Exploration échodoppler des dysérections

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Introduction :

Les dysfonctions érectiles se définissent comme l’incapacité d’obtenir ou de maintenir une érection suffisante permettant des relations sexuelles satisfaisantes.

C’est une pathologie fréquente, estimée entre 5 et 20 % suivant les tranches d’âge.

Elles atteindraient plus de 30 millions d’Américains selon la Massachusetts Male Aging Study.

Les causes de ces dysérections peuvent schématiquement se classer en psychogènes, organiques ou mixtes.

Compte tenu de la participation vasculaire dans les mécanismes de l’érection, la part des étiologies vasculaires dépasse 50 %.

Outre l’insuffisance artérielle, naturellement mise en cause dans ce type d’étiologie, se place l’insuffisance veino-occlusive dont le mécanisme, longtemps attribué à une insuffisance de fermeture des veines, est actuellement débattu.

Différents tests diagnostiques ont été employés pour évaluer la dysérection et déterminer son étiologie.

L’artériographie et la cavernométrie, couplées aux tests pharmacologiques d’érection, ont été longtemps considérées comme les examens de base, malgré leur inconfort et leur risque, non nul, de complications.

Exploration échodoppler des dysérections

La lourdeur de ces examens et le peu d’incidences chirurgicales qui en découlent ont amené de nombreuses équipes à privilégier les tests non invasifs.

Le développement de ces méthodes, mises en avant en 1985 par Lue, est lié pour une part aux possibilités offertes par les dernières générations d’échographes mais surtout à une avancée dans la compréhension des mécanismes de l’érection grâce à l’introduction, par Virag en 1982, des tests pharmacodynamiques par injection intracaverneuse de drogues vasoactives.

L’avènement largement médiatisé des facilitateurs de l’érection à administration orale, plus maniables que les auto-injections, a fait dans un premier temps décroître le nombre d’explorations vasculaires, jugées inutiles car ne débouchant pas sur un geste thérapeutique précis.

L’échodoppler, couplé aux tests pharmacodynamiques, garde néanmoins une place dans le bilan étiologique de la dysérection, et dans l’évaluation des nouveaux traitements de l’impuissance.

Méthodologie : technique

GÉNÉRALITÉS :

L’exploration échodoppler des dysérections s’inscrit le plus souvent dans le cadre d’une approche multidisciplinaire de la pathologie.

L’examen clinique, la recherche de facteurs étiologiques généraux (athérome, diabète, hypertension) sont bien sûr un préalable à la réalisation de l’échographie.

L’évaluation échographique comporte deux temps : l’un, traditionnel, portera sur la vérification des axes aorto-iliaques et hypogastriques, dont l’altération peut être à la base des toubles érectiles : les paramètres sont ceux d’un examen échographique artériel classique.

Au plan veineux, l’exploration est moins contributive même si, pour certains, la constatation d’une varicocèle est un signe évocateur.

La spécificité de l’échodoppler dans le bilan d’une dysérection est l’étude directe de la vascularisation artérielle et veineuse de la verge, d’abord au repos, puis après injection intracaverneuse d’une substance vasodilatatrice.

Les données morphologiques fournies par l’échographie mode B, permettent de localiser avec précision les artères caverneuses, les seules impliquées dans l’érection.

Cependant, le faible calibre de ces artères rend leur repérage difficile ; l’introduction du codage couleur des flux (échodoppler couleur) a représenté une amélioration sensible de la méthode, aujourd’hui bien codifiée.

Le doppler pulsé permet enfin de mesurer les vélocimétries en respectant un angle de tir inférieur à 60°.

Plus récemment, l’acquisition du doppler puissance sur les machines de dernière génération améliore la détection des artères caverneuses et de leurs branches de division, les artères hélicines.

Ce type d’imagerie détecte mieux les flux lents et s’affranchit en partie des contraintes d’angle.

Conditions d’examen :

On ne saurait trop insister sur la nécessité de réaliser l’examen dans des conditions de confort et de confidentialité optimales dans le dessein de réduire au mieux le stress et l’anxiété du patient.

