Facteurs étiologiques généraux de la pathologie pulpodentinaire
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
Les facteurs locaux responsables des pathologies
pulpaires, ainsi que des altérations dentinaires,
sont généralement bien connus des cliniciens.
En
revanche, les étiologies générales susceptibles
d’être impliquées dans ces phénomènes leur sont
beaucoup moins familières et ne sont donc que
rarement évoquées dans le diagnostic étiologique
des pulpopathies.
Pourtant, les progrès de la médecine ces dernières
décennies permettent de maintenir en vie des
malades, en particulier des enfants, atteints de
pathologies autrefois fatales.
Ces patients, malgré
des handicaps parfois lourds, ont maintenant besoin
de soins dentaires et il importe de connaître les
répercussions de ces pathologies sur leur état buccodentaire,
et notamment pulpaire, afin d’adapter
nos traitements.
Si de nombreux travaux de recherches cliniques
et fondamentales ont porté sur l’influence des lésions
dentaires sur les pathologies générales (infections
focales, endocardites bactériennes, rôles des parodontopathies sur l’évolution des maladies systémiques...),
l’intérêt des chercheurs est nettement
moins axé sur la manière dont une maladie
générale peut avoir une répercussion sur la santé
pulpodentinaire.
Une revue de la littérature récente
permet de faire la part de ce qui relève dans
ce domaine des lieux communs non prouvés scientifiquement
et de ce qui peut être étayé et expliqué
par des études cliniques ou des protocoles
expérimentaux reproductibles.
Nous limiterons ce
travail sur les étiologies générales des pathologies pulpodentinaires aux seuls facteurs endogènes,
c’est-à-dire provenant directement de pathologies
générales propres aux patients ou consécutives à
leurs traitements, en excluant donc tout ce qui est
en rapport avec des étiologies exogènes, liées à
l’environnement (barotraumatismes, variations
thermiques, irradiations...).
De même, nous n’évoquerons
pas ce qui résulte de phénomènes physiologiques,
tels que le vieillissement, ainsi que de
pathologies héréditaires n’affectant que les seuls
tissus dentaires.
Pathologies pulpodentinaires
:
Le tissu pulpaire est un tissu conjonctif spécialisé,
fibreux, qui assure les fonctions dentinogénétiques,
nutritives, sensorielles et de défense de la
dent.
La palissade d’odontoblastes située en périphérie
de la pulpe contrôle les mouvements et la
composition ionique du fluide présent dans les
tubuli dentinaires et intervient dans la sécrétion
et le transport des composants nécessaires à la
dentinogenèse.
La formation de la dentine qui est
sous le contrôle de nombreux facteurs systémiques
(hormones et vitamines) et locaux (facteurs
de croissance) passe par la synthèse d’une couche
de prédentine essentiellement composée de collagène
de type I qui se minéralise secondairement.
La minéralisation de la prédentine dépend de la
concentration locale en phosphates, en calcium et
en protéines spécifiques. Une pathologie générale
qui provoque une perturbation des ions, des hormones,
des vitamines et de la matrice impliqués
dans la dentinogenèse peut donc entraîner un
manque ou un excès et/ou des malformations de
la dentine.
La vascularisation pulpaire est terminale, il
n’existe pas de circulation collatérale et l’ensemble
du paquet vasculonerveux pénètre dans la
pulpe par le foramen apical.
Une pathologie vasculaire
d’ordre général pourra donc avoir des répercussions
dramatiques sur le tissu pulpaire et par
voie de conséquence, sur la dentinogenèse.
Toute irritation de l’organe pulpodentinaire entraîne
inévitablement une inflammation pulpaire
aiguë ou chronique dont l’évolution dépend de
l’intensité et de la durée de l’agression, mais également
de l’état préalable de la pulpe.
L’atteinte
pulpaire peut évoluer en fonction de facteurs étiologiques
généraux (maladies, traitements) qui provoquent
soit une irritation pulpaire en tant que
telle, soit une diminution des capacités de défense
ou de régénération de la pulpe.
De plus, sans étiologie
locale associée, la pulpe dentaire peut subir
chez des patients atteints de pathologies générales,
une dégénérescence de différentes natures :
une fibrose pulpaire caractérisée par un nombre
élevé de fibroblastes et une synthèse exagérée de
fibres matricielles, une dégénérescence calcique
avec des calcifications (pulpolithes) plus ou moins
importantes dans la pulpe camérale et radiculaire,
responsables d’un rétrécissement de l’espace canalaire,
et une dégénérescence nécrotique aboutissant
à une nécrose de la pulpe, accompagnée en
général de complications périapicales.
Une pathologie
générale peut également entraîner une métaplasie
pulpaire à l’origine de résorption dentinaire
interne.
Enfin, des mécanismes de défense inappropriés
(sur des dents ne présentant ni carie, ni
traumatisme) peuvent se produire dans la pulpe
(dentine tertiaire) et au niveau de la dentine (formation
de dentine sclérotique par fermeture des tubuli).
Pathologies générales et leurs
conséquences pulpodentinaires :
A -
Diabète
:
Le diabète sucré est une maladie qui touche le
métabolisme des hydrates de carbone et des lipides.
Cette pathologie est causée par un trouble de
la sécrétion ou de la fonction d’une hormone, l’insuline,
provoquant une augmentation de la glycémie.
Il existe deux types de diabètes.
Le diabète de
type I, associé à une anomalie ou à l’absence des
cellules qui produisent l’insuline, cellules bêta localisées
dans les îlots de Langerhans du pancréas,
apparaît chez l’enfant ou l’adolescent.
Le diabète
de type I est dit insulinodépendant car les malades
ont besoin d’un apport d’insuline exogène pour
survivre.
En absence d’un traitement régulier, les
malades peuvent développer une acidose grave
avec comas et diverses lésions dégénératives.
Le
diabète de type II, appelé non insulinodépendant
ou diabète gras est plus courant.
Il est dû à une
diminution de la fonction des cellules bêta ou à une
résistance à l’insuline.
Les malades atteints de
diabète de type II ne peuvent pas développer d’acidose
grave et leur traitement consiste à stimuler la
sécrétion d’insuline.
Classiquement, le diabète de
type II apparaît à partir de 50 ans mais un surpoids
peut provoquer un diabète dès l’enfance.
Quel que soit le type de diabète, l’excès de
glucose dans le sang provoque de nombreux troubles
vasculaires.
Tous les vaisseaux sont atteints,
de l’aorte aux fins capillaires.
L’hyperglycémie provoquée
par un diabète non contrôlé entraîne une
déshydratation cellulaire et la formation excessive
d’hémoglobine glycosylée (HbA1c) moins efficace
dans le transport de l’oxygène et responsable de
l’épaississement de la membrane basale des capillaires.
Cette modification a des conséquences sur la
réponse immunitaire.
Elle diminue la réponse leucocytaire
et entrave le rôle antibactérien des polymorphonucléaires
(PMN).
