Fentes labiales et palatines Traitement primaire Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le traitement chirurgical primaire des fentes labiales et palatines
représente le temps essentiel du traitement de la malformation.
De la
qualité du traitement initial, du calendrier de celui-ci, de l’expérience du
chirurgien, vont dépendre l’avenir et la croissance maxillofaciale de
l’enfant.
Le résultat du traitement primaire est certes jugé initialement
mais surtout à deux occasions, d’abord par l’intégration sociale de
l’enfant, ensuite en fin de croissance du jeune adulte porteur de la
malformation.
Bien qu’il s’agisse d’une malformation fréquente, ce traitement doit être
entrepris par une équipe spécialisée multidisciplinaire, comprenant bien
entendu les chirurgiens mais aussi l’orthodontiste, les orthophonistes ou
phoniatres, l’ORL, l’audiométriste avec la participation de généticiens,
psychologues et pédiatres.
Le traitement initial doit essentiellement reconstituer l’anatomie
normale de la lèvre et du palais.
Il impose la remise en place des
structures musculaires, de rétablir l’équilibre fonctionnel de la sangle
musculaire pharyngopalatolinguale au même titre que la structure
labiofaciale.
L’équilibre obtenu permet d’envisager une croissance de
bonne qualité.
L’âge des interventions primaires s’est beaucoup modifié dans les
20 dernières années : c’est surtout l’amélioration des conditions d’anesthésie pédiatrique, et en particulier le maintien de l’homéothermie
de l’enfant, qui ont permis d’avancer l’heure du traitement primaire.
La qualité du traitement chirurgical, son caractère atraumatique,
l’utilisation des méthodes de grossissement (loupes ou microscope), la
reconstitution anatomique des éléments malformés permettent
aujourd’hui d’espérer un excellent pronostic en fin de croissance et de
diminuer la fréquence des interventions secondaires.
Le calendrier de traitement de la malformation est des plus variables
selon les auteurs.
La grande majorité de ceux-ci insistent aujourd’hui sur
l’importance de la langue dans l’équilibre de la croissance et de la
morphologie faciale.
Malek propose de reconstituer le palais postérieur dans un premier
temps à 3 mois, la lèvre et le palais primaire 3 mois plus tard.
De nombreuses équipes ont choisi de rétablir dans le même temps, lèvre
et voûte palatine, ce qui rétablit l’équilibre des structures musculaires pharyngolinguofaciales.
Le calendrier de cette intervention, les
modalités et la date de la fermeture du palais primaire osseux sont des
plus variables selon ces équipes.
Les Américains sous l’influence de Simon, de Johanson, de
Millard et de ses élèves préconisent la lip adhesion au cours du
premier mois pour rapprocher les structures osseuses et faciliter le
traitement primaire de la lèvre et du palais effectué entre 6 mois et 1 an.
Les Européens sont moins favorables à la lip adhesion accusée de
provoquer un sacrifice excessif de tissus.
L’orthopédie néonatale par plaque développée depuis McNeil, puis
Hagerty, Mylin et Hess a encore de fervents défenseurs, mais une
confrontation récente au cours du 8e Congrès international des fentes
labiales et palatines à Singapour a montré qu’un grand nombre d’équipes
n’étaient pas convaincues de l’intérêt de la méthode.
Embryologie
:
La lèvre supérieure résulte de la convergence de trois bourgeons :
– le bourgeon maxillaire en dehors ;
– les processus nasal latéral et nasal médial, émanation secondaire du
bourgeon frontal par invagination de la placode nasale vers la
4e-5e semaine.
Ces bourgeons fusionnent vers la septième semaine pour former
l’ébauche de la face.
Le palais secondaire est formé par les processus palatins qui initialement
croissent vers le bas à partir des processus maxillaires, avant de pivoter
vers un plan horizontal et de s’unir l’un à l’autre après abaissement
lingual entre la 7e et la 10e semaine.
Le défaut d’accolement relève de deux étiologies : dans la grande
majorité des cas c’est un défaut d’accolement des bourgeons par « nonmort
cellulaire des berges », les bourgeons étant par ailleurs normaux.
Dans d’autres cas, l’hypoplasie d’un bourgeon peut être plus ou moins
marquée, il s’agit là, le plus souvent, du bourgeon nasal interne, et le
pronostic sur la croissance maxillofaciale, et parfois sur le
développement psychomoteur, est alors moins bon.
Les bourgeons
primaires et secondaires faciaux en effet dérivent du prosencéphale.
Anatomie
:
La lèvre normale est caractérisée par sa morphologie, sa mobilité et sa
fonction.
La lèvre et la bouche représentent un organe de relation essentiel à
l’individu : organe de relation avec autrui par les sons et la
communication orale, organe de séduction par le sourire, d’attirance,
organe sexuel, premier contact avec l’autre.
La lèvre représente aussi l’un des éléments essentiels de la relation avec
soi-même : elle est la porte de l’orifice buccal, la voie normale
d’alimentation de tout individu, elle participe à toutes les fonctions de
l’oralité.
A - Anatomie de la lèvre supérieure normale
:
Elle présente trois plans : un plan superficiel de recouvrement, un plan
musculaire, un plan postérieur ou interne représentant la face muqueuse
de la lèvre.
1- Plan superficiel
:
Ses dimensions peuvent varier d’un sujet à l’autre, il comporte :
– la lèvre rouge ou vermillon, plus ou moins épaisse dont la longueur
d’une commissure à l’autre est égale à celle de la lèvre inférieure ;
– la jonction lèvre blanche-vermillon donne à la lèvre un aspect qui
marque en partie la personnalité de chaque individu.
Cette ligne cutanéomuqueuse est surmontée d’une crête cutanée accrochant la
lumière : le « limbe cutané », lieu de projection antérieur maximal de la
lèvre supérieure.
Cette crête, dans l’ensemble concave vers le bas,
présente à sa partie moyenne un arc médian à concavité supérieure limité
latéralement par les crêtes philtrales : l’arc de Cupidon ;
– la lèvre blanche, symétrique par rapport à un axe tendu de la base de
la cloison nasale ou columelle au sommet de l’arc de Cupidon, présente
une dépression centrale, le philtrum, limité latéralement par les deux
crêtes philtrales légèrement obliques en bas et en dehors et dont le relief
s’amenuise de la base de la columelle aux extrémités latérales de l’arc
de Cupidon.
