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Hépatologie
Foie parasitaire
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

Le foie, carrefour vasculaire, métabolique et immunitaire, est naturellement concerné directement ou indirectement par nombre de parasites, dont l’expression amène à privilégier le concept de foie parasitaire à l’entité « parasitoses hépatiques » proprement dite.

Les parasites en cause sont des protozoaires ou helminthes hôtes habituels ou accidentels de l’homme, à l’état larvaire ou adulte, et doués d’un tropisme hépatique potentiel ou électif.

La rencontre parasites-foie traduit :

– une authentique cible : amibiase, leishmaniose viscérale, schistosomiases ou bilharzioses, distomatoses hépatiques, capillariose ;

– un transit obligatoire : paludismes, trypanosomiase africaine, toxoplasmose ;

– une migration erratique : giardiase, ascaridiose, strongyloïdose ou anguillulose, oxyurose, trichinose, anisakidose ;

– une impasse parasitaire : échinococcoses, cysticercose, toxocarose, gnathostomoses, pentastomoses ;

– une immunodépression qui en exacerbe l’expression (leishmaniose viscérale, toxoplasmose, strongyloïdose) ou révèle le pouvoir pathogène de parasites opportunistes telles la cryptosporidiose et les microsporidioses.

Cette revue de synthèse propose une approche par regroupements anatomocliniques pour des parasitoses développant certaines similitudes, mais dont l’expression peut également varier au cours de leur maturation, avec une ébauche des principes thérapeutiques.

Distribution géographique :

La distribution géographique est diffuse ou limitée par la présence d’un hôte ou d’un vecteur spécifique.

L’infection humaine est souvent liée à des conditions d’hygiène défectueuses et parfois à des coutumes culinaires, et se traduit par une prévalence mondiale des lésions hépatobiliaires éminemment variable en fonction du parasite en cause.

Synthèse physiopathologique :

Le foie parasitaire traduit des interactions entre :

– l’hôte humain, dont la défaillance immunitaire peut permettre l’expression d’agents opportunistes ;

– le milieu extérieur, dont les caractéristiques autorisent le développement d’éventuels hôtes intermédiaires, définissent les niveaux d’endémicité et rendent compte de l’exposition de l’hôte selon les relations entretenues avec le milieu ;

– le parasite, caractérisé par un cycle et une charge parasitaire, fonction de l’inoculum et des possibilités de maturation chez l’hôte.

L’agression parasitaire engendre des réactions immunologiques à médiation cellulaire ou humorale, et des contraintes mécaniques parenchymateuses ou biliaires.

La réponse immunologique se manifeste par :

– une hyperéosinophilie, uniquement observée avec les métazoaires et dont l’évolution dans le temps répond à la courbe de Lavier en « coups d’archet » avec une hauteur conditionnée par le nombre de parasites circulants, la durée par le temps de contact hôte-parasite et la forme par le type de parasite ;

– un recrutement cellulaire et de cytokines qui exerce une toxicité directe (extension de proche en proche de l’échinococcose alvéolaire, nécrose de l’amibiase) ou une réaction granulomateuse dont le but de destruction parasitaire peut être dépassé et qui génère alors une importante fibrose comme dans les schistosomiases ;

– une synthèse d’anticorps à partir de différents composants du parasite, simples témoins d’un contact ou véritables acteurs de défense.

Le parasite, doué d’une naturelle mobilité à l’état larvaire ou adulte, peut léser la capsule et/ou le parenchyme hépatique : pentastomose, strongyloïdose, distomatoses, capillariose, gnathostomoses, cysticercose, toxocarose.

Une colonisation endocanalaire biliaire peut être la conséquence d’un tropisme biliaire naturel (distomatoses), d’une effraction (rupture de kyste hydatique) ou survenir lors d’une migration erratique potentiellement favorisée par une sphinctérotomie ou une anastomose cholédocoduodénale : ascaris et plus rarement oxyure, Anisakis ou Giardia.

La surinfection biliaire est favorisée par la stase liée à l’obstruction parasitaire et par un transport de germes digestifs lors des migrations.

Stase et surinfection favorisent le développement de lithiase et de cholangiocarcinome (opistorchiase).

Les traitements antiparasitaires médicaux, instrumentaux ou chirurgicaux peuvent être également responsables de lésions hépatiques toxiques et mécaniques.

