Explorations immunologiques de l’oeil
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Le bilan diagnostique d’une affection inflammatoire oculaire doit
être adapté à la présentation clinique.
Les moindres détails de
l’interrogatoire et de l’examen sémiologique doivent être
minutieusement analysés.
Une étiologie peut être associée à une
uvéite dans 50 à 70 % des cas selon les différentes séries de la
littérature.
L’ophtalmologiste dispose de nombreux examens
complémentaires, mais l’élimination d’une étiologie infectieuse ou
tumorale doit rester sa première préoccupation.
Toute uvéite, surtout
lorsqu’elle est atypique, doit bénéficier d’un bilan minimal afin
d’éliminer une affection systémique associée.
Le bilan ne
peut être effectué que par étapes.
Il est affiné au fur et à mesure
pour aboutir in fine à un faisceau d’arguments cliniques, biologiques
et radiologiques en faveur d’un diagnostic précis.
Un
examen biologique pris isolément n’a aucune valeur particulière.
Ce
bilan ne peut être organisé qu’avec l’aide d’autres praticiens,
généralistes, internistes, rhumatologues, pédiatres.
La sensibilité et
la spécificité des différents tests se sont considérablement améliorées.
Certaines investigations purement immunologiques ont été
abandonnées au profit d’analyses basées sur l’identification
moléculaire d’agents pathogènes responsables de dysrégulation
immunitaire à long terme.
L’exploration de la surface oculaire, mais
également celle des annexes et des constituants intraoculaires ont
bénéficié des progrès les plus récents des méthodes d’analyse
immunologique et des techniques de biologie moléculaire.
La bonne
connaissance des examens complémentaires permet à
l’ophtalmologiste de mieux adapter sa stratégie diagnostique.
L’efficacité thérapeutique dépend étroitement de cette étape.
Les
explorations radiologiques, ainsi que l’angiographie à la fluorescéine
et au vert d’indocyanine, la tomographie en cohérence optique et
l’échographie à haute fréquence ne sont pas abordées dans ce
chapitre.
Rappels d’immunologie
:
À quelques exceptions près, l’immunologie oculaire obéit aux lois
de l’immunologie systémique. Les effecteurs de l’immunité cellulaire
et humorale sont tous représentés.
La rupture de tolérance vis-à-vis
des antigènes oculaires aboutissant à des phénomènes
d’immunisation a été largement étudiée.
Le concept
d’« antigènes séquestrés » basé sur la méconnaissance des protéines
oculaires par les lymphocytes T, a été progressivement abandonné
au profit de l’hypothèse plus réaliste d’une tolérance périphérique
encore appelée anergie.
Il s’agit d’un équilibre instable pouvant être
rompu en cas d’agression dans un contexte donné, par un facteur
déclenchant toxique, environnemental ou infectieux.
La cornée reste
un tissu immunologiquement privilégié par son caractère avasculaire et sa pauvreté en cellules présentatrices d’antigènes
lorsque l’on s’éloigne du limbe.
Le privilège immunitaire associé à
la chambre antérieure fait également couler beaucoup d’encre.
L’arc camérulosplénique, tel qu’il a été défini, n’a jamais été mis en
évidence chez l’homme.
Cependant, le concept de privilège
immunitaire est probablement fondé si l’on considère l’absence de circulation lymphatique intraoculaire et la présence des différentes
barrières hémato-oculaires.
Ce privilège dépend de mécanismes
moléculaires qui demeurent pour la plupart méconnus.
Le nombre d’affections inflammatoires oculaires, dont le mécanisme
physiopathologique serait purement immunologique, est en
décroissance constante.
Ceci témoigne du fait que de nombreux
agents pathogènes intervenant au cours de ces affections
véritablement multifactorielles sont régulièrement identifiés.
Il
pourrait s’agir de facteurs déclenchants responsables d’une rupture
de tolérance secondaire vis-à-vis des antigènes oculaires.
Ce
phénomène surviendrait dans un contexte immunogénétique
particulier.
Ceci explique l’incidence relativement faible de ces
affections par rapport aux maladies infectieuses plus classiques.
Après l’agression initiale, l’ophtalmologiste est confronté à un cercle
vicieux où les mécanismes immunologiques seraient au premier
plan.
L’analyse des conséquences de la maladie ne doit en aucun
cas occulter la recherche du ou des facteurs déclenchants.
Ainsi,
certains tests immunologiques spécialisés comme le test de dégranulation des basophiles humains, la recherche de complexes
immuns circulants ou le test de sensibilité à l’antigène S ont laissé la
place à des recherches de génomes d’agents pathogènes par les
techniques d’amplification génique.
Marqueurs indirects de l’inflammation
oculaire :
A - NUMÉRATION FORMULE SANGUINE :
Elle fait partie du bilan initial de toute inflammation oculaire et doit
être toujours pratiquée avant l’instauration d’un traitement
antiparasitaire, une corticothérapie ou un traitement immunosuppresseur.
Elle est répétée dans le cadre de la surveillance tout au
long du traitement afin de dépister une éventuelle toxicité.
1- Anémies
:
Plus fréquentes que les polyglobulies, elles peuvent être liées à une
augmentation des pertes ou à une inflammation.
On parle d’anémie
lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur à 13 g/100 mL de sang
chez l’homme adulte et 12 g/100 mL chez la femme ou l’enfant.
Les
hémorragies à bas bruit et à point de départ digestif sont
responsables d’anémie régénérative.
En revanche, l’inflammation
provoque une anémie arégénérative.
Cependant, les anémies
hémolytiques immunologiques sont de type régénératif.
2- Anomalies leucocytaires :
L’augmentation des polynucléaires neutrophiles (supérieurs à
6 500-7 000/mm3) correspond à un processus réactionnel transitoire
ou à une prolifération maligne.
Les polynucléoses neutrophiles
pathologiques doivent faire rechercher une infection bactérienne
localisée, une maladie inflammatoire, une corticothérapie générale
ou un tabagisme.
Les neutropénies (inférieures à 1 700/mm3)
doivent faire rechercher une infection bactérienne, un lupus
érythémateux disséminé (LED) ou une étiologie toxique
médicamenteuse.
