Facteurs environnementaux de l’asthme sévère et de l’allergie

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Introduction :

La nette augmentation de l’incidence de l’asthme et de l’allergie ces 30 dernières années ne peut s’expliquer par des facteurs génétiques et suggère donc qu’en dehors de facteurs héréditaires, il existe un rôle important des facteurs environnementaux dans cette pathologie. Néanmoins, les facteurs de risque et les facteurs protecteurs de l’asthme et l’allergie restent actuellement mal connus.

Facteurs environnementaux de l’asthme sévère et de l’allergieL’étude multicentrique française EGEA, Étude épidémiologique des facteurs Génétiques et Environnementaux associés à l’Asthme, l’atopie et l’hyperréactivité bronchique, initiée en 1991, avait pour objectifs généraux : 1) de rechercher les facteurs génétiques de l’asthme et de traits associés à l’asthme (IgE, atopie, hyperréactivité bronchique) ; 2) de rechercher les facteurs environnementaux et les interactions des facteurs génétiques et environnementaux et 3) de clarifier l’hétérogénéité clinique et étiologique de l’asthme. En combinant une étude cas-témoins et familiale, cette étude a permis de recruter au total 2 048 individus, adultes et enfants, entre 1991 et 1995.

Le recrutement de près de 350 asthmatiques dans des services de pneumologie a permis d’étudier la sévérité de l’asthme, un phénotype difficile à analyser dans les études en population générale. L’asthme sévère est un enjeu de santé publique compte tenu de sa prévalence, difficile à estimer mais probablement de l’ordre de 1 à 3 % et de ses conséquences tant au niveau du patient (qualité de vie altérée, morbidité élevée) qu’au niveau économique. Néanmoins, peu de travaux épidémiologiques ont porté sur l’asthme sévère.

Les premiers résultats scientifiques issus de l’étude EGEA ont fait l’objet d’un premier article de synthèse paru en 2002. Concernant les facteurs environnementaux, les principaux résultats ont montré le rôle du tabagisme sur l’augmentation du taux d’IgE, même chez les asthmatiques, et sur la sévérité de l’asthme. Le rôle néfaste des expositions professionnelles, évaluées par une matrice emploi exposition, a été observé pour l’asthme. Concernant les facteurs génétiques, un criblage du génome a montré la liaison de certaines régions du génome (1p, 11p, 11q, 12q, 13q, 17q, 19q) avec l’asthme ou ses phénotypes associés et une analyse de ségrégation des IgE a montré l’existence d’un gène majeur dominant et d’une corrélation familiale résiduelle.

Depuis 2002, l’étude EGEA a permis d’obtenir de nouveaux résultats concernant les aspects phénotypiques et environnementaux de l’asthme sévère et de l’allergie. Sous ce terme sont regroupés des paramètres biologiques, IgE, éosinophilie sanguine et réponse aux tests cutanés (atopie) qui sont connus pour être associés à des manifestations cliniques avec une participation allergique. L’objet de ce nouvel article de synthèse est de présenter ces résultats obtenus depuis 2002 à partir des données de l’étude EGEA.

Méthodes :

L’étude EGEA est une étude multicentrique française réalisée dans 5 villes (Paris, Lyon, Marseille, Montpellier et Grenoble). Le protocole de l’étude et les aspects phénotypiques ont précédemment été décrits. Au total, 348 familles recensées par un asthmatique vu en consultation en CHU et 416 témoins ont été examinés, soit 1 854 individus.

Au sein des familles d’asthmatiques, 420 parents, 318 germains (frères et soeurs), 222 enfants et 123 conjoints ont participé à l’étude. En parallèle, 194 individus appartenant à 40 familles recensées par la présence d’au moins 2 germains asthmatiques ont été recrutés pour augmenter le nombre de familles dont 2 germains étaient asthmatiques pour les études génétiques. Ainsi, au total, 2 048 personnes ont été examinées.

Les proposants asthmatiques ont été recrutés à l’aide d’un auto-questionnaire dans des services hospitaliers de pneumologie ou d’allergologie de CHU, s’ils répondaient positivement aux 4 questions suivantes : 1) « Avez-vous déjà eu des crises d’étouffement au repos avec des sifflements dans la poitrine ? » 2) « Avez-vous déjà eu des crises d’asthme ? » 3) « Si oui, ce diagnostic a-t-il été confirmé par un médecin ? » 4) « Avez-vous eu une crise dans les 12 derniers mois ? ». Les témoins enfants ont tous été recrutés dans des consultations de chirurgie. Les témoins adultes ont en majorité été recrutés en population générale à partir des listes électorales (Paris, Lyon, Grenoble, Montpellier), mais aussi dans des consultations de chirurgie (Paris, Marseille), et dans un centre de sécurité sociale (Marseille).