Les diabétiques ne sont
pas plus sujets aux infections bactériennes mais
présentent une plus grande probabilité de développer
une infection grave en raison de cette diminution
de la réponse immunitaire mais aussi de l’augmentation
de la teneur en sucre dans la région
pathologique qui peut accélérer la multiplication
bactérienne.
Contrairement aux maladies parodontales, les
conséquences du diabète non contrôlé sur la pulpe
dentaire ont été peu observées.
Seules deux études
effectuées dans les années 1960 sur l’état histopathologique
des pulpes dentaires de patients diabétiques
révèlent la présence de calcifications pulpaires
en forme de faucille ou amorphes.
En
revanche, seule l’étude de Russell fait état de
troubles vasculaires et d’épaississement des membranes
basales des capillaires pulpaires.
Chez les patients diabétiques non contrôlés, les
dommages vasculaires et l’inhibition de l’activité
antibactérienne des PMN sont considérés comme
des facteurs aggravants du risque d’infection pulpaire.
Une augmentation du nombre des lésions périapicales est observée chez les patients dont le
diabète n’est pas contrôlé.
En revanche, lorsque la
glycémie est équilibrée, la prévalence de lésions périapicales est identique à
celle observée sur les patients non diabétiques.
De plus, des résultats récents semblent montrer une augmentation de
la prévalence d’agents microbiens endodontiques dans la pulpe
nécrotique de patients diabétiques.
Bender décrit le cas d’une patiente de 32 ans
qui présente des douleurs dentaires bilatérales,
sans rapport avec des dents cariées et dont huit
dents ne répondent pas positivement aux tests de
vitalité pulpaire.
Le diabète de cette patiente a été
diagnostiqué et donc traité à la suite de cette
première visite.
Six mois après, l’examen radiologique
révèle la présence de lésions périapicales sur les dents qui ne répondaient pas
aux tests de vitalité.
Ces cas d’« odontalgie diabétique » qui apparaissent en absence de
carie sont attribués aux processus d’anachorèse ou aux troubles
circulatoires liés au diabète non contrôlé.
Cependant, des études plus poussées sont nécessaires pour mieux
comprendre ces mécanismes.
B - Athérosclérose :
L’athérosclérose est une pathologie dans laquelle l’obstruction de
la lumière des artérioles par des plaques athéromateuses (dépôts
lipidiques) provoque une ischémie et une dégénérescence tissulaire.
Les patients souffrant d’athérosclérose coronaire présentent un plus
grand nombre de dents avec des calcifications pulpaires que des
patients sains.
Bernick et al. ont aussi décrit des altérations pulpaires athérosclérosiques (calcification, nécrose),
mais ces études portent sur des patients âgés de
40 à 70 ans et il est connu que l’âge provoque des
modifications considérables au niveau des vaisseaux
pulpaires.
L’effet de l’athérosclérose seule
sur la pulpe dentaire n’a pas été confirmé chez
l’animal.
Oguntebi et al. ont mis en évidence un
rétrécissement des artérioles pulpaires sur des
porcs miniatures présentant une hypercholestérolémie
induite.
Des plaques d’athéromes ont été
observées mais la forte concentration de cholestérol
n’a jamais provoqué d’obstruction vasculaire complète au sein de la pulpe.
De même, aucun
changement dégénératif (nécrose ou calcification)
n’a été décelé dans les tissus pulpaires examinés.
L’absence d’altération pulpaire a été confirmée sur
des singes sur lesquels une arthérosclérose a été
induite expérimentalement.
Il semble donc que les
artérioles pulpaires ne soient pas propices au dépôt
athéromateux.
C - Hyperbilirubinémie :
La bilirubine est le pigment jaune rougeâtre présent
entre autres dans la bile et le sérum.
Elle
provient de la dégradation de l’hémoglobine par
perte du fer.
Dans les cas d’anémie hémolytique
précoce à bilirubine indirecte dont l’origine peut
être une incompatibilité de types sanguins Rhésus foetomaternelle ABO (érythroblastose foetale), ou
dans les pathologies provoquant des dysfonctions
hépatiques ou biliaires ainsi que dans les pathologies
qui déclenchent une hémolyse, l’excès de bilirubine
provoque des colorations des dents temporaires.
La bilirubine pénètre dans la dentine
donnant une couleur jaune, brune, grise ou bleutée.
Les dents prennent une couleur verdâtre lorsque
la bilirubine absorbe la lumière bleue et
s’oxyde en biliverdine.
Ces colorations particulièrement
visibles au niveau radiculaire s’estompent
avec l’âge.
D - Pathologie rénale chronique
:
Lors des pathologies rénales, quelle qu’en soit l’origine,
primaire ou secondaire à un diabète, à une
hypertension ou à une glomérulonéphrite, le processus
pathologique conduit à une détérioration
puis à une destruction des néphrons.
Une des
conséquences de la perte de la fonction des néphrons
est une diminution de la filtration des glomérules
rénaux, provoquant une augmentation de la
concentration en phosphate dans le sérum.
L’excès
de phosphate entraîne une incorporation du calcium
dans le tissu osseux par régulation homéostasique.
Il en résulte une diminution de la concentration
du calcium dans le sérum qui stimule la glande
parathyroïde.
Un autre effet des pathologies rénales
est l’impossibilité de produire la forme active
de la vitamine D (1,25-dihydroxyvitamine D3), ce
qui entraîne une diminution de l’absorption intestinale
du calcium et une sécrétion continue d’hormone
parathyroïdienne.
Des troubles osseux (ostéodystrophie
rénale) de type ostéomalacie,
ostéite fibreuse généralisée ou ostéosclérose apparaissent
alors. Après une greffe de rein, toutes les
valeurs redeviennent normales.
Au niveau dentaire,
les patients souffrant de pathologies rénales
chroniques ayant subi une transplantation rénale
présentent des calcifications pulpaires et un rétrécissement
de la chambre pulpaire par excès de dentinogenèse secondaire.
Il est possible que
le traitement immunosuppresseur à base de glucocorticoïdes
administré aux patients ayant subi une
greffe rénale soit responsable du rétrécissement de
la chambre pulpaire.
Mais il est observé un épaississement
de la prédentine sur des patients insuffisants
rénaux chroniques n’ayant reçu aucun traitement
à base de corticoïdes.
L’excès de
production de prédentine irrégulière est aussi expliqué
par l’hypophosphatémie et le rachitisme dus
à la déficience en vitamine D3 ou par l’hyperparathyroïdisme
observé lors d’une insuffisance rénale
chronique.
Les affections rénales peuvent être associées à
une ostéomalacie due à une contamination par
l’aluminium dans l’eau de dialyse ou à la conséquence
d’un traitement à base de sel d’aluminium
prescrit pour réguler le phosphate.
Quoi qu’il en
soit, l’aluminium s’accumule au front de minéralisation
des tissus calcifiés où il pourrait inhiber la
minéralisation.
