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Gynécologie
Escherichia coli en pathologie digestive
Cours de Gynécologie Obstétrique
 
 
 

Introduction :

Six pathovars sont actuellement reconnus : les E coli entérotoxinogènes (ETEC), entéro-invasifs (EIEC), entérohémorragiques (EHEC), entéropathogènes (EPEC), entéroadhérents de phénotype agrégant (EAggEC) et de phénotype diffus (DAEC).

Ces pathovars seront présentés, à l’exception des E coli entéro-invasifs qui sont abordés dans le chapitre sur la shigellose.

Facteurs de virulence et pathogénie :

1- Pouvoir entéropathogène des E coli entérotoxinogènes :

Il repose sur l’élaboration de facteurs d’adhésion qui permettent la colonisation de l’intestin grêle et sur la sécrétion d’entérotoxines.

L’association de ces deux catégories de facteurs de pathogénicité est indispensable à la pleine expression de la virulence des souches.

Une quinzaine de facteurs d’adhésion ont été décrits et les exotoxines sont des protéines, soit de haut poids moléculaire, thermolabile (LT), soit de bas poids moléculaire et thermostable (ST).

Elles sont exprimées simultanément ou indépendamment, leur effet est cytotonique.

En effet, à l’exception du peptide STb, elles n’altèrent pas la cellule mais déclenchent une fuite hydroélectrolytique en perturbant les systèmes de contrôle de la sécrétion entérocytaire.

Elles agissent via un second messager cellulaire (adénosine monophosphate cyclique [AMPc], guanosine monophosphate cyclique [GMPc], calcium).

Les toxines les mieux connues (LTI, STa) agissent en reconnaissant des récepteurs cellulaires de surface couplés à une enzyme (adénylate cyclase hydrolysant l’adénosine triphosphate [ATP] en AMPc, guanylate cyclase hydrolysant le guanosine triphosphate [GTP] en GMPc).

Ces nucléotides cycliques activent des protéines kinases, dépendantes de l’AMPc ou du GMPc, qui phosphorylent diverses protéines impliquées dans la perméabilité et le métabolisme cellulaires.

La diarrhée aqueuse est riche en électrolytes.

En revanche, les mécanismes d’absorption du glucose, des acides aminés et du sodium qui leur sont couplés sont conservés, phénomènes mis à profit dans la réhydratation par voie orale.

2- Pouvoir pathogène des E coli entéropathogènes :

Il aboutit à la formation de lésions d’attachement-effacement (A-E) et regroupe :

– une adhésion localisée des bactéries permettant la formation de colonies à la surface de l’épithélium intestinal ;

– l’adhésion intime à l’origine de l’effacement des microvillosités des entérocytes ;

– la transduction de signaux cellulaires à l’origine d’une réorganisation du cytosquelette et éventuellement l’internalisation des bactéries dans les cellules hôtes.

En microscopie optique, l’aspect général est celui d’une atrophie villositaire avec des bactéries adhérant sous la forme de microcolonies.

Au niveau ultrastructural, les lésions sont caractérisées par l’effacement des villosités et la formation au niveau de l’entérocyte d’un piédestal mobile qui enserre la bactérie à la façon d’une coupe.

Sous la bactérie adhérente, on observe une modification du cytosquelette avec accumulation d’actine polymérisée et de plusieurs protéines de liaison à l’actine.

Une augmentation du calcium intracellulaire et la phosphorylation des résidus tyrosine d’une protéine bactérienne de 90 kDa (Hp 90) insérée dans la membrane cellulaire eucaryote sont impliquées dans l’assemblage des protéines du cytosquelette et accompagnent cette réorganisation cellulaire.

3- Pouvoir pathogène des E coli entérohémorragiques :

Il repose d’une part sur la capacité d’induire des lésions de typeA-E et, d’autre part, sur la production de puissantes cytotoxines de la famille Shiga.

4- Pouvoir pathogène des E coli entéroadhérents de phénotype agrégant :

Il a été confirmé chez des volontaires adultes.

Dans le modèle de l’anse iléale ligaturée, chez le lapin ou le rat, l’examen histologique montre un raccourcissement villositaire, une nécrose hémorragique du sommet des villosités et un oedème dû à une réponse inflammatoire avec une sousmuqueuse riche en cellules mononucléées.

L’analyse ultrastructurale montre que l’architecture des entérocytes est conservée mais que les cellules sont recouvertes de bactéries.

Deux types de facteurs de virulence sont actuellement connus chez les E coli entéroadhérents de phénotype agrégant : un système d’adhésion et une activité toxinique.

5- Facteur de virulence chez les E coli entéroadhérents de phénotype diffus :

Le seul facteur de virulence caractérisé chez les E coli entéroadhérents de phénotype diffus est leur capacité à adhérer sur les cellules épithéliales.

Deux familles de gènes codant pour cette adhésion ont été identifiées.

Au sein de la famille des adhésines AFA (afimbrial adhesin), on observe des opérons apparentés exprimés par des souches associées à des diarrhées et à des infections urinaires.

Les déterminants daa codant pour l’adhésine F1845 d’une souche isolée de selles d’un enfant souffrant de diarrhée persistante font partie de la famille AFA.

