Expertise de Sécurité sociale en orthopédie dentofaciale
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
L’orthopédie dentofaciale (ODF) est, à ce jour, la seule spécialité de
la chirurgie dentaire.
Chez les médecins stomatologistes qui ne
peuvent pas être deux fois spécialistes, il existe une compétence
reconnue en orthopédie dento-maxillo-faciale, sans que l’on puisse
strictement faire correspondre cette compétence supplémentaire à la
seule spécialité de la chirurgie dentaire.
Dans ses principes,
l’expertise de Sécurité sociale en ODF ne diffère pas
fondamentalement des expertises dans les autres domaines de la
chirurgie dentaire.
Elle reste une expertise médicale.
Dans ce
contexte, nous relèverons deux particularités dans le déclenchement
et le déroulement de ce type d’expertise, l’une portant sur la forme,
il s’agit du choix de l’expert, l’autre sur le fond, elle correspond au
contenu même de la spécialité que constitue l’ODF.
Orthopédie dentofaciale
:
A -
SEULE SPÉCIALITÉ DE LA CHIRURGIE DENTAIRE
:
Pour les chirurgiens-dentistes, la création de la première spécialité
de leur profession trouve son origine dans l’arrêté du 20 avril 1977
instituant un certificat d’études cliniques spéciales mention
orthodontie (CECSMO).
Depuis l’arrêté du 4 août 1987, ce diplôme
de spécialité permet à un chirurgien-dentiste généraliste de devenir
« spécialiste qualifié en ODF », sous réserve qu’il suive une
formation universitaire spéciale d’une durée de 4 ans, ou fasse l’objet
d’un contrôle par une commission de qualification.
B - COMPÉTENCE, CAPACITÉ ET EXERCICE EXCLUSIF :
Il est important de noter qu’un chirurgien-dentiste spécialiste
qualifié en ODF doit exercer exclusivement cette discipline
– article
5 de l’arrêté du 23 novembre 1980 modifié
– dans toutes ses activités,
y compris dans un service hospitalier.
Or, chose très surprenante,
jusqu’en 1998, il n’existait pas de définition de l’ODF.
C’est à la
société française d’ODF que revient le mérite d’avoir rédigé la
première définition, entérinée par le conseil national de l’ordre des
chirurgiens-dentistes, et publiée dans son organe de presse officiel.
Il existait donc des chirurgiens-dentistes spécialistes depuis un peu
moins d’une vingtaine d’années, alors qu’il n’existait aucune
définition légale de leur domaine d’activité.
Dans le respect de la
loi, en s’engageant à n’exercer que l’ODF, le spécialiste limite sa
capacité (c’est-à-dire ce qu’il a le droit de faire) alors que son cursus
universitaire supplémentaire de 4 années pour accéder à la spécialité
lui a permis d’augmenter sa compétence (c’est-à-dire ce qu’il sait
faire).
Cet exposé préliminaire ne doit pas faire oublier que l’ODF fait
partie intégrante de la capacité professionnelle du chirurgiendentiste
(qualifié de généraliste ou omnipraticien par comparaison
au spécialiste).
Quant aux chirurgiens-dentistes (sous-entendus
généralistes) qui exercent exclusivement l’ODF, ils n’existent pas en
tant que tels pour le conseil national de l’ordre.
En revanche, ils
existent bien pour les conseils ordinaux départementaux qui ne
peuvent pas leur attribuer de gardes, ces praticiens ne disposant
pas des moyens techniques indispensables.
Ils seraient pourtant
tenus d’assurer leur garde, conformément à l’article 39 du code de
déontologie dentaire du 15 juin 1994, qui stipule, on ne peut plus
clairement, que la « participation au service de garde est obligatoire »
en dehors de certains cas comme la « spécialisation ».
L’expertise de Sécurité sociale en ODF peut donc concerner comme
praticien traitant :
– un chirurgien-dentiste (généraliste ou omnipraticien) ;
– un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF ;
– un chirurgien-dentiste exerçant exclusivement l’ODF, mais non
spécialiste ;
– un étudiant en chirurgie dentaire ;
– une société civile professionnelle, une société d’exercice libéral ;
– un stomatologiste pouvant être éventuellement « compétent » en
orthopédie dento-maxillo-faciale.