2- Plan musculaire
:
Il est formé essentiellement du muscle orbiculaire de la bouche
(orbicularis oris) qui présente trois faisceaux :
– le demi-orbiculaire supérieur ou faisceau principal tendu d’une
commissure à l’autre, constitué de fibres musculaires parallèles réalisant
le bord libre de la lèvre.
Il constitue toute l’épaisseur de la lèvre rouge.
Son bord supérieur déborde légèrement au-dessus du limbus ; il est
surmonté de l’artère coronaire ;
– le faisceau incisif moyen, situé au-dessus du précédent, dont les fibres
les plus superficielles se terminent sur les crêtes philtrales ;
– le faisceau incisif supérieur ou nasolabial tendu des commissures à la
base de la columelle.
Le muscle orbiculaire intrinsèque reçoit les terminaisons des muscles
dits extrinsèques : de dehors en dedans, le muscle grand zygomatique,
petit zygomatique, releveur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez, et
le muscle nasal en dedans.
Ces muscles viennent se terminer sur
l’orbiculaire et la peau de la lèvre supérieure pour les plus externes.
Le muscle nasal dans son faisceau inférieur ou partie alaire s’enroule en
dedans et va rejoindre le faisceau supérieur de l’orbiculaire pour former
le seuil narinaire.
Ces muscles participent de manière importante à la souplesse et à la
mobilité de la lèvre.
Ces qualités prennent toute leur valeur, non
seulement dans la mimique, mais aussi dans la parole, en particulier dans
l’énoncé des phonèmes labiaux.
3- Face muqueuse ou face postérieure
:
Elle forme, avec la fibromuqueuse gingivale, le profond sillon
gingivolabial ou le vestibule de la lèvre marqué sur la ligne médiane par
un repli muqueux : le frein.
B - Lèvre supérieure
:
Elle repose sur un squelette osseux.
L’arc maxillaire est formé dans sa partie médiane par la réunion des deux
os maxillaires.
Il est essentiel dans la chirurgie des fentes labiales de reconstituer un arc
maxillaire valable de relief normal.
La qualité du relief osseux réalisé
par le maxillaire est à l’origine de la qualité du résultat plastique, ainsi
que du résultat fonctionnel : en effet, l’articulé dentaire est l’élément
essentiel d’un bon résultat, tant sur la mastication, que sur la statique
finale de la lèvre.
Le squelette de l’étage moyen de la face, dans sa partie antérieure, est
constitué par les deux os maxillaires droit et gauche.
Ils se rejoignent à
la partie médiane dans leur portion inférieure, pour former la crête nasale
ou l’épine nasale antérieure, sur laquelle va venir s’insérer la cloison
cartilagineuse des fosses nasales.
Le processus frontal de l’os maxillaire
forme avec l’os nasal, la partie latérale et haute de l’ouverture piriforme.
La muqueuse endonasale est fortement adhérente au squelette nasal, au
contraire des téguments superficiels qui sont séparés de celui-ci par une
couche de tissus cellulaires mince mais très lâche qui permet une
mobilisation des téguments sur le squelette.
C - Squelette nasal
:
Il comporte deux portions : l’une supérieure osseuse, l’autre inférieure
cartilagineuse.
1- Squelette osseux
:
Il est formé :
– du processus frontal de l’os maxillaire, de l’os nasal et de l’épine
nasale du frontal pour la portion latérale de la pyramide ;
– de la lame verticale du vomer qui constitue la partie postérieure de la
cloison sagittale des fosses nasales.
Elle est située en arrière de la
pyramide nasale ;
– de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde mince, lame osseuse
sagittale, qui participe à la constitution de la cloison des fosses nasales.
Par son bord antérieur, elle s’unit en haut à l’épine nasale du frontal, en
bas par son bord antéro-inférieur au cartilage de la cloison.
Par son bord
postérieur, elle s’unit à la lame verticale du vomer.
2- Squelette cartilagineux ou inférieur
:
Il est formé par : le septum cartilagineux au milieu, latéralement par les
cartilages triangulaires ou latérosupérieurs et les cartilages alaires ou
latéro-inférieurs.
Le septum cartilagineux de forme quadrangulaire participe au
soutien de la pointe nasale par son extrémité caudale : son bord antérosupérieur ou céphalique continue celui de la lame perpendiculaire
de l’ethmoïde.
Il forme la partie moyenne de l’arête nasale.
Le cartilage latéral supérieur forme la partie moyenne du squelette
latéral de la pyramide nasale.
Son bord antérieur s’unit au cartilage de la
cloison et à celui du côté opposé.
Le bord supérieur s’unit au bord
inférieur de l’os nasal et du processus frontal du maxillaire.
Le bord
inférieur est libre, il s’unit à la partie latérale du cartilage alaire par une
membrane fibreuse.
Les cartilages alaires ou latéro-inférieurs forment le squelette et
la sous-cloison (dans la plus grande partie de son étendue) de la pointe
du nez et latéralement des ailes du nez.
Il est formé de la crus mésiale et
de la crus latérale.
3- Muscle nasal
:
Il recouvre la pyramide ostéocartilagineuse, il est rattaché en haut et au
milieu au muscle proserus.
Plus bas, il adhère à la cloison nasale au
milieu et se continue avec l’homologue du côté opposé.
Son bord postérosupérieur s’articule avec le muscle releveur de l’aile du nez et de
la lèvre supérieure.
Sa partie inférieure forme la partie alaire du muscle
nasal.
Sa reconstruction est aujourd’hui un temps important dans la
réparation des fentes labiopalatines.
D - Anatomie du palais
:
Le palais est constitué en avant d’un segment osseux formé par les lames
horizontales du palatin, en arrière par le voile du palais.
Le voile est une cloison musculomembraneuse, mobile, de forme
quadrilatère séparant la cavité buccale du cavum.
La face antéro-inférieure est concave et lisse.