L’étude de l’interaction de cellules épithéliales en culture (HeLa) a été réalisée avec les souches exprimant l’opéron afa3.

Les gènes afaE et afaD codent pour une structure adhésive composée de deux protéines, AfaE est responsable de l’adhésion et AfaD permet l’internalisation d’une souspopulation des bactéries adhérentes.

AfaE reconnaît le decay-accelerating factor (DAF) comme récepteur. Cette molécule a un rôle dans la protection des cellules contre le complément autologue par fixation des composés C3b et C4b sur son domaine SCR3.

Épidémiologie :

A - E coli entérotoxinogènes :

L’épidémiologie des E coli entérotoxinogènes a été très étudiée ; le support du pouvoir pathogène des E coli entérotoxinogènes étant plasmidique, toute souche d’E coli est théoriquement susceptible d’en acquérir les facteurs de virulence.

Cependant, seules les souches appartenant à certains sérogroupes O (6, 8, 15, 20, 25, 27, 63, 78, 80, 85, 115, 128ac, 139, 148, 153, 159, 167) expriment de façon stable adhésines et entérotoxines.

Les E coli entérotoxinogènes demeurent l’une des causes majeures de diarrhées infantiles dans les pays en voie de développement à bas niveau d’hygiène où ils représentent environ 25 % des étiologies des diarrhées de l’enfant de moins de 3 ans, celui-ci pouvant présenter jusqu’à trois infections à E coli entérotoxinogènes par an.

En Europe du Sud, région de niveau sanitaire intermédiaire, les E coli entérotoxinogènes sont responsables d’environ 5 % des gastroentérites infantiles. Leur incidence est presque nulle dans les pays développés.

Les observations rapportées y sont des cas importés de régions endémiques.

En Afrique, Océanie, Asie et Amérique centrale, les E coli entérotoxinogènes représentent les étiologies les plus fréquentes (40 à 75 %) des diarrhées des visiteurs (turista) ou des militaires intervenant dans certaines de ces zones.

L’incidence la plus élevée de l’infection y est observée au début de la saison humide.

L’ingestion de nourriture ou d’eau fortement contaminées est à l’origine de l’infection.

Chez l’enfant, les aliments de sevrage (riz, lait et produits dérivés) contaminés lors de leur préparation sont le plus souvent en cause.

La dose infectante est voisine de 108 bactéries.

Morbidité et mortalité des diarrhées à E coli entérotoxinogènes sont comparables à celles du choléra en raison de la fréquence élevée de l’infection et de sa distribution mondiale.

L’incidence de l’infection chez l’enfant est voisine de celle des Rotavirus ; elle diminue progressivement avec l’âge, pour être quasiment nulle chez l’adulte résident.

B - E coli entéropathogènes :

Les connaissances épidémiologiques sur les E coli entéropathogènes dépendent beaucoup des techniques de diagnostic, selon que sont mis en oeuvre le sérogroupage O, le sérotypage O:H, la recherche des effets cytopathogènes de l’A-E, ou un diagnostic génétique des facteurs de virulence.

Les études épidémiologiques actualisées indiquent que les E coli entéropathogènes exprimant des facteurs de virulence à l’origine des lésions A-E appartiennent à un nombre restreint de sérotypes O:H.

Au sein de ces sérotypes, les souches possèdent des particularités phénotypiques, notamment des idiosyncrasies dans les profils fermentaires.

Ces observations épidémiologiques et les résultats des études comparées sur les profils protéiques membranaires ou enzymatiques des souches des différents sérotypes, ont permis de montrer que le mode de diffusion des E coli entéropathogènes évoluait selon les critères d’une population clonale. Ainsi, une filiation a été établie entre les E coli entéropathogènes O55:H6, O125:H6, O142:H6 et O86:H34.

Dans les pays en voie de développement, à l’inverse des pays industrialisés, les informations récentes font état d’une forte incidence chez l’enfant de moins de 5 ans (incidence la plus élevée avant 6 mois), avec un risque élevé de transmission de personne à personne lié au péril fécal.

Seul un réservoir humain de germes est reconnu.

La contamination manuportée est souvent en cause dans les infections nosocomiales ; le risque de propagation est lié au portage asymptomatique infantile ou adulte ; l’efficacité préventive du lavage des mains est démontrée.

Ainsi, à São Paulo, il a été montré que le risque pour un enfant de développer une diarrhée à E coli entéropathogènes dans le mois suivant son hospitalisation est 12 fois supérieur à celui des témoins.

La dose minimale infectante chez l’adulte volontaire varie entre 106 et 1010 bactéries.

De façon paradoxale, la contamination par les aliments ou l’eau de boisson existe mais est plus rare que pour les E coli entérotoxinogènes.

Jusqu’en 1968, les E coli entéropathogènes ont été associés à de nombreuses épidémies de diarrhées de gravité variable dans les pays industrialisés et les grandes épidémies nosocomiales touchant les services de nourrissons ont été remplacées par des cas sporadiques.

Cependant, des épidémies sont encore observées et l’incidence actuelle des E coli entéropathogènes dans les pays industrialisés est probablement sous-estimée en raison de l’abandon justifié du diagnostic par le seul sérogroupage.