Les lymphocytoses (supérieures à 4 500/mm3) s’intégrant dans le
cadre d’un syndrome mononucléosique sont associées aux infections
virales (groupe des herpès virus) et à la toxoplasmose acquise.
Les
lymphocytoses sanguines franches doivent faire rechercher une
leucémie lymphoïde chronique, anomalie le plus fréquemment
retrouvée chez les personnes âgées.
Les lymphopénies témoignent
d’une infection virale évolutive ou récente.
Lorsqu’elle est franche,
elle fait rechercher un déficit immunitaire dans le cadre d’une
infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Enfin,
l’hyperéosinophilie (supérieure à 300/mm3) doit orienter le
diagnostic vers une parasitose (toxocarose), un processus allergique
ou une vasculite systémique comme la périartérite noueuse et le
syndrome de Churg et Strauss.
3- Anomalies plaquettaires
:
Elles sont plus rarement observées au cours de l’inflammation
oculaire.
La thrombocytose (supérieure à 500 000/mL) peut être
associée à un rhumatisme inflammatoire et la thrombopénie
(inférieure à 100 000/mL) accompagne un LED ou une infection
virale.
B - VITESSE DE SÉDIMENTATION
ET PROTÉINE C RÉACTIVE :
La vitesse de sédimentation (VS) est un marqueur non spécifique du
taux de globulines et de fibrinogène plasmatiques.
Son élévation
témoigne d’un processus infectieux, inflammatoire ou tumoral.
En
ophtalmologie, elle prend une valeur particulière en cas de suspicion
d’artérite de Horton, mais également lors des sclérites associées à
une polyarthrite rhumatoïde et à la plupart des maladies de système.
La VS est faussement augmentée lors d’une anémie et au cours de
la grossesse.
Elle peut être abaissée au cours d’une polyglobulie,
d’une cryoglobulinémie ou d’une drépanocytose.
Un marqueur plus
sensible et spécifique est actuellement disponible.
Il s’agit de la
protéine C réactive (CRP).
Étant donné son métabolisme rapide, la CRP est l’examen de choix pour le suivi des affections
inflammatoires car la VS peut prendre plusieurs semaines avant de
se normaliser.
C - ÉLECTROPHORÈSE DES PROTÉINES :
Elle permet de séparer les différents composants protéiques du
liquide à étudier.
Les syndromes inflammatoires provoquent une
augmentation globale du pic des immunoglobulines mais également
celle des bêta- et alpha-2-globulines.
En cas d’anomalie, cet examen
est complété par une immunoélectrophorèse qui permet de séparer
les différentes immunoglobulines (IgM, IgG et IgA).
Il s’agit de
résultats qualitatifs et le dosage pondéral des immunoglobulines
permet de fournir la concentration des immunoglobulines de chaque isotype.
D - ENZYME DE CONVERSION DE L’ANGIOTENSINE :
L’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) clive deux acides
aminés de la partie C terminale du décapeptide qu’est l’angiotensine
I pour donner naissance à l’angiotensine II.
Elle est principalement
présente au niveau des cellules endothéliales capillaires, en
particulier pulmonaires et hépatiques, mais aussi des macrophages.
Les taux circulants de l’enzyme sont particulièrement élevés au
cours de la sarcoïdose chez deux tiers des patients.
L’association de cette anomalie à une uvéite et une anergie
tuberculinique est un bon argument en faveur du diagnostic.
Les
taux enzymatiques peuvent être élevés au cours de la lèpre, de la
maladie de Gaucher et de la cirrhose biliaire primitive.
Il faut
interpréter le résultat en fonction des normes qui sont différentes
selon l’âge et le sexe.
Enfin, la corticothérapie et les traitements
antihypertenseurs inhibiteurs de l’ECA rendent ce dosage
ininterprétable.
Certains ont proposé un dosage de l’ECA dans
l’humeur aqueuse et les larmes, mais son intérêt reste limité.
E - TYPAGE HLA
:
Les antigènes d’histocompatibilité (HLA) sont divisés en trois
classes.
Les molécules de classe I (HLA A, B et C) sont présentes à la
surface de toutes les cellules nucléées de l’organisme, alors que les
molécules de classe II (HLA DP, DQ et DR) sont restreintes aux
cellules présentatrices de l’antigène et aux lymphocytes B.
Nous ne
détaillerons pas le groupe HLA de classe III qui comprend quelques
facteurs du complément.
Les affections inflammatoires oculaires sont
parfois associées à un groupe HLA particulier.
Il s’agit
fréquemment de molécules de classe I du système majeur
d’histocompatibilité.
L’hypothèse physiopathologique la plus
moderne porte sur la présentation de certains antigènes aux
lymphocytes T permettant ainsi leur activation dans un contexte
HLA particulier.
Les individus les plus à risque sont ceux porteurs
de ces haplotypes.
La présentation antigénique serait alors plus
efficace.
D’autres haplotypes seraient protecteurs. Le rôle des
molécules de classe II est plus complexe.
En première
approximation, elles activeraient les lymphocytes T auxiliaires après
présentation antigénique.
1- Uvéites associées aux spondylarthropathies :
La présence de l’antigène HLA-B27 est l’un des critères
diagnostiques de la classification des spondylarthropathies, mis au
point par Amor en 1990.
Ce marqueur est présent chez 6 % de la
population française mais également dans 90 % des cas de
spondylarthrite ankylosante, 76 % des cas d’arthrite réactionnelle,
60 % des cas d’entérocolopathie inflammatoire et 50 % des cas de
rhumatisme psoriasique.
Cet examen ne doit pas être demandé si le
diagnostic de spondylarthropathie est déjà confirmé chez un patient
avec une uvéite antérieure de type B27.
Cependant, pour certains
auteurs, il s’agirait d’un critère pronostique.
Sa présence serait plus
volontiers associée aux formes sévères d’uvéite. Près de 12 sousgroupes
d’HLA-B27 ont été identifiés.
L’analyse plus précise par sous-groupe permettrait une meilleure
classification de ces affections d’expression polymorphe.
Le groupe B27 est un facteur de risque chez les
Caucasiens et non pas chez les patients de race noire ou les
Asiates.
Des études sont actuellement en cours dans le cadre de protocoles de
recherche afin d’identifier d’autres facteurs génétiques associés à
la maladie.