De plus, une oxalose secondaire en
association avec une intoxication en aluminium serait
responsable de la perte des dents à la suite de
résorptions radiculaires internes et externes.
E - Hyperoxalurie et oxalose :
L’hyperoxalurie, qu’elle soit primaire (maladie héréditaire
rare dont le mode de transmission est
autosomique récessif) ou secondaire à une pathologie
rénale, provoque un dépôt de cristaux d’oxalate
de calcium appelé oxalose dans les tissus conjonctifs
extrarénaux.
La forte concentration en oxalate
plasmatique et les altérations de la perméabilité
vasculaire seraient responsables de la formation de
ces cristaux.
L’hyperoxalurie primaire est caractérisée
par des altérations rénales graves (néphrolithiases,
néphrocalcinose et précipitations de cristaux
d’oxalate dans les reins) nécessitant des
dialyses et à terme une transplantation rénale.
Chez des patients qui présentent une hyperoxalurie
primaire, des manifestations dentaires comme des
douleurs et des résorptions apparaissent, mais uniquement
avec une pathologie rénale chronique associée.
Hedemark a montré, sur une patiente de
25 ans qui souffrait d’une hyperoxalurie primaire,
la présence de cristaux d’oxalate dans la pulpe
dentaire fibrosée.
Cette patiente ne présentait
aucune pathologie dentaire jusqu’à l’âge de 18 ans,
puis un traitement orthodontique a été mis en
oeuvre et sans que ce traitement puisse être incriminé, de nombreuses résorptions dentaires sont
apparues.
Pendant le traitement orthodontique,
cette patiente a subi deux greffes rénales puis une
greffe rein-foie. Dans d’autres cas similaires, la
présence de cristaux d’oxalate a été décrite dans la
pulpe dentaire mais aussi au niveau de la prédentine
et de la dentine tertiaire.
Des zones de
résorption interne sont comblées par de l’ostéodentine
qui s’étend dans la pulpe et qui contient
des cristaux d’oxalate.
Enfin, des pulpolithes formés
autours des cristaux d’oxalate de la pulpe
fusionnés avec l’ostéodentine provoquent de larges
calcifications intrapulpaires.
L’étiopathogénie de ces lésions pulpaires pourrait
être l’hypovitaminose d’origine rénale qui induit
à son tour un déficit en ostéopontine, glycoprotéine
phosphorylée connue pour inhiber la
formation de cristaux d’oxalate de calcium.
La
réaction granulomateuse inflammatoire induite par
les cristaux d’oxalate de calcium dans la pulpe
serait à l’origine des résorptions internes des
dents et des douleurs pulpaires.
F - Anachorèse :
L’anachorèse est la localisation et la fixation, dans
des zones inflammatoires, de micro-organismes
provenant d’une autre source et véhiculés par voie
sanguine.
Il a été prouvé que les réactions inflammatoires
causées par les soins dentaires sont
capables d’attirer vers la pulpe, par voie hématogène,
des micro-organismes issus d’une pathologie
infectieuse éloignée de la dent.
Chez le chien, heures après une injection
intraveineuse d’une suspension de streptocoques a,
aucun micro-organisme n’est décelé dans les pulpes
contrôles non enflammées ; en revanche, dans toutes
les pulpes ayant subi un coiffage direct à l’hydroxyde
de calcium et présentant donc une inflammation,
la pulpe est infectée par des microorganismes
identiques à ceux qui ont été injectés
par voie sanguine.
Les auteurs en concluent que les
pulpes non inflammatoires n’attirent pas les bactéries
par voie anachorétique et que l’action chimique
de l’hydroxyde de calcium peut être considérée
comme un facteur favorisant l’infiltration vers
la pulpe de bactéries issues du sang.
Le processus d’anachorèse explique comment la
pulpe dentaire peut développer des nécroses ou des
pulpites « a retro » sans carie et sans infiltration
bactérienne à partir d’une infection à distance sur
des patients souffrant de pathologie générale
comme le diabète.
G - Troubles de la parathyroïde
:
La parathormone (PTH) est une hormone qui agit à
deux niveaux : le tissu osseux où elle régule le
remodelage osseux, et les reins où elle augmente la
sécrétion de phosphate et inhibe la sécrétion de
calcium.
De plus, la PTH catalyse l’hydroxylation de
la vitamine D qui à son tour contrôle la minéralisation
et l’absorption intestinale du calcium.
1- Hyperparathyroïdisme :
Une hyperparathyroïdie primaire est le plus souvent
engendrée par un adénome bénin de la glande
parathyroïde.
L’hyperparathyroïdie secondaire à
une anomalie rénale mobilise à la fois le calcium et
le phosphate à partir du tissu osseux.
Sur une patiente de 18 ans, une calcification
complète de la pulpe a été observée sur deux dents
ne présentant que de petites lésions carieuses.
L’hyperparathyroïdisme a été évoqué pour expliquer
l’apparition de ces calcifications pulpaires ;
cependant, dans ce cas, toutes les valeurs biologiques
étant normales, l’origine de ces calcifications
semble idiopathique.
De plus, de nombreuses recherches ont montré
que les hormones qui régulent la calcémie jouent
un rôle important dans la minéralisation de la dentine.
Chez la souris, une forte dose de PTH n’a pas
d’effet sur la différenciation des cellules mésenchymateuses
en préodontoblastes mais interfère
avec la cytodifférenciation des préodontoblastes
en odontoblastes et inhibe la formation de prédentine.
2- Hypoparathyroïdisme :
Les dents de patients atteints d’hypoparathyroïdie,
de candidose et de retard mental ont été examinées.
Tous les malades présentaient une concentration
sérique en calcium très basse et un taux en
phosphate très élevé.
Au niveau dentinopulpaire,
des cavités pulpaires larges dues à une hypoplasie
résultant d’un arrêt de la dentinogenèse sont décrites
ainsi que l’obstruction des chambres pulpaires
par de l’ostéodentine.
Cependant, il est difficile de
savoir si ces anomalies sont dues directement à
l’hypoparathyroïdisme.
Un défaut de minéralisation par la formation de
dentine interglobulaire au niveau radiculaire est
rapporté dans les cas de pseudohypoparathyroïdisme,
maladie due à l’absence de réponse des
cellules osseuses et rénales à la PTH et dans les cas
d’hypoparathyroïdisme idiopathique où les anomalies
dentinaires sont associées à des infections pulpaires
répétées liées à Candida.
H - Hypervitaminose D
:
La fonction biologique principale de la 1,25- dihydroxyvitamine D est de maintenir une concentration
normale en calcium et en phosphate dans le
sérum afin d’assurer les fonctions cellulaires essentielles
et de permettre la minéralisation des tissus
durs.
Les besoins en vitamine D sont en général
fournis par l’alimentation et l’exposition aux rayonnements
solaires.
Giunta décrit un cas rare d’hypervitaminose
D due à un excès d’absorption de lait
enrichi en vitamine D, chez un enfant de 7 ans qui
présente de nombreux troubles digestifs et des
calcifications ectopiques.
