Fécondation humaine Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
La fécondation ou constitution du zygote est la première étape de la
vie de tout individu.
Chez l’homme, elle est longtemps restée
mystérieuse et les premières données ont été obtenues essentiellement
chez les mammifères non humains, grâce à des collections effectuées
à différents temps de développement après l’ovulation.
Les études
biochimiques, moléculaires et génétiques ont complété les données
morphologiques et ont permis de mieux comprendre les mécanismes
mis en jeu.
La fécondation in vitro (FIV) a permis d’avoir accès à ces
étapes chez l’homme et a beaucoup contribué à l’approfondissement
de nos connaissances dans ce domaine.
Fécondation naturelle :
Les étapes clés sont les suivantes.
A - CAPACITATION DES SPERMATOZOÏDES :
La capacitation des spermatozoïdes est un préalable indispensable à
la fécondation et en particulier à la réaction acrosomique.
En effet, au cours de leur transit dans les voies génitales masculines, et plus
particulièrement dans l’épididyme, les spermatozoïdes ont adsorbé
des composants de nature glycoprotéique qui les ont rendus
momentanément inaptes à la fécondation, par stabilisation de la
membrane et blocage des récepteurs de surface.
Les spermatozoïdes
sont alors « décapacités ».
Le retrait de ces facteurs constitue la
première étape de la capacitation.
Elle s’opère normalement au
contact des sécrétions des voies génitales féminines au cours du
transport des spermatozoïdes et consiste en une diminution de la
rigidité de la membrane plasmique, une sortie de cholestérol, une
hyperpolarisation membranaire et une redistribution du contenu
ionique et métabolique intracytoplasmique.
Les spermatozoïdes
ainsi capacités sont dès lors sensibles aux enveloppes ovocytaires et
deviennent capables d’effectuer leur réaction acrosomique.
In vitro,
la capacitation se produit avec de nombreux spermatozoïdes et en
présence d’héparine et de sérum albumine.
B - RECONNAISSANCE-FIXATION DU SPERMATOZOÏDE
À LA ZONE PELLUCIDE
:
La fixation du spermatozoïde à la zone pellucide fait appel à deux
systèmes de reconnaissance entre cellules correspondant à deux
liaisons successives.
Dans un premier temps, les spermatozoïdes capacités se lient à une
glycoprotéine de la zone pellucide, la ZP3, par une galactosyl
transférase localisée sur la membrane plasmique périacrosomique.
Cette liaison, homospécifique, entraîne une augmentation du
diacylglycérol dans le cytosol du spermatozoïde, une augmentation
des ions calcium intracellulaires, une fusion de la membrane
plasmique et de la membrane acrosomique externe, et initie la libération du contenu de l’acrosome.
Dans cette première
interaction, c’est le spermatozoïde qui porte les récepteurs puisqu’il
subit une activation. La réaction acrosomique permet la libération
des enzymes protéolytiques qui vont disperser la trame protéique.
Pour poursuivre sa progression, une deuxième liaison est nécessaire,
mettant en jeu une autre glycoprotéine de la zone pellucide, la ZP2,
et plusieurs protéines à différents niveaux du spermatozoïde :
– la proacrosine, contenue dans l’acrosome, est impliquée dans une
liaison de type électrostatique avec les groupements sulfatés portés
par la ZP2 ; ce système permettrait au spermatozoïde de s’attacher à
la trame de la zone pellucide, puis de la digérer ;
– la protéine PH-20 a un double rôle dans l’interaction
gamétique ; la partie N-terminale de cette protéine a une activité
hyaluronidase qui permet au spermatozoïde de dissocier les cellules
du cumulus et donc de traverser cette couche ; après réaction
acrosomique, cette protéine se scinde et migre vers la membrane
acrosomique interne où sa deuxième fonction interviendrait dans la
liaison des spermatozoïdes acrosomes-réagis à la ZP2 ;
– d’autres protéines du spermatozoïde, telles que la SP-10 et la
SOB3, joueraient également un rôle, encore mal défini, dans cette
liaison secondaire.
