Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale
Cours de Médecine Dentaire
Qu’est-ce que la recherche évaluative ?
Il est difficile de trouver un équivalent français de
l’expression anglaise « outcome research ».
En
effet, la traduction littérale « recherche sur les
résultats » reste ambiguë et ne permet pas une
distinction vis-à-vis de la recherche clinique classique.
L’expression, souvent employée, « évaluation
des pratiques » embrasse un champ beaucoup plus
large, puisqu’elle s’intéresse tout aussi bien à des
aspects organisationnels, institutionnels ou économiques.
L’expression « étude de qualité de vie » est
en revanche trop restrictive.
En effet, la qualité de
vie n’est que l’une des composantes permettant de
mesurer la satisfaction globale du patient.
Enfin
l’expression « enquête de satisfaction » a tendance
à faire référence à des études où le patient cote
lui-même directement sa satisfaction.
C’est pourquoi,
faute de mieux, nous adopterons dans notre
propos, l’expression « recherche évaluative ».
Tout comme la recherche clinique, la recherche
évaluative s’intéresse aux résultats des thérapeutiques.
Elle s’en distingue par le fait de se placer
systématiquement du point de vue du patient.
Ainsi
les mesures ne concernent pas des données physiques
ou des tests de laboratoire mais visent à
évaluer ce que ressent le patient.
Ce type d’étude
est absolument fondamental en chirurgie esthétique
car le bénéfice réel de ce type de chirurgie
n’est pas fonctionnel mais subjectif.
La recherche
évaluative permet d’apporter des réponses au problème
éthique du rapport bénéfice-risque des interventions
de chirurgie esthétique.
Elle permettra,
au fur et à mesure de ses progrès, de mieux
cerner les indications.
En recherche évaluative, la
mesure peut être recueillie sous la forme d’un
indice de satisfaction, d’une échelle de qualité de
vie ou d’une échelle d’évaluation en psychologie.
Ainsi la recherche évaluative se propose d’objectiver
et de mesurer les différents paramètres qui
reflètent la satisfaction du patient suite à un acte
thérapeutique.
En chirurgie esthétique pure, le
principal (voire l’unique) critère du succès est la
satisfaction du patient.
On conçoit aisément que si
chacun peut parfaitement vivre avec des poches
sous les yeux, des bajoues, ou une bosse ostéocartilagineuse,
la demande est en fait d’origine psychique.
Or, ce bénéfice peut être quantifié.
Nous
avons tous eu, dans nos consultations, des patients
dont le résultat opératoire nous a déçu, mais qui
étaient paradoxalement très heureux de leur intervention.
Réciproquement, nous avons vu des patients,
pour lesquelles nous avions techniquement
honoré le contrat, s’avérer très insatisfaits.
Cela
illustre la nécessité des études en recherche évaluative,
pour nous aider à faire porter l’indication
opératoire sur ceux qui auront une chance d’être
satisfaits, et à mieux conseiller ceux qui auraient a
priori moins de chance de l’être.
De même, des études prenant en compte la
satisfaction finale du patient pour différents risques permettraient de pondérer au mieux l’importance
du geste à réaliser.
Ainsi les résultats de la
recherche évaluative peuvent être mis en rapport
avec les « études de risque ».
L’un des meilleurs
critères pour prendre une décision thérapeutique
est le rapport « bénéfice sur risque ».
Cependant ce
« bénéfice » est souvent si peu estimé en chirurgie
que l’on se contente du rapport « risque de faire sur
risque de ne pas faire ».
Ce mode décisionnel est
certes souvent opérant, en chirurgie carcinologique
par exemple, mais nettement moins en chirurgie
sans bénéfice fonctionnel telles la chirurgie de
donneur vivant, la chirurgie de conversion sexuelle
et, bien entendu, la chirurgie esthétique.
Imaginons
que plusieurs études concordantes retrouvent
que la satisfaction est la même après un lifting avec
dissection complète du système musculoaponévrotique
superficiel (SMAS) ou avec des plicatures ; il
deviendrait alors évident qu’à satisfaction identique,
il faudrait réaliser l’intervention jugée par une
étude ad hoc comme la moins risquée.