Les outils génétiques développés à partir des séquences des gènes de virulence devraient permettre de systématiser leur recherche et de reconsidérer leur incidence.

C - E coli entéroadhérents de phénotype agrégant :

La première observation impliquant des E coli entéroadhérents de phénotype agrégant dans la diarrhée de l’enfant date de 1987.

Depuis, plusieurs suivis de cohortes et études cas-témoins ont reconnu un rôle à ce pathovar.

À l’instar des E coli entéropathogènes, quelle que soit la région où ils sont identifiés, les E coli entéroadhérents de phénotype agrégant semblent appartenir à un nombre restreint de sérotypes.

Ce pathovar est impliqué dans des diarrhées aiguës et représente l’une des premières étiologies des diarrhées chroniques (moyenne de 17 jours) de l’enfant de moins de 3 ans dans les pays en voie de développement ; 10 à 30 % de ces diarrhées sont sanglantes et fébriles.

Il existe maintenant de nombreux arguments cliniques et expérimentaux en faveur d’une réelle pathogénicité des E coli entéroadhérents de phénotype agrégant.

L’infection expérimentale (souches O44:H18) chez des adultes volontaires le confirme, avec des doses infectantes variant entre 108 et 109 bactéries.

Seul le réservoir humain semble en cause et le mode de contamination est probablement similaire à celui des E coli entéropathogènes.

Dans les pays industrialisés, les E coli entéroadhérents de phénotype agrégant sont également identifiés au cours d’épisodes épidémiques ou à l’origine de diarrhées nécessitant l’hospitalisation des enfants.

Chez l’adulte, les E coli entéroadhérents de phénotype agrégant sont associés aux diarrhées chez des patients VIH (virus de l’immunodéficience humaine) positifs au stade sida.

D - E coli entéroadhérents de phénotype diffus :

Pour les E coli entéroadhérents de phénotype diffus, des discordances apparaissent entre les études épidémiologiques sur leur rôle dans la diarrhée.

Le phénotype d’adhésion ne constitue pas un critère exclusif de pathogénicité.

De grandes différences génétiques et phénotypiques sont observées parmi ces souches.

Ces différences sont fonction des zones d’étude et de l’âge des patients.

Ainsi, alors que des études menées en Inde et au Brésil ne leur accordaient pas de rôle dans la diarrhée aiguë infantile, une étude cas-témoins au Mexique, pendant la période de recrudescence annuelle des diarrhées infantiles, a mis en évidence une association significative à la maladie (p inférieur à 0,02) avant l’âge de 6 ans.

De même en Australie, au sein de la population aborigène, les souches ne sont associées à la diarrhée (p inférieur à 0,05) que chez les enfants de plus de 18 mois.

Dans cette région du Pacifique Sud, cette association a été confirmée en Nouvelle-Calédonie et des souches appartenant à un même clone ont été isolées au sein de la même famille d’enfants de 12 mois souffrant l’un d’infection urinaire (IU) et l’autre de diarrhée et d’IU, en l’absence de tout autre agent pathogène connu.

L’association la plus significative (p inférieur à 0,0001) est observée en France dans la région clermontoise.

Des études cas-témoins au sein de cohortes d’enfants ont établi que le risque de développer une diarrhée est maximal pour les enfants entre 48 et 60 mois, et que les E coli entéroadhérents de phénotype diffus sont surtout impliqués dans des diarrhées persistantes.

E - E coli entérohémorragiques :

Pour les E coli entérohémorragiques, la plupart des informations proviennent des études sur le sérotype O157:H7. Il s’agit actuellement d’une véritable infection émergente.

Ce sérotype est normalement absent de la flore commensale intestinale de l’homme.

Il est maintenant démontré que les E coli entérohémorragiques épidémiogènes exprimant des facteurs de virulence permettant les lésions A-E sont affiliés aux E coli entéropathogènes.

Ainsi, le clone O157:H7 dérive du clone d’E coli entéropathogènes de sérotype O55:H7, alors que les E coli entérohémorragiques O26:H11 et O111:H8 dérivent des sérotypes d’E coli entéropathogènes affiliés par l’antigène H2.

La divergence observée dans l’évolution des E coli entérohémorragiques (variations entre souches de même sérotype, diversification des sérotypes) tient au mode de transfert horizontal du contrôle bactériophagique de la toxinogenèse.

Les premiers cas d’intoxications alimentaires ont été décrits au cours d’épidémies en Amérique du Nord et au Canada.

Les infections à E coli entérohémorragiques sévissent dans la plupart des pays industrialisés où l’incidence varie de 4 à 29pour 105 habitants, essentiellement selon les modes de vie.

Selon les études, la période d’incubation varie de 2 à 8 jours (moyenne de 4 jours).

Dans environ 10 % des cas, surtout chez l’enfant de moins de 10 ans et chez les adultes de plus de 60 ans, le pronostic peut être sévère.

Lorsque l’état général s’aggrave et évolue vers un syndrome hémolytique et urémique (SHU) ou un purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), sans traitement symptomatique, le risque de mortalité peut atteindre 35 % selon l’état de santé initial.

Les séquelles rénales sont fréquentes et durables, quel que soit l’âge.

La dose infectante expérimentale est inconnue ; cependant, au regard des données épidémiologiques disponibles, elle est probablement très faible pour le clone O157:H7.