C - RÉACTION ACROSOMIQUE :
1- Acrosome :
L’acrosome est un sac aplati qui recouvre largement la moitié
antérieure de la tête du spermatozoïde.
L’étude de sa morphologie
peut être appréciée en microscopie photonique après coloration de
frottis de spermatozoïdes et figure parmi les caractères qualitatifs
discriminants de la fertilité masculine.
En microscopie électronique,
il est constitué d’une membrane externe, en rapport avec la
membrane plasmique, et d’une membrane interne qui fait face à la
membrane nucléaire.
Entre ces deux membranes, la matrice acrosomique est riche en enzymes hydrolytiques et protéolytiques,
dont le processus d’exocytose représente la réaction acrosomique.
Il a clairement été démontré que la morphologie de l’acrosome est
fortement impliquée dans le pouvoir fécondant des spermatozoïdes
et que la plupart des acrosomes anormaux sont inaptes à
accomplir la réaction acrosomique.
Du point de vue morphologique, la microscopie électronique a
permis de préciser les étapes successives de la réaction acrosomique.
Elle est d’abord caractérisée par un gonflement diffus de la
matrice acrosomique, auquel succède la fusion ponctuelle de la
membrane acrosomique externe et de la membrane plasmique en
plusieurs points.
Ceci donne lieu à la formation de vésicules dont le
contenu se disperse, aboutissant à la libération des enzymes,
principalement acrosine et hyaluronidase.
In vivo, la réaction acrosomique est induite au contact de la zone
pellucide, après reconnaissance et liaison avec la ZP3 qui agit en
tant que ligand pour des récepteurs de la membrane plasmique d’un
ou plusieurs spermatozoïdes.
Si la zone pellucide est l’inducteur
principal de la réaction acrosomique, d’autres substances sont
susceptibles d’interagir, telle que la progestérone sécrétée par les
cellules du cumulus.
Il s’ensuit une cascade de signaux
intracellulaires, la libération des enzymes et l’extériorisation de la
membrane acrosomique interne qui permet la reconnaissance de la
membrane ovocytaire.
Secondairement, la plaque équatoriale et la
cape postacrosomique se modifient, rendant possible la fusion des
deux gamètes. Après la réaction acrosomique, la fixation à la ZP3
est suivie par la fixation à la ZP2.
2- Tests de la fonction acrosomique :
La réaction acrosomique étant naturellement un événement
incontournable pour une éventuelle fécondation, son évaluation a
fait l’objet de nombreux travaux dans le but de prédire l’aptitude
fécondante des spermatozoïdes et d’orienter le choix d’une
assistance médicale à la procréation (AMP) vers la technique la plus
appropriée.
Les colorations habituelles de spermatozoïdes telles que celles en
usage pour l’étude du spermocytogramme en microscopie
photonique ne permettent pas de déterminer si les acrosomes sont
réagis ou intacts.
Si la microscopie électronique est la méthode de référence qui a
permis de décrire avec précision les différentes étapes
morphologiques de la réaction acrosomique, elle ne peut être
utilisée en routine.
C’est une méthode lourde et onéreuse et elle ne
permet pas de quantifier aisément le taux de réaction acrosomique
d’une population de spermatozoïdes.
À l’inverse, les techniques d’immunofluorescence avec des lectines
ou des anticorps monoclonaux présentent l’avantage de
pouvoir analyser rapidement le statut acrosomique d’un grand
nombre de spermatozoïdes et d’évaluer ainsi précisément le
pourcentage de spermatozoïdes acrosomes-réagis.
Toutefois,
la grande diversité des sondes utilisées et des cibles contre lesquelles
elles sont dirigées a amené une certaine confusion.
Les conditions
de réalisation de ces tests ont été standardisées afin d’harmoniser
les procédures techniques et de permettre une analyse fiable des
résultats.