Quelques données épidémiologiques
situent l’importance d’une évaluation
:
D’après l’ASPS (American Society of Plastic Surgeons),
il y a eu, pendant l’année 2000 aux États-Unis (260 millions d’habitants, 73 millions d’interventions
chirurgicales), 7,4 millions d’interventions
de chirurgie esthétique, soit 2,84 % de la population
en 1 an ou 10 % de l’effort chirurgical du pays.
Pour
la même année, l’American Society for Aesthetic
Plastic Surgery avance un chiffre moindre
mais tout de même de 5,7 millions (6,9 millions
en 2002) et précise que ces chiffres ont augmenté
de 25 % en un an et de 173 % entre 1997 et 2000.
Selon la même source depuis 1997 : les interventions
pour liposuccion ont augmenté de 113 %, les
prothèses mammaires de 101 %, les mammoplasties
de réduction de 88 %, les abdominoplasties de 72 %,
les blépharoplasties de 33 % ; et le lifting de 4 %.
Les
chiffres de la médecine esthétique ont explosé
avec une augmentation du Botox® de 120 % soit
1 096 611 de procédures.
Ces chiffres ont été
obtenus à partir de différents types de déclarations.
Ils sont donc forcément sous-évalués.
Une
partie des interventions, liposuccions, paupières
supérieures, implants de cuir chevelu, ainsi que
certaines injections (Botox®, acide hyaluronique,
etc.) échappent à ce recensement.
De plus, les
procédures esthétiques en rapport avec l’orthodontie,
l’orthopédie dento-maxillo-faciale et la chirurgie
dentaire ne sont pas prises en compte dans
cette statistique.
Il est de plus en plus fréquent de
voir des patients demander un traitement orthodontique
pour une légère rotation d’une seule
dent, la mise en place de facettes, ou le changement
de tous les amalgames pour des composites.
En France, d’après le journal Les Echos, le « marché
» de la chirurgie esthétique augmente de 10 %
par an.
L’ASAPS prévoit une augmentation importante
de cette activité au États-Unis en 2004, et
l’attribue à l’amélioration du taux de croissance de
l’économie américaine.
Une pratique qui concerne par an environ 3 %
d’une population et près de 10 % de l’effort chirurgical
d’une nation mérite que les professionnels
ouvrent le débat éthique et peut-être d’autant plus
qu’elle concerne des personnes « bien portantes,
demandeuses et consentantes ».
Bien que la chirurgie
esthétique soit le domaine en plus forte expansion
de la chirurgie, ses effets sur les patients ne
sont par encore bien compris.
Quelques données qualitatives pour
situer l’importance de l’enjeu
:
Le corps semble vécu par nos contemporains
comme un matériau d’une grande plasticité comme
en témoignent la mode du body-building, l’obsession
des régimes alimentaires, la chirurgie de
conversion sexuelle, l’engouement pour le tatouage
et le piercing et naturellement la chirurgie
esthétique.
Au-delà des demandes classiques de
chirurgie de rajeunissement ou d’embellissement
qui prennent pour modèle un idéal de jeunesse ou
de beauté gréco-romaine, émergent les demandes
dites « Star treck ».
Dans nos consultations apparaissent
ainsi de plus en plus des requêtes qui
sortent de la norme ; réalisation d’une fossette ou
d’un pli au niveau du menton, création d’un relief
par mise en place d’un implant sous la peau du
front, bridement des yeux d’un Européen, allongement
des canines sont quelques exemples que nous
avons pu personnellement rencontrer.
Pourtant, parallèlement, les psychothérapies
abondent : familiales, comportementales, analytique,
etc.
Notre société réclame des psychologues
dans toutes sortes de situations : en victimologie
(victimes et professionnels), au travail (harcèlement
moral, sexuel, plans sociaux...), en privé
(divorce, addiction...), en milieu scolaire (syndrome
d’hyperactivité, racket...), dans les institutions
(prisons, hôpitaux, service d’aide médicale
d’urgence [Samu] social...), etc.
La presse, les
émissions de télévision et de radio consacrées à la
psychologie ont un immense succès.