L’excès de vitamine D a
entraîné une hypercalcémie marquée et prolongée
due à une accélération de l’absorption intestinale
et à une résorption du tissu osseux. Au niveau
pulpaire, il est noté l’apparition de calcifications.
De même, des ponts radio-opaques sont observés
au niveau des chambres pulpaires de toutes les
incisives permanentes maxillaires et mandibulaires
dans un cas d’hypercalcémie iatrogène d’un enfant
atteint d’ostéodystrophie rénale et traité par de
trop fortes doses de vitamine D.
Chez l’animal, en
plus des calcifications pulpaires, une déformation
des racines, un vieillissement prématuré du complexe pulpodentinaire et la formation d’ostéodentine
ont été mis en évidence.
Pour mieux comprendre
les mécanismes responsables de ces excès
de minéralisation dentaire, il a été montré sur des
cultures de cellules pulpaires que la vitamine D
augmente la synthèse d’ostéopontine associée à la
formation de dentine de réparation et à l’apparition
de calcifications pulpaires.
I - Sclérodermie
:
La sclérodermie est une maladie des tissus mésenchymateux
caractérisée par une prolifération excessive
de collagène dans les tissus sous-cutanés.
Cette pathologie, plus fréquente chez la femme, se
développe sur un mode chronique.
Plusieurs étiologies
de la sclérodermie ont été proposées, des
facteurs neurotrophiques, une anomalie fonctionnelle
de la glande thyroïde mais aussi certaines
conditions atmosphériques, des intoxications médicamenteuses,
des infections aiguës ou des réactions
allergiques.
Au niveau dentaire, la fermeture
localisée des tubuli dentinaires entraîne une diminution
du nombre des tubuli principalement à
proximité de la chambre pulpaire.
Une étude en
microanalyse montre de nombreuses modifications
de la composition minérale de la dentine avec une
augmentation du taux de phosphate, la disparition
du magnésium et une modification du rapport calcium-phosphate.
J - Tumeurs malignes
:
1- Lymphome de Burkitt :
Le lymphome de Burkitt est un lymphome malin
constitué par la prolifération des cellules souches
lymphoïdes et frappant les adolescents de certaines
régions d’Afrique, mais il existe une forme
européenne.
Le virus Epstein-Barr (agent étiologique
de la mononucléose infectieuse) serait coresponsable
de ce lymphome qui se développe dans
les maxillaires en envahissant les tissus mous.
Dès
le début de la maladie, les études histologiques
montrent que les papilles dentaires des dents voisines
sont envahies par le processus lymphomateux.
La tumeur pénètre dans la papille dentaire par
l’apex provisoire et progressivement les cellules
lymphoïdes remplacent les cellules pulpaires.
Face aux traitements chimiothérapiques, le lymphome
de Burkitt régresse rapidement et le tissu
osseux se régénère autour des dents mais l’examen
histologique des dents après traitement montre une
dentine irrégulière avec une démarcation entre la
dentine normale, formée avant la maladie et la
dentine formée pendant la maladie.
Cette démarcation
peut être une bande étroite de dentine
moins minéralisée ressemblant à de la prédentine.
Dans les dents en cours d’évolution pendant le
lymphome, après le traitement, dans la majorité
des cas, le diaphragme épithélial est préservé, la
dentinogenèse radiculaire se poursuit normalement
et une pulpe saine est observable. Si le diaphragme
épithélial est détruit, une fibrose pulpaire se produit.
La formation de dentine normale après le
traitement est le signe de la présence d’odontoblastes
sains qui ont pu remplacer les odontoblastes
détruits lors du processus métaplasique.
Une déformation de la racine après traitement et guérison du
lymphome est souvent observée et peut être considérée comme une
preuve indirecte de l’envahissement de la papille par la tumeur.
2- Infiltration métastatique :
Un cas de métastase maxillaire envahissant la pulpe dentaire a été
récemment décrit à partir d’un
médulloblastome, la plus fréquente des tumeurs
cérébrales chez l’enfant, représentant 15 à 20 %
des tumeurs pédiatriques.
Les métastases extracérébrales
de ces tumeurs sont rares.
Dans le cas de
ce jeune enfant, la radiographie panoramique permet
d’observer la présence d’une image radioclaire
autour de certaines dents.
L’examen histologique
révèle une importante infiltration de la pulpe dentaire
des dents temporaires et de la papille des
dents définitives en formation
par des cellules tumorales.
La destruction de la pulpe par des métastases périapicales dans le
cas d’une tumeur maligne a été décrite sur une femme de 45 ans.
Une biopsie de
la pulpe et du périapex des dents présentant des
images radioclaires périapicales a révélé que la
lésion périapicale contenait des cellules métastatiques
alors que les fragments pulpaires présentaient
des calcifications, des cellules pycnotiques et
n’avaient plus de vascularisation.
Contrairement au
cas précédent, les modifications néoplasiques sont
restées confinées dans les maxillaires et n’ont pas
envahi la pulpe dentaire.
La destruction de la pulpe
serait la conséquence de l’arrêt de la circulation
sanguine pulpaire dû à la prolifération des cellules
tumorales au niveau périapical.
Il existe deux types d’hypophosphatémie héréditaire
appelée aussi rachitisme familial résistant à la
vitamine D : l’hypophosphatémie liée à l’X (HLX),
cas le plus courant de rachitisme héréditaire dans
lequel le trouble de la réabsorption du phosphate
au niveau rénal provoque une hypophosphatémie
avec un rachitisme sévère, une ostéomalacie et une
synthèse anormale de dihydroxyvitamine D3 et,
d’autre part, la maladie osseuse hypophosphatémiante
autosomique dominante (HBD), pathologie
héréditaire dans laquelle le trouble de réabsorption
rénale, différent de celui de l’HLX, entraîne des anomalies osseuses mais pas de
rachitisme uniforme bien que le niveau de phosphate dans le sérum
soit aussi faible.
Les signes dentaires de ces deux syndromes sont
un émail normal mais fin, une cavité pulpaire élargie
avec des cornes pulpaires qui s’étendent
jusqu’à la jonction émail/dentine et un taurodontisme.
La taille anormale de la pulpe est la conséquence
d’une dysplasie de la dentinogenèse secondaire
et/ou d’une déficience de la minéralisation
(dentine interglobulaire). Un excès de
zinc dans les espaces interglobulaires pourrait expliquer
ce trouble de la minéralisation dentinaire.
En effet, contrairement au tissu osseux,
le déficit en phosphate ne semble pas être la cause
principale des défauts de minéralisation dentinaires,
tandis que le zinc, connu pour inhiber la minéralisation
dentinaire et observé en excès dans les
espaces interglobulaires sur un modèle de souris
HLX, jouerait un rôle déterminant.
Les malades atteints d’HLX et d’HBD présentent
tous des anomalies dentaires mais à des degrés
différents, alors que l’hypophosphatémie est similaire.
