introduite, soit à un autre niveau du même bord du doigt,
soit par le bord controlatéral.
Ces montages stabilisent bien les
foyers de fracture, mais demandent beaucoup de rigueur dans la
réalisation, car l’introduction des broches s’accompagne d’un effet
de distraction fracturaire dont il faut tenir compte.
Il ne faut pas en
effet que l’ostéosynthèse pérennise un écart interfragmentaire qui
conduirait à un retard de consolidation ou à une pseudarthrose.
Dans les fractures complexes, plusieurs broches peuvent être
nécessaires pour obtenir une stabilisation suffisante du foyer fracturaire.
Cette méthode donne une grande liberté dans les choix
d’ostéosynthèse, mais exigent, pour chaque broche introduite, une
rigueur majeure.
Après l’ostéosynthèse, les broches sont coupées
sous la peau en laissant dépasser de l’os une longueur suffisante
pour pratiquer l’ablation du matériel, presque toujours nécessaire
du fait de douleurs ou d’une intolérance cutanée inflammatoire.
Un certain nombre d’auteurs ont décrit des méthodes d’embrochage
spécifiques à des fractures fréquentes.
1- Embrochage fasciculé
:
L’embrochage fasciculé des fractures extra-articulaires de la base du
premier et du col du cinquième métacarpien est un embrochage
manuel.
A Kapandji a décrit une technique élégante pour stabiliser les
fractures extra-articulaires de la base du premier métacarpien.
Il
introduit deux broches par les faces latérales du premier
métacarpien, elles sont ensuite poussées jusqu’à la surface articulaire
qu’elles ne dépassent pas.
La stabilisation du foyer est assurée
pendant le temps de consolidation, les broches sont retirées à la
6e semaine.
La stabilité du montage permet une mobilisation douce
active et passive précoce.
Foucher, sur un principe dérivé des enclouages fasciculés des
fractures des os longs des membres supérieur ou inférieur, a décrit
une technique d’embrochage en bouquet de la fracture métaphysaire
déplacée du col du cinquième métacarpien.
L’introduction des
broches se fait par une fenêtre sur la face postéro-interne proximale
du cinquième métacarpien, après réduction de la fracture et contrôle
à l’amplificateur de brillance.
Cette méthode est sans doute
applicable pour des fractures identiques du deuxième métacarpien.
Actuellement, on peut aussi utiliser des clous béquillés élastiques en
titane.
2- Brochages transversaux des métacarpiens
:
Bien connue pour le traitement des fractures de Bennett depuis les
travaux d’Iselin, la technique de brochage transversal des
métacarpiens a vu ses indications s’élargir à de nombreuses
situations traumatiques : fracture instable du col du cinquième
métacarpien, fractures instables des autres métacarpiens, perte de
substance osseuse diaphysaire d’un métacarpien.
Dans ce dernier
cas, une greffe osseuse peut être apportée, soit dans l’immédiat si
les conditions locales l’autorisent, soit en secondaire après une
période de cicatrisation.
Il s’agit d’une technique de réalisation
simple, mais qui implique une réduction correcte par des méthodes
orthopédiques et des contrôles radiographiques en peropératoire.
B - SYNTHÈSES À FOYER OUVERT
:
Les difficultés ou les impossibilités de réduction des manoeuvres
orthopédiques rendent parfois impossibles les techniques à foyer
fermé.
Il est donc obligatoire de recourir la main forcée à des
procédés qui passent par l’ouverture du foyer de fracture.
Les
diverses techniques d’ostéosynthèse qui peuvent être utilisées
doivent avoir pour objectif :
– de réduire parfaitement le ou les foyers fracturaires ;
– de les stabiliser solidement ;
– de permettre la mobilisation précoce voire immédiate des doigts
si la qualité des tissus mous réparés le permet, pour éviter les
adhérences péritendineuses ou les raideurs articulaires ;
– de ne pas ajouter de lésions des tissus mous qui nuiraient à la
qualité des plans de glissement digitaux.
La rigueur technique nécessaire est aussi une condition du succès
de ces procédés.
Les matériaux utilisables doivent être adaptés aux
particularités anatomiques de la main, ils doivent être de faibles
volumes, solides, et parfaitement biocompatibles.