Les séminaires
professionnels sur la gestion du stress, la communication,
la caractériologie ou la gestion des conflits
abondent.
Ainsi notre société ne renie donc pas, bien au
contraire, l’apport d’une réflexion et un appel à
l’aide sur les mécanismes de la pensée.
Mais, après
la révolution sexuelle, elle se prépare à vivre une
révolution non moins capitale dans son histoire,
celle du corps, conduisant à vivre de façon radicalement
différente les rapports corps, âme, esprit ;
en rupture avec une vision séculaire.
Le corps ne se
contente plus d’être entretenu pour le profit de
l’esprit selon l’adage mens sana in corpore sano.
Le
corps mortel n’est plus méprisé comme la dernière
entrave face à une vie spirituelle gage d’éternité.
Il
n’est plus réduit à sa composante génétique, vision
commode pour exclure une partie de l’humanité,
même si les tentations eugénistes demeurent récurrentes.
Le corps n’est plus davantage vécu de
façon exclusivement positiviste, étendard d’une
médecine triomphante.
Notre société postmoderniste,
orientée par la recherche d’une certaine
liberté formelle, l’éclectisme et la fantaisie, souhaite
pouvoir modeler le corps à l’image de ses
représentations.
La technique aidant, le corps devient
plus plastique que la pensée.
Notre société
veut s’en libérer afin de passer d’un corps objet à
un corps sujet, d’un corps que l’on a, à un corps que
l’on est.
La recherche évaluative est
une exigence éthique
:
La chirurgie esthétique pose le problème éthique
du rapport bénéfice/risque des interventions sans
bénéfice fonctionnel.
Lorsqu’un patient présente
une fracture de jambe, une occlusion intestinale,
ou un trouble de la perméabilité des fosses nasales,
le bénéfice attendu de l’intervention est évident.
En revanche, concernant les procédures esthétiques,
ce bénéfice est beaucoup plus subtil à appréhender.
S’il existe, il se situe à un niveau psychologique.
Il faut donc mettre en balance un risque
certain, celui d’une anesthésie générale, d’une
complication éventuelle, d’une indisponibilité temporaire,
d’un coût avec un bénéfice difficile à
évaluer par le clinicien.
« Me sentir mieux dans ma
peau », « avoir plus confiance en moi », « améliorer
l’estime de moi-même » sont en général les objectifs
affichés du patient lorsqu’on lui pose, avec
conviction, la question : « que changera cette
intervention dans votre vie ? ».
Les raisons professionnelles,
certains motifs fonctionnels ne sont, la
plupart du temps, que des alibis.
Des raisons beaucoup
plus subtiles peuvent se cacher derrière la
demande esthétique.
On parvient quelquefois à les
appréhender lorsque l’on demande au patient
« quel est l’événement qui a déclenché la demande
? », « depuis quand avez-vous envie de vous
faire opérer ? » ou « depuis combien de temps
envisagez-vous de vous faire opérer ? » (l’envie
pouvant précéder le passage à l’acte de plusieurs
années) et surtout lorsque l’on instaure un climat
de confiance.
Une grande différence d’âge avec le
conjoint, un divorce récent, un problème relationnel
non résolu avec l’un des parents (« le nez du
père ») ne sont que quelques exemples courants.
Ainsi, les procédures esthétiques posent des problèmes
éthiques considérables.
Peut-on faire courir
un risque, si faible soit-il, à un patient lorsqu’on
n’est pas sûr du bénéfice que cette intervention
pourra lui apporter ?
Une information bien faite et
un consentement suffisent-ils à rendre cette intervention
éthique ?
Cela reviendrait à privilégier le
concept d’autonomie du patient, actuellement très
favorisé dans la problématique éthique anglosaxonne,
beaucoup moins par les préférences philosophiques
françaises, plus paternalistes.
Ce point
mériterait d’être beaucoup plus détaillé.
Il est
toujours saisissant de constater comment les pratiques
médicales et notamment les attentes des patients
(clients, usagers) diffèrent en fonction des
statuts juridiques de part et d’autre de l’Atlantique.