Cadres anatomocliniques :

Des présentations aiguës, chroniques, voire totalement asymptomatiques, rendent compte en pratique des modalités d’expression du foie parasitaire.

A - TROIS TABLEAUX AIGUS :

1- Hépatomégalie immunoallergique :

C’est le tableau le plus bruyant.

Il traduit une réaction immunoallergique à la migration et à la maturation des parasites au contact des tissus lors des phases d’invasion uniquement observées avec des helminthes : schistosomiases, distomatoses hépatiques, trichinose, capillariose, toxocarose et gnathostomoses.

L’expression est celle d’une maladie systémique où l’atteinte hépatique n’est qu’une des composantes.

Le diagnostic est évoqué par l’anamnèse ou au retour d’une zone d’endémie parasitaire, associé à une hyperéosinophilie souvent majeure.

Il ne peut être confirmé à ce stade d’invasion que par les sérologies spécifiques.

Le type de description est la phase d’invasion des schistosomiases qui succède au bout de 3 semaines à l’inconstant syndrome de pénétration transcutanée du furcocercaire lors d’un contact avec une eau douce infestée.

La fièvre, quasi constante et élevée (fièvre de safari ou de Katayama), s’associe à des manifestations variées de caractère labile, cutanées (urticaire, prurit, oedème), pulmonaires (toux sèche, dyspnée asthmatiforme), douloureuses (myalgies, arthralgies, douleurs abdominales) et à une altération de l’état général. L’examen peut montrer une hépatomégalie sensible et régulière.

La biologie confirme un important syndrome inflammatoire et des anomalies des tests hépatiques de degré variable. Le praziquantel prescrit sans délai en prise unique est efficace.

L’atteinte hépatique de la toxocarose, infection par ailleurs souvent asymptomatique et dont les manifestations cliniques varient selon l’âge et la charge parasitaire, peut se manifester dès cette phase par des anomalies à l’imagerie qui sont la traduction des trajets de migration larvaire : foyers échographiques hyperéchogènes, hypodenses et faiblement rehaussés par l’injection en tomodensitométrie, devenant secondairement hypoéchogènes et pouvant persister pendant plus de 2 ans.

L’histologie montre des granulomes centrés sur les débris parasitaires ainsi que des microabcès avec nécrose et infiltrat à polynucléaires neutrophiles.

Le mébendazole ou l’albendazole prescrits pendant 1 à 4 semaines sont réservés aux formes symptomatiques.

2- Abcès hépatique :

Hormis les exceptionnelles surinfections bactériennes d’un kyste hydatique, le plus souvent secondaires à une ponction, et les abcès hépatiques secondaires à une angiocholite d’origine parasitaire (distomatoses, rupture de kyste hydatique dans les voies biliaires et migration erratique de vers adultes), le prototype de cette forme clinique est l’amibiase hépatique, localisation extraintestinale la plus fréquente de l’amibiase maladie.

Elle est liée à l’embolisation d’Entamoeba histolytica histolytica par voie portale à partir d’une localisation colique initiale obligatoire et souvent passée inaperçue, pouvant remonter à plusieurs années, voire non détectable au moment de la complication hépatique.

Les lésions résultent d’une digestion protéolytique par des enzymes sécrétées tant par l’amibe que par les polynucléaires lysés par celle-ci, d’où l’appellation préférentielle d’amibiase hépatique plutôt qu’abcès amibien hépatique, la collection de nécrose contenant un pus chocolat amicrobien.

À côté de la classique hépatomégalie douloureuse et fébrile affectant préférentiellement un adulte masculin au retour d’une zone d’endémie, d’autres aspects cliniques plus trompeurs doivent tout autant faire évoquer cette protozoose : fièvre isolée (3-4 %) associée à l’examen à une douleur à l’ébranlement en masse du foie ; forme atténuée lors de la prise concomitante de chloroquine dotée d’une activité amoebicide ; hépatomégalie pseudotumorale ; ictère par compression des voies biliaires ; compression vasculaire intrahépatique à l’origine de thrombose portale ou d’un syndrome de Budd-Chiari ; forme suraiguë exceptionnelle survenant volontiers sur un terrain débilité en association à une colite amibienne aiguë grave.