Elle offre une saillie
médiane antéropostérieure qui prolonge, sur le voile, le repli de la voûte
palatine.
La face postérosupérieure convexe est en continuité avec la muqueuse
nasale.
Le bord postérieur dans sa partie médiane présente un
prolongement cylindroconique appendu plutôt à la face inférieure : la
luette.
De chaque côté, deux replis curvilignes, l’un antérieur, l’autre
postérieur : les piliers du voile du palais.
Le voile du palais est constitué par une lame fibreuse, des muscles et une
muqueuse.
1- Aponévrose palatine
:
Elle est constituée en grande partie par les fibres tendineuses du muscle péristaphylin externe et occupe la moitié antérieure du voile du palais
dont elle constitue la charpente.
2- Musculature du voile
:
Elle comprend de chaque côté cinq muscles :
– le péristaphylin externe qui se réfléchit au niveau du crochet de l’aile
interne de la ptérygoïde pour former l’aponévrose palatine ;
– le péristaphylin interne ou élévateur du voile ;
– le pharyngostaphylin formé de trois faisceaux attire le voile en arrière
et rétrécit l’isthme pharyngonasal.
Il contribue à former le relief du pilier
postérieur du voile ;
– le palatostaphylin ou azygos de la luette ;
– le glossostaphylin ou palatoglosse.
Les muscles du palais assurent ainsi une sangle en continuité du
constricteur du pharynx jusqu’aux muscles faciaux comme le montre le
schéma de Chancholle.
Ainsi, au niveau du voile, il apparaît nettement :
– que l’orientation générale des fibres musculaires est transversale et
qu’elle constitue un sphincter musculaire ;
– qu’il n’existe pas normalement d’insertions musculaires directes au
bord postérieur des lames horizontales du palatin, à l’exception toutefois
d’un faisceau accessoire des fibres tendineuses du muscle tenseur du
voile du palais, représentant un cinquième de ces fibres, qui se dirige
obliquement en avant et en dedans pour se terminer à la partie toute
latérale du bord postérieur des lames horizontales du palatin ;
– que l’aponévrose palatine est une entité anatomique distincte, et n’est
pas seulement le prolongement des fibres tendineuses terminales du
muscle tenseur du voile, même si ces fibres se perdent au sein de cette
aponévrose.
Il apparaît que cette aponévrose peut être facilement détachée du bord postérieur des lames horizontales du palatin et qu’elle
se continue plutôt avec la muqueuse des fosses nasales.
Formes anatomocliniques
:
Les fentes labiopalatines sont des malformations résultant d’une
fissuration plus ou moins large, plus ou moins complète dont les
différentes lésions sont associées de façon variable (Chancholle) :
– de la lèvre supérieure du bord libre au seuil narinaire ;
– du maxillaire de l’alvéole au bord postérieur de la voûte palatine ;
– du voile du palais, de la luette à son insertion palatine.
La classification généralement admise des fentes labiopalatines dépend
de l’embryologie.
A - Fente du palais primaire embryologique
:
Elle intéresse la zone labiale et maxillaire en avant du foramen incisif.
Elle est constituée entre la 4e et la 7e semaine de la vie intra-utérine.
B - Fente du palais secondaire embryologique
:
Elle intéresse la zone vélopalatine en arrière du foramen incisif.
Elle est
constituée entre la 7e et la 12e semaine de vie intra-utérine.
Toutes ces formes cliniques peuvent se voir : Chancholle a insisté
sur deux types de fentes en fonction du pronostic :
– les fentes bénignes respectant l’arc maxillaire ;
– les formes graves intéressant l’arc maxillaire.
Il semble nécessaire d’insister aussi sur le type embryologique de la
malformation :
– sont bénignes les fentes résultant d’un défaut d’accolement des
bourgeons secondaires faciaux par « non-mort cellulaire des berges » ;
– sont de moins bon pronostic les fentes résultant de l’hypoplasie d’un
bourgeon facial : les manques de tissus, les anomalies dentaires, les
malformations associées sont alors beaucoup plus fréquentes.
Analyse morphologique de la malformation
:
A - Fente labiale unilatérale
:
La fente labiomaxillaire et palatine représente le maximum de la
déformation.
Celle-ci touche la lèvre, le maxillaire et le nez.
1- Caractéristiques de la lèvre malformée
:
La lèvre d’une fente labiale unilatérale dans la forme habituelle présente
une fente située latéralement par rapport à l’axe médian défini par la
columelle et le sommet de l’arc de Cupidon.
Les insertions des faisceaux
supérieurs et inférieurs de l’orbiculaire, de chaque côté de la fente
attirent en haut le pied de cloison vers le côté sain, et la crus latérale du
cartilage alaire vers la partie externe.
L’insertion du faisceau supérieur
de l’orbiculaire sur les fragments externes et internes du maxillaire a
tendance à élargir la fente osseuse.
L’hypoplasie labiale n’existe pratiquement que sur la hauteur de la lèvre,
la longueur de la lèvre en particulier, la longueur de la crête sus-labiale ou limbe est retrouvée normale dans la quasi-totalité des formes
cliniques.
Elle est retrouvée tant du côté sain que du côté atteint.
Le
niveau où elle disparaît marque le début de la zone cicatricielle ou
d’aplasie.
Il est possible de contrôler que toute la longueur de la crête sus-labiale
peut être reconstruite : si on mesure la distance de la commissure au
sommet de la crête philtrale du côté sain, cette longueur peut être
retrouvée du côté fendu entre la commissure et le point d’effacement de
cette crête sus-labiale.
La muqueuse labiale est elle aussi touchée par l’aplasie régionale :
celle-ci prédomine au niveau de la berge interne où la muqueuse est
mince, sèche, écailleuse, par défaut du développement des glandes sousjacentes
: aussi, Veau l’a-t-il qualifiée de muqueuse stérile.
2- Caractéristiques du maxillaire malformé
:
La fente maxillaire siège latéralement au niveau de l’incisive latérale ou
en dehors de celle-ci.
Les déformations sont sous la dépendance des
tractions de l’orbiculaire, mais aussi de la pression linguale.