La réalisation de l’échodoppler est précédée d’un long temps d’écoute des plaintes du patient, les conditions de l’examen sont expliquées et les personnes présentes réduites au strict minimum.

Ces éléments ont en effet un impact direct sur la qualité des résultats et leur fiabilité.

Dans le dessein d’éliminer la composante anxiogène, diverses solutions ont été proposées, comme un test pharmacologique clinique préalable familiarisant le patient avec le geste de l’injection intracaverneuse, une réinjection en fin d’examen si nécessaire, ou l’adjonction d’un support vidéo suggestif ou d’autostimulations.

L’opérateur utilisera, de préférence, des sondes linéaires de haute fréquence en raison du caractère superficiel des vaisseaux et de leur faible débit ; les fréquences le plus communément employées sont 7,5 à 10 MHz.

L’utilisation de la couleur permet de localiser plus facilement les artères caverneuses dont le calibre au repos est de moins de 1 millimètre ; le réglage des constantes de l’échographe est ici primordial : pulse repetition frequency (PRF) basses (inférieures à 1 000 Hz), augmentation de la sensibilité et de la priorité couleur.

Résultats :

A – VERSANT ARTÉRIEL :

Les corps caverneux sont tout d’abord examinés en coupes transversales de la jonction pénoscrotale jusqu’au gland.

L’aspect échostructural des corps caverneux est étudié, à la recherche d’une fibrose hyperéchogène.

Le repérage couleur des artères caverneuses les rend plus facilement accessibles au repos, et permet d’étudier les variations d’origine et de distribution qui sont fréquentes. Lorsque la verge est flaccide, les flux observés sur les artères caverneuses sont de type systolique pur.

Des mesures de calibre et de vitesse ou de temps de montée sont effectuées, sur ces vaisseaux, en coupes longitudinales en sachant que leur caractère sinueux au repos doit entraîner une analyse prudente des résultats, l’angle doppler n’étant pas parfaitement connu.

Après injection de 10 mg d’aloprostadil, on constate dans les premières minutes une augmentation notable de vitesses maximales avec dans un premier temps l’apparition d’un flux diastolique traduisant la diminution des résistances périphériques ; puis l’augmentation des pressions intracaverneuses entraîne la fermeture des veines émissaires et la disparition du flux diastolique ; les paramètres hémodynamiques sont donc mesurés de façon répétée entre la 5e et la 30e minute sur la partie proximale des artères caverneuses, à la racine du pénis ; il a été en effet montré que la valeur des résultats est affectée par le niveau de prélèvement, les vitesses diminuant vers l’extrémité distale.

Une asymétrie de vitesse supérieure à 10 % d’un côté par rapport à l’autre doit faire rechercher des lésions hypogastriques ou des anomalies de distribution des artères caverneuses.

Le délai de réalisation des mesures est discuté : entre 5 et 15 minutes pour les vitesses systoliques, reflet des capacités artérielles, 20 et 30 minutes pour les temps tardifs, reflet des capacités veinoocclusives des corps caverneux.

Les paramètres observés portent sur la mesure des vitesses systoliques et diastoliques, la mesure des accélérations ou du temps de montée et enfin la mesure des index de résistance.

La mesure des vitesses systoliques s’accroît de façon considérable dans les quelques minutes qui suivent l’injection ; la valeur maximale proposée par Lue en 1982 est de 25 cm/s ; en deçà de ce chiffre, la suspicion d’atteinte artérielle est forte.

Si la sensibilité de ce seuil est satisfaisante (95 %) sa spécificité basse a conduit certains auteurs à proposer des valeurs plus élevées supérieures à 30 cm/s.

En fait, la vélocité est affectée par d’autres facteurs, comme l’anxiété ou les causes psychogènes,

En outre, on note une grande variabilité des valeurs chez le sujet sain.