De plus, les lésions pulpodentinaires sont observables même lorsque
les malades ont un traitement dès l’enfance qui permet de restaurer
le taux de phosphate sérique à des valeurs normales.
Il a été démontré que les anomalies dentaires
observées dans les cas d’HLX sont la conséquence
de deux processus séparés, l’un qui est dû à l’hypophosphatémie
d’origine rénale, l’autre affectant
directement la dentinogenèse secondaire.
Une
fois induite génétiquement, la dentinogenèse secondaire
est continue, lente et régulière et ne
semble pas dépendre de la concentration en phosphate.
Des nécroses pulpaires (dans 40 % des cas d’HBD,
50 % des HLX chez la femme et 100 % des HLX chez l’homme) et des abcès au niveau
de dents temporaires et définitives non cariées sont décrits sans
que la cause de ces abcès soit clairement définie.
Au niveau des dents temporaires, la faible
épaisseur d’émail puis l’envahissement bactérien
de la dentine hypominéralisée ou l’attrition amélaire entraînant une exposition
pulpaire au niveau des cornes pulpaires effilées pourraient
expliquer la nécrose pulpaire alors que sur les dents définitives,
les abcès sont inexpliqués.
La progression
des micro-organismes dans les défauts microscopiques
de l’émail et de la dentine semble une hypothèse
probable. Bien que ces abcès dits « spontanés
» apparaissent dès l’âge de 2 ans, l’intérêt de pulpotomies prophylactiques chez
les jeunes patients atteints de rachitisme résistant à la vitamine D
a été discuté et depuis 2002, ce traitement n’est plus recommandé.
Dans la pathologie liée à l’X, les anomalies dentaires
sont plus accentuées chez les hommes que
chez les femmes (ceci est dû à l’atténuation du
phénotype par l’allèle sain).
*
Rachitisme vitamine D-dépendant (VDDRI
et VDDRII)
:
La bioactivation de la vitamine D requiert l’activité
enzymatique de la 1alpha-hydroxylase rénale.
La déficience
ou l’absence de cette enzyme est provoquée
par une maladie autosomale récessive rare appelée
rachitisme vitamine D-dépendant de type I (VDDRI
ou rachitisme vitamine D-pseudodéficient).
Le VDDRII ou rachitisme vitamine D-dépendant de type
II (aussi nommé rachitisme hypocalcémique vitamine
D-résistant) est une autre forme de rachitisme
à transmission autosomique récessive causée par
une anomalie du récepteur à la vitamine D et donc
résistante au traitement vitaminique.
Les signes
cliniques du syndrome du VDDRI sont nombreux ;
on y retrouve des anomalies squelettiques mais aussi musculaires et des convulsions.
Le bilan biologique
révèle une hypocalcémie, une hypophosphatémie,
un taux de PTH élevé et une forte
phosphatase alcaline.
Dans le VDDRII, les signes
cliniques du VDDRI sont retrouvés avec en plus une
alopécie et un taux élevé de 1,25-dihydroxyvitamine D.
L’étude d’un cas présentant
un VDDRI montre des altérations dentaires
avec, au niveau radiologique, une pulpe dentaire
large et des racines courtes et d’un point de vue
histologique, des altérations comparables à celles
décrites précédemment dans le rachitisme hypophosphatémique
vitamine D-résistant.
Cependant,
il est intéressant de noter qu’il n’a pas été observé
d’abcès. Les signes dentaires du VDDRII sont identiques à ceux du VDDRI.
2- Hypophosphatasie :
L’hypophosphatasie est une maladie héréditaire
autosomale récessive provoquant l’absence d’activité
phosphatase alcaline (enzyme qui libère le
phosphate en milieu basique).
Il existe une forme
infantile de cette maladie où les enfants décèdent
avant l’apparition des premières dents, une forme
juvénile et une forme adulte.
Les malades présentent
des déformations osseuses ressemblant à celles
du rachitisme.
La dentine radiculaire est particulièrement
affectée.
La dentine apicale est très
fine avec des fibres de collagène épaisses, des
inclusions de débris cellulaires et de nombreux
espaces interglobulaires.
À la radiographie, la
pulpe dentaire de certains patients est extrêmement
large, faisant penser à des « dents en coquillage
».
3- Ostéogenèse imparfaite
:
L’ostéogenèse imparfaite est une maladie génétique
où la mutation du gène COL1A1 ou du gène
COL1A2 qui codent pour les chaînes pro-alpha1 et
pro-alpha2 du collagène de type I provoque des altérations
de la minéralisation de cette protéine de la
matrice osseuse et dentinaire.
Il existe quatre
types d’ostéogenèse imparfaite classés en fonction
des signes cliniques, radiologiques et génétiques
ou en fonction du degré de mobilité du
malade.
La dentinogenèse imparfaite de type I est
une forme de dysplasie dentinaire associée à l’ostéogenèse
imparfaite.
Il convient de différencier
la dentinogenèse imparfaite de type I de la dentinogenèse
imparfaite de type II, anomalie génétique
liée à une mutation au niveau du gène DSPP
dont le phénotype est uniquement dentaire.
Tous
les malades atteints d’ostéogenèse imparfaite ne
présentent pas de dentinogenèse imparfaite ; la
prévalence de la dentinogenèse imparfaite chez
les patients atteints d’ostéogenèse imparfaite est
de 8 à 40 %.
Qu’elle soit de type I ou de type II, les dents des
patients atteints de dentinogenèse imparfaite sont
caractérisées par une couleur jaune (en « sucre
d’orge sucé ») et un coefficient d’usure très rapide,
l’émail ayant disparu par attrition.
Les dents temporaires
sont plus atteintes que les dents définitives.
L’aspect radiologique est spécifique avec des
racines courtes, des couronnes bulbeuses dues à
une constriction cervicale et une oblitération de la
chambre pulpaire.
D’un point de vue histologique,
la dentine présente des zones amorphes dépourvues
de tubuli, ou des tubuli irréguliers et ramifiés,
des inclusions cellulaires et de la dentine interglobulaire.
Cependant, dans la dentinogenèse imparfaite
de type I (associée à l’ostéogenèse imparfaite),
il y a de très grandes variations en ce qui
concerne la gravité des altérations de la dentine.
Malmgren et Lindskog, en observant un grand
nombre de patients atteints d’ostéogenèse imparfaite,
ont mis en évidence une corrélation entre la
gravité de l’ostéogenèse imparfaite et la quantité
d’anomalies dentinaires.
De plus, cette étude montre
qu’il y a peu de différences entre les dents d’un
même patient, que sur une même dent s’il y a une
différence, l’atteinte radiculaire est toujours plus
accentuée que l’atteinte coronaire, que la dentine circum-pulpaire est plus sévèrement atteinte que
la mantle dentine et que les patients qui présentent
une ostéogenèse imparfaite sans dentinogenèse imparfaite détectable cliniquement
ont des anomalies dentinaires plus importantes que chez des patients
sains.