Il s’agit en particulier du gène MICA (gène A, lié à la molécule du
complexe majeur d’histocompatibilité de classe I).
2- Rétinochoroïdopathie de type Birdshot :
La liaison entre l’antigène HLA-A29 et la rétinochoroïdopathie de
type Birdshot (RCB) est l’association la plus forte connue à ce jour
en pathologie humaine.
Cet antigène est présent chez 7 % de la
population française mais il est retrouvé chez approximativement
80-98 % des patients atteints de RCB.
Le risque de développer la
maladie lorsqu’on est porteur du HLA-A29 est majoré d’un facteur
50-224.
La maladie est particulièrement liée à la présence de
l’antigène HLA-A29.2.
Les formes séronégatives sont
exceptionnelles et doivent faire rechercher une autre pathologie
comme la tuberculose ou la sarcoïdose.
Étant donné sa grande
distribution dans la population générale, la présence de ce typage
particulier n’est en aucun cas pathognomonique de l’affection.
La présence de l’antigène HLA-DR4 ou DR5 serait respectivement
un facteur protecteur ou un facteur de risque pour l’uvéite associée
à l’arthrite juvénile idiopathique (AJI, anciennement appelée arthrite
chronique juvénile).
Le HLA-DR15 serait plutôt corrélé aux uvéites
intermédiaires.
D’autres affections systémiques sont liées à cet
antigène.
Il s’agit de la sclérose en plaques, de la névrite optique et
de la narcolepsie.
Au Japon, les groupes HLA-DR4 et HLA-Dw53
sont plus particulièrement associés au syndrome de Vogt-Koyanagi-
Harada.
La présence de l’antigène B51 n’est ni un critère
diagnostique ni un critère pronostique de la maladie de Behçet.
Elle
ne fait pas partie des critères de la classification internationale.
En
l’état actuel des connaissances, cet examen n’a pas de valeur.
F - ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES :
Les anticorps antinucléaires (AAN) sont des autoanticorps non
spécifiques dirigés contre les constituants du noyau cellulaire.
La
recherche des AAN s’effectue en deux temps.
La première partie
permet un dépistage en utilisant l’immunofluorescence indirecte
pratiquée sur coupe de foie de rat ou sur cellules humaines de type
Hep-2.
Si un anticorps est dépisté, son titre est déterminé et son
aspect de fluorescence est alors précisé.
Il faut se méfier des
positivités à titre inférieur au 1/100e qui sont des faux positifs.
La
présence d’AAN est en faveur d’une connectivite chez l’adulte et
d’une AJI chez l’enfant.
L’immunofluorescence indirecte sur Crithidia
luciliæ, les tests immunoenzymatiques en phase solide (Elisa) et les
tests radio-immunologiques (test de Farr) en phase liquide
permettent de préciser la spécificité des AAN.
Les anticorps antiacide
désoxyribonucléique (anti-ADN) natifs orientent vers un LED
chez l’adulte.
Le syndrome sec est considéré comme un symptôme clinique
hétérogène situé à l’interface des maladies systémiques, des
infections virales et des pathologies malignes.
Le facteur rhumatoïde
est positif dans 50-75 % des cas. Les AAN sont retrouvés par immunofluorescence dans plus de 50 % des cas mais les anticorps
anti-ADN natifs sont généralement négatifs.
En revanche, les
anticorps anti-Ro (anti-SSA) et anti-La (anti-SSB) sont
particulièrement intéressants.
Ils bénéficient d’une bonne sensibilité
et d’une bonne spécificité au cours de cette affection.
L’anti-SSB
semble plus spécifique que l’anti-SSA.
D’autres anticorps peuvent
également être retrouvés comme les anticorps anticanaux excréteurs,
antitissu et anticardiolipine.
G - ANTICORPS ANTICYTOPLASMES DES POLYNUCLÉAIRES
NEUTROPHILES :
Ces anticorps anticytoplasmes des polynucléaires neutrophiles
(ANCA), autoanticorps, sont devenus les marqueurs de la
granulomatose de Wegener qui fait actuellement figure de maladie
auto-immune à part entière.
La technique de référence utilisée est
une immunofluorescence indirecte mettant en évidence deux aspects
principaux définis par une fluorescence cytoplasmique (c-ANCA)
diffuse, finement granuleuse avec renforcement périnucléaire d’une
part, et par une fluorescence purement périnucléaire (p-ANCA) ou
nucléaire d’autre part.
Les c-ANCA reconnaissent la protéinase-3
dans 80 % des cas alors que les p-ANCA sont plutôt dirigés contre
la myéloperoxydase.
H - SÉROLOGIES INFECTIEUSES :
Les analyses sérologiques occupent une place majeure dans
l’exploration de l’immunité oculaire.
Ces examens mettent en
évidence les anticorps sériques dirigés contre différents agents
pathogènes.
Une sérologie négative permet a priori d’innocenter un
organisme donné, même si cette règle souffre de quelques
exceptions.
En effet, la sérologie de la toxocarose peut rester assez
longtemps négative.
Il faut répéter une sérologie après quelques
semaines pour ne pas ignorer une séroconversion.
Trois techniques sont utilisées en routine : l’immunofluorescence
indirecte, la technique immunoenzymatique (Elisa) et le Western blot.
L’immunofluorescence nécessite une analyse microscopique et par
conséquent un technicien entraîné.
En revanche, le test Elisa peut
être automatisé et informatisé.
Enfin, le Western blot associe une
électrophorèse à un transfert sur filtre de nitrocellulose puis une immunodétection spécifique.
Ce dernier peut être utilisé pour
confirmer un test Elisa.
L’exemple le plus courant est celui de la
sérologie VIH.
Le rendement de certaines sérologies comme celle de
la syphilis, de la toxoplasmose (Elisa) et des infections virales est
particulièrement satisfaisant.
Celui des rickettsioses, des
leptospiroses et de la maladie de Lyme dépend étroitement du
laboratoire d’analyse.
L’exemple de la maladie de Lyme mérite une
attention particulière. L’oeil peut être touché au cours de toutes les
phases de la maladie, même si l’uvéite est volontiers tardive.
La
réalisation du test sérologique en l’absence d’orientation clinique a
un mauvais rendement.