Le diagnostic est établi par l’anamnèse, l’imagerie qui prouve la localisation extracolique et la sérologie qui en démontre l’étiologie amibienne.

La biologie, aspécifique, montre une polynucléose neutrophile (90 %) et un syndrome inflammatoire marqué.

Les tests hépatiques, souvent normaux, peuvent montrer une cholestase modérée, parfois une cytolyse.

L’échographie hépatique, décisive mais non spécifique, précise le nombre, la topographie et le volume de la ou des collections.

Trois types d’image traduisent l’évolution de la phase présuppurative à la phase collectée : hypoéchogène (paroi fine, sans renforcement postérieur), liquidienne pure (anéchogène, sans paroi et à renforcement postérieur franc) et mixte (échos internes non homogènes).

Un discret oedème de la tête du pancréas et un épaississement de la paroi vésiculaire peuvent être observés à un stade très précoce avant la constitution de la collection.

La tomodensitométrie (TDM), utile en cas de complications, montre une cavité à contenu hypodense, limitée par une paroi d’épaisseur variable, se rehaussant après injection de produit de contraste et parfois entourée d’un halo oedémateux.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne semble pas apporter d’éléments supplémentaires.

La sérologie, positive en règle très précocement, repose sur l’association de deux techniques sensibles et spécifiques (immunofluorescence indirecte, hémagglutination indirecte, enzymelinked immunosorbent assay [Elisa]), à répéter 1 semaine plus tard en cas de séronégativité initiale qui n’aura pas fait attendre la mise en route du traitement amoebicide par imidazolés.

La ponction de la collection à visée diagnostique, précédée de la prise d’imidazolés afin d’éviter une dissémination sur le trajet de ponction, est rarement nécessaire.

Le diagnostic différentiel comporte en pratique les abcès à pyogènes et, en zone d’endémie, le carcinome hépatocellulaire, d’autant que celui-ci peut mimer une forme pseudosuppurative (5 %) et s’associer à une séropositivité amibienne.

La précision des caractères anatomiques et le terrain conditionnent la tactique thérapeutique, dominée par une approche médicale, la chirurgie étant réservée aux complications.

Un traitement par amoebicide de contact (tiliquinol-tilbroquinol) est associé afin d’éradiquer l’infection colique, source de récidive et de dissémination.

Le suivi échographique, non requis en l’absence de complications, peut montrer une image résiduelle pendant de nombreux mois.

3- Ictère cholestatique fébrile :

L’échographie hépatobiliaire est l’examen clé dans cette forme clinique pour différencier un obstacle biliaire d’une cholestase intrahépatique.

* Obstacle biliaire :

L’obstacle biliaire parasitaire ne revêt pas de spécificité clinique et peut être totalement asymptomatique, se manifester par des accès de colique hépatique ou traduire une complication : angiocholite et cholécystite aiguës ; abcès hépatique.

L’ascaridiose hépatobiliaire, la plus fréquente des migrations extra-intestinales de l’ascaris avec celle des voies pancréatiques, et les distomatoses hépatiques à la phase d’état sont les types de description.

L’échographie détecte les vers dans l’arbre biliaire.

Les ascaris apparaissent sous la forme de longues structures échogènes linéaires sans cône d’ombre, parfois mobiles.

Les « grandes » douves sont identifiées sous la forme d’images mobiles de 10 à 20 mm (Fasciola hepatica) ou de plus de 60 mm (Fasciola gigantica), ovales, hyperéchogènes à centre hypoéchogène, dont la juxtaposition dans la vésicule biliaire réalise un aspect en « anneaux olympiques ». Pendant leur migration dans le parenchyme hépatique, on peut visualiser par TDM des images hétérogènes hypodenses mimant un angiome.

Les autres douves (Dicrocoelium lanceolatum ou petite douve anciennement dénommée D. dendriticum, Clonorchis sinensis, Opistorchis viverrini et plus rarement O. felineus) sont inconstamment visualisées, car de petite taille, et diagnostiquées par la détection d’oeufs dans les selles et les sérologies.

La cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique est la méthode la plus sensible pour identifier le parasite et offre des possibilités thérapeutiques).

Ses indications sont réservées aux échecs des traitements médicamenteux (benzimidazolés ou ivermectine pour l’ascaridiose, triclabendazole pour les fascioloses et praziquantel pour les autres distomatoses hépatiques) et aux situations d’urgence nécessitant un drainage biliaire.