3- Caractéristiques du nez malformé
:
Du côté fendu, la malformation atteint tous les éléments de la narine ; il
n’existe pas ou peu d’hypoplasies des structures nasales ; la columelle,
les dimensions du cartilage alaire ou latéral, tant dans sa crus mésiale
que sa crus latérale, sont de longueur normale.
La déformation nasale
est essentiellement en rapport avec le déplacement des structures narinaires et leur étirement.
Le septum cartilagineux de la cloison nasale est déplacé du côté sain,
entraîné par l’épine nasale elle-même.
Il en résulte une torsion de la
cloison convexe du côté fendu.
Le cartilage latéral inférieur est plus ou moins affaissé, déformé par les
tractions musculaires qu’il reçoit.
À côté de l’action des faisceaux
supérieurs de l’orbiculaire, Talmant insiste sur l’action du muscle
nasal, dans ses faisceaux inférieurs ou alaires, dans la déformation du
cartilage alaire, ainsi que des muscles releveurs de l’aile du
nez et des muscles zygomatiques.
La qualité de la reconstitution de la sangle musculaire au niveau du seuil narinaire, ainsi que la reposition du cartilage alaire et du pied de cloison,
nous semblent faire partie des temps essentiels de la réparation primaire
des fentes labiopalatines.
B - Fente labiale bilatérale
:
La fente labiale bilatérale représente, dans sa forme labiopalatine totale
bilatérale, le maximum de la malformation et des déformations.
La partie externe de la lèvre est identique à celle d’une fente unilatérale.
La partie médiane de la lèvre est libre, appendue à la pointe du nez par
une columelle particulièrement courte : l’absence de sangle musculaire
orbiculaire explique la projection importante antérieure de la partie
incisive du maxillaire, et l’absence de crus mésiale du cartilage latéral
par déroulement de celle-ci sur la partie latérale de la narine.
C - Étude des muscles du voile divisé
:
En peropératoire, il nous a été possible de constater que, en cas de
division palatine, trois éléments essentiels de l’anatomie des muscles du
voile diffèrent de la normale :
– d’une part, l’orientation des muscles du voile est différente, postéroantérieure, presque sagittale, ne réalisant pas le sphincter
musculaire que montre le voile normal ;
– d’autre part, l’aponévrose palatine n’est pas retrouvée ;
– enfin, il existe des insertions musculaires clairement individualisables
des muscles du voile, directement sur le bord postérieur des lames
palatines.
En fait, les muscles se dirigeant dans un sens postéroantérieur
soit se prolongent au bord de la fente, soit se terminent directement au
bord postérieur des lames.
Il faut noter que dans notre expérience, en cas de division palatine
postérieure et même en cas de division sous-muqueuse, l’orientation
sagittale des fibres musculaires et l’insertion directe au bord postérieur
des lames horizontales du palatin sont retrouvées.
Principes du traitement primaire
:
A - Principes de réparation des fentes labiales
:
Au terme de « labioplastie » parfois employé, nous préférons plutôt le
terme de « réfection nasolabiale », tant le geste sur la narine et le seuil
narinaire, ainsi que la reposition du cartilage alaire paraissent essentiels
au rétablissement d’une bonne perméabilité narinaire, et d’un bon
équilibre musculaire labial.
Il est essentiel de reconstituer une lèvre de hauteur symétrique au côté
opposé, de longueur égale à la lèvre inférieure : la remise en place des
trois groupes de muscles est aujourd’hui essentielle à l’harmonie de la
lèvre, à sa mobilité, à la position du pied de cloison et à la symétrie narinaire.
1- Reconstituer une lèvre de longueur satisfaisante
:
Cela impose le respect du marquage des points cardinaux inférieurs de
la lèvre.
L’arc de Cupidon est dessiné.
Son sommet repéré, le sommet
de la crête philtrale du côté sain repéré, et le point symétrique par rapport
au sommet de l’arc de Cupidon représente le point inférieur de référence
de la jonction rouge-blanc de la berge interne de la lèvre.
Le point correspondant sur la lèvre externe est retrouvé là où disparaît la
crête sus-labiale de la lèvre externe.
Elle est à égale distance de la
commissure que le sommet de la crête philtrale du côté sain.
2- Assurer la projection du limbe
:
Les principes de réfection de la partie basse de la lèvre semblent encore
essentiels.
Un lambeau triangulaire de lèvre blanche dessiné sur la berge
externe, doit s’intégrer dans une incision effectuée juste au niveau de la
crête sus-labiale, sur un angle de 60 à 90° selon l’allongement en hauteur
que l’on veut obtenir.
Ce lambeau en triangle équilatéral mesure de 2,5 à 3 mm de côté selon
l’âge et a pour but non seulement d’augmenter la hauteur de la lèvre,
mais de réduire la longueur de celle-ci au-dessus de la crête sus-labiale.
Il améliore ainsi la projection du limbe. Ce lambeau est utilisé dans la
majorité des techniques chirurgicales modernes, en particulier dans de
nombreuses techniques inspirées de Millard.
La longueur mesurée
au niveau de la jonction lèvre blanche-vermillon doit être surmontée par
une partie de lèvre blanche dont la longueur est plus petite, de manière à
projeter cette crête sus-labiale.
3- Hauteur de la lèvre reconstituée
:
Elle doit être symétrique par rapport au côté sain.
Les différentes techniques modernes permettent d’obtenir cette hauteur
en gardant une longueur satisfaisante de la lèvre.
Millard propose
un procédé de rotation-avancement.
Les autres procédés relèvent de la
plastie en Z simple ou multiple.
4- Sangle musculaire
:
Il est capital de suturer les muscles du seuil narinaire : le muscle nasal
est suturé dans sa partie inférieure au surtout fibreux situé à la partie
postérieure de la crus mésiale du cartilage latéral, parfois représenté par des fibres musculaires correspondant au « muscle abaisseur » du septum
nasal, ou les fibres les plus internes et supérieures du faisceau supérieur
de l’orbiculaire.
Ainsi suturé, le muscle nasal réalise la corde qui soutient l’arc du
cartilage alaire.
L’orbiculaire est suturé en haut aux fibres homologues du côté opposé,
équilibrant les tractions au niveau du pied du septum.