1- Brochage à foyer ouvert
:
Le brochage à foyer ouvert utilisant des broches de 8 à 12 dixièmes
de millimètre est certainement le procédé le plus utilisé par les
chirurgiens de la main.
Le procédé est simple, adaptable à la quasitotalité
des fractures, le matériel laissé en place est peu volumineux.
S’il est réalisé avec soin, les ennuis sont minimes et la mobilisation
précoce est possible.
Le défaut principal de ce mode d’ostéosynthèse
est l’obligation d’enlever le matériel implanté, qui finit toujours par
gêner la fonction du ou des doigts.
On peut associer à ces brochages
des cerclages au fil métallique de 8 dixièmes de millimètre.
Les
cercles peuvent être passés soit en transosseux à la manière de Lister,
soit en périosseux, ce qui est beaucoup plus simple, en particulier
dans les fractures phalangiennes ou métacarpiennes complexes dites
« en fagot ».
2- Synthèses apposées en juxtacortical
:
Devant les difficultés rencontrées lors du traitement chirurgical de
certaines fractures par des brochages, il est apparu à certains auteurs
la nécessité de miniaturiser et d’utiliser du matériel de synthèse
dérivé de celui utilisé dans les ostéosynthèses des membres.
On a
ainsi vu naître de nombreux matériaux de synthèse plus ou moins
miniaturisés, adaptés aux faibles contraintes qui s’exercent sur les
chaînes digitales lors des mouvements de flexion-extension.
L’acier,
le titane sont utilisés par les fabricants pour réaliser des vis, des
plaques (qui doivent être sécables pour s’adapter au mieux à toutes
les possibilités locales), des lames plaques, des plaques en L, en T,
des miniboulons dont il est impossible de décrire toutes les variétés
et dont chaque chirurgien ne peut posséder la totalité.
En revanche,
il faut insister sur de nombreux point de techniques qui nous
semblent essentiels :
– le chirurgien qui prend l’initiative de synthéser par une voie
ouverte une fracture phalangienne ou métacarpienne, doit le faire
après une réflexion qui écarte en conclusion les autres techniques au
premier rang desquelles les techniques orthopédiques.
Il doit
disposer d’un matériel complet, stérile, et surtout d’une certaine
habitude de la technique de pose.
Un certain nombre de fabricants
ont longtemps assuré des cours de formation à l’ostéosynthèse des
lésions osseuses à la main ;
– la voie d’abord doit être directe, courte, adaptée au procédé choisi
en préopératoire.
Elle doit respecter les plans de glissement, les
pédicules vasculonerveux, les tendons ;
– le matériel doit être implanté sur les faces latérales pour ne pas
endommager le glissement tendineux ;
– le montage doit être solide, ce qui impose parfois de multiplier
les modes de synthèse, et contraint ainsi l’opérateur à laisser derrière
lui un matériel parfois volumineux et dont la tolérance n’est pas
toujours excellente ;
– la couverture cutanée doit être parfaite pour que la mobilisation
des chaînes digitales puisse débuter le plus précocement possible.
Pour pallier ces inconvénients, du matériel de synthèse intramédullaire a été développé.
Une fois en place, ce matériel ne
cause aucune gêne fonctionnelle, les plans de glissement sont
respectés et la solidité autorise une mobilisation précoce.
Nous avons vu que des broches de Kirschner en acier ou des broches
béquillées en titane pouvaient être utilisées en faisceau ou d’une
façon isolée.
La voie ouverte pour la pénétration et le guidage dans
l’os du matériel, qui peut être ici très courte, est choisie pour la
réduction et la contention temporaire du foyer de fracture pendant
l’enclouage ou l’embrochage.
L’intolérance au point d’entrée peut
conduire à enlever ce matériel après la consolidation.
Merle et Foucher ont développé, essentiellement pour les
traumatismes sévères et les amputations digitales ou
métacarpiennes, un matériel ingénieux appelé bilboquet.
Cette
synthèse combine un clou intramédullaire (extrême solidité) et un
complément de ciment (méthylmétacrylate) injecté en phase liquide
dans lequel le clou vient se fixer.
Foucher, pour éviter l’utilisation
du ciment, a proposé une broche qui vient bloquer le clou
intramédullaire.