Expertise de Sécurité sociale
:
A - CADRE LÉGAL :
Le décret 59-160 du 7 janvier 1959 stipule : « les contestations d’ordre
médical, relatives à l’état du malade ou à l’état de la victime
donnent lieu à une procédure d’expertise médicale ».
Les
dispositions de ce décret ont été reprises par les articles L. 141-1 et
suivants du code de la Sécurité sociale (CSS).
Depuis ce décret, trois évolutions fondamentales sont à retenir :
– l’expertise était, sous réserve que la forme ait été parfaitement
respectée, irréfragable, c’est-à-dire que les conclusions de l’expert
s’imposaient à l’intéressé, à la caisse et aux juridictions compétentes.
La loi n° 986 du 23 janvier 1990, parue au Journal officiel du
25 janvier 1990, permet au juge du tribunal des affaires de Sécurité
sociale (TASS), sur demande d’une des parties, « d’ordonner une
nouvelle expertise ».
Les parties peuvent ainsi demander une
révision de la décision devant la commission de recours amiable
(Art. R. 142-1 du CSS), puis devant le TASS ;
– avec la parution du décret du 20 avril 1988, ce n’est plus
seulement l’assuré qui peut déclencher cette procédure d’expertise,
mais également la caisse primaire d’assurance maladie, par
l’intermédiaire du service médical placé près d’elle ;
– en cas de désaccord entre le praticien traitant et le praticienconseil
sur le choix de l’expert, c’est au directeur de la direction
départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) qu’il
appartient de désigner l’expert.
Celui-ci doit obligatoirement être
choisi sur la liste des experts judiciaires spécialisés en matière de
Sécurité sociale dressée par une cour d’appel.
C’est la même liste
qui est utilisée si le président du TASS est appelé à désigner un
expert.
B - ORTHOPÉDIE DENTOFACIALE ET NOMENCLATURE
:
1- Entente préalable :
Tout l’exercice du spécialiste est soumis à entente préalable, à ces
quelques exceptions près :
– la « consultation spécialisée » (CS, instaurée par l’arrêté du 26
décembre 1984) ;
– les examens avec prise d’empreintes et les analyses
céphalométriques cotés TO 15 et TO 5 ;
– les traitements sur adultes ou adolescents de plus de 16 ans (hors
nomenclature) ;
– un certain nombre de rééducations, les radiographies, etc.
En revanche, tous les traitements d’orthodontie codifiés par semestre
TO 90 et les périodes de contention codifiées TO 75 la première
année et TO 50 la seconde année, qui constituent véritablement
l’essentiel de l’activité dans un cabinet de spécialiste, sont soumis à
entente préalable.
En d’autres termes, c’est bien toute l’activité de
soins du spécialiste en ODF qui peut donner lieu à expertise de
Sécurité sociale.
2- Prise en charge et âge limite
:
C’est aussi une des particularités de l’exercice de l’ODF que de voir
les possibilités de prise en charge limitées dans le temps.
Il n’est
justement pas si loin le temps où cette limite d’âge était le
12e anniversaire de l’enfant.
L’orthodontiste se lançait alors, avec
plus ou moins de bonheur, à la recherche du retard dentaire (seule
dérogation pouvant être admise, et sous certaines conditions)
comme les chevaliers du roi Arthur se lançaient à la « quête du
Graal ».
Cette situation était incohérente. Si l’enfant avait plus de
12 ans, le motif du refus de prise en charge était d’ordre
administratif, car il se référait uniquement à l’âge civil, alors même
que la recherche d’un éventuel retard dentaire pouvant donner lieu
à contestation était manifestement d’ordre médical.
Cette situation
de refus d’ordre administratif excluait de fait le recours à la
procédure de l’expertise médicale de Sécurité sociale.
Depuis la dernière réforme de la nomenclature (arrêté du 26 mai
1997 paru au Journal officiel du 30 mai 1997), « la responsabilité de
l’assurance maladie est limitée aux traitements commencés avant le
16e anniversaire ».
Que peut-il se passer en cas d’avis favorable
donné par les services administratifs, par erreur, alors que l’enfant,
ou plutôt l’adolescent, a plus de 16 ans ?
L’accord du premier
semestre peut être maintenu, mais les semestres suivants ne donnent
pas lieu à un avis favorable de prise en charge (refus administratif).
Cette position prise par une commission de recours amiable est bien
du domaine administratif et non médical.