En phase de convalescence, le portage des souches pathogènes dure en moyenne 20 jours ; indépendamment de la gravité de la maladie et de ses symptômes, sans traitement antibiotique, il peut se prolonger jusqu’à 70 jours chez les jeunes enfants.

La fréquence d’isolement des E coli entérohémorragiques dans les pays industrialisés est proche de celle des Salmonella, Shigella et Campylobacter et justifie une recherche systématique lors d’une diarrhée aqueuse, la phase hémorragique étant ultérieure, voire absente. Un diagnostic microbiologique précoce est capital à un bon pronostic, de même que l’identification des cas index pour prévenir une épidémie.

En phase hémorragique, les taux d’isolement à partir des selles varient autour de 10 % dans les pays industrialisés ; lorsque l’endémicité est élevée, ce taux peut atteindre 75 %.

En 1996, 9 000 cas symptomatiques avec 10 % d’hospitalisation ont été rapportés au Japon, et une épidémie touchant 300 personnes en Écosse a entraîné dix décès.

En France, depuis 1993, les colites hémorragiques compliquées de SHU sont en recrudescence chez les enfants et les adultes ; l’incidence dans la population pédiatrique est d’environ 2 sur 105 ; deux épidémies ont été rapportées dans l’Oise et le Cher.

Ches les enfants de moins de 5 ans, plus d’une centaine de cas sporadiques ont été déclarés entre mars 1995 et avril 1996 ; dans la majorité des cas, l’agent causal n’a pas été isolé des selles, mais les trois quarts des sérums des patients ont présenté des titres élevés en anticorps anti-LPS (lipopolysaccharides) spécifiques de sérogroupes somatiques du groupe des E coli entérohémorragiques, notamment O157.

Les enquêtes alimentaires lors de toxi-infections alimentaires collectives attestent que la contamination se fait essentiellement par la nourriture et l’eau de boisson.

Dans les pays développés, les produits alimentaires d’origine bovine, notamment la viande insuffisamment cuite, les laitages crus et leurs produits dérivés sont les principales sources des contaminations humaines, les circuits d’alimentation rapide amplifiant la dissémination. la viande bovine hachée consommée insuffisamment cuite sous forme de « hamburger » ou de tourtes est le plus fréquemment incriminée.

Les bactéries en cause sont hébergées dans le tube digestif des animaux chez lesquels le portage asymptomatique est fréquent : bovins mais aussi porcins, ovins et volailles.

La contamination des produits carnés a lieu lors de l’abattage.

Certaines études sur le lait cru ont mis en évidence la bactérie dans plus de 10 % des échantillons après la traite. Les mécanismes d’apparition et de multiplication de ces bactéries au cours des étapes de la chaîne alimentaire restent à préciser. le risque épidémique est maximal en saison chaude.

Les informations épidémiologiques concernent essentiellement les pays développés, mais plusieurs épidémies impliquant les E coli entérohémorragiques ont été rapportées dans certains pays en voie de développement, notamment en Afrique australe et en Afrique centrale, où des préparations culinaires à base de viande de zébu sont en cause.

La capacité de la bactérie à survivre, y compris en milieu acide, fait que le risque de contamination existe également pour les légumes en contact avec les lisiers utilisés comme fertilisants, pour les eaux de surface et celles de piscines mal chlorées ou non contrôlées.

Dans les centres de soins et les pouponnières, des cas de contamination directe interhumaine ont été observés ; le risque de contamination au laboratoire est documenté, de même que le sont les infections nosocomiales.

Le risque d’infection est plus élevé chez les gastrectomisés et les personnes sous antibiothérapie.

La majorité des souches impliquées dans des colites hémorragiques compliquées de SHU sont de sérotype O157:H7, mais environ une centaine d’autres sérotypes, certains communs avec les E coli entéropathogènes avec lesquels ils partagent certaines propriétés (agrégation des fibres d’actine par exemple), sont également incriminés : O26:H11, O103:H2, O111:H-, O113:H21.

Dans ce cas, les symptômes semblent moins sévères : la diarrhée reste souvent aqueuse et les SHU sont moins fréquents.

Cependant, l’appartenance à l’un de ces sérogroupes ne signe pas formellement le pouvoir pathogène puisque celui-ci requiert des propriétés d’adhésion aux cellules intestinales et la synthèse de cytotoxines.

Contrairement au sérotype O157:H7 que l’on peut détecter à l’isolement par ses propriétés phénotypiques particulières (caractère sorbitol négatif), l’identification des autres sérotypes requiert la mise en évidence des facteurs de virulence, ce qui limite les possibilités de diagnostic en routine et un suivi épidémiologique.

Ces autres sérotypes sont essentiellement identifiés sous forme de cas sporadiques.

Les études prospectives réalisées dans les pays industrialisés sur un grand nombre de patients diarrhéiques au Canada et en Amérique du Nord indiquent des fréquences d’isolement de ces sérotypes cinq à dix fois inférieures à celles du O157:H7 (0,07 % versus 0,6 % au Canada, 1,1 % versus 2,9 % en Amérique du Nord).