L’examen des personnes comprenait un questionnaire détaillé permettant d’évaluer les symptômes respiratoires et allergiques, les antécédents personnels et familiaux de maladies respiratoires et allergiques et les facteurs de l’environnement domestique et professionnel depuis la petite enfance.

Une exploration fonctionnelle respiratoire avec une épreuve d’hyperréactivité bronchique à la méthacholine a été réalisée avec une dose cumulative maximale de 4 mg pour ceux dont le VEMS était ≥ 80 % de la valeur prédite selon l’âge, la taille et le sexe. Des tests allergiques cutanés à 11 allergènes (Chat, Dermatophagoïdes pteronyssinus, Cladosporium herbarum, Alternaria tenuis, phléole des prés, Aspergillus, Blattela germanica (cafard), olivier, bouleau, pariétaire, ambroisie) avec un contrôle positif (histamine) et négatif, une prise de sang pour une NFS, un dosage des IgE totales et spécifiques (Phadiatop®) ont été réalisés. Une prise de sang a été effectuée pour constituer une sérothèque, ainsi qu’une banque d’ADN et de lignées cellulaires.

Résultats et commentaires :

Les résultats pour chacun de ces facteurs sont repris plus en détail ci-dessous.

L’asthme sévère :

Un des objectifs de l’étude EGEA était de clarifier l’hétérogénéité clinique et phénotypique de l’asthme. L’asthme sévère représente une forme d’hétérogénéité de la maladie.

Si des classifications de la sévérité ont été proposées dans un contexte clinique (GINA, NAEPP), il n’existe pas à ce jour de définition standardisée en épidémiologie. Dans ce contexte, un travail a donc porté sur l’analyse des interrelations entre différents items de sévérité, utilisés dans la littérature épidémiologique et clinique, afin de déterminer si la sévérité pouvait ou non se réduire à un critère synthétique tant chez les adultes que chez les enfants. Les analyses montraient que chez les enfants, le VEMS n’était pas associé au traitement, à l’hospitalisation ni à un score clinique, tandis que chez les adultes, le score clinique n’était pas associé à l’hospitalisation, au traitement ni au VEMS, ces trois derniers critères étant fortement liés entre eux.

De façon cohérente avec des travaux de la littérature, ces résultats suggèrent qu’il n’existe probablement pas un seul, mais plusieurs phénotypes de l’asthme sévère représentant des dimensions différentes, et pouvant potentiellement présenter des facteurs étiologiques différents. Ainsi, la sévérité de l’asthme a été évaluée par trois mesures distinctes dans l’étude EGEA : un score clinique, variant de 0 à 7, basé sur la fréquence des crises d’asthme (0 ; 1 : < 1/semaine ; 2 : < 1/jour ; 3 : ≥ 1/jour), les symptômes persistants entre les crises (0 ; 1 : sifflements ; 2 : sifflements et essoufflement ; 3 : essoufflement limitant l’activité) et l’hospitalisation dans l’année (0, 1 : ≥ 1), la fonction ventilatoire avec le VEMS en % de la valeur prédite, et le traitement pour asthme avec la prise de corticoïdes inhalés dans l’année (oui/non).

Les facteurs étiologiques de la sévérité de la maladie restent actuellement mal connus. Il est possible qu’il existe des facteurs environnementaux et génétiques associés à la fois à la survenue et à la sévérité de l’asthme et des facteurs de risques spécifiques de la sévérité de l’asthme. Si la composante héréditaire dans l’asthme est bien établie, il y a en revanche peu d’études qui ont porté sur les facteurs familiaux et génétiques impliqués dans la sévérité de la maladie. Pour la première fois, une étude de la ressemblance familiale de la sévérité de l’asthme, première étape à la recherche de facteurs génétiques dans une pathologie, a été réalisée à partir des données de l’étude EGEA. Les résultats montraient que la prévalence de l’asthme chez les apparentés du premier degré de cas asthmatiques était indépendante de la sévérité de l’asthme du cas. En revanche, parmi les asthmatiques, on observait une ressemblance familiale de deux critères de sévérité de l’asthme : le score clinique de sévérité et le VEMS.