Les indications de cette méthode à synthèse perdue sont rares en
dehors des amputations digitales ou transmétacarpiennes.
Récemment, ont été développés des matériaux résorbables en acide polylactique sous forme soit de broches soit de vis.
La résorption du
matériau se fait en 14 mois sans laisser de fibrose importante.
Il faut
certainement attendre avant d’envisager une large diffusion de ces
matériaux qui nous semblent actuellement relever de centres
spécialisés.
3- Agrafes à mémoire de forme
:
Leur utilisation est possible exclusivement pour certaines fractures
métaphysaires métacarpiennes par une courte voie d’abord dorsale.
La stabilité obtenue par ces procédés permet une mobilisation
immédiate sous couvert d’une orthèse de type coque métacarpienne.
C - FIXATION EXTERNE
:
Connus depuis très longtemps en traumatologie des membres, en
particulier le fixateur de Hoffmann, les procédés de fixation externe
se sont miniaturisés pour permettre une utilisation à la main.
Tout
d’abord utilisés sous forme de broches de Kirschner solidarisées par
un bloc de ciment acrylique, les fixateurs se sont modifiés pour
autoriser des montages variés sur des chaînes digitales.
Un certain
nombre d’entre eux autorise même une mobilisation articulaire
prudente pendant la période de consolidation.
Malgré des possibilités multiples, la fixation externe reste une
technique difficile, délicate, et nous semble à recommander lorsque
toutes les autres possibilités sont épuisées.
Il reste les fractures
complexes, multifragmentaires, le fixateur externe est utilisé là pour
aligner le foyer, et conserver la longueur du segment digital.
Les
traumatismes à problèmes cutanés sévères relèvent souvent de la
fixation externe, lorsque la couverture cutanée est fragile ou est
soumise à la viabilité douteuse de lambeaux.
Le volume de
l’appareillage est aussi une limite à l’utilisation de ce procédé, que
nous réservons au pouce délabré, à l’index, au cinquième doigt ou
aux deuxièmes et troisièmes phalanges.
Importance du choix des voies d’abord
:
Les règles habituelles de la chirurgie de la main doivent être
appliquées avec la même rigueur que pour les autres interventions
chirurgicales.
Elles doivent être adaptées au type fracturaire et au
matériel choisi pour l’ostéosynthèse. Une formation spécifique nous
semble être un préalable essentiel avant d’envisager la pratique en
clinique humaine.
L’abord chirurgical doit être suffisant sans être
excessif, non dévascularisant, en ne dépériostant que pour le passage
des minidaviers réducteurs ou la mise en place du matériel.
Le
traumatisme chirurgical ajoute au traumatisme responsable de la ou
des fractures une cicatrice conjonctive, dont la maîtrise reste aléatoire
et les conséquences déplorables pour la fonction digitale.
Un certain
nombre d’ostéosynthèses, excellentes sur le plan radiologique, sont
responsables de déficits fonctionnels majeurs en raison du
traumatisme chirurgical surajouté.
Le choix de la synthèse ouverte
est donc une responsabilité que l’opérateur doit peser chaque fois
que la tentation opératoire se présente.
Les voies d’abord pour les métacarpiens sont dorsales, sinueuses ou
en zigzag.
Pour les fractures diaphysaires des phalanges, les
incisions dorsolatérales dites en « aile de mouette » permettent
d’exposer les lésions osseuses facilement et de pratiquer les
ostéosynthèses habituelles.
Pour les fractures articulaires des IP, des
incisions dorsales transversales, en baïonnettes ou arciformes,
permettent un abord simultané des deux versants articulaires. Le
contrôle articulaire est ainsi facilité, ainsi que la mise en place du
matériel de synthèse.
Les fractures de la base du premier
métacarpien peuvent être brochées par voie percutanée si leur
réduction est possible et anatomique par des manoeuvres externes.
Dans le cas contraire, le foyer fracturaire doit être abordé pour la
réduction chirurgicale et la synthèse.
La voie antérieure de Gedda-Moberg permet un contrôle total de la surface articulaire et une
synthèse directe par vis.