Plusieurs sérotypes de Borrelia burgdorferi
ont été identifiés.
Il existe une distribution différente des sérotypes
en fonction de la localisation géographique.
Il est actuellement
difficile de savoir si les tests utilisés sont assez sensibles pour
détecter la bactérie responsable de la maladie en France.
Il faut noter
que dans toutes les maladies transmises par une tique, celle-ci doit
être récupérée et adressée au laboratoire pour analyse
microbiologique.
L’agent pathogène peut être ainsi isolé à partir de
la source, alors même que la sérologie est négative par manque de
sensibilité.
En cas de doute diagnostique, il ne faut pas hésiter à
adresser un second prélèvement à un laboratoire de référence.
La
présence d’anticorps de type IgG n’a aucune valeur diagnostique,
en particulier dans le cadre des sérologies herpétiques et
zostériennes, même si les taux sont très élevés.
En effet, plus de 70 %
de la population française est séropositive pour ces virus.
En
revanche, les IgM ont une grande valeur diagnostique même si elle
n’est pas formelle.
Lorsqu’il existe une suspicion diagnostique
majeure à l’examen clinique, il faut savoir répéter l’examen après 2
semaines.
Une sérologie négative a parfois une grande valeur
lorsqu’elle est contrôlée.
Elle permet d’éliminer l’affection suspectée.
Un chapitre spécial est réservé à la sérologie syphilitique.
Plusieurs examens sont disponibles.
Il est conseillé d’associer un test tréponémique (treponema pallidum hemagglutination [TPHA],
fluorescent treponema antibody absorption [FTA-ABS]) à un test non
tréponémique (venereal disease research laboratory [VDRL]).
Cette
sérologie fait partie de tout bilan initial d’uvéite.
En effet, il s’agit
d’une affection fréquemment trompeuse responsable d’une
symptomatologie polymorphe et variée.
La positivité du test tréponémique signifie une infection sans préjuger de son activité.
Cette dernière ne peut être définie que par un VDRL positif.
Toute
uvéite postérieure de type syphilitique doit être considérée comme
une syphilis tertiaire et nécessite donc une ponction lombaire avec
demande de TPHA-VDRL dans le liquide céphalorachidien (LCR).
Enfin, il faut connaître les sérologies faussement positives au cours
du diabète, des dysglobulinémies, d’autres tréponématoses (Pinto,
béjel) et la maladie de Lyme.
I - INTRADERMORÉACTION À LA TUBERCULINE :
L’injection de dix unités de tuberculine en intradermique évalue
l’intensité de l’immunité cellulaire dans le cadre d’une réaction
d’hypersensibilité retardée.
L’injection est pratiquée au niveau de
l’avant-bras et la lecture est effectuée après 72 heures.
Une
induration de diamètre supérieur à 6 mm correspond à une
positivité.
Le caractère phlycténulaire de la réaction oriente vers une
tuberculose.
En revanche, l’anergie tuberculinique est en faveur
d’une sarcoïdose.
Elle est retrouvée dans 40-70 % des cas.
L’interprétation de cet examen dépend de l’état de vaccination du
sujet par le bacille bilié Calmette-Guérin (BCG).
Il est également
important de connaître l’état antérieur de l’intradermoréaction
(IDR).
Une IDR phlycténulaire chez un sujet vacciné par le BCG
mais ayant eu auparavant un test simplement positif est un
argument majeur en faveur d’une tuberculose.
De même, une IDR
positive chez un patient qui n’a jamais été vacciné témoigne d’un
contage antérieur. Un traitement corticoïde par voie générale peut
perturber cet examen.
Il ne faut pas oublier qu’une IDR à la
tuberculine peut à elle seule aggraver une uvéite associée à la
tuberculose.
J - BIOPSIE D’ARTÈRE TEMPORALE :
Il s’agit de l’examen de référence pour confirmer le diagnostic de
maladie de Horton.
La sensibilité d’une biopsie d’artère
temporale (BAT) unilatérale guidée par la clinique est de 75 % à
condition que le prélèvement porte au moins sur 3 cm.
Certains
préconisent une biopsie d’emblée bilatérale, avec une sensibilité
avoisinant alors 100 %.
L’histologie retrouve un aspect d’artérite
prédominant au niveau de la média avec destruction de la limitante
élastique interne et infiltrats inflammatoires lympho-histioplasmocytaires.
Les lésions anatomiques persistent plusieurs semaines sous traitement et l’examen ne doit en aucun cas retarder
la mise en route de la corticothérapie.
L’aspect anatomopathologique
est différent de celui observé au cours d’autres artérites comme la
maladie de Takayasu.
L’inflammation est alors plus externe au
niveau de la tunique artérielle.
K - PONCTION LOMBAIRE
:
Elle est nécessaire en cas d’uvéoméningite.
Elle est pratiquée après
examen neurologique et permet de mettre en évidence une
méningite lymphocytaire au cours d’un syndrome de Vogt- Koyanagi-Harada ou d’une ophtalmie sympathique, d’une infection
virale, d’une tuberculose, d’une syphilis ou d’un lymphome
oculocérébral.
Certains examens plus spécialisés comme la recherche
de génomes bactériens ou viraux, l’électrophorèse des protéines du LCR, le dosage de l’ECA nécessitent des laboratoires plus spécialisés.
La ponction lombaire doit être couplée à une imagerie cérébrale et
orbitaire afin de permettre une interprétation optimale.
L - AUTRES PRÉLÈVEMENTS :
D’autres prélèvements comme le lavage bronchoalvéolaire, les
biopsies ganglionnaires, les ponctions biopsies hépatiques et rénales
permettent une analyse cytologique et anatomopathologique ainsi
qu’un typage lymphocytaire.
Ces examens sont orientés par
l’imagerie radiologique et, le cas échéant, la scintigraphie au gallium.
Analyse des prélèvements oculaires
:
Lorsque l’ensemble du bilan systémique n’a pas permis d’obtenir
une orientation étiologique particulière, les prélèvements oculaires
pourraient fournir des informations inestimables.