En Europe, leur rôle dans les toxi-infections collectives apparaît important, car les taux d’isolement de ces sérotypes uniquement chez des malades (7 % en Allemagne) ou l’observation d’activités cytotoxiques spécifiques des E coli entérohémorragiques dans les selles (18 % de SLT II, 6 %de SLTI enAngleterre) sont très élevés.

Le caractère ubiquitaire de ces sérotypes a été mis en évidence sur tous les continents ; de même que leur présence dans l’alimentation essentiellement d’origine bovine mais aussi porcine et de volaille, tous ces animaux pouvant être contaminés, cela parfois jusqu’à 50 % du cheptel.

Clinique :

A - E coli entérotoxinogènes :

Les symptômes de l’infection à E coli entérotoxinogènes sont dominés par une diarrhée strictement aqueuse (cellules sanguines, pus et mucus sont toujours absents) dont l’intensité peut aller d’un simple désordre transitoire à un syndrome cholériforme avec des pertes hydriques et électrolytiques massives.

Lors d’un déplacement dans une région de forte endémie, l’infection à E coli entérotoxinogènes touche le visiteur originaire d’une zone de basse endémie dans les 4 à 18 jours après son arrivée.

L’incubation varie entre 12 et 48 heures. Sous simple réhydratation, la durée moyenne de la diarrhée est de 5 jours ; exceptionnellement, elle peut se prolonger jusqu’à 21 jours.

Les douleurs abdominales sont modérées et la diarrhée est apyrétique.

Sur la base des signes cliniques, il est impossible de distinguer le type toxinique de la souche responsable, mais la maladie est réputée plus sévère et la convalescence plus longue lorsque les souches produisent simultanément des toxines des deux groupes.

La fréquence journalière des selles varie de cinq à 15 par 24 heures, et les pertes hydriques peuvent atteindre jusqu’à 5 L par 24 heures.

Pratiquement sans conséquence chez l’adulte, hormis l’inconfort et l’indisponibilité, l’infection chez l’enfant peut être associée à des retards de croissance dans les pays de forte endémicité, en raison des perturbations dans son alimentation causées par la répétition des épisodes.

B - E coli entéropathogènes :

Les E coli entéropathogènes sont souvent associés à des diarrhées aux conséquences graves en l’absence de soins adaptés.

Le nombre moyen de selles varie de huit à 12 par 24 heures. Déterminée expérimentalement chez l’adulte volontaire, la période d’incubation va de 7 à 16 heures (extrêmes de 3 à 48 heures).

Les observations expérimentales sont les suivantes : les selles sont souvent volumineuses (de 0,5 à 3,5 kg/j) et leur consistance va d’un aspect aqueux dans la moitié des cas environ à pâteux.

Des leucocytes, signe d’une atteinte invasive de la muqueuse, sont présents dans les selles. La fièvre est généralement voisine de 39 °C.

Les symptômes suivants sont habituels : nausées, vomissements, douleurs et crampes abdominales, malaises.

La durée moyenne de ces symptômes est de 18 jours.

Dans une étude prospective en milieu hospitalier à São Paulo, 59 % des enfants étaient fébriles, 80 % souffraient de vomissements et la déshydratation devait être corrigée dans 71 % des cas.

Au Mexique, une étude longitudinale a été mise en place en évitant le biais lié au recrutement hospitalier ; elle a montré que les signes de la maladie sont particulièrement sévères avant l’âge de 6 mois (durée moyenne de la diarrhée : 8 jours, fièvre dans 63 %des cas et vomissements chez 48 % des enfants).

Lorsque la diarrhée devient profuse (10 à 20 % des cas), la maladie peut passer à un stade chronique et imposer une alimentation parentérale.

Sans soins adaptés et dans un contexte de malnutrition, les observations sur les épidémies dans les pays en voie de développement font état de taux de mortalité infantile pouvant atteindre 25, voire 70 %.

Dans les pays développés, le taux de mortalité est pratiquement nul.

Le lien entre le caractère profus de la diarrhée et le risque élevé de mortalité est documenté, de même que le caractère chronique de l’infection.

C - E coli entérohémorragiques :

Les signes cliniques habituels d’une infection à E coli entérohémorragiques sont les suivants : diarrhée aqueuse progressant souvent vers une colite hémorragique (CH), SHU, un PTT parfois fatal ; les infections asymptomatiques sont rares.

Les données canadiennes et américaines indiquent un taux moyen d’hospitalisation de 20 à 30 %, un SHU ou un PTT chez 5 à 20%des malades selon les régions et une mortalité voisine de 1 %.

Classiquement, une diarrhée aqueuse signe le début de l’infection qui est accompagnée dans 50 à 60 % des cas de vomissements.

Le plus souvent, la diarrhée cesse en6à8 jours sans séquelle.

Il est exceptionnel qu’elle devienne chronique.

Dans 25 à 30 %des cas, la diarrhée devient hémorragique en 48 à 72 heures.

La colite hémorragique est précédée d’une phase d’invasion où prédominent les douleurs abdominales.

La fièvre est inconstante et en général modérée (38 °C).

Cliniquement, la maladie évoque parfois une appendicite ou présente les premiers signes d’une maladie inflammatoire intestinale ou d’une colite ischémique.

Les examens complémentaires sont nécessaires pour confirmer l’étiologie.