Indications du traitement
orthopédique
:
Si l’indication du traitement orthopédique reste la règle pour la
majorité des fractures, il faut distinguer les fractures fermées, où les
méthodes orthopédiques se discutent chaque fois, et les fractures
ouvertes où l’ostéosynthèse conserve une place de choix.
A - FRACTURES EXTRA-ARTICULAIRES
:
1- Fractures de la diaphyse des métacarpiens
:
La limite de tolérance des déplacements est variable selon le
métacarpien :
– angulation maximum de 20 à 35° pour les quatrième et cinquième
métacarpiens ;
– angulation inférieure à 10° pour les deuxième et troisième
métacarpiens ;
– raccourcissement de 2 à 5mm;
– aucune rotation n’est acceptée.
En cas de fracture d’un seul métacarpien, la solidarité à l’ensemble
du carpe diminue l’importance du raccourcissement qui est dans la
plupart des cas tolérable.
Au contraire en cas de fractures multiples,
le déplacement est souvent plus important et par là même
intolérable.
Dans les fractures non ou peu déplacées d’un seul
métacarpien, on peut se contenter d’une coque métacarpienne
associée à une syndactylisation au doigt adjacent.
En cas de fracture
déplacée, après réduction, l’appareil de contention doit inclure le
poignet et la MP : extension du poignet à 30° et des MCP à environ
70°.
La MCP d’un doigt voisin est souvent incluse dans l’attelle, les
IPP doivent rester libres.
* Fracture de la base des quatre derniers métacarpiens
:
Elles peuvent être assimilées aux fractures diaphysaires pour les
indications.
Une ostéosynthèse est rarement nécessaire sauf en cas
de déplacement important.
Pour les fractures de la base de M1, les méthodes de contention
visant à éviter la fermeture de la première commissure complètent
une ostéosynthèse dans la grande majorité des cas.
2- Fracture du col des métacarpiens
:
Pour les quatrième et cinquième rayons, certains auteurs admettent
jusqu’à 70° de déplacement par bascule antérieure.
Pour ces auteurs, la mobilité des MP compense largement cette bascule.
Toutefois, il
semble raisonnable de réduire ces fractures au-delà d’une bascule
de 30° pour le quatrième métacarpien et 35° pour le cinquième.
En revanche, pour les deuxième et troisième métacarpiens, la limite
de tolérance est inférieure à 10-15°.
Les troubles de rotation doivent être parfaitement réduits ainsi que
les déplacements en inclinaison.
Après 21 jours d’immobilisation, le
foyer fracturaire est souvent englué pour permettre la mobilisation
active.
3- Fractures extra-articulaires de P1 et P2
:
* Fractures du col phalangien
Il s’agit de fractures généralement instables nécessitant souvent une
ostéosynthèse.
* Fractures diaphysaires de P1
:
Elles sont source fréquente de raideur articulaire, le traitement
fonctionnel de Thomine y trouve sa place de choix.
Les fractures stables après réduction peuvent bénéficier de l’attelle
de Thomine avec mobilisation immédiate.
Une rigueur dans sa mise
en place et une surveillance stricte sont indispensables.
* Fracture extra-articulaires de la base de P1
:
Ces fractures stables consolident rapidement.
Il faut essentiellement
contrôler le déplacement en recurvatum.
Une angulation au-delà de
25° n’est pas acceptable.
Le traitement est identique s’il s’agit de décollements épiphysaires.
* Fractures diaphysaires de P2
:
Elles consolident souvent lentement, elles doivent donc être
surveillées radiologiquement car les déplacements secondaires ne
sont pas rares.
4- Fractures extra-articulaires de la phalange distale
:
Souvent stables, ces fractures peuvent être appareillées par une
attelle courte, de soutien, qui est à conserver pour 2 semaines.
En
revanche, la consolidation radiologique demande plusieurs mois.
5- Fractures extra-articulaires du pouce
:
Pour les fractures de la diaphyse de M1 et les fractures extraarticulaires
de la base de M1 lorsqu’elles sont stables, une simple
attelle d’ouverture commissurale est suffisante pour 4 semaines.
B - FRACTURES ARTICULAIRES
:
En général, ces fractures exigent une réduction exacte pour
reconstruire une surface articulaire parfaite.
Les indications d’abord
chirurgical pour réduction et ostéosynthèse y sont donc plus
fréquentes.