Une biopsie de
glande lacrymale permettrait de mettre en évidence un granulome sarcoïdosique, une biopsie sclérale permettrait d’analyser les
infiltrats inflammatoires au cours d’une sclérite atypique et une
biopsie conjonctivale confirmerait le diagnostic de lymphome
associé aux muqueuses (mucosa-associated lymphoid tissue [MALT]).
Le développement des techniques d’immunohistochimie et
d’hybridation in situ a amélioré la sensibilité diagnostique à partir
de ce type de prélèvements.
Seule la polymerase chain reaction (PCR)
in situ, destinée à identifier avec une grande sensibilité le génome
d’un agent pathogène au sein d’une cellule ou d’un tissu reste
actuellement réservée à quelques laboratoires de recherche à travers
le monde.
A - PRÉLÈVEMENTS INTRAOCULAIRES :
Trois types de prélèvement sont classiquement effectués : la ponction
de chambre antérieure, la vitrectomie diagnostique et la biopsie
rétinienne.
1- Ponction de chambre antérieure :
* Évaluation de la synthèse intraoculaire d’immunoglobulines :
Il s’agit de l’un des procédés les plus performants pour confirmer le
diagnostic d’une uvéite d’origine infectieuse.
Sa réalisation
systématique devant toute uvéite présumée toxoplasmique ou virale
reste encore discutée sur le plan international.
Même si le risque
théorique de cet acte semble faible, il doit toujours être réalisé à bon
escient et dans de bonnes conditions techniques.
La quantité
d’humeur aqueuse ou de vitré obtenue est directement
proportionnelle au nombre d’examens possibles.
La détermination
du coefficient de charge immunitaire demeure une étape capitale en
cas de suspicion de rétinochoroïdite toxoplasmique ou d’uvéite
virale.
La présence d’Ig dans les liquides intraoculaires peut être
due à une synthèse locale ou à un transfert passif d’anticorps
sériques à travers une barrière hémato-oculaire rompue.
Il faut donc
toujours rapporter le taux d’anticorps spécifiques au taux d’Ig
totales.
Le coefficient de Goldmann et Witmer compare les taux
d’anticorps intraoculaires et sériques.
Un coefficient C supérieur à trois est considéré comme
significativement positif.
La négativité de cet examen est non
interprétable chez le sujet immunodéprimé.
La synthèse
intraoculaire d’IgA dirigées contre le toxoplasme semble être un test
intéressant en l’absence d’IgG, dans 15 % des cas.
Ainsi, la sensibilité
du test sérologique intraoculaire couplé à l’amplification génique
passerait de 77 à 91 % si l’on prenait en compte le dosage des IgA.
* Dosage intraoculaire de cytokines :
La concentration de nombreuses cytokines et chimiokines est
évaluée dans le cadre de protocoles de recherche fondamentale
appliqués aux différents modèles expérimentaux d’uvéite, mais
également chez l’homme.
L’interleukine 6 (IL6) semble être élevée
au cours des processus immunologiques alors que l’augmentation
de l’IL10 témoignerait plutôt d’un processus lymphomateux
intraoculaire.
Ce dernier examen est un élément d’orientation
particulièrement sensible bénéficiant également d’une grande
spécificité.
Le dosage est effectué par test Elisa.
Il pourrait s’agir d’un
examen d’orientation dont l’anomalie serait un argument
supplémentaire pour effectuer une vitrectomie diagnostique.
En effet, le diagnostic de lymphome ne peut en aucun cas être posé
sur un taux anormalement élevé d’IL10 dans l’humeur aqueuse ou dans
le vitré.
Cet examen pourrait également être utilisé dans le cadre de la
surveillance de ces affections, dépistant précocement une rechute.
2- Vitrectomie diagnostique
:
Elle doit être pratiquée en dernier recours et après l’arrêt de toute
corticothérapie par voie générale.
La suspicion de lymphome
intraoculaire confortée par un taux d’IL10 élevé dans l’humeur
aqueuse est une exception à cette règle et justifie un prélèvement
rapide.
Le rendement de l’examen est intéressant si les échantillons
sont rapidement acheminés vers des laboratoires spécialisés.
* Analyse cytologique :
Elle permet d’orienter le diagnostic étiologique.
Il est indispensable
d’acheminer immédiatement le prélèvement vitréen au laboratoire
d’analyse qui doit être à proximité.
Ces échantillons sont très peu
cellulaires et les éléments sont fragiles.
Après centrifugation à faible
vitesse (cytospin), les lames sont fixées et l’analyse peut débuter.
La
présence de cellules anormales affirme l’origine lymphomateuse.
En revanche, la découverte d’un granulome oriente vers une
sarcoïdose ou une tuberculose, et celle de macrophages portant des
inclusions PAS-positif vers un processus infectieux comme la
maladie de Whipple.
Il ne s’agit en aucun cas d’un diagnostic
pathognomonique.
Ce type de présentation cytologique est
également possible au cours de parasitoses comme l’aspergillose
oculaire et des infections à mycobactéries atypiques.
En présence de
cellules anormales, l’immunophénotypage permet de différencier les
lymphomes T et B.
* Analyse moléculaire :
Étant donné la pauvreté cellulaire du prélèvement, les analyses en
biologie moléculaire seraient une aide au diagnostic.
L’immunomarquage nécessite plus de matériel pour conclure à une
clonalité et définir le caractère B ou T du lymphome.
Les cellules
malignes ont des caractéristiques particulières comme le
réarrangement des chaînes lourdes des gènes des Ig et différents
types de translocation.
Le développement de nouveaux protocoles
d’amplification génique a permis d’améliorer le rendement
diagnostique.
L’amplification du deuxième ou troisième segment de
la région variable de la chaîne lourde des Ig (FR2, FR3) permet
d’identifier des réarrangements dans la majorité des cas de
lymphomes systémiques et oculaires.
De plus, le gène bcl-2,
localisé sur le chromosome 18, code pour une protéine antiapoptotique.
Sa dérégulation après translocation est due à
la stimulation par le promoteur du gène des chaînes lourdes d’Ig.
Cette surexpression explique le caractère immortel des cellules et
intervient au cours de l’oncogenèse.
Shen et al ont appliqué la
technique de microdissection à l’aiguille ou au laser aux différents
prélèvements inclus en paraffine.
Cette dissection est réalisée
après examen microscopique de la coupe et identification des
cellules suspectes.