Les consignes suivantes ont été préconisées :
– débarrasser les spermatozoïdes du plasma séminal par sélection
sur un gradient et les déposer dans un milieu capacitant,
supplémenté avec de la sérum-albumine humaine (<= 35 mg/mL) ;
– préincuber la suspension de spermatozoïdes à 37 °C dans une
atmosphère à 5 % de gaz carbonique dans l’air pendant 3 heures, ce
qui n’est pas indispensable mais prédispose les spermatozoïdes à
l’action de l’ionophore et permet une meilleure reproductibilité ;
compte tenu de l’hétérogénéité des liquides folliculaires, l’usage de
l’ionophore A 23187 est préconisé en tant qu’inducteur de la réaction
acrosomique à la concentration finale de 10 µM pendant 30 minutes
(préparé extemporanément à partir d’une solution stock à 2 mM
dans du dimétylsulfoxyde) ;
– concernant les sondes utilisées, il est nécessaire de connaître
précisément la structure qu’elles reconnaissent ; la réaction acrosomique peut en effet s’exprimer par un gain de fluorescence si
la cible est la membrane acrosomique interne ou, à l’inverse, une
perte de fluorescence si la sonde est dirigée contre la membrane
acrosomique externe ou la matrice ;
– l’appréciation de la vitalité est indispensable afin de distinguer
une perte de fluorescence générée par la réaction acrosomique ou
par la mort cellulaire ;
– enfin, il est nécessaire de tester un sperme témoin connu
simultanément afin de parer à tout artefact technique pouvant
altérer l’interprétation du résultat ; deux frottis sont réalisés par
échantillon, permettant d’observer 100 spermatozoïdes par lame
dans des régions différentes.
Les résultats sont le plus souvent exprimés en taux de réaction acrosomique induite.
On distingue deux types de pathologie de la
réaction acrosomique : les réactions acrosomiques « prématurées »
du fait de taux élevés de réactions acrosomiques spontanées (> 20 %)
et les réactions acrosomiques « déficientes » liées à un taux de
réaction induite insuffisant.
Il a clairement été démontré qu’un taux de réaction acrosomique
induite nul ou faible (< 5 %) semble volontiers associé à une
paucifécondation en FIV, voire à un échec de fécondation.
À
l’opposé, un taux supérieur ou égal à 20 % semble de bon pronostic
pour la FIV.
Entre ces deux situations, la valeur pronostique de
ces tests reste sujette à caution, d’autant plus que la comparaison
stricte des résultats d’études conduites dans des conditions
expérimentales très différentes est difficile.
Il est évident que l’utilisation de zone pellucide comme inducteur
de la réaction acrosomique est très satisfaisante.
Toutefois, il s’agit
d’un matériel peu disponible et la pratique de tests de fixation à la
zone pellucide demeure peu courante, qu’il s’agisse de binding-test
sur zones pellucides entières ou d’hemizona assay.
La mise au
point prochaine de ZP3 recombinante serait alors d’un intérêt
fondamental pour l’exploration de l’aptitude fécondante des
spermatozoïdes d’hommes infertiles.
3- Rôle des enzymes acrosomiques :
De nombreuses enzymes sont contenues dans l’acrosome et
participent au franchissement par le spermatozoïde des cellules
périovocytaires et de la zone pellucide.
La hyaluronidase, la
N-acétyl-glucosaminidase et l’acrosine sont les trois protéines les
mieux connues.
D - FUSION DES MEMBRANES PLASMIQUES :
La fusion débute toujours par le segment équatorial
postacrosomique qui persiste après la réaction acrosomique.
La
membrane plasmique du spermatozoïde est intégrée à celle de
l’ovocyte au cours de la fusion.
La membrane acrosomique interne,
le noyau et le flagelle du spermatozoïde sont incorporés dans l’oeuf.
Les mécanismes moléculaires mis en jeu sont des mécanismes très
généraux intervenant dans la fusion de cellules.
En particulier, des intégrines ont été mises en évidence dans la membrane plasmique
de l’ovocyte. Les intégrines sont des récepteurs de surface
membranaires qui permettent aux cellules de se fixer aux matrices
extracellulaires.
Elles agissent également en tant que corécepteurs
dans de nombreuses interactions cellulaires, comme la phagocytose
par exemple.
Au plan biochimique, ces protéines sont des hétérodimères composés de sous-unités a et b, et plusieurs
intégrines différentes ont été détectées dans les membranes
plasmiques d’ovocytes humains.