L’extraction perendoscopique permettrait de ne pas laisser de vers morts ou de résidus possiblement lithogènes dans la voie biliaire.

* Cholestase intrahépatique :

Trois protozooses peuvent se manifester par une cholestase intrahépatique, dont le diagnostic n’est pas toujours aisé et requiert de se référer constamment au contexte épidémiologique.

– Leishmaniose viscérale. Les tests hépatiques sont habituellement normaux dans la leishmaniose viscérale ou kala-azar méditerranéen, bien qu’une hépatomégalie, associée à la triade clinique « fièvre, splénomégalie et pâleur » cependant inconstante, soit observée dans 60 % des cas.

Un ictère (7 %) et une cytolyse (22 %) doivent amener à rechercher une cause associée, en particulier une hépatite virale.

Le diagnostic repose impérativement sur la mise en évidence du parasite dans les sites anatomiques, dont les plus classiques sont la moelle osseuse, le foie et les ganglions.

L’histologie hépatique peut montrer une granulomatose dans les formes infra-cliniques ou paucisymptomatiques et, lorsque la maladie est établie, des cellules de Küpffer hypertrophiées et massivement envahies par des formes amastigotes, d’aspect caractéristique sous la forme de corps ronds ou ovales de 2 à 3 mm, dont le cytoplasme et le noyau sont fortement colorés par la coloration de Giemsa.

Les hépatocytes peuvent être infestés et les espaces portes infiltrés par des cellules mononucléées.

Une fibrose focale intralobulaire est possible et réversible, sans cirrhose.

– Paludismes. Bien que l’hépatocyte soit le site initial d’invasion et de multiplication des sporozoïtes injectés dans le sang par la piqûre des moustiques Anopheles femelles, les perturbations de l’homéostasie hépatique lors des accès palustres aigus ne sont que les conséquences des modifications rhéologiques, métaboliques et immunologiques liées à l’érythrocytopathie.

Le foie, hypertrophié par l’oedème (40 %) et friable, peut devenir ferme avec la chronicité.

Il prend une teinte rosée à grise liée au pigment paludéen (hémozoïne) déposé dans les cellules de Küpffer hypertrophiées et témoins de la phagocytose des hématies parasitées par le système réticuloendothélial.

Dans les formes graves liées à l’infection par Plasmodium falciparum, la baisse du débit sanguin hépatique, la vasoconstriction des veines hépatiques, l’obstruction sinusoïdale par des hématies parasitées, l’altération du métabolisme microsomial et la libération de métabolites peuvent entraîner une hyperbilirubinémie conjuguée, une hypoglycémie par altération de la néoglucogenèse et une diminution de la synthèse des facteurs de coagulation.

Aucun cas d’insuffisance hépatique n’a cependant été attribué de façon convaincante au paludisme.

Les chimiothérapies antipaludiques peuvent entraîner des hépatites granulomateuses (quinine) ou immunoallergiques (amodiaquine).

– Trypanosomose humaine africaine. Une hépatomégalie avec hyperbilirubinémie, cholestase et cytolyse sont inconstamment associées à la splénomégalie et aux adénopathies lors de la phase lymphaticosanguine.

Elles sont liées à la dissémination des trypanosomes à tout le système histiomonocytaire.

B - TROIS TABLEAUX CHRONIQUES :

1- Anomalies des tests hépatiques :

Il s’agit fréquemment d’une élévation isolée de la gamma-glutamyltransférase et/ou des aminotransférases, sans cause habituelle décelée.

Le contexte épidémiologique est déterminant, de même que la présence d’une discrète hyperéosinophilie, qui orientent vers des étiologies parasitaires cosmopolites, telles la toxocarose et la fasciolose, ou plus ciblées mais rares telles les clonorchiases et la capillariose.

L’infection toxoplasmique chez les patients immunocompétents, dont l’expression hépatique est cependant plutôt aiguë (hépatite avec perturbation transitoire des tests hépatiques) et rare , peut également connaître une évolution prolongée.

Dans l’ensemble de ces situations, le diagnostic peut être étayé par les sérologies mais demeure un diagnostic d’élimination.