Ce procédé permet d’aboutir à des diagnostics
rétrospectifs sur des prélèvements effectués dans le passé sans
résultat contributif.
* Réaction en chaîne à la polymérase :
Il s’agit certainement de la technique la plus précise pour identifier
un agent pathogène ou mettre en évidence un réarrangement de
gènes dans le cadre d’hémopathies malignes.
La réaction
biochimique est initiée à l’aide d’amorces nucléotidiques dirigées
contre les agents infectieux dont nous connaissons la carte d’identité
génétique.
La spécificité de cette étape dépend du choix rigoureux
des amorces.
Ce dernier est fréquemment assisté par ordinateur. Une
polymérase permet alors de répliquer chaque brin d’ADN.
Au
décours du premier cycle d’amplification, deux molécules identiques
d’ADN sont disponibles.
Ce nombre augmente exponentiellement
après 30 cycles pour aboutir à 230 copies.
Cette quantité de matériel
génétique peut être aisément mise en évidence sur gradient
d’agarose.
Les protocoles modernes permettent de régler le
problème des inhibiteurs de la polymérase qui seraient présents
dans l’humeur aqueuse et plus rarement dans le vitré.
Les deux indications majeures de la PCR sont les suspicions
d’infections oculaires herpétiques et toxoplasmiques.
Il faut toujours
coupler la PCR à l’évaluation du coefficient de charge immunitaire.
Le rendement de la PCR est faible dans l’humeur aqueuse lorsqu’elle
concerne la toxoplasmose, celui de la PCR pratiquée à partir du vitré
est meilleur, même si l’examen est réservé aux présentations
atypiques.
Concernant les rétinites herpétiques, la PCR couplée à
l’évaluation du coefficient de charge immunitaire permet de
confirmer le diagnostic dans près de 70 % des cas.
Le diagnostic de rétinochoroïdite toxoplasmique est un diagnostic présumé clinique.
L’analyse est effectuée en cas de doute diagnostique.
Le rendement
du dosage d’anticorps intraoculaires est supérieur à celui de la PCR.
Certaines uvéites sont associées à des infections bactériennes.
Il
s’agit de la tuberculose, la syphilis, les bartonelloses, les
leptospiroses, les rickettsioses et la maladie de Whipple.
Deux
mécanismes physiopathologiques distincts pourraient être à l’origine
de l’uvéite associée à la tuberculose, l’hypersensibilité retardée ou
l’infection bactérienne active.
Récemment, l’analyse par PCR a
permis d’identifier le génome du bacille tuberculeux à partir de
prélèvements intraoculaires de plusieurs patients.
L’analyse par PCR
des prélèvements vitréens comprenant des macrophages PASpositifs
est l’une des dernières possibilités lorsque l’on suspecte une
étiologie infectieuse comme la maladie de Whipple.
L’agent de la
maladie, Tropheryma whippelii, est une bactérie à Gram positif.
Le
bacille n’a pas pu être aisément isolé jusqu’à présent.
La PCR est
effectuée en deux temps.
La première étape permet d’identifier
toute bactérie à Gram positif de la branche alpha grâce à des
amorces dirigées contre le gène de l’acide ribonucléique (ARN) 16S.
En cas de positivité, il est alors possible d’effectuer une seconde
amplification pour identifier Tropheryma whippelii.
En cas de
positivité de la première étape et négativité de la seconde, le
séquençage du premier fragment d’amplification permettrait de
mettre en évidence un Arthrobacter au cours d’une uvéite associée à
un syndrome de Whipple.
Rappelons qu’une analyse du vitré en microscopie électronique peut
être couplée à l’amplification génique mettant directement en
évidence l’agent pathogène.
* Analyse histologique :
Elle est pratiquée sur les biopsies rétiniennes ou sur des coupes de
globes oculaires obtenues après énucléation.
La technique
histologique standard évalue l’architecture rétinienne et
choroïdienne.
La présence d’un granulome gigantocellulaire avec ou
sans nécrose caséeuse oriente le diagnostic respectivement vers une
sarcoïdose ou une tuberculose.
La recherche de nodules de Dalén-Fuchs est en faveur d’une ophtalmie sympathique ou d’un
syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada.
Le diagnostic de lymphome
intraoculaire peut également être précisé.
L’immunohistochimie
permet la détection de protéines cellulaires, mais
également d’antigènes appartenant aux agents pathogènes au sein
même du tissu.
Le matériel génétique d’un agent pathogène peut
également être identifié après hybridation in situ et bientôt par
PCR in situ. L’analyse d’infiltrats sous-rétiniens peut révéler un
lymphome intraoculaire.
Il est également possible de mettre en culture les fragments
biopsiques ou les liquides intraoculaires afin d’isoler des agents
pathogènes comme le virus herpès simplex 1, le cytomégalovirus
(CMV) ou le virus de la varicelle, tous responsables de rétinites.
Les
biopsies rétiniennes sont souvent réalisées lors d’une chirurgie de
décollement de rétine nécessitant une rétinotomie.
Il est
indispensable d’adresser les prélèvements dans du milieu de
transport virologique vers un laboratoire spécialisé.
Particularités chez l’immunodéprimé
:
Les patients qui ont des facteurs de risque de maladies sexuellement
transmissibles et ceux atteints de rétinite nécrosante aiguë ou
progressive doivent bénéficier d’une sérologie VIH.
Cet examen
comprend un test Elisa couplé à un western blot.
La valeur prédictive
de l’ensemble dépasse 99 %. Il n’est pratiqué qu’avec le
consentement du patient.
Le typage lymphocytaire est indispensable
chez les patients immunodéprimés.
Grâce aux anticorps
monoclonaux dirigés contre les antigènes spécifiques de tel ou tel
groupe lymphocytaire, il est possible d’identifier les populations
cellulaires du sang circulant mais également des différents tissus
analysés.
Il est possible d’évaluer le nombre de lymphocytes T
auxiliaires (CD4+) et cytotoxiques (CD8+). Des taux de LT CD4+
inférieurs à 500/mm3 sont pathologiques.
La rétinite à CMV,
manifestation ophtalmologique la plus fréquente chez ces patients,
survient lorsque ce taux est inférieur à 50/mm3.