En effet, pour le score clinique de sévérité, on observait que les apparentés asthmatiques de cas (parents, enfants ou frères/soeurs) avaient un risque significativement augmenté de présenter un score clinique élevé si le cas présentait lui-même un score clinique élevé (comparativement aux apparentés de cas dont le cas présentait un score clinique faible). Cette étude indique une ressemblance familiale de la sévérité de l’asthme, et suggère ainsi que les sujets au sein d’une même famille partagent des facteurs de risque de l’asthme sévère, ces facteurs pouvant être d’origine environnementale et/ou génétique. S’il est clairement établi que l’exposition professionnelle est un facteur de risque de la survenue de l’asthme, pour la première fois une étude menée dans EGEA suggère le rôle des expositions professionnelles aux asthmogènes dans la sévérité de la maladie.

L’exposition professionnelle à des irritants non asthmogènes (faible exposition à des produits chimiques, des irritants ou des fumées de combustion) et à des nuisances asthmogènes classée en « asthmogènes en général » (isocyanates, farine, latex, produit de nettoyage industriel,…) et trois grands groupes (haut poids moléculaire, petit poids moléculaire, environnement mixte) a été estimée par une matrice emploi-exposition développée spécifiquement pour l’asthme. Des associations significatives ont été observées entre l’asthme ayant débuté à l’âge adulte et actuellement sévère (défini par le score clinique ≥ 2) et l’exposition à des nuisances asthmogènes (odds ratio 4,0, IC 95 %) ; haut poids moléculaire (3,7) ; petit poids moléculaire (4,4), incluant les produits de nettoyage industriels (7,2) ; et les environnements mixtes (7,5). Les résultats observés étaient similaires quel que soit le critère de sévérité de l’asthme utilisé.

en prenant en compte le traitement. Aucune association significative n’a été mise en évidence entre l’exposition aux irritants non asthmogènes et la sévérité de l’asthme, ni entre l’exposition aux asthmogènes et l’asthme ayant débuté dans l’enfance ou l’asthme léger de l’adulte. L’absence d’association avec les irritants non asthmogènes et la force de l’association observée avec les nuisances asthmogènes et avec l’asthme ayant débuté à l’âge adulte suggèrent une association causale néfaste entre l’exposition professionnelle aux asthmogènes et l’asthme sévère.

Le tabagisme actif a été trouvé comme facteur associé à la sévérité de l’asthme chez les adultes asthmatiques de l’étude EGEA, bien que le tabagisme ne semblait pas être un facteur de risque de la maladie dans cette étude. Dans la continuité, nous avons étudié le rôle du tabagisme passif, en considérant différentes fenêtres et sources d’exposition, dans l’asthme et la sévérité de l’asthme. De façon cohérente avec les résultats obtenus sur le tabagisme actif, l’exposition au tabagisme passif n’a pas été trouvée comme facteur associé à l’asthme dans cette étude. Mais, chez les asthmatiques, le tabagisme actuel de la mère pour les enfants et le tabagisme du conjoint pour les adultes étaient associés à la sévérité de la maladie. Une étude que nous avons menée en parallèle mettait en évidence une bonne reproductibilité et validité des déclarations concernant l’exposition au tabagisme passif, indépendamment de l’asthme. Ainsi, l’absence d’association entre le tabagisme passif et l’asthme ne semblait pas être liée à un biais différentiel de classement de l’exposition selon l’asthme.

Alors que les études à court terme sur la pollution atmosphérique ont montré des relations entre les pics de pollution et l’aggravation de l’asthme, peu d’études ont porté sur les effets à long terme de la pollution sur la sévérité de l’asthme. La sévérité de l’asthme en fonction de l’exposition au dioxyde d’azote, au dioxyde de soufre et à l’ozone des 12 derniers mois (estimée de façon rétrospective à partir des adresses résidentielles des individus) a été étudiée . Les résultats préliminaires chez les cas asthmatiques adultes étayent l’hypothèse d’un rôle de l’exposition à l’ozone sur la sévérité de l’asthme. Les caractéristiques de l’asthme au cours de la vie sont différentes chez les hommes et chez les femmes, mais les différences étiologiques selon le genre sont encore mal comprises.