La ponction-biopsie hépatique, proposée en l’absence de diagnostic, identifie souvent une granulomatose hépatique avec dans les cas les plus favorables l’identification de débris parasitaires, sous réserve de disposer d’un parasite peu remanié et de suffisamment de plans de coupe.

L’infection paludique chronique peut s’accompagner d’une perturbation des tests hépatiques par le biais d’une évolution à médiation immunitaire.

La présentation clinique, orientée par la détection d’une splénomégalie souvent volumineuse, revêt deux modalités évolutives : syndrome de splénomégalie tropicale avec présence d’un infiltrat lymphocytaire sinusoïdal très évocateur et paludisme viscéral évolutif affectant préférentiellement l’enfant.

2- Anomalies hépatiques à l’imagerie :

La large diffusion des clichés radiographiques de l’abdomen sans préparation, des techniques échographiques et de la TDM constitue autant de circonstances de découverte, parfois fortuite, d’affections parasitaires.

* Hydatidose hépatique :

L’hydatidose, maladie hydatique ou échinococcose vésiculaire, est due au développement chez l’homme de la larve du tænia du chien, Echinococcus granulosus.

Affectant jusqu’à 5 % de la population des pays d’élevage en voie de développement, elle réalise dans ces zones de forte endémie un important problème de santé publique.

L’atteinte hépatique est la plus fréquente des localisations (de 50 à 70 %) de cette impasse parasitaire, dont les localisations extrahépatiques sont multiples.

La découverte fortuite est fréquente du fait de son caractère souvent asymptomatique en l’absence de complications mécaniques (effet de masse, rupture, compression), septiques ou toxiques (hypersensibilité systémique par libération d’antigènes parasitaires).

L’imagerie visualise le kyste et ses éléments constitutifs comparés à une « sphère creuse contenant un liquide sous tension et des vésicules », dont la traduction apparaît différemment suivant le degré de maturation et la viabilité. Elle permet de détecter les complications, de réaliser des dépistages de masse et d’effectuer des traitements instrumentaux.

Le kyste peut présenter sur les clichés radiographiques de l’abdomen sans préparation un aspect caractéristique quasi pathognomonique : surélévation de la coupole diaphragmatique droite et calcifications de type arciforme ou annulaire.

En fonction du stade évolutif, l’échographie abdominale permet de préciser cinq types, dont la reconnaissance, aisée dans les trois premiers types qui sont actifs (I : image liquide pure, II : décollement total ou parcellaire des membranes, III : présence de vésicules endocavitaires), nécessite le recours à une TDM dans les deux derniers types a priori considérés comme inactifs. Après injection intraveineuse iodée, le quatrième type pseudotumoral ne montre pas de rehaussement de densité de la paroi ou des cloisons des vésicules, ce qui permet d’éliminer a priori une éventuelle tumeur kystique, et le cinquième est totalement calcifié.

L’IRM est réservée aux complications biliaires et au bilan étiologique d’un kyste n’ayant pas fait sa preuve.

Le diagnostic est établi en confrontant ces données morphologiques aux examens biologiques : tests hépatiques habituellement normaux en dehors des complications, discrète hyperéosinophilie inconstante et souvent témoin d’une fissuration du kyste, et sérologies dont la combinaison de techniques qualitatives (électrosynérèse) et quantitatives (Elisa) obtient une sensibilité et une spécificité comprises entre 90 et 95 %.

Le traitement, classiquement chirurgical, a récemment bénéficié de l’apport de l’albendazole en prise prolongée et du protocole de traitement percutané « ponction-aspiration-injection-réaspiration » pour les kystes non compliqués.

L’identification d’une complication, le caractère symptomatique ou à risque, la détermination de la viabilité et l’accessibilité du kyste conditionnent la tactique thérapeutique.

* Échinococcose alvéolaire :

L’échinococcose alvéolaire est une impasse parasitaire rare des zones septentrionales du globe, due au développement intrahépatique de la larve du tænia du renard, Ecchinococcus multilocularis.

La larve, qui infeste accidentellement l’homme, gagne le foie par voie portale et se multiplie de façon indéfinie à la manière d’une néoplasie qui fait toute la gravité de la maladie.