Côté spermatozoïde, on a mis
en évidence des ligands pour les récepteurs de ces intégrines, comme
par exemple la fibronectine dans le segment équatorial des
spermatozoïdes.
La fertiline est une autre protéine transmembranaire du
spermatozoïde qui joue également un rôle dans l’interaction
gamétique en interagissant avec les intégrines ovocytaires.
Elle
aussi est constituée de sous-unités a et b et elle appartient à la
famille de protéines A disintegrin and metalloproteinase domain.
Le
domaine désintégrine de la sous-unité b semble interagir avec
l’intégrine de l’ovocyte, permettant ainsi au spermatozoïde de se
fixer à la membrane plasmique et entraînant une modification de la
conformation de la sous-unité a et de sa fonction hydrophobe.
Le
spermatozoïde est ensuite incorporé dans l’ovocyte selon un
processus similaire à la phagocytose après élongation des
microvillosités de la membrane ovocytaire au-dessus de la région
équatoriale.
E - ACTIVATION DE L’OEUF :
L’activation de l’ovocyte, c’est-à-dire la remise en marche du cycle
cellulaire, fait suite à la fusion.
Les observations morphologiques de
l’activation ont été complétées par des études physiologiques.
1- Observations morphologiques :
La membrane plasmique de l’ovocyte est recouverte de
microvillosités qui entourent la tête du spermatozoïde.
La fusion
permet au spermatozoïde de s’incorporer dans l’oeuf, tandis que
débute, au point de fusion, l’exocytose des granules corticaux.
Leurs
enzymes vont modifier la zone pellucide et la rendre imperméable
aux spermatozoïdes.
Il s’agit d’un blocage de la polyspermie, très
rapide et généralement très efficace puisque l’incidence naturelle des
polyspermies est voisine de 1 à 5% chez l’homme.
La reprise de la
méiose ovocytaire et l’apparition des pronoyaux sont les signes
morphologiques les plus évidents de l’activation ovocytaire. Une
redistribution des organites cellulaires va également avoir lieu.
Les
mitochondries du spermatozoïde disparaissent, tandis que les
mitochondries maternelles se regroupent autour des pronoyaux.
L’ovocyte ne possède pas de centriole et les pôles des fuseaux des
divisions méiotiques sont organisés autour d’un complexe appelé
microtubule organizing center (MTOC).
Le centrosome du
spermatozoïde, comprenant deux centrioles, est à la base de
l’organisation d’un demi-fuseau appelé spermaster qui s’étend à
l’ensemble de l’ovocyte.
Il attire le pronoyau femelle et entraîne les
deux pronoyaux au centre de l’oeuf.
2- Observations physiologiques :
L’entrée du spermatozoïde dans l’oeuf est à l’origine de l’activation
de l’ovocyte.
La compréhension des mécanismes impliqués est un
enjeu important aujourd’hui où la FIV et ses variantes (microinjection
en particulier) permettent d’intervenir in vitro sur ces
étapes.
3- Flux calciques et activation de l’ovocyte :
La fusion s’accompagne d’une décharge massive de calcium.
La
mobilisation calcique à partir du réticulum endoplasmique est très rapide. Le spermatozoïde va déclencher des oscillations responsables
de l’activation de l’oeuf.
La cinétique de l’oscillateur calcique, sa
modulation et son rôle ont fait l’objet de recherches actives.
Le spermatozoïde introduirait un facteur soluble qui diffuserait dans
l’ovocyte et déclencherait des oscillations calciques en modifiant la
sensibilité des canaux calciques au calcium.
Plusieurs modulateurs
seraient mis en jeu.
Citons la dose de facteurs spermatiques, l’influx
calcique transmembranaire, la maturité ovocytaire et la charge des
réservoirs en calcium.
F - REPRISE DE LA MÉIOSE OVOCYTAIRE :
L’ovocyte mature est bloqué en métaphase de deuxième division
méiotique.
L’activation va déclencher la fin de la deuxième division
méiotique, puis la division en deux cellules inégales, l’ovocyte et
son deuxième globule polaire contenant chacun la même quantité
d’acide désoxyribonucléique (ADN) maternel.