Nous nous sommes intéressés au rôle du genre dans la relation entre l’asthme et les éosinophiles périphériques. L’analyse montrait que l’augmentation du nombre d’éosinophiles avec l’asthme était significativement plus forte chez les femmes dont l’asthme avait commencé dans l’enfance que chez les femmes dont l’asthme avait commencé à l’âge adulte ou chez les hommes en général. Aucune interaction entre le genre et l’asthme n’était observée pour les éosinophiles chez les enfants. Ces résultats suggèrent le rôle des éosinophiles dans la persistance de l’asthme chez les femmes et donc dans l’histoire naturelle de la maladie. Le rôle des éosinophiles dans l’étiologie de l’asthme est discuté.

Une analyse menée sur les données de l’étude EGEA souligne l’hypothèse du rôle de facteurs hormonaux dans la sévérité de la maladie. Sur le plan international, une augmentation concomitante de l’incidence de l’asthme et de l’obésité a été observée et dans ce contexte, plusieurs études ont mis en évidence une association entre l’indice de masse corporelle et l’incidence de l’asthme chez les femmes, mais pas chez les hommes. Au sein de l’étude EGEA, la sévérité de l’asthme, évaluée par le score clinique, n’était pas associée au genre. Le score clinique de sévérité de l’asthme augmentait avec l’indice de masse corporelle chez les femmes (p = 0,0001) mais pas chez les hommes (p = 0,3). La relation persistait après ajustement sur des facteurs de confusion comme le tabac, le VEMS, l’hyperréactivité bronchique (HRB) et la dyspnée. L’influence des règles précoces, un marqueur d’imprégnation oestrogénique, a été étudiée afin de déterminer le rôle potentiel de facteurs hormonaux dans cette association. De façon intéressante, l’association était plus forte chez les femmes qui avaient eu des règles précoces, suggérant ainsi le rôle de facteurs hormonaux dans la sévérité de la maladie (p de l’interaction = 0,02).

Bien que l’allergie soit fortement associée à l’asthme de l’enfant, la question de l’association entre l’intensité de la sensibilisation allergique et la sévérité de l’asthme reste ouverte. Une étude a été conduite chez les enfants asthmatiques de l’étude EGEA afin d’examiner les relations entre la sévérité de l’asthme et les IgE, les éosinophiles sanguins et le type et degré de sensibilisation. Le taux des IgE totales était significativement plus élevé chez les enfants traités par corticoïdes inhalés et chez les enfants avec un antécédent d’hospitalisation pour asthme (p = 0,009 et 0,04, respectivement).

En revanche, les éosinophiles, le type de sensibilisation (allergènes de l’environnement extérieur, intérieur et moisissures) et le degré de sensibilisation (évalué par le nombre de tests cutanés positifs, un indice quantitatif dont une étude biométrique a montré qu’il s’agissait d’un bon indicateur du degré de sensibilisation ) n’étaient associés à aucun des critères de sévérité de la maladie. Cette étude n’est pas en faveur d’une aggravation de l’asthme avec un degré de sensibilisation allergique augmentée chez les enfants. De plus, une récente étude au sein de la population adulte de l’étude EGEA indique l’absence d’association entre la sévérité de l’asthme et le taux d’IgE, le nombre d’éosinophiles et le nombre de tests cutanés positifs.

L’exposition aux animaux domestiques (chat, chien) a peu été étudiée en association avec la sévérité de l’asthme, et les résultats restent controversés. Une étude a été conduite chez les asthmatiques adultes de l’étude EGEA afin d’étudier le rôle de l’exposition aux animaux domestiques dans l’enfance et au moment de l’étude sur la sévérité de la maladie. Les résultats obtenus indiquaient que l’exposition aux animaux domestiques n’était pas un facteur associé à un asthme plus sévère. Néanmoins, le caractère transversal de l’étude ne permettait pas d’évaluer précisément les biais de sélection potentiels face à l’exposition (éviction des animaux face à la maladie).

L’allergie :

Les IgE totales, les éosinophiles sanguins et l’atopie sont des paramètres biologiques d’allergie corrélés entre eux. Une analyse récente menée au sein de l’étude EGEA a précisé ces interrelations et notamment mis en évidence le rôle de l’âge, du sexe et de l’asthme dans le degré de corrélation entre ces différents paramètres biologiques. Chez les asthmatiques, la concordance entre un taux d’IgE élevé (≥ 100 IU/ml), l’atopie (≥ 1 réponse positive parmi les 11 pneumallergènes testés) et l’éosinophilie (éosinophiles > 5 %) était la plus forte chez les garçons (64 %) et la plus faible chez les hommes (18 %). En revanche, 18,4 % des femmes asthmatiques ne présentaient aucun marqueur d’allergie, alors que seuls 2,3 % des hommes asthmatiques étaient dans cette situation.