Les kystes, non limités par une coque fibreuse à la différence de ce qui est observé dans l’hydatidose, progressent lentement dans le foie en développant des lésions nécrotiques et fibreuses irréversibles, caractérisées par un tropisme vasculaire et biliaire, dont la complexité reflète le polymorphisme des aspects en imagerie. Un déterminisme génétique, immunomédié, rendrait compte du développement de la maladie chez certains individus prédisposés.

Les formes asymptomatiques sont de description plus fréquente depuis la généralisation de l’imagerie.

Elles devancent l’ictère cholestatique, l’hépatomégalie, les douleurs abdominales et les complications plus rarement révélatrices : infection biliaire, syndrome de Budd-Chiari, hypertension portale, métastases pulmonaires.

Les enzymes de cholestase, habituellement élevées, peuvent être normales malgré un important volume tumoral.

L’hyperéosinophilie est inconstante ; l’hypergammaglobulinémie, dépassant 30 g/l dans 80 % des cas, contraste avec une protéine C réactive souvent normale.

La radiographie de l’abdomen sans préparation peut montrer des calcifications de l’hypocondre droit en « mie de pain ».

L’échographie montre dans les cas les plus typiques (75 %) un processus expansif d’échostructure hétérogène, de contours irréguliers, d’aspect nodulaire ou infiltratif ; le tissu fibroparasitaire est hyperéchogène et les plages de nécrose sont trans-sonores, irrégulières et centrales.

Les formes focales homogènes nodulaires, massivement calcifiées et pseudokystiques ou cavitaires sont plus atypiques.

La TDM apprécie mieux le nombre, la taille et la topographie exacte du ou des foyers parasitaires, mais ces performances sont inférieures à celles du doppler pulsé pour apprécier l’extension vasculaire.

L’aspect typique est celui d’une masse souvent unique, de grande taille, globalement hétérogène hypodense et ne se rehaussant pas ou très faiblement après injection.

L’IRM est la meilleure technique pour analyser les contenus des foyers parasitaires : hypo-intensité en pondération T1 et T2 de la fibrose prenant le contraste après injection de gadolinium, hypersignal des vésicules en pondération T2, extension vasculaire et extrahépatique de contiguïté.

La détection d’anticorps spécifiques (Elisa « Em2+ ») a une grande valeur diagnostique et permet le suivi thérapeutique. Un diagnostic précoce autorise un traitement chirurgical curateur et limité.

L’inextirpabilité et l’extension des lésions rendent nécessaire la combinaison de chimiothérapies antiparasitaires prolongées (benzimidazolés) et de résections chirurgicales.

Une transplantation hépatique peut être proposée dans les situations extrêmes, avec un taux de survie de 60 % à 5 ans.

* Schistosomiases hépatiques :

L’atteinte hépatique au cours des schistosomiases est constante mais inégale selon les cinq espèces pathogènes pour l’homme et est la conséquence du développement d’un granulome ovulaire fibrosant.

Le granulome fait suite à l’embolisation dans les veinules portes des oeufs pondus par les vers adultes vivant et s’accouplant dans des territoires veineux de prédilection et détermine la première cause d’hypertension portale par bloc intrahépatique présinusoïdal dans le monde.

Schistosoma mansoni, résidant principalement dans les plexus veineux mésentériques coliques et agent de la schistosomiase intestinale et hépatosplénique, S. japonicum et S. mekongi, résidant principalement dans les plexus veineux mésentériques du grêle et responsables d’une schistosomiase surtout intestinale avec manifestations hépatiques fréquentes, sont les trois schistosomes qui ont un tropisme hépatique électif et déclenchent une atteinte souvent sévère qui fait toute la gravité de la maladie.

S. haematobium (schistosomiase urogénitale) et S. intercalatum (schistosomiase rectosigmoïdienne), dont les oeufs s’embolisent également dans le foie, ne donnent jamais de forme symptomatique.

Les antigènes provenant du miracidium présent dans l’oeuf entraînent une réaction d’hypersensibilité retardée, médiée par les lymphocytes T dont la sécrétion de lymphokines provoque, par un recrutement de macrophages, de polynucléaires éosinophiles et d’histiocytes, la formation d’un granulome centré par l’oeuf de schistosome.

La fibrose qui succède à la réaction granulomateuse évolue sur un mode concentrique périvasculaire engainant les espaces portes, à l’origine de la fibrose en « tuyaux de pipe » décrite par Symmers en 1904.