La corrélation entre la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite et les
anomalies dentinaires montre
qu’un même défaut génétique de la biosynthèse du
collagène de type I provoque un même degré d’anomalies
de la dentine et de l’os.
4- Syndromes héréditaires rares
:
* Syndrome d’Ehlers-Danlos (EDS) de type I
:
L’EDS de type I est une anomalie héréditaire des
tissus conjonctifs collagéniques caractérisée par
une peau hyperélastique, anormalement fragile,
qui a du mal à cicatriser, et des problèmes articulaires.
Dans les cas d’EDS I, la morphologie radiculaire
des incisives mandibulaires est altérée.
Les
racines sont anormalement courtes, avec un élargissement
de leur partie centrale et une oblitération
de la chambre pulpaire par de la dentine
contenant peu de tubuli et pouvant ressembler à du
cément intermédiaire.
La dentine de ces dents peut
faire penser à une dysplasie dentinaire de type I (DDI = type radiculaire).
Cependant, dans la DDI,
toutes les racines de toutes les dents sont atteintes
de façon homogène alors qu’ici, les altérations sont
variables et plus ou moins importantes.
Comme
pour l’ostéogenèse imparfaite, des anomalies du
collagène d’origine héréditaire sont à mettre en
cause.
* Calcinose tumorale
:
La calcinose tumorale est une maladie métabolique
héréditaire rare (transmise sur un mode autosomal
dominant) caractérisée par une élévation des taux
de phosphate et de 1,25-dihydroxyvitamine D dans
le sérum provoquant l’apparition de calcifications
tumorales solides.
Au niveau dentaire, les racines
sont courtes et bulbeuses, les calcifications pulpaires
entraînent une oblitération plus ou moins importante
de la cavité pulpaire.
D’un point vue histologique,
la dentine coronaire et une quantité
variable de dentine radiculaire apparaissent normales.
À un moment non spécifique, la dentine
radiculaire en cours de développement rencontre
une masse de tissu calcifié.
La dentinogenèse radiculaire se poursuit autour de cet amas calcifié
formé d’espaces ovoïdes entourés de calcifications amorphes.
À ce niveau, la dentine radiculaire est irrégulière.
*
Syndrome de Kabuki
:
Les malades atteints du syndrome de Kabuki présentent
un faciès similaire aux acteurs traditionnels
japonais, un retard mental modéré, une petite
taille et des anomalies squelettiques et dermatologiques.
L’étiologie de ce syndrome reste inconnue ;
ce serait une maladie autosomale dominante avec une expressivité variable.
Au niveau dentaire, les chambres pulpaires des molaires et des
incisives sont larges avec des calcifications.
Ces anomalies dentaires pourraient aider au diagnostic et à la
compréhension de la pathogénie de ce syndrome encore mal connu.
*
Maladie de Fabry
:
Cette maladie héréditaire liée à l’X, observée uniquement
chez l’homme, est due à un déficit de
l’enzyme alpha-galactosidase.
Les conséquences sont
une accumulation de glycolipides dans les cellules
endothéliales du rein, du coeur, du système nerveux
et le développement d’angiokératomes.
Les
vaisseaux de la pulpe dentaire sont, eux aussi,
atteints et le collagène dentinaire contient de larges
dépôts de glycolipides et de céramidotrihexosides.
* Mucopolysaccharidose (type III : maladie
de Sanfilippo, type VII : syndrome de Dyggve
ou syndrome de Sly)
:
Due à une déficience enzymatique héréditaire affectant
le métabolisme des mucopolysaccharides,
la maladie de Sanfilippo provoque l’oblitération de
la chambre pulpaire.
En revanche, le syndrome de Dyggve entraîne l’apparition d’hypoplasies dentinaires.
Une étude sur un modèle de rat atteint de mucopolysaccharidose de type VII a montré que les
cellules qui présentent une activité de synthèse
importante comme les odontoblastes sont les plus
touchées, elles sont dilatées par l’accumulation de
vacuoles contenant probablement des glycosaminoglycanes.
Il en résulte la formation de fibrilles de
collagène anormales au niveau de la prédentine et
des troubles de la minéralisation dentinaire.
Il s’agit d’une maladie à transmission autosomique
récessive caractérisée par des anomalies cutanées
de photosensibilisation, par une anémie hémolytique
et des lésions oculaires et osseuses.
Les dents
peuvent présenter une coloration rouge-brun ou
révéler une fluorescence rouge en lumière ultraviolette
par affinité de la porphyrie pour les phosphates
de calcium de la dentine.
* Progeria de Hutchinson-Gilford :
Les enfants atteints de progeria ont un vieillissement
accéléré.
Ils sont de petite taille et de faible
poids, ils ont la peau ridée, les cheveux blancs et
clairsemés, mais ne souffrent jamais de cancers
associés au vieillissement, ni de cataracte ou de
sénilité.
Le pronostic vital de cette maladie génétique
rare est très mauvais du fait de l’apparition
d’athéromatose précoce et d’insuffisance endocrinienne.
Au niveau dentaire, la sclérose des tubuli
dentinaires et la formation de dentine secondaire
caractéristique des dents des personnes âgées
aboutissent à une oblitération pulpaire et à une
coloration brun jaunâtre des dents.
* Drépanocytose :
C’est une anomalie héréditaire du sang, transmise
selon le mode autosomique récessif, caractérisée
par la présence d’une hémoglobine anormale qui
déforme les globules rouges qui prennent alors un
aspect de faucille.
Si les deux chromosomes sont
atteints, la drépanocytose peut provoquer une anémie
hémolytique très grave mais aussi des infections
bactériennes et des crises de douleurs vasoobstructives.
Les hématies déformées peuvent en
effet provoquer une occlusion des capillaires, interrompre le flux sanguin et entraîner une anoxie
tissulaire, une nécrose, des douleurs, voire un infarctus.
Ces globules rouges en faucille ont également
été identifiés dans les pulpes dentaires.Par conséquent, des nécroses sur des dents ne
présentant ni caries, ni traumatismes peuvent survenir
à la suite d’une obstruction des vaisseaux
pulpaires.
* Alcaptonurie
:
D’origine familiale et héréditaire, l’alcaptonurie
est une maladie qui ne s’accompagne dans l’enfance
d’aucun signe clinique et qui entraîne l’apparition
dans les urines d’alcaptones issues d’un trouble
de la décomposition de la phénylalanine et de la
tyrosine.
Dans certains cas, une coloration rougeâtre
ou brun-rose (érythrodontie) des dents définitives
peut être observée.
* Maladie de Cooley ou b-thalassémie majeure
:
Cette anémie hémolytique infantile due à de nombreuses
anomalies héréditaires de l’élaboration de
l’hémoglobine est transmise selon un mode autosomique
dominant.
Les enfants atteints présentent
une hépatosplénomégalie marquée, une cardiomégalie,
des anomalies osseuses et une coloration
grise, voire brune des dents.