Le bord libre doit être soigneusement suturé au côté opposé, de manière
à éviter l’« encoche de siffleur ».
5- Lèvre rouge
:
Elle est reconstituée essentiellement à partir de la berge externe : ce doit
être la règle dans les fentes bilatérales, de manière à compenser le
manque de fibres musculaires médianes.
C’est aussi la règle dans les
fentes unilatérales en s’appuyant sur le principe de Veau insistant sur le
caractère stérile de la muqueuse du fragment interne.
6- Vestibule
:
Il est soigneusement reconstitué au fil résorbable.
B - Principes de fermeture du palais
:
La méthode deVeau,Wardill et Kilner décrite dans la première partie du
XXe siècle, vers 1925-1930, reste encore la base de la technique de la
réparation du palais la plus employée aujourd’hui.
Le principe consiste à fermer la division palatine en trois plans.
1- Plan supérieur
:
C’est par réfection du plan nasal : en avant, suture de la muqueuse nasale
à la muqueuse vomérienne ; en arrière, suture de la muqueuse
nasale à l’homologue du côté opposé à la partie mobile du voile.
2- Plan moyen ou musculaire
:
Les muscles du voile sont, dans l’ensemble des techniques aujourd’hui, désinsérés du bord postérieur des lames et suturés sur la ligne médiane.
L’évolution actuelle est de reconstituer le diaphragme vélaire en
assurant le maximum de recul au voile.
3- Section de la muqueuse nasale
:
Certains ont proposé la section de la muqueuse nasale au bord postérieur
des lames et la rotation du muscle tenseur du voile : c’est la méthode
que nous avons adoptée de 1975 à 1997.
Cette méthode est discutée en raison de l’importance de la surface cruentée qu’elle laisse entre le bord
postérieur des lames et le plan mucomusculaire du voile en haut, mais
elle permet un recul très important et une excellente orientation des
muscles vélaires.
4-
Méthode de Furlow (1978)
:
Elle consiste en une double plastie en Z opposé : l’une sur le plan nasal,
l’autre sur le plan oral, d’après Randall.
Le muscle élévateur du voile de chaque côté est incorporé sur le lambeau
postérieur : l’un est incorporé au plan nasal, l’autre au plan buccal.
Ils
sont réorientés de la position antérosupérieure en une position transverse
et sont superposés sur la ligne médiane.
Le diaphragme vélaire est ainsi
reconstitué dans la partie postérieure du voile avec un recul obtenu grâce
à la plastie en Z.
Cette technique peut paraître séduisante dans les fentes postérieures ou
étroites, elle est beaucoup plus difficile dans les fentes très larges.
Elle
ne peut pratiquement pas être effectuée avant l’âge de 1 an.
5- Véloplastie intravélaire
:
Elle semble être la plus anatomique des réparations.
Présentée en 1967 par Kriens, et développée en Angleterre par Sommerlad : les muscles élévateurs et tenseurs du voile sont
disséqués à partir d’une incision du bord interne du voile du palais,
libérés de la muqueuse nasale et de la muqueuse palatine, désinsérés du
bord postérieur des lames.
La rotation de l’élévateur peut être obtenue et
reconstitue le diaphragme.
Les muqueuses sont attirées en arrière et le recul vélaire est alors
important.
Il peut être recommandé de s’aider, dans la dissection, de loupes et de
microscope, ce qui permet un meilleur décollement des muqueuses du
plan musculaire.
Ce type d’intervention est en général pratiqué vers
l’âge de 1 an.
La rupture du crochet de l’aile interne de la ptérygoïde est
obtenue par une incision courte de la fibromuqueuse en regard de
celle-ci.
Cette technique n’utilise pas la migration de la fibromuqueuse palatine.
6- Plan de la muqueuse palatine inférieure
:
Il est suturé soit isolément, soit le plus souvent avec le plan musculaire,
en utilisant des points de Blair-Donati.
C - Conduite à tenir sur la fente alvéolaire
et le palais antérieur :
Le problème de fermeture du palais antérieur (palais primaire et palais
osseux secondaire) est encore aujourd’hui le problème majeur de la
fermeture des fentes labiopalatines.
Il s’agit bien là de la forme grave
pour Chancholle.
1- Migration de la fibromuqueuse
:
Cette migration ou celle du périoste à ce niveau est condamnée depuis
de nombreuses années à cause des cicatrices fibreuses qu’elle crée au
niveau de la fente alvéolaire.
La fermeture de la fente alvéolaire est
réalisée par suture de la muqueuse nasale à la muqueuse vomérienne,
celle-ci est doublée d’un lambeau cutanéomuqueux prélevé aux dépens
des tissus cutanéomuqueux de la partie externe de la fente.
2- Lambeau périosté de Skoog
:
Si vanté dans les années 1970, il est abandonné 20 ans plus tard pour les
désordres de croissance qu’il a pu engendrer.
3- Greffon périosté
:
Seul le greffon périosté, tel que l’ont décrit Ritsila, puis Stricker,
Raphael et Grunewald, est certainement une méthode qui reste
séduisante par l’apport tissulaire qu’il réalise au niveau de la fente, et
l’absence de mobilisation de la fibromuqueuse.
L’aspect postopératoire
du greffon est en revanche inquiétant, et nous manquons de résultats
statistiques à distance pour pouvoir apprécier la méthode.
4- Attitude de Schweckendiek
:
Elle consiste à laisser ouverts la région alvéolaire et le palais osseux
pendant les 6 ou 10 premières années de la vie et à ne fermer celui-ci
qu’entre l’âge de 6 et 10 ans.
Pendant toutes ces années, l’enfant est
appareillé par une plaque de résine.
Les complications ORL de la
méthode, la qualité de la phonation et de l’intégration sociale de ces
enfants comme l’a montré Poupard sont à l’origine de l’abandon de
la méthode de Schweckendiek en France par la grande majorité des
équipes.
5- Méthode de traitement de fermeture du palais osseux
:
Proposée par Malek et Psaume, elle a l’avantage de ne pas
mobiliser la fibromuqueuse palatine.