L’infection à E coli entérohémorragiques doit être suspectée lorsqu’un lavement baryté révèle une inflammation du côlon droit ou qu’une coloscopie permet l’observation de lésions histologiques d’ischémie.

Les symptômes prédominent sur le côlon ascendant et le cæcum.

La rectosigmoïdoscopie est souvent insuffisante et seule la coloscopie permet de mettre en évidence une muqueuse oedématiée hyperhémiée, voire parfois hémorragique ; elle présente parfois des zones d’érosion ou d’ulcération recouvertes d’un enduit fibrineux rappelant l’aspect des colites pseudomembraneuses.

Des biopsies étagées doivent être pratiquées car les lésions sont fréquemment parcellaires.

L’observation histologique met en évidence des microthrombi fibrinoplaquettaires intracapillaires identiques aux lésions de colites ischémiques, et seule la mise en évidence de la bactérie par coproculture ou à partir de pièces biopsiées permet d’établir le diagnostic différentiel avec une colite ischémique ou une colite pseudomembraneuse.

Chez quelques malades où le diagnostic microbiologique est établi, bien que l’infection n’ait pas progressé vers le SHU, il a été observé des complications liées à ce syndrome : désordres neurologiques, signes d’hépatite ou de pancréatite, oedème pulmonaire, troubles du rythme cardiaque, mégacôlon toxique, perforation ou nécrose intestinale.

Ces observations ont été établies pour les souches O157:H7.

Elles sont similaires pour d’autres sérotypes (O26:H11, O111:H-) exprimant les principaux facteurs de virulence.

La maladie apparaît en général moins grave pour les souches ne produisant par exemple que la toxine mais tous les stades cliniques de la maladie ont été décrits avec des souches non O157:H7.

Les complications observées peuvent cependant avoir pour origine la difficulté qu’il y a à établir un diagnostic microbiologique précoce, surtout lorsque d’autres sérotypes que le O157:H7 sont impliqués et que les signes cliniques habituels sont absents.

Ainsi, un E coli entérohémorragique O145 a été isolé chez un enfant avec une colite hémorragique et souffrant d’une occlusion de l’intestin grêle avec une inflammation massive de la partie distale de l’iléon ; les sérotypes O113:H21 et O111:H- ont été identifiés lors de SHU infantiles ; chez un enfant opéré pour un syndrome appendiculaire mais présentant en fait un nodule lymphoïde mésentérique suppurant, un E coli entérohémorragique O153:H2 a été isolé lors de la coproculture.

Enfin, des souches d’E coli SLT+ ont été isolées de nécropsies intestinales suite à des syndromes de mort subite du nourrisson, ainsi que lors de colites ulcérantes.

Le SHU a d’abord été observé au cours d’infections à Shigella dysenteriae type 1 puis à Shigella flexneri.

Avec les E coli entérohémorragiques, le tableau clinique associe une anémie hémolytique, une thrombocytopénie, une insuffisance rénale et parfois des signes nerveux centraux.

Il s’installe en général vers le septième jour (extrêmes : 2 à 14 jours) après le début de la diarrhée.

Une période d’amélioration de l’état général peut le précéder.

Dès la chute de l’hématocrite, les signes d’insuffisance rénale apparaissent.

Celle-ci requiert une hémodialyse dans 50 % des cas.

Le patient est fiévreux, parfois léthargique et la présence de schizocytes confirme l’hémolyse brutale. Transfusions de plaquettes (20 à 30 %des cas) ou de sang (90 % des cas) sont nécessaires.

Chez les malades oliguriques, l’histologie rénale montre un collapsus des capillaires glomérulaires associé à une thrombose artériologlomérulaire.

Dans les tableaux d’anurie, on observe une thrombose des grosses et des petites artères rénales, de même qu’une nécrose corticale accompagnée de dépôts de fibrines dans les glomérules et les parois artérielles.

Le SHU est plus fréquent chez l’enfant de moins de 10 ans chez qui la mortalité est de 3 à 5 % ; 10 à 20 % conservent des séquelles rénales, des lésions neurologiques avec des détériorations mentales suite à des convulsions ou à un coma, ou une hypertension résiduelle.

Parmi les signes biologiques annonciateurs de l’apparition du SHU, on note l’hyperleucocytose, qui représente par ailleurs un paramètre de mauvais pronostic.

Parmi les facteurs de risque, interviennent :

– les âges extrêmes de la vie ;

– le sexe féminin ;

– un retard mental ;

– le niveau d’expression de l’antigène P1 érythrocytaire (sa structure glycolipidique est proche du globotriosylcéramide Gb3, récepteur membranaire de la toxine) ;

– la diarrhée hémorragique ;

– la fièvre ;

– le toxinotype de la souche infectante ;

– la prescription d’un ralentisseur du transit intestinal ou d’un traitement antibactérien.

Expérimentalement, l’intensité des symptômes est proportionnelle à la concentration en toxine et le risque de développer un SHU est plus élevé avec les souches SLT II dont la production de toxine est quantitativement plus importante que celles ne produisant que SLTI ou les deux types.

Dans les pays industrialisés, on estime que le sérotype O157:H7 est impliqué dans 85 à 95 % des SHU succédant à une diarrhée.