Elle détermine une hypertension par bloc présinusoïdal (gradient de pression hépatique normal) sans modification de l’architecture hépatique.

La présence de lésions de cirrhose chez un schistosomien doit faire évoquer l’association d’une autre cause : toxique (alcool) ou virale B ou C.

L’examen clinique est longtemps normal et les manifestations de l’hypertension portale sont en règle générale tardives. 

L’hépatomégalie est fréquente, modérée, prédominant sur le lobe gauche et à bord inférieur tranchant non douloureux, associée à une splénomégalie.

L’hémogramme peut montrer une cytopénie.

L’hyperéosinophilie est souvent absente à cette phase de focalisation viscérale.

Les tests hépatiques, le plus souvent normaux, montrent parfois une augmentation modérée des phosphatases alcalines et une hypergammaglobulinémie.

Cette relative latence clinicobiologique, en l’absence de complications, explique que l’échographie puisse amener à découvrir la maladie, particulièrement en zone d’endémie.

L’échographie identifie la fibrose périportale sous la forme d’un épaississement de la paroi des vaisseaux portes (aspect en « rail »), montre l’absence de dysmorphie hépatique et apprécie le degré d’hypertension portale (réseaux veineux de dérivation portocave, splénomégalie, anomalies hémodynamiques en analyse doppler).

Différentes classifications échographiques ont été proposées pour quantifier l’importance des anomalies mais elles ont des performances discordantes pour les lésions débutantes.

L’endoscopie oeso-gastro-duodénale complète les explorations, à la recherche de varices oesogastriques et d’une gastropathie d’hypertension portale.

La TDM identifie la fibrose périportale extensive sous la forme d’une zone hypodense pathognomonique et peut montrer des calcifications intra- et extrahépatiques.

Le diagnostic, étayé par le contexte épidémiologique, la mise en évidence directe du parasite dans le côlon (biopsies rectales systématiques le plus souvent positives quelle que soit l’espèce en cause) et les sérologies spécifiques, peut nécessiter le recours à une biopsie hépatique dans les cas difficiles ou lors d’association pathologique.

Le traitement antiparasitaire (praziquantel) est toujours indiqué pour interrompre la ponte ovulaire en éradiquant les vers adultes dont la durée de vie peut être très prolongée et pour limiter la fibrose hépatique potentiellement réversible.

Une prophylaxie primaire de la rupture des varices oesophagiennes doit être discutée.

* Pentastomoses :

Les localisations hépatiques des pentastomoses sont le plus souvent asymptomatiques, découvertes de façon fortuite lors d’examens radiologiques, d’interventions chirurgicales et d’autopsie où elles représentent une étiologie fréquente de granulomatose hépatique en Afrique.

Des calcifications hépatiques nodulaires (linguatulose) ou annulaires (porocéphalose) et des nodules blanchâtres hémicirculaires ou en anneaux brisés situés sous la capsule de Glisson et pouvant prêter à confusion avec des métastases, sont les aspects le plus souvent observés.

Une compression de la voie biliaire ou du tronc porte est possible.

* Cysticercose :

L’atteinte hépatique au cours de la cysticercose, dont les localisations cérébrales et oculaires établissent le pronostic, est fréquente et classiquement asymptomatique.

Une lésion abcédée, des nodules et des calcifications disséminées ont été rapportés.

3- Complications liées à la chronicité :

La méconnaissance ou l’absence de suivi d’une parasitose à tropisme hépatique peut conduire à sa révélation ou à une exacerbation par une complication mécanique constituant habituellement un facteur de gravité immédiat, car mettant en jeu le pronostic vital, ou par une complication néoplasique, témoignant alors d’une affection déjà évoluée.

Les ruptures de varices oesophagiennes constituent un mode de révélation classique de l’hypertension portale d’origine schistosomienne.

Une anémie par déperdition liée à une gastropathie d’hypertension portale peut également être révélatrice.

La démarche diagnostique, passé la phase aiguë d’hémostase médicale (vasoconstricteurs) et endoscopique (ligature élastique, sclérose), conduit à éliminer le diagnostic d’une cirrhose et à confirmer celui d’une hypertension portale présinusoïdale d’étiologie bilharzienne.

L’absence de cirrhose et d’insuffisance hépatocellulaire fait souvent préférer en zone d’endémie un traitement chirurgical qui privilégie deux interventions.