Elle consiste à fermer le plan nasal
du palais primaire et osseux secondaire lors de la fermeture de la lèvre,
et de laisser cicatriser celui-ci sous la protection d’une plaque de résine.
La fréquence des fistules est malheureusement très importante dans des
mains autres que celles des auteurs de la méthode (30 % de fistules
environ).
6- Greffe osseuse costale primaire de la fente
:
Elle est proposée par certains auteurs.
Nous la réservons aux formes
avec hypoplasie osseuse maxillaire importante (hypoplasie du bourgeon
médian).
Un fragment de la septième côte est prélevé en début
d’intervention, celui-ci est intégré et recouvert en haut par le plan nasal,
en bas par un lambeau muqueux prélevé aux dépens de la berge externe
de la muqueuse qui vient s’enrouler autour de la greffe.
Ce greffon a pour but de stabiliser l’écart intermaxillaire, d’apporter du
tissu osseux, et de limiter la micromaxillie des formes hypoplasiques ou
aplasiques.
Utilisée dans les formes communes de fentes labiopalatines sans
hypoplasie, les résultats sur la croissance sont irréguliers selon les
auteurs.
Nous lui préférons la greffe osseuse secondaire pratiquée en denture
mixte.
Logistique préopératoire
:
Il est plus délicat de décrire la conduite de l’intervention, celle-ci variant
selon les équipes chirurgicales et le calendrier du traitement.
Malek commence par le palais postérieur à 3 mois, Stricker ferme
tout en un temps à 6 mois avec greffe périostée au niveau de la fente
alvéolaire et du palais primaire.
D’autres, enfin, interviennent sur la
lèvre et le nez dans un premier temps, sur le palais postérieur dans le
même temps ou sur la division palatine dans un temps ultérieur, entre
6 mois et 1 an.
A - Installation
:
Elle est univoque pour toutes les interventions.
Celles-ci sont conduites sous anesthésie générale avec intubation
trachéale.
Nous utilisons une sonde d’intubation préformée, fixée au
milieu de la lèvre inférieure par des bandes adhésives.
Le fauteuil deVeau, longtemps utilisé à Saint-Vincent-de-Paul a trouvé,
depuis les années 1970, sa place au musée.
La tête de l’enfant n’est plus
sur le genou du chirurgien, les impératifs de l’anesthésie moderne ayant
condamné cette méthode.
L’enfant est installé sur la table, la tête sur une têtière, un billot sous les
épaules réalisant une hyperextension modérée.
L’opérateur est en bout
de table derrière la tête.
Les champs sont installés selon la convenance du chirurgien, mais ils
doivent laisser visibles les deux commissures, le nez et les yeux : champ
double de tête enveloppant le crâne et le front, un ou deux champs
recouvrant la lèvre inférieure mais laissant libres les commissures.
La désinfection du champ opératoire est réalisée classiquement aux
ammoniums quaternaires.
Depuis peu de temps, nous utilisons la polyvidone iodée en solution ophtalmique qui a l’avantage de rendre
nettement plus visible la jonction lèvre rouge-lèvre blanche.
B - Matériel utilisé
:
Ce sont les instruments classiques de chirurgie plastique, auxquels il faut
ajouter impérativement :
– porte-plume et plume ;
– compas et centimètre ;
– ouvre-bouche de nourrisson du type ouvre-bouche de Veau ou
de Magalon pour le traitement de la lèvre ;
– ouvre-bouche de Devis ou Kilner pour la division palatine ;
– rugine et crochets de Trélat.
C - Infiltration à la
Xylocaïne adrénalinée à 1 %
:
Diluée de moitié chez l’enfant de moins de 6 mois, elle est pratiquée
après le dessin de l’incision ; elle diminue nettement le saignement.
Techniques chirurgicales
:
A - Technique de Veau
:
Elle est certes la première description d’une intervention moderne.
Elle consiste en un avivement des berges de la fente et la reconstitution
en trois plans : cutané, musculaire et muqueux.
Étant donné l’hypoplasie
en hauteur de la lèvre blanche, soit celle-ci n’est pas corrigée et la lèvre
est trop courte, soit beaucoup plus souvent l’allongement est obtenu par
une incision oblique aux dépens de la longueur de la lèvre avec en
particulier une amputation de l’arc de Cupidon et d’une partie de la lèvre
blanche du petit fragment.
Cette lèvre supérieure alors bridée réalise, par
comparaison avec la lèvre inférieure, un aspect en « bénitier » et
représente l’un des facteurs les plus importants des troubles de la
croissance maxillofaciale.
B - Technique de Millard
:
Elle est actuellement menée en deux temps aux États-Unis.
1- Premier temps
:
À l’âge de 1 ou 2 mois un temps de lip adhesion.
2- Deuxième temps
:
Il se pratique selon la technique de rotation-avancement : de nombreux
chirurgiens, en particulier en France, utilisent le dessin de l’intervention
de Millard d’emblée pour le traitement primaire de la lèvre et du nez.
La technique de Millard est certainement la plus utilisée dans le monde ;
elle a pour but de placer la cicatrice au niveau du philtrum du côté de la
fente.
Certes, cela est possible lorsque l’hypoplasie en hauteur est
modérée, dans les fentes labioalvéolaires, l’incision dépasse alors le
milieu de la columelle.
Le caractère non brisé de la cicatrice nous paraît un facteur de cicatrice
hypertrophique, en particulier sur les peaux asiatiques.
Nous lui
préférons les techniques utilisant le simple ou le double Z.
C - Procédé de Tennisson
:
Il fait appel à un lambeau triangulaire prélevé sur la partie basse de la
lèvre blanche de la berge externe intégré dans une incision portée à la
jonction rouge-blanc sur la berge interne.
La modification présentée par Borde, Bedouelle et Malek permet, à
l’aide d’une épure géométrique simple, de construire le schéma
opératoire sans hésitation avec une précision beaucoup plus grande que
celle donnée par les autres procédés.
Supposons la plastie labiale terminée : dans la plastie à lambeau
triangulaire, il existe une relation entre la base du triangle équilatéral de
la berge externe que nous appellerons X et la somme des angles 1 et 2
qui sont respectivement l’angle que fait l’incision de la berge interne
avec le bord de celle-ci.