Cette division
méiotique est néanmoins souvent anormale puisque l’incidence des
aneuploïdies parmi les ovocytes en métaphase II paraît très élevée
dans l’espèce humaine (20 à 30 %) d’après les nombreuses études
effectuées chez les ovocytes non clivés après tentative de FIV.
Par ailleurs, cette division cytoplasmique inégale permet au zygote
de conserver la quasi-totalité des réserves stockées pendant la
croissance ovocytaire.
G - DÉCONDENSATION DU NOYAU SPERMATIQUE :
Le noyau du spermatozoïde va subir différentes modifications :
disparition de l’enveloppe nucléaire, décondensation de la
chromatine et remplacement des protamines caractéristiques du
spermatozoïde par des histones de type somatique.
La
décondensation de la chromatine du spermatozoïde se fait au
moment où la chromatine de l’ovocyte est fortement condensée
(transition métaphase II-télophase).
Le rôle des facteurs
cytoplasmiques ovocytaires est important. Des ovocytes immatures
sont incapables d’assurer la décondensation du noyau du
spermatozoïde, mais provoquent la condensation prématurée des
chromosomes spermatiques.
Il s’agit d’une cause fréquente d’échec
de fécondation.
La constitution de la chromatine spermatique est
également importante, puisque seuls des noyaux spermatiques
peuvent se décondenser dans le cytoplasme ovocytaire, alors que
d’autres noyaux interphasiques somatiques vont condenser
immédiatement leurs chromosomes au contact du cytoplasme
ovocytaire.
H -
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DES PRONOYAUX :
Une enveloppe nucléaire va entourer la chromatine spermatique et
les chromosomes ovocytaires qui vont se décondenser
progressivement.
Ainsi vont être constitués les pronoyaux
comportant des nucléoles entourés d’une enveloppe nucléaire sur
laquelle se développent des bourgeonnements.
La synthèse
d’ADN débute lorsque les pronoyaux sont complètement
développés.
Elle se fait indépendamment dans chacun d’eux.
Les pronoyaux sont ensuite attirés au centre de l’oeuf par le spermaster
étendu à l’oeuf.
Les pronoyaux se rapprochent des centrioles, se
placent entre eux, se répliquent et constituent les deux pôles du
fuseau mitotique.
Les enveloppes nucléaires vont ensuite se
fragmenter et disparaître durant la prophase de la première division
mitotique.
Cependant, les chromosomes paternels et maternels
restent isolés, groupés autour du MTOC.
Cet isolement est
toujours visible chez l’individu sur des mitoses de fibroblastes par
exemple, et rappelle le phénomène d’empreinte génomique qui
signe le marquage fonctionnel des gènes parentaux « homologues »,
un gène d’origine spermatique n’étant pas fonctionnellement
équivalent à un gène d’origine ovocytaire, et réciproquement.
Apport de la fécondation in vitro
et de ses variantes :
La FIV classique et assistée par micro-injection de spermatozoïdes a
permis à beaucoup de couples infertiles d’être parents et a beaucoup
contribué à l’approfondissement de nos connaissances dans ce
domaine.
Les échecs malheureusement fréquents sont cependant
une source précieuse d’enseignements.
A - FÉCONDATIONS ANORMALES :
L’exemple le plus fréquent et le plus anciennement connu de
fécondation anormale est l’embryon triploïde à 69 chromosomes
(correspondant donc à trois lots haploïdes), qui résulte le plus
souvent de la fécondation d’un ovule chromosomiquement normal
par deux spermatozoïdes différents ; la double fécondation est
alors due à un retard à la mise en place des mécanismes
physiologiques protégeant l’oeuf de mammifère contre la pénétration
de plusieurs spermatozoïdes (variation de la concentration en
calcium du cytoplasme ovocytaire, exocytose des granules
corticaux).
La fréquence des oeufs triploïdes s’élève à 5 % in vitro,
2 % in vivo.
Leur potentiel évolutif est variable ; la plupart donnent
lieu à un arrêt précoce du développement, mais certains peuvent
aboutir à des naissances d’enfants vivants dont la survie néonatale
est très limitée.