Pour Meuleman, la mesure isolée de la vitesse systolique est un facteur insuffisamment discriminant de lésion artérielle, bien que la réponse en termes de vitesse soit indépendante de la dose de vasodilatateur injectée.

C’est pourquoi, certains préfèrent la mesure des accélérations, ou mieux, des temps de montée systolique, ce dernier paramètre ne tenant pas compte de la vitesse maximale sujette à erreurs.

Pour ces auteurs, une accélération de moins de 400 cm/s2 ou un temps de montée supérieur à 110 ms plaide en faveur d’une atteinte artérielle ou artériolaire.

Speel a montré que le temps de montée était le paramètre le plus fiable avec une valeur seuil de 100 ms et que cette valeur était corrélée avec la mesure de l’intima-média marqueur de la maladie athéromateuse.

Plus récemment, l’introduction du doppler puissance a permis de visualiser les branches de division des artères caverneuses (artères hélicines) plus spécifiquement destinés aux sinusoïdes impliqués dans l’érection, poussant plus loin l’étude du versant artériolaire de l’érection.

On peut noter les niveaux de ramifications observés (trois en flaccidité et deux après injection), leur mode de bifurcation (angle aigu ou droit), leur calibre et, pour certains, la mesure des vitesses à l’ostium.

Différents paramètres sont mis en avant qui pourraient affiner le diagnostic de dysérection d’origine artérielle.

Au total, les données du test pharmacologique couplé à l’échodoppler permettent une approche pertinente de l’insuffisance artérielle dans les troubles de l’érection.

B – VERSANT VEINEUX :

La rigidité de l’érection ne peut survenir que si la tumescence entraîne une fermeture des veines drainant les corps caverneux ; la fonction veino-occlusive est estimée, quant à elle, lors de la réalisation de l’échodoppler, lorsque la mesure de la vitesse diastolique au temps tardif de l’examen (après plus de 20 minutes) est supérieure à 5 cm/s.

Quam a montré que, dans ce cas, la sensibilité du test est de 90 % pour une spécificité moins performante de 56 %.

Ce paramètre suppose, bien entendu, un apport artériel de bonne qualité, faute de quoi la mesure des vitesses diastoliques est ininterprétable.

Contrairement à la vitesse systolique, la mesure des vitesses diastoliques est influencée par le type d’agent pharmaco-érecteur, son dosage, et surtout par l’impact psychologique du test sur le patient, nécessitant, en cas de doute, le recours à de fortes doses, une réinjection complémentaire, ou associant des stimulants visuels ou tactiles.

La mise en cause du lit veineux dans la dysérection est fortement contestée : on parle désormais davantage d’insuffisance veinoocclusive, soulignant par là que le mécanisme principal est probablement situé au niveau des sinusoïdes caverneux euxmêmes et non sur les veines.

C’est pourquoi certains auteurs considèrent comme supérieure, la mesure des index de résistance, 15 minutes après injection.

Naroda a montré qu’un index supérieur à 0,90 est corrélé avec une cavernométrie normale et que, au contraire, une valeur inférieure à 0,75 traduisait chez 95 % des patients une fuite veineuse.

Conclusion :

L’approche de l’insuffisance érectile est complexe et doit faire la part des multiples étiologies impliquées dans cette pathologie.

Le schéma décisionnel actuel place la prescription de facilitateurs de l’érection oraux comme test premier après l’examen clinique mais avant les injections intracaverneuses.

En cas d’échec d’un tel traitement, ou lorsque la notion d’une étiologie entre dans le cadre d’une pathologie plus globale comme l’athérome, il semble légitime de recourir à l’échodoppler.

Parallèlement à l’avancée de nos connaissances dans la physiologie de l’érection, l’évolution du matériel d’échographie permet une analyse de plus en plus fine de la participation vasculaire dans le phénomène.

Il représente à nos yeux le temps indispensable du bilan d’une insuffisance érectile d’origine organique, le complément d’investigation nécessaire chez les patients vasculaires, hypertendus ou diabétiques souffrant de troubles de l’érection.

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