Les évolutions selon l’âge du taux d’IgE et du nombre d’éosinophiles étaient différentes. Le taux d’IgE totales était significativement associé à l’atopie chez les asthmatiques adultes et chez les témoins (adultes et enfants). En revanche, les éosinophiles étaient associés au taux d’IgE et à l’atopie seulement chez les enfants. Les facteurs environnementaux précédemment trouvés associés aux IgE, aux éosinophiles ou à l’atopie n’expliquaient pas les résultats observés. Deux analyses réalisées sur les données de l’étude EGEA étayent l’hypothèse hygiéniste selon laquelle la diminution des contacts avec les agents infectieux dans l’enfance ralentirait la maturation normale du système immunologique et serait en partie responsable de l’augmentation de l’incidence de l’allergie et de l’asthme ces dernières décennies.

Plusieurs études ont préalablement montré que l’environnement de la ferme et un style de vie traditionnel étaient associés à un risque d’allergie diminué chez les enfants mais peu d’études avaient alors été menées chez des adultes. Chez les adultes de l’étude EGEA, la relation de la vie à la campagne, en considérant différentes fenêtres d’exposition au cours de la vie, avec l’asthme, l’atopie et les IgE a été étudiée.

Les résultats montrent que le taux d’IgE totales et la prévalence des tests cutanés allergiques positifs étaient significativement plus faibles chez ceux qui ont vécu à la campagne, à un moment quelconque de leur vie. Ces associations étaient indépendantes de l’âge, du sexe, du tabagisme ou de l’asthme. L’étude de l’association avec l’asthme, évaluée chez les parents des proposants asthmatiques, montrait que seuls les pères, mais non les mères des asthmatiques, étaient moins souvent asthmatiques, eux-mêmes en relation avec la vie à la campagne. Au total, cette étude montre un rôle protecteur de la vie à la campagne sur l’asthme et l’allergie chez les adultes, avec un effet qui ne se limite pas à l’exposition dans l’enfance.

Dans ce même contexte, des travaux de la littérature ont montré qu’une exposition aux animaux domestiques dans la petite enfance serait un facteur protecteur vis-à-vis du développement de l’atopie chez les enfants.

Mais peu d’études se sont intéressées au rôle de l’exposition aux animaux domestiques dans l’enfance et l’atopie évaluée à l’âge adulte. L’association entre les IgE, l’atopie et les éosinophiles chez l’adulte et l’exposition actuelle et/ou au cours de l’enfance aux animaux domestiques a été étudiée de façon rétrospective.

Afin de prendre en compte un effet de sélection potentiel dans cette étude rétrospective, les individus qui avaient gardé les animaux domestiques moins de 5 ans et ceux qui déclaraient avoir des symptômes suite au contact avec un chat ont été exclus de l’analyse. Chez les cas asthmatiques, l’exposition dans l’enfance était significativement associée à une diminution du risque de sensibilisation. En considérant la période d’exposition par rapport au début de la maladie asthmatique, il a été montré que le rôle protecteur de l’exposition aux animaux domestiques apparaît pour une exposition ayant commencé avant le début de l’asthme.

Les résultats étayent l’hypothèse selon laquelle une exposition aux animaux familiers au début de la vie, et en particulier avant le début de l’asthme, aurait un effet protecteur vis-à-vis de la sensibilisation allergique dans la vie adulte.

Cette association peut s’expliquer par un phénomène de tolérance, hypothèse développée par Platts-Mills, selon laquelle l’exposition à de fortes doses d’allergènes du chat serait associée à une production augmentée d’IgG spécifiques au chat, incluant les IgG4, plutôt que des IgE (soit une réponse dite « Th2 modifiée »).

Les asthmatiques inclus dans l’étude EGEA atteints d’un asthme intrinsèque (défini par des tests cutanés négatifs aux 11 pneumallergènes testés) montraient une plus forte sensibilité à des stimulus non allergéniques (climatisation, fortes odeurs, fumée de tabac, pollution atmosphérique, aspirine) que les asthmatiques ayant une sensibilisation à de pneumoallergènes.

L’association semblait être indépendante de la fonction ventilatoire et de l’hyperréactivité bronchique. Ces résultats suggèrent que chez les patients non allergiques, la sensibilité des récepteurs aux irritants respiratoires pourrait être augmentée. De plus, l’asthme intrinsèque était positivement associé à un âge plus élevé, au sexe féminin, à une polypose nasosinusienne et à un VEMS < 80 % et négativement associé aux antécédents de rhume des foins, à l’asthme saisonnier, et à l’ancienneté de l’asthme.