La réplication
virale peut être évaluée dans les cellules rétiniennes.
Chez l’immunodéprimé, en particulier, chez les patients atteints du
sida, les nouveaux protocoles thérapeutiques ont permis d’obtenir
une reconstitution immunitaire et par conséquent une réduction
significative des infections oculaires opportunistes.
Les prophylaxies
antivirales secondaires ont pu être stoppées lorsque le taux de
lymphocytes T CD4+ était supérieur à 100/mm3 et la charge virale VIH indétectable.
Ces deux marqueurs sont régulièrement évalués
chez les patients.
En effet, l’augmentation de la charge virale VIH associée à la décroissance des CD4+ est un facteur de risque de
rechute de rétinite à CMV.
Des marqueurs viraux peuvent également
prédire la survenue d’une rétinite à CMV.
Le meilleur marqueur
semble être actuellement la présence du génome viral dans le sang.
La recherche de l’ADN du CMV dans l’humeur aqueuse
semble être également un excellent facteur prédictif de la maladie.
Il est également possible d’évaluer, dans un cadre spécialisé, les
fonctions lymphocytaires T et leurs réponses à des antigènes viraux
chez les patients bénéficiant d’un traitement antirétroviral intensif.
D’autres examens permettent de mieux analyser les mécanismes
physiopathologiques de la rétinite à CMV.
Les cytokines comme
l’interféron (IFN) gamma et l’IL1-bêta semblent jouer un rôle majeur
dans la défense antivirale de la rétine.
En cas d’immunodépression profonde, l’immunité humorale est
également déficiente et la production d’anticorps est altérée.
Les
dosages d’Ig au niveau de l’humeur aqueuse n’ont donc qu’un
intérêt relatif et leur négativité ne permet aucune conclusion.
L’amplification génique reste donc l’outil de choix au cours des
uvéites virales et parasitaires chez le patient immunodéprimé.
L’exploration de la surface oculaire par la technique des empreintes
conjonctivales a également permis de montrer une expression
anormale de molécules HLA et une réduction importante de cellules
de Langerhans chez les patients atteints du sida.
Méthodes d’exploration
de l’inflammation cornéoconjonctivale :
Nous n’abordons pas le diagnostic microbiologique ou virologique
des conjonctivites aiguës ou chroniques pour évoquer les affections
inflammatoires pures.
A - DOSAGE DES IMMUNOGLOBULINES E
DANS LES LARMES :
Deux techniques sont disponibles au cours des conjonctivites
supposées allergiques.
La première est basée sur le recueil des
larmes par une micropipette et la seconde permet une évaluation à
l’aide d’une bandelette de cellulose (Stallerdiagt-IgE test,
laboratoires des Stallergènes, Fresnes, France) placée dans le cul-desac
conjonctival inférieur.
Il semble exister une différence entre les deux méthodes en ce qui
concerne les protéines sériques dont le taux serait plus élevé en
rapport avec l’irritation relative provoquée par la bandelette.
La
corrélation entre les deux méthodes semble proche de 82 %.
Le
dosage immunologique des IgE lacrymales est également possible.
Il utilise un anticorps monoclonal anti-IgE couplé à un marqueur
radioactif (PRIST) ou enzymatique (Elisa) (Stallerdiagt).
Le test semi-quantitatif de type Stallerdiagt semble être le plus simple à
réaliser.
Les seules difficultés rencontrées concernent les très jeunes
enfants et les patients atteints de syndrome sec sévère.
Ces tests
permettent de redresser le diagnostic devant des conjonctivites
chroniques dont la symptomatologie clinique n’est pas évocatrice
au premier abord d’une étiologie allergique.
L’examen clinique
n’est donc pas un bon élément diagnostique au cours de ces
affections.
Il faut noter que la négativité de ces tests ne permet en
aucun cas d’éliminer une origine allergique car aucun examen allergologique n’est réellement spécifique.
D’autres examens plus
spécialisés comme l’électrophorèse des larmes, le dosage de
l’histamine, de la tryptase, de l’IL4 ou des IgE spécifiques ne sont
réservés qu’à quelques centres spécialisés.
Les tests cutanés sont
également disponibles. Ils peuvent permettre d’identifier le ou les
allergènes impliqués.
L’interrogatoire joue bien sûr une place
importante avant de pratiquer ce bilan.
Le prick test est utilisé pour
identifier un allergène impliqué dans un phénomène
d’hypersensibilité immédiate faisant intervenir une dégranulation
mastocytaire.
L’allergène est placé sur la face antérieure de l’avantbras
et la peau est piquée au moyen d’une lancette ou d’une aiguille
intradermique, jusqu’à une profondeur inférieure à 1 mm.
Les ID
sont pratiquées quand un mécanisme d’hypersensibilité immédiate
est suspecté et que les prick tests sont restés négatifs.
Enfin, les tests épicutanés ou patch tests évaluent une hypersensibilité retardée.
Les
tests de provocation conjonctivale ne doivent être pratiqués que sur
un oeil calme depuis au moins 7 jours.
Ils induisent une conjonctivite
aiguë, habituellement résolutive en 12 à 18 heures.
Ils permettent le
diagnostic de conjonctivite allergique dans 42 % des cas.
B - EMPREINTES CONJONCTIVALES :
Elles constituent un moyen simple de réaliser une véritable cytologie
épithéliale, exsangue et atraumatique.
Contrairement au grattage
conjonctival, ce test anodin et pratiquement indolore, effectué sous
anesthésie topique à l’aide de filtres opaques (type Milliporet ou
Gelmant, diamètre de 13 mm, pores de 0,2 ím) ou transparents
(type Bioporet) offre à l’étude histologique un tapis cellulaire
homogène, gardant son architecture et ses liaisons intercellulaires.
Néanmoins, l’empreinte conjonctivale ne peut remplacer la biopsie
conjonctivale qui permet d’apprécier l’architecture conjonctivale
(épithélium et chorion) dans toute son épaisseur.
L’empreinte
conjonctivale permet l’analyse de la couche la plus superficielle de
l’épithélium conjonctival où les trois populations cellulaires
principales y sont facilement identifiables : les cellules épithéliales
proprement dites, les cellules à mucus et les cellules dendritiques,
effectrices de la réponse immunitaire locale.