Concernant les procédures esthétiques, les deux
aspects qui sont très majoritairement abordés sont
les techniques et les aspects juridiques. Pourtant,
cela ne permet pas de répondre aux questions
fondamentales.
Quelle est la motivation réelle des
personnes en demande d’une procédure esthétique
?
Au-delà de l’apparence, qu’est-ce qui est
réellement changé après une chirurgie esthétique ?
Dans quelle mesure ?
Pour quels patients ?
Toute
intervention comprend un risque et un bénéfice.
De
l’estimation de ce rapport peuvent découler une
indication pertinente et un consentement mieux
éclairé.
Pourtant en chirurgie esthétique, si les
risques sont parfois étudiés, les bénéfices réels ne
le sont que très ponctuellement.
Avant chaque acte chirurgical, le chirurgien
consciencieux se pose deux types de questions :
dois-je faire ? et si oui, comment faire ?
Les corollaires
de cette question sont, bien entendu : que se
passera-t-il si je le fais ? quel bénéfice ? pour quel
risque ? que se passera-t-il si je ne fais pas ?
Contrairement à ce que pense le sens commun, des
centaines de milliers d’interventions chirurgicales
ont été réalisées sans répondre à cette question
qui paraît pourtant aller de soi.
Des centaines de
milliers de patients ont été opérés sans certitude
sur la pertinence scientifique de l’indication.
Ainsi
en est-il des appendicectomies systématiques
jusqu’au jour où fut établi que le risque (occlusion
sur bride) était supérieur au bénéfice.
Une pratique médicale ne peut être responsable
que si elle se met en capacité de mesurer les
conséquences de ses actes.
En chirurgie esthétique,
la recherche évaluative est indispensable.
Quelles sont les caractéristiques
d’une bonne échelle d’évaluation ?
Lorsque l’on choisit un test, plusieurs critères sont
nécessaires.
Il faut d’abord vérifier son domaine
d’application, c’est-à-dire ce qu’il est supposé mesurer,
par exemple la qualité de vie, la dépression, l’anxiété, la confiance en soi, etc.
Il faut
ensuite s’intéresser à son mode de passation.
Quelles
sont les consignes de l’auteur du test pour le
faire passer ?
S’agit-il d’un questionnaire en autoévaluation
? d’un jeu de rôle ? d’un entretien semidirectif
? etc.
Puis, il faut vérifier le mode de
cotation du test.
Y a-t-il une grille de cotation ?
Une
double grille ?
Une échelle visuelle analogique ?
etc.
Enfin, et c’est le plus important, il faut vérifier
comment le test a été validé.
Les études de validation
sont l’équivalent de l’étalonnage pour la pesée.
Il faut tout d’abord vérifier que le test a été
validé sur une population similaire à celle que l’on
veut étudier.
En effet, un test validé sur une population anglo-saxone n’est pas directement utilisable
sur une population européenne.
Les études de
validation réalisées, explorent, bien entendu, les
notions classiques de la statistique telle la sensibilité,
la spécificité, mais aussi la fiabilité testretest,
la fidélité inter-juge, la validité de convergence,
et éventuellement la consistance interne.
La fiabilité test-retest mesure la probabilité d’obtenir
le même score à très brève échéance.
Un test
où les notes seraient très différentes alors
qu’aucune action n’a été entreprise sur le patient
ne peut pas être considéré comme fiable.
La fidélité inter-juge mesure que le test n’est pas ou peu
passeur-dépendant.
Cette donnée est importante
lorsque plusieurs personnes font passer les tests,
notamment dans les études multicentriques.
La
validité de convergence est une donnée absolument
fondamentale.
En effet, l’étalonnage des
tests ne se fait pas ex nihilo, il se fait par référence
à d’autres tests souvent beaucoup plus lourds à
faire passer.
La consistance interne est une donnée
évaluant la cohérence d’un test lorsque celui-ci
mesure plusieurs aspects.
Quels sont les principaux instruments
utilisés en recherche évaluative
plastique et maxillofaciale ?
Les instruments existants peuvent être classés en
trois catégories : les échelles de satisfaction, les
échelles d’évaluation en psychologie, et les études
de qualité de vie.