Chez les femmes, les informations sur les facteurs expliquant l’asthme prémenstruel et le rôle des événements hormonaux au cours de la vie sur le phénotype d’asthme sont peu nombreuses. Dans ce contexte, nous avons mené une étude afin d’étudier la relation entre les éosinophiles, les IgE et l’atopie et les événements hormono-dépendants (contraception orale, ménopause, règles précoces, asthme prémenstruel) chez les femmes asthmatiques et non asthmatiques.

Chez les femmes asthmatiques, l’éosinophilie était significativement associée à l’asthme prémenstruel, indépendamment de l’âge, du tabagisme et de la sévérité de l’asthme (éosinophiles/mm3 330 vs 194 ; p = 0,01).

Chez les femmes non asthmatiques, le taux d’IgE et le nombre de tests cutanés positifs étaient significativement diminués avec la ménopause, et le taux d’IgE était augmenté avec l’utilisation de contraceptifs oraux. Les résultats suggèrent un rôle des événements hormono-dépendants dans les traits associés à l’asthme.

Un effet du genre a aussi été observé dans la déclaration des facteurs déclenchants des symptômes chez les témoins non asthmatiques adultes. En effet, les femmes ont plus souvent que les hommes déclaré avoir des symptômes respiratoires déclenchés par l’exposition à la fumée de cigarette ou suite à un exercice physique, et des symptômes du nez (nez qui coule, éternuements) suite à l’exposition à la fumée de tabac, à l’exercice, aux animaux domestiques. De plus, une étude sur la prévalence de la toux mettait en évidence que la toux nocturne était associée au genre féminin chez les asthmatiques et la toux productive était associée au genre masculin chez les non asthmatiques.

Conclusion :

Les résultats obtenus depuis 2002 dans l’étude EGEA ont permis d’apporter des éléments nouveaux, tant au niveau de la clarification de l’hétérogénéité clinique de la maladie (selon l’atopie, et la sévérité de la maladie) qu’au niveau des facteurs personnels et environnementaux associés à l’asthme sévère et à l’allergie.

Pour la première fois la sévérité de l’asthme a été trouvée associée à l’exposition professionnelle aux nuisances asthmogènes, et le rôle de facteurs hormonaux est suggéré dans la sévérité de l’asthme et dans les marqueurs d’allergie associés à l’asthme. En outre, la mise en évidence du rôle protecteur de la vie à la campagne et de l’exposition aux animaux domestiques dans la petite enfance sur des marqueurs d’allergie chez les adultes a permis d’apporter des éléments supplémentaires permettant d’étayer l’hypothèse hygiéniste.

Un large programme de génotypage est actuellement en cours dans le cadre de l’étude EGEA. La prochaine étape des analyses cherchera à tester des interactions candidates entre des facteurs environnementaux et génétiques dans l’asthme, la sévérité de l’asthme et l’allergie, c’est-à-dire à tester si des polymorphismes génétiques modulent la relation entre des facteurs environnementaux et les phénotypes. Ce type d’approche peut permettre d’apporter des éléments importants quant à la clarification de l’étiologie de la maladie. La population de l’étude EGEA participe actuellement à une seconde phase de suivi de l’étude, en moyenne 12 ans après leur première participation.

La phase de recueil se termine à la fin de l’année, mais avec un taux de réponse à un autoquestionnaire de 90 % et un taux de participation à l’examen de 70 % fin octobre 2006, nous pouvons annoncer un bon taux de suivi de la population initiale. Le protocole de cette seconde enquête est constitué d’un questionnaire similaire à celui de la première enquête, mais complété sur certains aspects (traitements, qualité de vie, questionnaire détaillé sur les fréquences alimentaires, l’environnement professionnel, l’histoire résidentielle, l’activité physique…).

Les données de la seconde enquête permettront alors de mieux caractériser les phénotypes grâce à la répétition des mesures, d’évaluer de façon plus précise certains facteurs environnementaux, tels que l’exposition au bétail et l’exposition professionnelle et de tester de nouvelles hypothèses dans l’asthme comme celles concernant le rôle de facteurs nutritionnels et de l’activité physique. Enfin, une riche collection biologique, de par sa diversité, sa taille et sa qualité a été recueillie, permettant ainsi d’initier de nouveaux projets dans le domaine de la biologie.

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