La réussite du diagnostic microbiologique est liée au délai séparant la survenue de la diarrhée et la coproculture.

Selon les études, pour 15 à 30 % des patients chez qui un E coli entérohémorragique est à l’origne d’un SHU, la bactérie n’est pas isolée.

En effet, la diarrhée est un symptôme qui ne motive pas une consultation médicale immédiate et la coproculture est donc réalisée trop tard.

Chez les patients souffrant de SHU, une réponse humorale spécifique au LPS O157 est observée chez 70 à 90 % des patients.

Lorsqu’une hémolyse est diagnostiquée, les signes d’endotoxémie sont présents chez plus de la moitié des patients, de même que la présence de complexes immuns.

Selon certains auteurs, l’endotoxémie pourrait être impliquée dans le SHU par activation du complément et amorce d’une coagulation intravasculaire disséminée. Parmi les autres sérotypes identifiés lors de SHU, O26:H11, O111:H- et O113:H21 semblent majoritaires.

Les résultats épidémiologiques indiquent que ces sérotypes sont impliqués dans 5 à 10% des SHUà E coli entérohémorragiques.

À ce jour, à part Shigella spp et E coli, aucun autre micro-organisme n’a été identifié produisant la toxine de la famille Shiga ou à l’origine d’un SHU.

Les microorganismes réputés pathogènes (Salmonella enterica, Campylobacter, Rotavirus, Coronavirus, virus respiratoire syncytial, coccidies), identifiés au cours de SHU, l’ont été lors d’infections mixtes associant un E coli entérohémorragique.

Au cours du PTT, les symptômes du SHU sont retrouvés.

Cependant, le PTT est essentiellement observé chez l’adulte, chez qui les manifestations neurologiques dominent le tableau clinique, les atteintes rénales étant moins fréquentes.

Contrairement auSHUoù la diarrhée est présente dans 90 % des cas, elle apparaît rarement dans les symptômes qui précèdent le PTT.

D - E coli entéroadhérents de phénotype agrégant :

Les observations cliniques disponibles dans les diarrhées à E coli entéroadhérents de phénotype agrégant sont celles provenant d’essais chez des volontaires contaminés avec une souche O44:H18.

À la dose de 1010 bactéries, les symptômes d’une entérite sont reproduits chez l’adulte.

La diarrhée est peu abondante et les patients se plaignent de flatulence, de douleurs abdominales, de nausées et de vomissements ; la diarrhée est apyrétique.

Les E coli entéroadhérents de phénotype agrégant sont isolés de diarrhées aiguës dans la plupart des cas, mais également de diarrhées persistantes chez l’enfant des pays en voie de développement et les individus immunodéficients (VIH+).

L’observation de cellules sanguines, signe d’un processus invasif qui reste à démontrer, est rapportée dans 10 à 20 % des cas.

E - E coli entéroadhérents de phénotype diffus :

Ils sont réputés associés à des diarrhées aiguës aqueuses chez l’enfant de plus de 18 mois avec une durée moyenne de 7 jours.

Des signes de déshydratation sont présents dans 50 %des cas, de même que de la fièvre.

Les vomissements semblent dominer le tableau clinique.

L’expression par ces souches de l’adhésine F1845 serait un facteur de gravité.

Diagnostic microbiologique :

Plusieurs revues sont disponibles sur ce sujet.

Contrairement aux espèces entéropathogènes telles Salmonella enterica spp, Shigella spp, Yersinia enterocolitica, Campylobacter spp, l’identification taxonomique fondée sur les seuls caractères morphologiques, culturaux, biochimiques ou antigéniques ne suffit pas pour identifier un E coli agent d’entérite.

La mise en place et la conduite du diagnostic prennent en compte le choix des facteurs de virulence ou des caractères phénotypiques comme supports de l’identification, l’état des connaissances sur la virulence des différents pathotypes et les méthodes à mettre en oeuvre au cours de la coproculture.

Pour les pathotypes dont la virulence est établie, en phase aiguë de la maladie, la mise en évidence d’un ou plusieurs facteurs de virulence signe la présence de l’agent infectieux.

Pour les E coli dont le pouvoir entéropathogène n’est pas totalement établi, leur rôle dans l’étiologie d’une diarrhée ne peut être avancé qu’en présence d’arguments complémentaires :

– absence d’autres étiologies bactériennes, virales, parasitaires ou fongiques ;

– arguments épidémiologiques liant au moins deux cas ; – isolements au cours de coprocultures successives de la même souche entéropathogène suspecte ;

– prédominance de la souche suspecte à l’origine d’un déséquilibre de la flore intestinale aéroanaérobie facultative en dehors de tout traitement médicamenteux (antibiothérapie notamment) ; cette prédominance est observée aux examens directs (déséquilibre Gram négatif) et sur les milieux d’isolement non sélectifs (aspect monomorphe).

Ce dernier argument est proposé sur la base des observations faites pour des pathotypes dont la virulence est établie et n’ayant pas d’exigences métaboliques particulières tels les E coli entérotoxinogènes, E coli entéropathogènes, E coli entéroadhérents de phénotype agrégant, E coli entérohémorragiques (dans les 2 premiers jours de diarrhée) ; ces pathotypes sont isolés en culture pratiquement pure des fèces diarrhéiques au tout début de la maladie ; cette observation n’est pas constante pour les E coli entéroinvasifs.