Ce syndrome à transmission autosomique récessive
(ou peut-être lié à l’X) associe un crâne brachycéphalique,
des troubles oculaires, un retard mental,
des convulsions, des anomalies squelettiques et
maxillaires.
Au niveau dentaire, il est décrit une
dysplasie dentinaire ressemblant à une dysplasie de
type radiculaire (DDI) ou un taurodontisme avec
souvent une oblitération des chambres pulpaires.
* Syndrome tricho-dento-osseous :
Syndrome héréditaire autosomique dominant présentant
des altérations des cheveux et des ongles et
de nombreux troubles dentaires.
Au niveau pulpodentinaire,
les dents temporaires et définitives ont
de longues cornes pulpaires qui s’étendent jusqu’à
la jonction émail-dentine et comme dans les cas de
rachitisme vitamine D-résistant, une usure de
l’émail entraîne des microexpositions pulpaires et
des abcès.
La dentine a une épaisseur réduite et
présente des espaces interglobulaires.
* Autres syndromes
:
Le syndrome d’Hallermann-Streiff (oculomandibulo-dyscéphalie) provoque une oblitération
pulpaire et une dentinogenèse radiculaire anormale
avec des zones d’ostéodentine.
Le syndrome
de Rothmund-Thomson (poïkilodermie
congénitale) présente des oblitérations des chambres
pulpaires.
Des hypoplasies dentinaires sont
observées chez les patients atteints de la maladie
d’Albers-Schönberg (ostéopétrose ou maladie des
os de marbre).
L - Carences diététiques
:
1- Déficience en acide ascorbique (scorbut)
:
L’acide ascorbique (vitamine C) est essentiel pour
la biosynthèse et la sécrétion du collagène, constituant
majeur de la matrice dentinaire.
En cas de
carence en vitamine C, il est décrit une dentine
déficiente en quantité et en qualité avec des tubuli
rares et irréguliers, des dépôts intrapulpaires et
une diminution de la taille des odontoblastes.
Chez les rats déficients en acide ascorbique, il a été clairement
observé une réduction de la formation de dentine.
Deux explications sont suggérées :
une altération de la différenciation des odontoblastes
ou une résorption par les odontoblastes euxmêmes du collagène anormal.
2-
Carence en phosphate, en calcium, en
magnésium et en vitamine D
:
Dans les cas d’hypophosphatémie ou d’hypovitaminose
induites par un régime alimentaire carencé,
des défauts de minéralisation dentinaire sont toujours
décrits.
Les chambres pulpaires sont anormalement
larges et les racines sont courtes chez les
patients présentant une hypocalcémie.
En revanche,
chez le rat, une carence en magnésium induit
des défauts de la minéralisation de la dentine et
des calcifications pulpaires.
M - Acrodynie (maladie de Swift-Feer par
intoxication mercurielle)
:
Elle s’accompagne de troubles neurologiques et
cardiaques, d’atteintes cutanées, de stomatite et
au niveau dentaire d’un élargissement de la prédentine,
d’une dentine très irrégulière ondulée, au
niveau apical et au niveau pulpaire, d’hémorragies
massives.
N - Infection fongique (« Candida albicans »)
:
L’espèce Candida, qui fait partie de la flore normale
de la peau, de la cavité buccale et de l’appareil
gastro-intestinal, est la cause la plus fréquente
des infections fongiques chez l’homme.
L’augmentation de l’incidence des infections fongiques et la
détection de ce champignon dans des canaux radiculaires
infectés a généré un intérêt considérable
pour l’étude de son rôle dans les infections endodontiques.
Des études récentes ont montré en microscopie
électronique à balayage que Candida albicans
colonise la dentine et produit des agents collagénolytiques qui dégradent la matrice dentinaire.
De plus, Candida agit sur l’inflammation
pulpaire.
En effet, le mannan, un des composants
de la surface de Candida, peut directement ou
indirectement activer le système du complément.
En revanche, la sécrétion d’adénosine (facteur de
virulence) bloque la dégranulation des PMN neutrophiles.
Enfin, Candida albicans est résistant aux
agents thérapeutiques intracanalaires, ce qui explique
son association aux infections canalaires persistantes.
O -
Zona
:
Le zona est une infection secondaire causée par un
virus de la famille Herpesviridae (herpesvirus).
L’infection primaire est la varicelle, maladie de l’enfance
caractérisée par une éruption cutanée et des ulcérations orales et
dans laquelle le virus est disséminé par voie hématogène.
Le virus reste à l’état latent dans les ganglions des nerfs
sensoriels et il peut être réactivé lorsque les défenses
immunitaires de l’hôte faiblissent (phase de résurgence).
Il se produit alors une éruption cutanée et/ou muqueuse sur le
territoire du nerf concerné ; 18,5 % des zonas affectent le nerf
trijumeau et dans cette localisation, les douleurs sur le territoire
du nerf peuvent simuler une pulpite durant les prodromes (2 à 14
jours avant l’éruption vésiculaire).
Bien que les mécanismes pathogéniques soient inconnus,
le zona est classiquement rendu responsable
de résorptions radiculaires internes et externes,
de minéralisations importantes des chambres
pulpaires, de pertes de vitalité pulpaire (nonréponse aux tests électriques) et d’inflammations
pulpaires et/ou apicales.
Le virus n’est pas directement
impliqué dans les pathologies du tissu nerveux
dentaire (inflammations pulpaires) provoquées
par le zona du trijumeau, puisqu’il n’est pas
décelable dans les pulpes des dents atteintes.
P - Lèpre
:
La lèpre est une maladie qui touche tous les âges et
toutes les races.
Causée par Mycobacterium leprae,
elle est transmise par un contact prolongé.
La lèpre
touche d’abord la peau et les muqueuses et est
caractérisée par des lésions pouvant envahir tout le
corps (macules, papules, nodules et plaques).
Ses
complications les plus fréquentes sont des pathologies
oculaires, une alopécie, des abcès sur les nerfs
périphériques, la tuberculose, un érythème noueux
et une amyloïdose.
Des complications orales peuvent
apparaître, avec des ulcères sur le palais, les
amygdales et la langue, ainsi que la perte de plusieurs
dents.
Des anomalies morphologiques des
dents ont également été notées.
Mycobacterium
leprae a d’autre part été retrouvé dans les pulpes
dentaires des malades et l’envahissement pulpaire
par la bactérie peut entraîner une nécrose pulpaire,
ce qui peut justifier, soit des dépulpations
préventives, soit les extractions des dents, afin
d’éviter la contamination des tissus périmaxillaires.
Traitements et leurs conséquences pulpodentaires
:
A -
Glucocorticoïdes (ou glucocorticostéroïdes)
:
Les glucocorticoïdes (exemple : prednisone) sont
des dérivés synthétiques des hormones stéroïdes
sécrétées par les corticosurrénales qui exercent
des actions multiples ; anti-inflammatoire, antipyrétique,
antiallergique et inhibitrice des réactions
immunitaires.