Enfin, que faut-il entendre
par « traitements commencés avant le 16e anniversaire » ?
Un
consensus semble se dégager pour admettre qu’il s’agit de la date
d’arrivée de la demande d’entente préalable dans les services de la
caisse primaire, le tampon « arrivé-date » apposé sur le document
faisant foi.
C - ORIGINE DU LITIGE :
Par définition, la procédure de l’expertise médicale dans le domaine
de la Sécurité sociale ne peut être déclenchée que pour régler un
différend d’ordre médical entre le praticien traitant et le praticienconseil.
Les praticiens-conseils du régime général utilisent une liste
codée des avis défavorables d’ordre médical (ADM).
Cette liste, qui
tend à être utilisée également par d’autres régimes d’assurance
maladie, n’est cependant pas opposable aux praticiens.
Un constat : sur 26 motifs d’ADM, l’ODF est concernée directement
ou indirectement par 15, ou plus précisément par 14 motifs d’ADM,
car l’ADM 17 (canine incluse) est devenu sans objet depuis la
dernière réforme de la nomenclature.
Quant aux motifs d’avis
défavorables d’ordre administratif, l’ODF pourrait pratiquement être
concernée par tous, du motif A1 à la rubrique A8
– autre motif
– et
est nommément désignée trois fois : A8, A11 et A12, âge limite
dépassé, renouvellement prématuré et plafond atteint.
Orthopédie dentofaciale et expertise
de Sécurité sociale
:
A - CHOIX DE L’EXPERT :
C’est un sujet particulièrement délicat en ODF.
Il paraît souhaitable
que dans cette discipline ce soit un spécialiste qui soit choisi comme
expert.
Cela n’est pourtant pas encore une obligation légale, ce qui
est le cas pour les spécialités médicales.
Comme le souligne
G Chabert, le législateur n’a pas fait figurer l’ODF dans la liste des
disciplines mentionnées au règlement de qualification prévu à
l’article 67-4 du décret N° 79506 du 28 juin 1979.
Il n’en reste pas
moins que l’article R. 141-8 du CSS stipule : « En cas de litiges
relatifs aux soins dentaires ou à la prothèse dentaire, les dispositions
mentionnant les médecins sont applicables aux praticiens en matière
dentaire. »
Au sens strict, l’ODF ne faisant partie ni des soins
dentaires, ni de la prothèse dentaire, les dispositions de l’Art. 141-8
du CSS peuvent-elles s’appliquer à cette spécialité ?
Concrètement,
et indépendamment de ces considérations, il n’est pas toujours
géographiquement facile ou possible, sur tout le territoire français,
de trouver un spécialiste pour effectuer des expertises de Sécurité
sociale en ODF.
B - DÉROULEMENT DE L’EXPERTISE :
1- Examen clinique et examens complémentaires :
L’examen clinique concerne pratiquement toujours des enfants ou
des adolescents.
Depuis le report de l’âge limite de prise en charge au 16e anniversaire, la notion de retard dentaire (dont la définition
était parfois source de contestation) n’est plus retenue.
L’examen
clinique en ODF est un examen complexe qui comporte entre autres :
– l’interrogatoire (enfant et parents ou représentants légaux) ;
– l’étude des dysfonctions et des comportements particuliers ;
– l’examen exobuccal et endobuccal.
Les examens complémentaires concernent, classiquement, les
moulages, les radiographies panoramiques, téléradiographies de
profil et parfois de face, des radiographies rétroalvéolaires, etc.
En
seconde intention, seulement imagerie par résonance magnétique
(IRM) ou scanner pour des dents incluses.
À noter que dans certains
cas, la simple palpation du vestibule ou de la muqueuse palatine
permet de localiser une canine maxillaire sans avoir recours à des
examens radiologiques onéreux, inutiles, et mêmes considérés
comme dangereux car… inutiles.
Il faut mentionner l’apport extraordinaire de l’outil informatique qui
permet l’acquisition, le traitement et la conservation de diverses
données numérisées (photographies, radiographies et analyses).
Cet
outil peut être une réponse partielle à la conservation de documents
sous forme numérisée au regard d’une responsabilité contractuelle
toujours trentenaire.
Pour un mineur, cette durée de 30 ans est
calculée à partir de la date de sa majorité.