Plusieurs observations décrivent des individus issus d’une autre
anomalie de la fécondation : une double fécondation résultant de la
fécondation du deuxième globule polaire et de l’ovocyte par deux
spermatozoïdes différents, les deux génomes embryonnaires se
trouvant de ce fait juxtaposés dans la même zone pellucide.
Par la
suite, le développement conjoint des deux zygotes conduit à la
croissance d’un individu chimérique.
De tels individus
(généralement dépistés du fait d’un hermaphrodisme) ont été décrits
depuis plusieurs décennies.
Leur fréquence dans la population
est indéterminée.
B - ÉCHECS DE FÉCONDATION :
La compréhension de la fécondation entre gamètes humains a
nécessité plusieurs acquis théoriques (essentiellement la théorie
cellulaire et la théorie de la division méiotique) et des outils
techniques permettant son analyse puis son observation.
La
manipulation des gamètes « in vitro » a permis d’affirmer et
d’étudier les causes des échecs de fécondation.
En effet, chez toutes
les espèces à fécondation interne, l’absence de fécondation n’est pas
diagnostiquée in vivo en tant que telle, car il n’y a pas de marqueurs
indirects de la fécondation actuellement connus.
Le marqueur le plus
précoce dans le processus de la reproduction est un marqueur de
l’implantation embryonnaire, qui signe l’existence ou l’absence
d’embryon implanté dans la muqueuse utérine.
Ce marqueur est la sous-unité b de l’hormone chorionique gonadotrophique (b-hCG),
dont la présence dans le sérum est dépistée au plus tôt 10 jours
après la date de la fécondation supposée.
Si l’absence de fécondation entraîne nécessairement une absence d’implantation, la
réciproque n’est pas vraie, notamment dans l’espèce humaine où un
pourcentage important d’oeufs fécondés ne parvient pas à se
développer jusqu’au terme de l’implantation ou au-delà des
quelques jours qui suivent cette implantation.
Le dosage de la b-hCG
est donc négatif dans ces cas, alors même qu’il y a eu fécondation et
début de développement embryonnaire.
Certes, l’analyse des paramètres cliniques ou biologiques d’un
couple permet parfois d’affirmer que l’absence d’implantation est
due à une absence de fécondation et non à un arrêt précoce du
développement embryonnaire.
C’est le cas des couples dont la
femme n’a pas de trompes utérines ou des trompes imperméables ;
c’est le cas lorsque les ovaires ne produisent pas (ou plus) d’ovules,
lorsque les testicules de l’homme ne produisent pas de
spermatozoïdes, ou lorsqu’il y a des spermatozoïdes produits mais
en quantité trop minime, ou avec des anomalies du mouvement ou
de la forme qui les rendent inaptes à une fécondation in vivo, ou
encore lorsque les voies génitales excrétrices qui véhiculent les
spermatozoïdes du testicule jusqu’à l’urètre sont absentes ou
imperméables.
Dans les autres cas, l’existence ou l’absence de fécondation ne peut
être diagnostiquée in vivo mais reste possible au décours d’une
tentative de FIV.
En effet, lors de la tentative de FIV, certains
paramètres deviennent possibles à observer :
– fixation des spermatozoïdes à la zone pellucide entourant
l’ovocyte ;
– stade méiotique de l’ovocyte ;
– existence et chronologie d’apparition et de disparition des pronoyaux, ainsi que premiers clivages de l’embryon.
Au décours de la tentative, les oeufs non fécondés ont vieilli et ne
peuvent plus ni être fécondés ultérieurement, ni être conservés.
Leur
destruction est de toute façon inévitable et leur analyse permet de
prolonger et d’affiner les observations faites lors de la tentative.
Les
études morphologiques permettent de visualiser les structures
cellulaires (en microscopie optique ou électronique), d’en évaluer la
fonction si elles sont complétées par des tests fonctionnels (test
hétérospécifique de fixation de spermatozoïdes sur des fragments
de zone pellucides isolées, études métaboliques).
Plusieurs situations peuvent être distinguées.