1- Fractures articulaires de la base des quatre derniers
métacarpiens :
Il s’agit le plus souvent de fractures-luxations nécessitant une
ostéosynthèse après réduction par voie ouverte.
2- Fracture intra-articulaire de la tête des métacarpiens
:
Le traitement orthopédique avec immobilisation en flexion pendant
3 semaines suivi de mobilisation est indiqué pour :
– les décollements épiphysaires ;
– les avulsions d’un ligament latéral peu déplacé ;
– les fractures ostéochondrales ;
– certaines fractures sagittales peu déplacées ;
– les fractures transversales de la tête (en raison du risque majeur
de nécrose postopératoire) ;
– les fractures comminutives non ou peu déplacées ;
– les fractures du col avec fracture longitudinale de la tête.
La mobilisation immédiate peut être proposée dans les fractures très
comminutives où une ostéosynthèse est techniquement impossible.
3- Fractures articulaires des phalanges proximales
et moyennes des doigts longs :
Ces fractures articulaires, lorsque le volume du fragment déplacé
dépasse 20 à 25 % de la surface articulaire, imposent une réduction
par voie ouverte et une ostéosynthèse.
Néanmoins, certaines
fractures peuvent représenter une indication au traitement
orthopédique :
– les fractures latérales des bases et les décollements épiphysaires
Salter III, déplacés de moins de 2 mm et n’entraînant pas
d’instabilité : attelle digitale pendant 2 semaines suivie de
mobilisation protégée ;
– les fractures comminutives de l’extrémité distale de P1 et P2 ;
– les fractures articulaires de Eaton et Littler (traumatismes en
hyperextension) :
– type 1 (hyperextension simple avec arrachement limité en
« écaille » de la plaque palmaire, avec déplacement palmaire de
P2 minime, sans instabilité en extension et sans atteinte latérale
associée).
Il faut proscrire dans ces cas l’immobilisation en flexion
de l’IPP, qui est grande pourvoyeuse de raideur en flexion de
traitement très difficile.
On préfère la mobilisation immédiate sous
couvert d’une syndactylisation, une petite attelle P1-P2 en
position de rectitude ou flexion inférieure à 10° (attelle extensionblock)
peut être placée en protection temporaire pendant une
dizaine de jours en alternance avec la syndactylie et le travail
dynamique.
On surveille la survenue d’un éventuel flessum qui
est alors l’indication d’attelle d’extension IPP ;
– type 3 (fractures luxations dorsales de P1-P2).
Elles posent un
problème difficile, aucun traitement ne répond totalement.
Dans
ces cas, des procédés de traction externe peuvent être utilisés,
leurs résultats sont dans l’ensemble décevants.
4- Fractures articulaires dorsales de la base de P3
:
Dans la plupart des cas, que le fragment soit déplacé ou non, le
traitement est celui des doigts en maillet par immobilisation en
extension sur une attelle courte, dorsale, fixant P2 et P3 uniquement,
sans aveugler la pulpe, pendant un délai minimum de 6 semaines.
La poursuite de l’immobilisation la nuit, pendant une durée de 15
jours, est une bonne précaution.
Lorsque le fragment dorsal est
seulement déplacé, sans subluxation de l’articulation
interphalangienne distale (IPD), l’articulation se modèle
progressivement de façon satisfaisante après simple immobilisation.
La subluxation du fragment distal constitue une indication à
l’ostéosynthèse après la réduction du profil articulaire.
5- Fractures articulaires antérieures de la base de P3
:
Elles correspondent à des arrachements du tendon fléchisseur
profond.
Elles nécessitent le plus souvent une réinsertion et une
fixation chirurgicale.
6- Fractures articulaires de la base
du premier métacarpien :
Elles sont des indications classiques de l’ostéosynthèse par voie
ouverte pour obtenir une réduction parfaite et éviter la survenue
d’une arthrose.
7- Fractures articulaires interphalangiennes
et métacarpophalangiennes du pouce
:
On y applique les mêmes principes que pour les doigts longs.
Les
fractures par arrachement interne ou externe déplacées qui
s’accompagnent d’une instabilité grave de la MCP doivent être
abordées chirurgicalement pour réduire en place le fragment et
réparer les ligaments lésés.