Pour autant, face à une si
longue période de responsabilité, il est raisonnable de penser que
les supports informatiques de toutes ces données doivent être
régulièrement réactualisés, au risque, dans le cas contraire, de
devenir inexploitables.
L’analyse céphalométrique est un élément de diagnostic important
pour certains, indispensable pour d’autres.
Il ne faut jamais oublier
que ce n’est qu’un élément parmi tant d’autres, et ne pas se laisser
abuser par des mesures au dixième de millimètre ou de degré près,
qui donnent une impression de vérité scientifique absolue.
Ce qui
est important, bien sûr, ce sont les conclusions que l’on peut tirer de
ces analyses et leur intégration au sein d’une réflexion globale.
Il convient aussi d’insister sur l’accueil de l’enfant et des personnes
qui les accompagnent, ainsi que sur l’importance de la présence du
praticien traitant et du praticien-conseil.
Il est fort dommageable,
pour le bon déroulement de l’expertise, de constater que le praticien
traitant exprime parfois son opposition à la procédure en cours en
s’abstenant de toute explication.
Ceci ne facilite pas la tâche de l’expert qui ne peut que rendre son rapport selon la formule
consacrée « en l’état », c’est-à-dire en fonction des seuls éléments
dont il dispose.
Ce rapport ne saurait déroger aux principes énoncés
dans l’article R. 141-4 du CSS, et comporte obligatoirement, sous
peine d’être frappé de nullité :
– le rappel du protocole (défini à l’article R. 141-3 du CSS) ;
– l’exposé des constatations (faites au cours de l’examen) ;
– la discussion des points soumis à l’expert ;
– les conclusions motivées.
2- Question posée à l’expert : importance
de la formulation
La rédaction de la (ou des) question(s) devrait respecter
l’organisation contradictoire du débat, conformément aux principes
fondamentaux du droit européen, et ne pas être une prérogative du
service médical.
Les questions peuvent se classer en plusieurs
grandes catégories, selon qu’elles portent sur :
– le diagnostic des dysmorphoses ;
– les objectifs de traitement et l’application de la nomenclature ;
– l’adéquation entre diagnostic et plan de traitement ;
– l’utilisation des dispositifs mécaniques ;
– les séances de surveillance ;
– la contention (l’existence des deux conditions visées par la
nomenclature) ;
– un quatrième semestre de traitement en denture mixte ;
– le respect des intentions thérapeutiques formulées sur la demande
d’entente préalable ;
– la conformité aux données acquises de la science des actes
effectués (Arrêt Mercier de la Cour de cassation 20 mai 1936 et
Art. 27-1 du code de déontologie dentaire).
Il doit exister une corrélation étroite entre le diagnostic et les
dispositifs mécaniques utilisés.
Historiquement
– il fait espérer que
cette époque soit définitivement révolue
– « endo-bi-max », était plus
une sorte de formule incantatoire destinée à justifier l’utilisation de
deux « plaques à vérin » (l’une au maxillaire, l’autre à la mandibule)
qu’un véritable diagnostic.
Néanmoins, beaucoup trop d’expertises
portent encore sur l’utilisation de ce type de dispositif mécanique
dans des cas de dysharmonie dentomaxillaire (DDM) avérée.
Ce qui est contestable, car contraire à l’esprit des expertises de
Sécurité sociale, ce sont :
– les questions multiples non complémentaires ;
– les questions orientées, qui imposent par leur formulation la
réponse de l’expert, comme par exemple : «
L’appareil utilisé par le
praticien traitant permettra-t-il la correction de toutes les
dysmorphoses ? ».
En effet, toutes les dysmorphoses ne sont pas
forcément corrigibles.
Toutes les dysmorphoses corrigibles le sont
rarement avec le même appareil.
Enfin, l’expert ne peut pas savoir
si toutes les dysmorphoses corrigibles le seront vraiment (cela
équivaudrait à rechercher, de fait, une obligation de résultat).
Pour
toutes ces raisons la formulation suivante est bien préférable : « Le
dispositif mécanique mis en oeuvre par le praticien traitant est-il
adapté au cas de l’enfant (ou : est-il de nature à permettre la
correction des dysmorphoses corrigibles) ? ».