1- Absence ou insuffisance de fixation des
spermatozoïdes à la zone pellucide entourant l’ovocyte :
Cette anomalie peut être rapportée à certaines atypies spermatiques
décelables lors de l’étude du seul spermocytogramme.
Elle peut
également, et ce point est seul détaillé, être due à une atypie des
récepteurs, soit spermatiques, soit ovocytaires, responsable de la
reconnaissance et de la fusion gamétiques.
Le spermatozoïde et
l’ovocyte sont porteurs de déterminants moléculaires
complémentaires, correspondant pour l’ovocyte aux protéines ZP2
et ZP3 et pour le spermatozoïde à des protéines reconnaissant la
ZP2 et ZP3 ovocytaire homologue.
L’absence ou la
conformation anormale d’un de ces déterminants, indétectables par
les examens habituels du bilan d’infertilité, peut entraîner une nonreconnaissance
de l’ovocyte par le spermatozoïde.
Même si le
diagnostic ne peut pas toujours être posé à l’échelle moléculaire,
l’observation des ovocytes sans spermatozoïde attaché à leur zone
pellucide après FIV incite à proposer au couple une micro-injection intracytoplasmique de spermatozoïde.
En effet, cette technique
d’AMP, permettant d’introduire directement le spermatozoïde dans
le cytoplasme ovocytaire, « court-circuite » l’étape de reconnaissance
et d’attachement des gamètes.
2- Anomalie de maturation méiotique de l’ovocyte
:
Les ovocytes restent de manière prolongée en prophase de première
division méiotique, depuis la vie foetale jusqu’au moment de leur
ponte ovulaire lors d’un cycle menstruel.
La ponte ovulaire entraîne
la reprise de la première division de méiose.
L’ovocyte entame et
achève la métaphase de première division, puis entre directement
en métaphase de deuxième division, stade auquel il demeure jusqu’à
l’éventuelle fécondation.
À ces différentes maturations nucléaires
correspondent des modifications morphologiques : rupture de la
vésicule germinative (contemporaine de l’entrée en métaphase I) ;
expulsion du premier globule polaire (contemporaine de l’entrée en
métaphase II).
Les mécanismes qui contrôlent ces
événements à l’échelle cellulaire et à l’échelle moléculaire ne sont
que très partiellement connus.
Quelques observations cliniques
rapportent des absences de maturation ovocytaire, le blocage se
faisant soit en vésicule germinative, soit en métaphase de première
division, affectant tous les ovocytes d’une même cohorte et se
répétant lors de tentatives de FIV ultérieures.
Ce phénomène,
encore largement incompris, pourrait correspondre à des anomalies
de gènes contrôlant l’appariement puis le désappariement des
chromosomes homologues lors de la première division de méiose.
Plusieurs anomalies de ce type sont décrites dans la spermatogenèse
humaine et chez diverses espèces animales.
D’un point de vue
pratique, lorsque la femme est atteinte d’une pathologie de ce type,
la poursuite des tentatives d’AMP intraconjugale est déconseillée au
couple.
3- Anomalie de décondensation du noyau spermatique
dans le cytoplasme ovocytaire :
Ce type d’anomalie peut survenir de manière sporadique et
n’affecter que un ou quelques ovocytes d’une cohorte ovocytaire.
Il
peut, plus rarement, affecter tous les oeufs de la cohorte.
Cette
anomalie n’est documentée que lorsque l’analyse de leur contenu
cytoplasmique a été effectuée après fixation de l’oeuf et analyse
cytogénétique, ou après coloration par un fluorochrome et analyse
en microscopie à fluorescence.
En effet, les anomalies de
décondensation du noyau spermatique correspondent à une
première partie de la fécondation (fusion et pénétration) réussie,
avec une impasse évolutive ultérieure.
Le noyau spermatique
imparfaitement décondensé n’entraîne le plus souvent pas de reprise
méiotique ovocytaire et l’oeuf, s’il est uniquement observé à la loupe
sans analyse complémentaire, est considéré de manière erronée
comme non fécondé.