Les évaluations objectives n’en
font pas partie ; elles quantifient directement des
changements physiques.
Il s’agit pour l’essentiel de
méthodes anthropométriques éventuellement assistées
par ordinateur.
Naturellement, les évaluations
objectives ne quantifient pas le bénéfice réel
de la chirurgie esthétique, mais peuvent avoir un
intérêt du point de vue technique et en association
avec les méthodes précitées.
A - Échelles de satisfaction
:
Elles ont l’immense avantage de leur simplicité.
Elles mesurent la satisfaction du patient à l’aide
d’une note ou d’une échelle visuelle analogique sur
le modèle de ce qui se fait pour la douleur.
Elles
souffrent de la facilité avec laquelle des réponses
peuvent être induites.
Pour éviter ce biais, il est
souvent fait appel à une interface, évaluateur indépendant
ou photo.
Malgré leur faiblesse, leur usage
est certainement appelé à augmenter pour plusieurs
raisons : beaucoup de problèmes en chirurgie
esthétique relèvent intuitivement de cette technique
d’évaluation, ce type d’échelle peut être combiné
aux autres modes, enfin ce type d’étude est le
plus simple à mettre en oeuvre pour le chercheur
qui souhaite commencer à quantifier ses résultats
en se plaçant dans la perspective du patient.
B - Tests de qualité de vie :
Les tests de qualité de vie intègrent en un seul
score différents domaines comme des critères physiques,
sociaux, psychologiques, émotionnels, voire
spirituels.
On distingue les tests génériques et les
tests spécifiques.
Les derniers tiennent compte de
la pathologie ou de la demande de soins du patient,
en l’occurrence d’une demande de chirurgie esthétique.
Les tests génériques visent à quantifier la
qualité de vie globale du patient sans tenir compte
de sa demande, ils sont souvent moins biaisés.
Ne pouvant tous les décrire, nous décrivons très
succinctement le EQ-5D3 à titre d’exemple : c’est
un test générique développé par un groupe multidisciplinaire
de chercheurs européens en 1987.
Il a
été conçu pour être rempli directement par les
sujets enquêtés.
Simple dans sa formulation, ne
prenant qu’une minute à remplir, il convient très
bien pour de grandes enquêtes cliniques.
Le EQ-5D
se présente essentiellement sous forme de deux
pages, i.e. : un questionnaire fermé, permettant un autoportrait de l’état de santé orienté sur cinq
aspects fondamentaux, chaque aspect donne lieu à
trois réponses possibles.
Au total, 243 états de
santé possibles peuvent être définis de cette façon.
Le EQ-5D VAS (visual analogic scale) reflète l’état
de santé global (physique et psychologique) estimé
par le patient grâce à une échelle visuelle analogique
graduée de 0 à 100 sur le modèle d’un thermomètre.
C - Échelles d’évaluation en psychologie :
Ce sont naturellement les plus employées étant
donné la nature psychologique de la demande de
chirurgie esthétique.
Ne
pouvant tous les décrire, nous décrirons (très succinctement)
le Social Interaction Self-Statement
Test (SISST) à titre d’exemple.
C’est l’une des meilleures échelles d’évaluation développées pour
quantifier la sévérité de la phobie sociale et la
symptomatologie anxieuse dans le contexte des
relations hétérosociales grâce à un double score
(pensées facilitatrices ou inhibitrices).
Il s’agit
d’une échelle d’autoévaluation comprenant 30 variables
cotées de 1 à 5 (de 1 = je n’ai presque jamais
eu cette pensée à 5 = j’ai très souvent cette pensée).
Plusieurs études ont montré une bonne cohérence
interne et une bonne validité convergente.
Seule l’échelle négative différencie deux types de
sujets phobiques sociaux : les sujets ayant peur de
l’interaction sociale ont de plus hauts scores que
les sujets ayant peur de parler en public.
Quelques résultats en recherche
évaluative dans le domaine
de la chirurgie esthétique maxillofaciale :
En préambule, précisons que les résultats de la
chirurgie esthétique faciale ne sont pas superposables
à ceux de la chirurgie esthétique de la silhouette.
Les problématiques sont différentes.