Les empreintes conjonctivales sont habituellement utilisées dans le
cadre des syndromes secs.
Elles permettent d’évaluer le degré de
souffrance cellulaire dont la traduction principale est la diminution
du nombre de cellules à mucus, puis la diminution progressive du
rapport nucléocytoplasmique des cellules épithéliales, jusqu’à un
état de kératinisation étendue.
L’utilisation de cette technique dans
un but purement morphologique reste cependant limitée aux
affections responsables d’importantes altérations cellulaires et ne va
guère au-delà de l’étude des syndromes secs.
Pour dépasser la seule étude morphologique et obtenir des
renseignements complémentaires sur la structure et le
fonctionnement cellulaires, il est nécessaire d’utiliser des techniques immunocytologiques permettant de rechercher et de quantifier
certains marqueurs d’activation présents sur la membrane cellulaire
ou dans le cytoplasme.
Ce type de test trouve tout son intérêt dans
des pathologies cliniquement non inflammatoires, comme les yeux
secs résistant aux traitements substitutifs ou les yeux
glaucomateux multitraités.
Dans ces pathologies, l’empreinte
conjonctivale permet de détecter la présence de réactions
inflammatoires infracliniques, impossibles à identifier sans recourir
à la biologie, mais dont le traitement et l’élimination sont
indispensables pour soulager le patient.
Le comptage des cellules
dendritiques, augmentées en cas d’inflammation conjonctivale, et
surtout la quantification du pourcentage de cellules épithéliales exprimant des antigènes de classe II HLA-DR, sous l’effet de la
sécrétion d’IFN-gamma, sont des indicateurs très fins et très
précieux de l’état inflammatoire local.
Normalement,
seules les cellules dendritiques expriment l’antigène HLA-DR.
En
cas d’inflammation, même très faible, un contingent de cellules
épithéliales va exprimer à son tour ce marqueur.
Il s’agit
probablement d’un mode de recrutement supplémentaire de cellules
inflammatoires en cas d’agression de la surface oculaire.
Le
comptage des cellules épithéliales exprimant ce marqueur permet
un diagnostic précis de l’inflammation locale et constitue surtout un
mode privilégié de surveillance, notamment après traitement ou lors
de l’arrêt d’une thérapeutique irritante.
Par la même méthode, les
aspects dégénératifs et/ou toxiques de la surface oculaire peuvent
être aisément évalués, avec, par exemple, des marqueurs d’apoptose
cellulaire.
Une variante technique de l’empreinte conjonctivale consiste à
extraire les cellules prélevées en les mettant en suspension dans une
solution liquide, contenant ou non un fixateur.
Les cellules en
suspension, marquées par des anticorps monoclonaux destinés à
rechercher et quantifier des marqueurs cellulaires d’identification,
d’activation ou d’apoptose, peuvent être analysées par
cytofluorimétrie en flux.
Cette technique d’analyse permet
une quantification objective et rapide des marqueurs membranaires
ou intracellulaires, sur une grande population de cellules.
L’empreinte conjonctivale permet enfin des techniques de biologie
moléculaire, hybridation in situ ou RT-PCR, à la recherche d’ARN
messager correspondant à des protéines d’activation cellulaire ou
des agents infectieux.
Ces méthodes, encore limitées à la recherche,
seront certainement, dans un proche avenir, des techniques de
diagnostic courant.
C - CONJONCTIVITES AUTO-IMMUNES FIBROSANTES :
Les autoanticorps sériques dirigés contre les antigènes conjonctivaux
(lame basale, substance intercellulaire épithéliale) peuvent être
détectés par la technique d’immunofluorescence indirecte à partir
de sérum du patient.
La cible utilisée in vitro est la peau humaine
normale ou clivée et l’oesophage de rat.
L’aspect du marquage
permet de différencier la pemphigoïde bulleuse (marquage du toit
du clivage) de l’épidermolyse bulleuse acquise (marquage du
plancher), mais reste peu contributive au cours de la pemphigoïde
cicatricielle.
Les analyses en western blot et l’immunomicroscopie
électronique indirecte sont encore réservées à certains laboratoires
de recherche.
La biopsie conjonctivale prend toute sa valeur au cours de ces
affections.
Elle est pratiquée sous anesthésie locale après
injection sous-conjonctivale de lidocaïne (Xylocaïnet 1 %
adrénalinée) et de préférence au niveau de la conjonctive bulbaire
près du limbe, dans une zone inflammatoire.
La biopsie au fornix
pourrait favoriser la formation de symblépharons.
En général, le
prélèvement est divisé en plusieurs fragments en fonction des
examens souhaités.
Une partie des prélèvements est fixée dans le
liquide de Bouin.
L’utilisation de formol tamponné est conseillée,
surtout si l’on envisage des examens immunoenzymatiques.
La
congélation permet une analyse immunohistochimique ou par
hybridation in situ.
Enfin, la fixation dans la glutaraldéhyde permet
l’étude ultrastructurale et immunologique en microscopie
électronique.
L’histologie classique est peu contributive au
diagnostic car elle manque de spécificité.
Au cours de la pemphigoïde oculaire cicatricielle, il existe moins de cellules à
mucus et une métaplasie malpighienne.
Un aspect d’inflammation non spécifique parfois associée à des vasculites est présent au niveau
du chorion.
Il est également possible d’identifier une fibrose au stade
avancé de la maladie.
L’immunomarquage par immunofluorescence directe permet de
localiser des dépôts immuns composés d’autoanticorps fixés aux
antigènes cibles de la lame basale.
Les maladies auto-immunes
cicatrisantes s’accompagnent de dépôts d’Ig au niveau de la lame
basale épithéliale, mais cet examen ne permet pas de les différencier
les unes par rapport aux autres.
Au cours des conjonctivites autoimmunes
intraépithéliales comme le pemphigus, les dépôts immuns
sont détectés au niveau des jonctions intercellulaires et donnent un
aspect en « résille ».
Le marquage immunoenzymatique, plus
complexe et plus coûteux que l’immunofluorescence directe, est plus
sensible que celle-ci.
Il permet de préciser les populations
lymphocytaires présentes au niveau du site lésionnel.