Le triangle inférieur étant un triangle équilatéral,
l’angle de base est de 60°.
Si l’angle formé par l’incision de la berge interne et la contre-incision
appliquée à la jonction rouge-blanc est lui-même de 60°, l’angle aeb sera
de 120°, il est alors facile de calculer la valeur de Xen mesurant d’abord
H’, hauteur du bord interne du côté fendu, puis H, hauteur de la lèvre du
côté sain.
La valeur de X est ainsi déterminée sur le carton de Malek et
permet d’en apprécier les dimensions.
Si l’on donne à l’angle d’incision de la berge interne un angle de 90°,
l’angle de projection sera alors de 150° et diminuera la valeur de X pour
un même allongement.
Les avantages du procédé de Tennisson-Malek sont nombreux : bonne
symétrie de la lèvre, cicatrice brisée et par là même de bonne qualité.
Le
lambeau équilatéral doit être petit de manière à entraîner une bonne
projection du limbe.
Dans le cas d’hypoplasie importante en hauteur de la lèvre, il est alors
préférable de recourir à une plastie en double Z selon les techniques de
Skoog, Trauner et Malek.
Malek présente en effet une plastie en double Z qui permet un
allongement supérieur avec une traction latérale moindre et qui évite
l’obtention d’une lèvre aplatie.
D - Technique du double Z
:
Cette technique décrite par Malek nous semble indiquée dans le cas
des fentes labiopalatines avec une importante hypoplasie en hauteur.
La hauteur H’ du fragment interne est reportée sur l’axe horizontal du
carton de Malek. H représente la hauteur de la lèvre du côté sain,
reportée sur les abaques.
H coupe l’axe de 120° à un point donnant la valeur de X, allongement
nécessaire de la lèvre.
Dans la technique du double Z, nous choisissons dans la majorité des
cas X/2 pour chacun des triangles équilatéraux.
Les incisions de la berge interne sont inclinées à 60° sur la hauteur H’ de
la fente.
Il est parfois nécessaire de réduire le triangle inférieur, celui-ci ne doit
pas dépasser 3 mm de côté afin d’obtenir une bonne projection du limbus.
Le triangle supérieur est alors légèrement augmenté.
La technique du double Z permet un allongement important de la
hauteur de la lèvre, sa mesure doit être rigoureuse, car l’excès de hauteur
de la lèvre réparée n’est pas exceptionnel.
La qualité de la cicatrice est
en général excellente : cette cicatrice brisée nous paraît nettement moins
évolutive que dans la technique de Millard.
E - Réparation des fentes labiales bilatérales
:
Le traitement de la fente labiale est conduit de manière assez différente
selon les équipes.
La partie médiane de la lèvre appendue à la columelle, ou lambellule,
doit être utilisée pour la reconstruction ; il nous paraît essentiel en effet
de conserver la partie inférieure de celle-ci afin de reconstituer une lèvre
de longueur satisfaisante.
1- Méthode de Le Mesurier
:
Cette méthode de traitement des fentes bilatérales en un temps paraît
donc à rejeter : elle ampute toute la partie médiane de la lèvre rouge et
toute la partie inférieure du prémaxillaire ; elle donne une lèvre trop
haute et bridée.
2- Utilisation des plasties en Z
:
Elle impose un triangle équilatéral inférieur, elle rend impossible la
fermeture en un temps des deux côtés et impose la cure chirurgicale de
la fente labiale en deux temps séparés d’au moins 2 mois.
La règle est alors de débuter dans les formes asymétriques par le côté le
moins atteint de manière à obtenir une hauteur de référence ; la qualité
de la suture du faisceau supérieur de l’orbiculaire, et la suture du muscle
nasal au niveau de la base de la crus mésiale du cartilage inférieur,
semblent importantes pour reconstituer une ébauche de columelle.
Celle-ci s’allonge généralement en cours de croissance et évite d’avoir
recours trop précocement aux procédés d’allongement secondaire.
3- Méthode de Talmant
:
Il a décrit une technique séduisante de cure chirurgicale en un temps des
fentes bilatérales.
Celle-ci reconstruit, dans le même temps, lèvre et columelle.
Conduite de l’intervention
:
A - Déroulement de l’intervention labiale
:
1- Début de l’intervention
:
L’intervention débute par le dessin de l’incision : il est nécessaire de
repérer les points cardinaux :
– a, le milieu du seuil narinaire du côté sain ;
– b, le sommet inférieur du philtrum du côté sain : a b = H : la hauteur
de référence de la lèvre à reconstituer ;
– c, le sommet de l’arc de Cupidon ;
– b’ symétrique de b par rapport à c, le point où disparaît le limbus du
grand fragment.
Le seuil narinaire S est mesuré du côté sain ; l’expérience montre que S
est égal à bc, soit le demi-arc de Cupidon.
Les points a1 et a2 sont alors dessinés. a1b1 représente H’ qui sera reporté
sur l’axe horizontal du carton de Malek.
Hmesuré au compas est ensuite
reporté sur les axes 120 ou 150° à partir de l’extrémité gauche
de H’.
La valeur de X est ainsi déterminée : si X est inférieur ou égal à 3 mm
nous choisissons la technique du simple Z.
Si X est supérieur à 6 mm
celle de double Z s’impose ; entre ces deux mesures, il est souvent
nécessaire de choisir un angle de 150° et de dessiner l’incision inférieure
du grand fragment faisant un angle de 90° avec a1b1.
2- Infiltration
:
Celle de la lèvre et de la muqueuse nasale amorce le décollement de la
périphérie du cartilage alaire inférieur et de la muqueuse de la cloison.
3- Incision de la lèvre externe
:
Elle est franche, prenant toute l’épaisseur cutanée et musculaire.
La lame
est perçue par l’index situé sous la muqueuse ; celle-ci est respectée par
l’incision.
L’incision de la lèvre rouge réalise en bas un verrou muqueux.
L’incision du vestibule est prolongée loin en dehors ; une contreincision
de la muqueuse labiale est alors pratiquée en avant de l’orifice
de Sténon.