Le
visage est le centre de l’identité, l’interface privilégiée
de la relation sociale.
La chirurgie de réduction
mammaire, la liposuccion et la plastie abdominales
sont souvent liées à des problèmes de
surpoids et indirectement à des problèmes fonctionnels.
Ainsi les résultats de la chirurgie esthétique
générale ne sont pas directement extrapolables
à la chirurgie esthétique faciale.
De même une
distinction devrait théoriquement être faite entre
la chirurgie d’embellissement facial et la chirurgie
de rajeunissement.
Sur cet aspect, les données sont
encore très fragmentaires.
La population candidate à une chirurgie esthétique
faciale a des indices de dépression supérieurs à
la population générale.
La chirurgie esthétique
faciale n’améliore pas les indices de dépression.
Les réactions dépressives sont fréquentes après une
chirurgie esthétique (notamment le lifting).
Il
s’agit le plus souvent d’une intensification passagère
de symptômes préopératoires.
En revanche,
elle améliore indiscutablement la confiance en soi
qu’il s’agisse de la chirurgie de rajeunissement ou
celle d’embellissement.
Il en va de même pour
l’estime de soi et bien entendu pour ce que l’on
pourrait qualifier le bien-être psychologique global.
Elle améliore statistiquement les scores des
échelles d’image corporelle, notamment dans le
domaine de la rhinoplastie.
Elle améliore la cohérence
entre l’image corporelle faciale et l’image
corporelle globale, cette dernière étant souvent
bonne.
Il existe une corrélation entre l’amélioration
des scores d’image corporelle et la diminution
de certains symptômes psychiatriques.
Des effets
bénéfiques psychologiques et comportementaux
ont pu être mis en évidence aussi bien à court
terme qu’à long terme.
La chirurgie esthétique
faciale améliore aussi bien les tests génériques ou
spécifiques de qualité de vie mais cela semble lié
exclusivement à l’amélioration de certains paramètres
psychologiques précités contenus dans ces
tests.
Les patients atteints du « body dysmorphic
disorder » (terme non strictement équivalent à
dysmorphobie dans la nosographie psychiatrique
actuelle), représentent environ 5 % des patients de
la clientèle d’un chirurgien esthétique.
C’est statistiquement
le nez qui est le plus souvent le centre
de leurs préoccupations.
Ils ne bénéficient pas de la
chirurgie esthétique. Un dépistage de ce syndrome
par le chirurgien lui-même apparaît nécessaire afin
que le patient puisse être adressé au praticien
compétant.
Ces patients ne doivent pas être
adressés à un autre chirurgien, comme cela peut
souvent se voir lorsque le premier chirurgien se sent
dépassé, mais à un psychiatre en vue d’une psychothérapie
comportementale et/ou d’un traitement
médicamenteux.
Sur un autre plan, une étude
explorant une cohorte de patients 5 ans après leur
rhinoplastie n’a pas montré que la demande de
rhinoplastie était le symptôme précoce d’une maladie
psychiatrique sévère.
Conclusion
:
En guise de conclusion, nous voudrions insister sur
trois aspects importants.
Tout d’abord, au vu des résultats de la recherche
évaluative, on conçoit que la chirurgie esthétique
est un acte médical à part entière puisqu’il peut se
révéler thérapeutique.
Par ailleurs, la recherche évaluative en chirurgie
esthétique n’en est qu’à ses prémices.
Des études
beaucoup plus fines seront réalisées dans les années
à venir.
Elles auront notamment pour objectif
de comparer des procédures chirurgicales en utilisant
comme outil de mesure des échelles d’évaluation,
de telle sorte que des rapports bénéfice/
risque puissent être calculés.
Enfin, il semble indispensable pour le professionnel
qui s’oriente vers la chirurgie esthétique d’avoir
une formation initiale et continue sur les données
de la recherche évaluative.
Un chirurgien orthopédiste,
cardiaque, ou viscéral est capable d’évaluer
le bénéfice de ses interventions.
Il devrait en être
de même dans le domaine de la chirurgie esthétique.
Cela n’exclut pas le recours ponctuel à un
psychiatre.