Après une greffe rénale, l’administration de fortes
doses de prednisone provoque un rétrécissement
de la chambre pulpaire par stimulation de
l’activité dentinogénique des odontoblastes.
Cependant,
il est difficile de savoir si ces modifications
pulpaires sont dues à la pathologie initiale ou
au traitement corticoïde seul.
Une étude récente a
montré, chez le rat sain, que les effets dentaires de
l’administration continue de prednisone varient en
fonction de l’état de développement des dents et
de la dose de glucocorticoïdes utilisée.
Contrairement
aux molaires immatures, la prednisone provoque
sur les molaires matures un épaississement de
la dentine au niveau du plancher pulpaire.
Le mode
d’action des glucocorticoïdes ne serait pas direct
mais se ferait par l’intermédiaire des hormones de
croissance ; si les odontoblastes et les cellules pulpaires expriment le
récepteur de l’hormone de croissance dans les dents immatures, dans
les dents matures, l’expression n’est observable qu’après traitement
à la prednisone.
B - Tétracycline :
La tétracycline produit une coloration intense (grisâtre, jaunâtre,
verdâtre ou brunâtre) des dents.
L’incorporation des pigments fluorescents dans les tissus calcifiés
se fait par leur affinité pour les cations polyvalents et par la
formation de complexes insolubles avec les cristaux de la dentine.
Au fur et à mesure de l’exposition des dents à la lumière du jour,
la couleur jaune se change en gris ou brun et la fluorescence
diminue graduellement.
La tétracycline passant la barrière placentaire, les deux dentures
peuvent être atteintes puisque la coloration marque la dentine en
formation lors de la prise du traitement antibiotique.
C - Suppléments fluorés :
Des suppléments fluorés peuvent trouver une place en prévention de
la carie, pendant la minéralisation des dents.
La posologie doit s’adapter à l’enfant receveur et faire l’objet
d’un suivi. Une étude récente compare les pulpes de molaires temporaires
non cariées de deux groupes d’enfants.
L’un
est non supplémenté en fluorures, l’autre est constitué
d’enfants ayant reçu des comprimés fluorés
de la naissance à 10 ans, à des doses supérieures
aux recommandations actuelles (0,25 mg/j de 0 à
24 mois, 0,50 mg/j de 25 à 35 mois, 0,75 mg/j de
3 à 6 ans, 1 mg/j après 6 ans).
L’analyse en microscopie
photonique des pulpes dentaires révèle un
nombre significativement plus élevé de calcifications
pulpaires dans le « groupe fluoré ».
Ces calcifications
sont préférentiellement localisées au niveau
du plancher pulpaire et sur les parois
radiculaires et sont constituées parfois d’un tissu
proche d’une fibrodentine.
La présence de calcifications
pulpaires de ce type n’est pas toujours
retrouvée.
La notion de susceptibilité individuelle
entre en compte, ainsi que la régularité de la prise
des comprimés, leur période de consommation, la
posologie proposée, le stade de développement des
cellules odontoblastiques au début de la prise de
fluorures.
Ainsi, les préodontoblastes sont plus sensibles
à la présence de fluorures que les odontoblastes matures.
De plus, in vitro, l’exposition de dents de rat à de fortes
concentrations de fluorures entraîne des modifications des
constituants de la matrice extracellulaire de la dentine qui
pourraient perturber sa minéralisation.
D -
Traitements anticancéreux (radiothérapie
et chimiothérapie)
:
La radiothérapie utilisée en oncologie pédiatrique
est connue pour avoir un effet sur les dents en
développement.
La sévérité des conséquences dépend
du stade embryologique dans lequel se trouvent
des cellules odontogéniques au moment du
traitement et de la dose d’irradiation.
La dentine
des dents situées dans la zone d’irradiation présente
des anomalies de structure de type ostéoïde.
Les effets de la chimiothérapie sur la dentine
sont variables en fonction des drogues utilisées, de
la fréquence des cures et de l’état de différenciation
des cellules odontogéniques et de leur susceptibilité au moment du traitement.
Il existe des
différences dans la cytotoxicité et le caractère
réversible des dommages pulpodentinaires entre
les différentes drogues anticancéreuses.
L’actinomycine
D, la daunorubicine et la vincristine sont
très toxiques alors que le méthotrexate semble non toxique.
Une étude chez le hamster montre que
l’actinomycine D provoque des défauts dentaires
irréversibles lorsque le traitement est administré
pendant la phase de formation des dents.
Les cellules
les plus sensibles sont les préodontoblastes
non différenciés, puis les préaméloblastes.
Les odontoblastes matures ne semblent pas touchés par ce traitement.
Il est probable que les préodontoblastes
en phase proliférative soient plus sensibles
au processus d’apoptose induit par l’actinomycine
D que les cellules plus différenciées.
Une neutropénie a été induite chez des rats en
leur injectant un agent immunosuppresseur et anticarcinogène
habituellement utilisé dans les traitements
de la leucémie aiguë et du carcinome (le
méthotrexate).
Les études histologiques montrent
qu’à la suite d’une exposition pulpaire, la nécrose
pulpaire est plus importante dans le groupe des rats
expérimentaux que dans le groupe contrôle, alors
qu’il n’y a pas de différence en ce qui concerne les
lésions périapicales.
La neutropénie induite par le
traitement augmente la réaction nécrotique consécutive
à une exposition pulpaire expérimentale
chez le rat.
Le rôle des PMN neutrophiles dans
l’inflammation pulpaire (phagocytose des bactéries
et destruction tissulaire lors de la dégranulation)
est largement décrit dans la littérature.
Cependant,
les conséquences d’une modification du nombre
des PMN neutrophiles sur la réponse inflammatoire
de la pulpe ont été peu observées.
Conclusion
:
Cette revue de la littérature récente montre que
les interférences entre la dent, en particulier l’organe pulpodentinaire, et l’organisme sont nombreuses
et variées, mais parfois encore mal
connues.
De vastes champs de recherche, tant fondamentale
que clinique, sont donc ouverts pour
tenter de mieux comprendre les mécanismes pathogéniques de ces inter-relations.
Par ailleurs, la
survenue de manifestations dentaires sans étiologie
locale peut parfois permettre d’évoquer un diagnostic
de pathologies générales passées inaperçues
jusqu’alors.
De même, face aux conséquences
prévisibles sur l’organe pulpodentinaire de certaines
maladies générales, des traitements dentaires
précoces devraient sans doute être discutés (dépulpations
préventives, par exemple), tandis que
l’existence de maladies générales connues pourrait
dans certains cas contre-indiquer des traitements
dentaires susceptibles d’exacerber leurs conséquences
locales néfastes (traitements en orthopédie
dentofaciale et pathologies rénales, par exemple).
La médecine dentaire est une composante de
la médecine générale et ne doit pas être considérée
comme le bastion isolé des seuls odontostomatologistes.