La muqueuse labiale est décollée du plan musculaire dans la
partie haute du vestibule et au niveau de la partie la plus interne de la
lèvre.
Les muscles sont ruginés du maxillaire en extrapériosté.
Le périoste est incisé au bord externe du sinus piriforme et la muqueuse
nasale du palais primaire est alors décollée.
Le faisceau supérieur du muscle orbiculaire est repéré et libéré sur 5 à
7 mm.
L’extrémité inférieure du muscle nasal est alors retrouvée et sera
soigneusement suturée au surtout fibreux de la berge interne.
4- Incision de la partie interne de la lèvre
:
Elle est prolongée en haut et en arrière par l’incision de la muqueuse
nasale à la jonction vomer-muqueuse palatine, permettant ainsi la
reconstruction du plan nasal du palais primaire. Le vestibule est incisé et la muqueuse libérée du plan musculaire.
Le plan musculaire de la
berge interne est alors libéré en extrapériosté jusqu’au bord inférieur du
sinus piriforme.
5- Cartilage alaire
:
Il est libéré au niveau de sa crus mésiale en même temps que le pied de
cloison.
6- Suture
:
Elle commence par le plan nasal du palais primaire, elle est menée
d’arrière en avant.
Le muscle nasal est suturé au fil non résorbable au niveau du seuil narinaire.
Ces points musculaires creusent le sillon périalaire.
Le faisceau supérieur de l’orbiculaire est alors suturé à son homologue
du côté sain.
Il est souhaitable de fermer le vestibule par une suture au fil résorbable
de dehors en dedans.
Un lambeau muqueux prélevé sur la berge externe
selon Onizuka vient recouvrir le plan nasal du palais primaire au
niveau de la fente.
Il évite la migration de la fibromuqueuse alvéolaire.
La suture labiale est poursuivie alors en trois plans de haut en bas.
L’alignement rouge-blanc nécessite souvent loupes ou microscope.
La
peau est suturée au fil non résorbable 6/0 ou 7/0.
La lèvre rouge est alors incisée à la demande, le bord libre de
l’orbiculaire soigneusement suturé.
Un bourdonnet est passé au niveau des cartilages alaires, le dôme reposé
en bonne position.
7- Suites postopératoires
:
L’alimentation est reprise à la 24e heure au biberon, en général lorsqu’il
n’y a pas eu de geste sur le palais, les fils sont retirés parfois sous
anesthésie générale au 5e jour et le bourdonnet du nez est retiré en
consultation le 10e jour.
B - Déroulement de l’intervention palatine
:
Qu’elle soit programmée en palais précoce à 3 mois dans le même temps
que la chéiloplastie, ou secondairement à l’âge de 6 mois ou 1 an, la cure de la division palatine impose de disposer d’un écarteur de Davies ou de
Kilner : celui-ci permet de s’exposer correctement.
L’infiltration à la
Xylocaïne adrénalinée à 1 % permet de préparer le
décollement de la fibromuqueuse et de diminuer le saignement.
1- Technique de Veau,Wardill et Kilner
:
Même si elle est controversée par certains, elle reste encore la méthode
la plus employée aujourd’hui.
Le glissement de la fibromuqueuse crée des cicatrices et réalise un
facteur essentiel de l’endognathie maxillaire.
La qualité du traitement orthodontique moderne permet cependant de
corriger en grande partie les défauts de la méthode.
Dans le cadre de la division palatine avec intégrité de l’arc maxillaire,
elle reste pour Chancholle et bien d’autres la méthode de choix.
* Incision du bord interne du voile
:
Elle est la même quelle que soit la technique.
Située à la jonction visible
de la muqueuse nasale et de la muqueuse palatine plus claire, elle est
poursuivie en arrière jusqu’au sommet de chaque hémiluette.
Un cut
back à l’extrémité du pilier postérieur est réalisé permettant, lors de la
suture, de placer la luette à la face inférieure du voile.
Il est inutile et
même nuisible de prolonger l’incision trop en arrière sur les piliers ;
cette manoeuvre, autrefois proposée, bride et gêne la mobilité et surtout
l’ascension du voile du palais.
* Fibromuqueuse palatine
:
Elle est décollée de la lame horizontale du palatin, le pédicule palatin
antérieur est individualisé et libéré au crochet de Trélat.
* Rupture du crochet de l’aile interne de la ptérygoïde
:
Elle favorise la mobilisation du péristaphylin interne et relâche les
tractions sur la ligne médiane.
Pendant de nombreuses années, nous avons sectionné la muqueuse
nasale en avant ou au bord postérieur des lames, cela nous a permis de
réorienter la sangle des péristaphylins internes et de maintenir
efficacement le recul du voile.
* Libération du muscle péristaphylin
:
Plus récemment, nous préférons la libération du muscle péristaphylin
interne au bord postérieur des lames et sa rotation, en arrière et en
dedans, comme dans la technique de la véloplastie intravélaire.
Les
muscles sont décollés en haut de la muqueuse nasale, en bas de la
muqueuse buccale, en avant désinsérés du bord postérieur des lames.
La
rotation du plan musculaire est alors facilitée. Lorsque l’on n’effectue
pas la migration de la fibromuqueuse, une courte incision au niveau du
bord interne du crochet de la ptérygoïde permet la rupture de celui-ci et
de relâcher quelque peu la traction des muscles péristaphylins.
2- Sutures
:
* Suture du plan nasal
:
Elle est réalisée d’avant en arrière jusqu’au pilier postérieur.
Suture du plan musculaire
Elle est réalisée elle aussi d’avant en arrière par des points de Blair-Donati.
* Suture du plan antérieur
:
Elle est réalisée d’arrière en avant de la luette jusqu’au point le plus
antérieur de la fibromuqueuse.
L’utilisation d’une colle biologique, à base de fibrine, favorise la
fixation du voile et diminue le saignement ; son utilisation est
actuellement discutée, étant donné l’origine sanguine, bien que
chauffée, de cette colle.
Elle diminuerait la fréquence des saignements
postopératoires.
L’alimentation de l’enfant est reprise à la cuillère le lendemain de
l’intervention, au biberon 3 semaines plus tard.