La dévascularisation oesogastrique associée à une splénectomie donne des résultats équivalents à l’anastomose splénorénale distale selon Warren en termes de récidives hémorragiques, avec une incidence d’encéphalopathie hépatique moindre.

Les complications mécaniques des collections hépatiques, kystes hydatiques ou abcès amibiens, qu’elles se traduisent par une rupture dans les voies biliaires, le péritoine ou un organe de voisinage (péricarde, plèvre et poumons), ou par une compression vasculaire, biliaire ou digestive, constituent également autant de modes de révélation dont la gestion en urgence peut s’avérer délicate et parfois non codifiée.

Le développement d’un cholangiocarcinome, fréquent lors des infestations prolongées par les distomatoses asiatiques, pose parfois de difficiles problèmes diagnostiques car les voies biliaires sont déjà sérieusement remaniées par des séquences infectieuses répétées et la présence de lithiases.

L’IRM est très utile dans ces circonstances, aidée de la cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique qui permet des brossages et des biopsies dirigés dans les cas les plus accessibles.

Un hépatocarcinome est également possible, développé sur un foie de cirrhose biliaire secondaire à l’obstacle parasitaire chronique.

La dégénérescence néoplasique de la bilharziose hépatique n’est pas constatée en l’absence d’altération des hépatocytes par un virus hépatotrope.

C - FOIE PARASITAIRE ET IMMUNODÉPRESSION :

Les circonstances d’immunosuppression, infection par le virus de l’immunodéficience humaine, corticothérapie prolongée, immunosuppresseurs, favorisent une atteinte hépatobiliaire par des agents opportunistes ou par une diffusion parasitaire systémique.

La dissémination extra-intestinale des cryptosporidies et des microsporidies est fréquemment à l’origine de cholécystites alithiasiques, de sténoses des voies biliaires extrahépatiques, de cholangite sclérosante et d’hépatite granulomateuse, à l’exclusion de Enterocytozoon bieneusi et Encephalitozoon intestinalis pour cette dernière localisation.

Les manifestations de la leishmaniose sont souvent intriquées à d’autres infections opportunistes et à des interactions médicamenteuses également sources de perturbations des tests hépatiques.

La triade clinique du kala-azar est souvent absente et la dissémination permet une plus grande variété des sites d’isolement des leishmanies, en particulier : la peau, le sang circulant et le tube digestif.

Les réactivations d’une infection toxoplasmique chronique et plus rarement la progression rapide d’une infection récente où le système nerveux central, les poumons et les yeux sont les organes le plus souvent atteints, peuvent provoquer une nécrose focale hépatique et la détection de tachyzoïtes et pseudokystes dans les hépatocytes, et à moindre degré dans les cellules biliaires, les cellules de Küpffer ou les cellules mésenchymateuses du système porte. Une insuffisance hépatique aiguë est possible, mais rare.

L’atteinte hépatique au cours de la strongyloïdose n’est observée qu’en cas de dissémination multiviscérale des larves, favorisée par une corticothérapie ou une infection par le rétrovirus human T-cell lymphoma virus 1, l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ne semblant pas impliquée.

Les larves sont produites par un cycle d’auto-infestation endogène qui caractérise cette helminthiase de l’intestin grêle.

L’hyperéosinophilie manque dans cette forme.

Les lésions hépatiques, directement causées par les larves ou par une infection secondaire par des micro-organismes intestinaux accompagnant leur migration, déterminent une granulomatose, une stéatose, parfois une cholestase et rarement une obstruction biliaire.

La détection des larves dans les selles par la méthode de Baerman est aisée dans ces formes disséminées, potentiellement létales.

Le traitement fait appel à l’ivermectine, mais doit surtout être préventif par la recherche systématique et le traitement de toute anguillulose intestinale chez les sujets à risque.

Conclusion :

Le foie parasitaire est une entité aux multiples facettes dont la fréquence est très variable selon l’espèce en cause et dont l’expression clinique domine dans les pays en voie de développement, zones de haute endémicité parasitaire.

Les parasites peuvent y transiter, être hébergés, être piégés, avec des conséquences qui vont de l’épiphénomène aux manifestations anatomocliniques graves mettant en jeu le pronostic vital.

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