Rappelons que les
imprimés CERFA N° 1518*01 (ou S 3150) pour les chirurgiensdentistes,
et N° 10522*01 (ou S 3155) pour les traitements
d’orthopédie dento-maxillo-faciale pour les médecins, support de
l’entente préalable, précisent bien : « Le diagnostic ainsi établi
signale les dysmorphoses corrigibles. » (Ce qualificatif a une
importance capitale.) « Toute pathologie non citée, essentielle au
diagnostic est à indiquer dans la partie commentaire. » ;
– les expertises diligentées au cinquième, voire au sixième semestre,
qui sont source de problèmes multiples et insolubles à ce stade du
traitement.
Devenir des expertises
de Sécurité sociale :
A - LITIGE MÉDICAL :
Les expertises de Sécurité sociale permettent le règlement d’un
différend d’ordre médical entre le praticien traitant et le praticienconseil.
Cela est très clairement établi par tous les textes légaux qui
président à la création et aux modalités d’application de ce type
d’expertise.
B - EXPERTISE DE SÉCURITÉ SOCIALE ET JURIDICTION
DISCIPLINAIRE
:
Bien que cela ne soit pas expressément prévu par les textes qui leur
ont donné naissance, les expertises de Sécurité sociale servent aussi
à étayer une action contentieuse du service médical placé près les
caisses primaires d’assurance maladie à l’encontre d’un praticien
traitant.
Le patient étant dans l’ignorance de cette procédure, n’y
a-t-il pas violation du secret médical ?.
Les conclusions des
différents experts de Sécurité sociale sont utilisées, parfois
abusivement, devant la section des assurances du conseil régional
de l’ordre.
Or, il est évident que les différents acteurs ne sont pas
toujours informés du devenir de ces expertises et de l’usage qui en
sera fait, principalement le praticien traitant et le praticien mandaté
pour effectuer l’expertise, c’est-à-dire l’expert.
Problèmes posés à l’expert par les
expertises en orthopédie dentofaciale :
A -
EXTRACTIONS :
Ici se pose le problème de la liberté thérapeutique.
Extraire ou ne
pas extraire : peut-on éviter les extractions ? oui ? non ? comment ?
et dans quels cas ?
Autre formulation : comment gagner de la place ?
les résultats seront-ils stables ? un traitement sans extractions de
prémolaires mais avec la germectomie de quatre dents de sagesse
peut-il être vraiment considéré comme un traitement sans
extractions ? quelles dents extraire et pourquoi ? selon quelle
séquence ? aspect psychologique chez l’enfant (et les parents !).
Certaines décisions d’extractions échappent à la volonté de
l’orthodontiste quand elles sont déjà réalisées ou qu’elles sont
inévitables (cas des dents de 6 ans condamnées).
C’est aussi la
difficulté, voire l’impossibilité d’envisager d’extraire dans le cas de polycarie, ou tout simplement impossibilité d’envisager un
traitement ODF long et complexe dans ce contexte.
L’expert peut
donc être appelé à statuer sur l’indication des extractions.
Mais il
doit aussi s’interroger, dans le même temps, sur les modalités selon
lesquelles le traitement sera conduit et pour quel résultat final
probable en fonction :
– de la compétence du praticien effectuant le traitement ;
– de l’adéquation entre diagnostic et moyens techniques mis en
oeuvre ;
– de la coopération de l’enfant ;
– des conditions de stabilité résidentielle d’un ou des parents
(déménagement conduisant inéluctablement à un changement de
praticien) ;
– d’autres facteurs ou options thérapeutiques (hygiène, croissance,
chirurgie orthognathique...).
B - MICRODONTIE ET AGÉNÉSIE
:
L’expert met l’accent sur ce que, raisonnablement, il ne faut pas
faire.
Il ne suffit pas que le praticien traitant ait un excellent plan de
traitement, encore faut-il que ce plan de traitement puisse être mené
à son terme dans les meilleures conditions possibles.
Ceci ne peut se
concevoir sans une bonne connaissance de l’apport des autres
disciplines (prothèse, implantologie).
Le plan de traitement doit également prendre en compte la phase
qui suit le traitement d’ODF et qui concerne la restauration
prothétique, elle-même précédée éventuellement d’une étape
chirurgicale.
Enfin, dans les cas d’agénésies multiples, le traitement est rendu
d’autant plus difficile qu’elles sont associées à une microdontie.
C - CAS CHIRURGICAUX :
Dans le domaine de la chirurgie orthognathique, les maquettes
informatiques de simulation sont extrêmement performantes, mais
dans l’esprit des patients, elles peuvent être considérées comme la
visualisation du résultat auquel s’est engagé le praticien.