Comme décrit précédemment, une fois le
spermatozoïde entré dans le cytoplasme ovocytaire, l’évolution de son noyau résulte de l’interaction entre des facteurs cytoplasmiques
(d’origine ovocytaire) et des facteurs nucléaires (d’origine
spermatique).
4- Blocage au stade des pronoyaux :
Comme dans la situation précédente, le blocage au stade
unicellulaire avec persistance des pronoyaux peut affecter quelques
embryons au sein d’une cohorte embryonnaire évoluant par ailleurs
normalement ou peut affecter l’ensemble des zygotes de la cohorte.
Le processus de fécondation est dans ce cas arrêté dans son ultime
étape, qui est celle de la mise en place du premier fuseau mitotique.
Ce fuseau met en jeu un réseau de microtubules requérant des
structures normales et fonctionnelles à la fois d’origine spermatique
(le centriole proximal) et d’origine ovocytaire (molécules nécessaires
à la polymérisation des microtubules et des microfilaments).
L’identification précise du facteur en cause lors d’une
décondensation anormale du noyau spermatique et lors d’un
blocage au stade des pronoyaux est pour le moment impossible dans
l’espèce humaine : elle nécessiterait des essais de fécondation
hétérologues qui ne sont pas réalisables pour des raisons éthiques.
Il est donc bien souvent impossible de savoir si le spermatozoïde ou
l’ovocyte est à l’origine du problème.
Cette incertitude complique la
prise en charge thérapeutique des couples lorsque tous les zygotes
sont affectés par une de ces deux pathologies.
Le renoncement à
l’AMP intraconjugale est donc actuellement conseillé.
C - CONTRIBUTION DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
AUX ÉCHECS DE FÉCONDATION
OU DÉVELOPPEMENT DU ZYGOTE
:
Les anomalies chromosomiques des gamètes sont fréquentes dans
l’espèce humaine, estimées à 20 % au minimum pour les ovocytes
et autour de 10 % pour les spermatozoïdes, pour des géniteurs
indemnes de pathologie chromosomique constitutionnelle.
Il semble
que le fait que des gamètes soient porteurs d’aneusomie ou de
remaniement chromosomique ne soit pas généralement un facteur
d’échec de la fécondation.
En revanche, l’anomalie chromosomique
transmise à l’embryon est préjudiciable au développement de
celui-ci.
Par ailleurs, des études génétiques effectuées au tout début du
développement embryonnaire montrent une incidence très élevée
(près de 75 %) d’aneusomies responsables d’arrêt du développement
précoce (au cours des premiers clivages), et ces aneusomies ne
sauraient être expliquées par la seule contribution des anomalies
chromosomiques des gamètes maternels et paternels.
Ceci conduit à
penser que les embryons en tout début de développement subissent
des anomalies mitotiques induisant des aneusomies « postzygotiques
».
Ainsi, même après l’aboutissement de la fécondation,
les embryons humains ont un risque majeur de porter des anomalies
chromosomiques d’origine variable et incompatibles le plus souvent
avec un développement embryonnaire prolongé.
Conclusion :
La fécondation humaine fait actuellement l’objet de nombreux travaux
visant à en comprendre les mécanismes.
L’application médicale est bien
sûr le plus souvent d’identifier l’étape éventuellement défectueuse,
permettant de choisir la technique d’AMP la plus appropriée depuis la
« simple » insémination de spermatozoïdes jusqu’à la micro-injection intracytoplasmique de spermatozoïdes qui court-circuite toutes les
premières étapes de la fécondation.
Les connaissances fondamentales
sont dans ce domaine en retard par rapport aux applications
thérapeutiques.
Rappelons cependant que la connaissance des
mécanismes « contournés » par les techniques d’AMP est indispensable
à l’évaluation de l’innocuité de ces mêmes techniques.
L’autre
application médicale pourrait être, à l’inverse, la contraception lorsque
la connaissance des mécanismes de la fécondation permettra de
découvrir de nouveaux moyens de la bloquer.
Dans les deux cas, il
s’agit de maîtriser le processus de fécondation et donc de reproduction,
ce qui reste un enjeu important de notre médecine contemporaine.