Il ne faut
donc pas transformer l’obligation d’information du patient (partie
intégrante du consentement éclairé) en obligation de résultats pour
le praticien traitant.
La nomenclature générale des actes
professionnels (NGAP) précise que le traitement d’ODF « au-delà
du 16e anniversaire préalable à une intervention chirurgicale portant
sur les maxillaires pour une période de 6 mois non renouvelable »
est cotée TO 90.
La demande d’entente préalable doit alors être
accompagnée d’une lettre du praticien qui doit effectuer
l’intervention chirurgicale, motivant l’exécution du traitement.
Il ne
s’agit pas d’un domaine qui se prête de façon habituelle à une
procédure d’expertise médicale de Sécurité sociale.
D - CONTENTION :
Hormis les cas extrêmes, le déclenchement d’une procédure
d’expertise pour refus de prise en charge de la première ou de la
deuxième année de contention (codifiées respectivement TO 75 et
TO 50) ne se justifie pas.
La contention, c’est l’ensemble des procédés visant à maintenir les
dents et les arcades dans la position donnée par le traitement.
La NGAP précise : « Un avis technique favorable ne peut être donné
que si le traitement a donné des résultats positifs et dans la mesure
où il se justifie techniquement. »
Il serait abusif de subordonner
l’accord d’une période de contention à la correction de toutes les
dysmorphoses.
Cette attitude marquerait non seulement l’ignorance
de toutes les difficultés que le praticien traitant aurait pu rencontrer
durant la phase active du traitement, mais également le non-respect
par le praticien-conseil des deux seules conditions prévues par la
nomenclature.
Conclusion
:
L’ODF est une discipline de la chirurgie dentaire bien complexe,
puisqu’elle est devenue sa première, et à ce jour, son unique spécialité.
Elle correspond en France à un cursus de 4 années d’études
supplémentaires.
C’est sans doute la raison pour laquelle l’ODF
représente un domaine de prédilection pour la mise en oeuvre de la
procédure de l’expertise de Sécurité sociale.
Mais comme dans tous les
autre domaines de la chirurgie dentaire ou de la médecine, ce type
original d’expertise tire sa force du strict respect de la rigueur imposée
par le législateur dans le déroulement de toutes ses étapes.
Cette
rigueur, qui porte tant sur le fond que sur la forme, implique aussi
l’usage d’une terminologie adéquate et consensuelle.
Les termes anglais
ou américains tels que : « overjet », « overbite », « openbite »,
« deepbite »… doivent être proscrits et les termes français
correspondants utilisés, tant par le praticien-conseil dans la
formulation si importante de la question posée, que par le praticienexpert
dans la rédaction de son rapport et de ses conclusions.
Il n’y a aucune raison objective pour que le praticien traitant, le
praticien-conseil et le praticien-expert abordent le traitement d’ODF de
façon strictement identique, pour au moins deux raisons.
La première
est que ces trois praticiens n’ont pas les mêmes fonctions, et par
conséquent les mêmes responsabilités.
La seconde raison est qu’ils ne
peuvent pas, habituellement, avoir la même formation universitaire, la
même expérience ou le même vécu professionnel.
En matière d’ODF, il
faut bien reconnaître qu’il sera toujours plus aisé pour l’expert de dire
ce qu’il ne faut pas faire que ce qu’il faudrait faire.
La partie du rapport
consacrée à la discussion, partie expressément prévue par le législateur,
doit permettre à l’expert d’apporter des éléments concrets, positifs,
constituant une aide précieuse au règlement du différend d’ordre
médical survenu entre praticien-conseil et praticien traitant.
Face à ce
constat, portant sur des différences, bien naturelles, nous pouvons
préciser maintenant que, dans le strict respect du cadre de leur mission
respective, le praticien chargé de l’expertise et le praticien-conseil sont
condamnés à avoir une vision complémentaire des choses.
C’est dans ce
contexte que l’intérêt, également complémentaire, de toutes les parties
concernées est préservé, sans que soit porté atteinte à l’indépendance
d’exercice du praticien traitant.
Pour ce faire, l’expert de Sécurité
sociale, qui sera parfois expert judiciaire, doit accomplir sa mission «
avec conscience, objectivité et impartialité » (Art. 237 du nouveau Code
de procédure civile).