Sur ce principe, de nouveaux pathovars sont susceptibles d’être identifiés.

A - Choix des méthodes de diagnostic :

Ce choix repose sur les critères suivants : les moyens disponibles au laboratoire (qualité de l’équipement pour les épreuves sur le réactif animal, les techniques immunologiques, le microtitrage, les cultures cellulaires de lignées établies, l’hybridation moléculaire ou l’amplification génique) et les besoins (diagnostic quotidien, unitaire ou d’urgence ; travaux épidémiologiques).

Selon que le diagnostic est urgent, intégré aux analyses quotidiennes en raison de la forte prévalence de certains pathotypes, ou uniquement à visée épidémiologique.

L’identification des E coli agents d’entérites est justifiée au cours de la coproculture standard si leur prévalence dans la zone d’influence épidémiologique dont dépend le laboratoire est élevée.

Si le taux de prévalence ne justifie pas leur recherche systématique lors de la coproculture standard, l’identification est pratiquée en analyse complémentaire :

– en cas de résultat négatif de la coproculture, si aucune autre étiologie n’est mise en évidence ;

– en cas de signe d’appel au cours de la coproculture (déséquilibre de flore avec isolement monomorphe d’E coli par exemple) ;

– si l’analyse est clairement orientée par le clinicien ou les informations épidémiologiques.

B - Choix des épreuves de diagnostic :

Les épreuves de diagnostic disponibles peuvent être regroupées en techniques immunologiques, méthodes génétiques (sondes clonées, oligonucléotides synthétiques ou amplification génique), épreuves sur cultures cellulaires et épreuves sur animaux (recherche du pouvoir pathogène expérimental).

Au sein de certains pathotypes, le diagnostic reposant sur la recherche de propriétés métaboliques particulières ou sur l’identification des antigènes pariétaux et flagellaires caractérisant certains clones de colibacilles reputés entéropathogènes, doit être mis en oeuvre selon certaines règles afin d’éviter des résultats faussement positifs ou faussement négatifs ; cependant, le diagnostic de certitude ne peut reposer que sur la mise en évidence des facteurs de pathogénicité.

L’agglutination sur lames de verre (ou éventuellement en tube) de colonies bactériennes par des sérums spécifiques d’antigènes somatiques pour identifier les E coli entéropathogènes est une technique largement pratiquée par les laboratoires d’analyses biologiques en raison de sa simplicité.

S’il est vérifié que les E coli entéropathogènes se caractérisent par certaines associations d’antigènes somatiques et flagellaires, il est maintenant établi que la seule agglutination anti-O afin de poser le diagnostic est insuffisante pour les raisons suivantes :

– il existe des agglutinations non spécifiques provenant de réactions croisées ;

– les sérums actuellement commercialisés ne couvrent pas tous les sérogroupes somatiques répertoriés parmi les E coli entéropathogènes ;

– certains antigènes somatiques tels O44, O26, O18 ne sont probablement pas des E coli entéropathogènes ;

– parmi les sérogroupes somatiques répertoriés comme E coli entéropathogènes, certains sont communs avec des souches de la flore intestinale commensale (O86 par exemple).

L’agglutination anti-O conserve néanmoins une valeur diagnostique, si plusieurs des arguments complémentaires précédemment décrits sont réunis.

Cette remarque s’applique également à certaines souches productrices de toxines de la famille Shiga et appartenant à des sérogroupesOcaractéristiques d’E coli entéropathogènes (O26, O111 par exemple) ; cependant, en l’absence de caractérisation de facteurs de pathogénicité, le sérogroupage reste un diagnostic d’orientation dont la valeur dépend des informations cliniques, épidémiologiques et microbiologiques disponibles.

Parmi les E coli entérohémorragiques, seul le sérotype O157:H7 bénéficie d’une possibilité de diagnostic sur la base du sérotypage associé à la recherche de propriétés métaboliques caractéristiques (absence de fermentation du sorbitol en 24 heures, absence de bêta-D-glucuronidase, inhibition de la culture en bouillon par 1 % de bleu de bromothymol).

Le caractère sorbitol négatif est également une propriété des E coli entérohémorragiques O157:H-.

Sans argument complémentaire, la seule mise en évidence du sérotype par séroagglutination après isolement, par immunofluorescence directement sur le prélèvement ou à partir d’isolats bactériens, ne représente qu’un diagnostic de présomption.

Le sérogroupage O157 doit être complété par l’identification de l’antigène H7 car des E coli du groupe O157 non toxinogènes présentant des caractéristiques du biovar O157:H7 (sorbitol négatif) sont décrits (E coli O157:H16 par exemple).

Les techniques immunologiques s’adressent essentiellement aux toxines : cytotoxines LTI et STa des E coli entérotoxinogènes, cytotoxines de la famille Shiga des E coli entérohémorragiques ; elles ont également été développées pour l’identification des antigènes pariétaux et flagellaires des E coli entérohémorragiques O157:H7.

Elles ont l’avantage d’être utilisées pour du diagnostic direct ou après isolement des souches ; des techniques de conservations des selles, préservant les toxines protéiques de l’action protéolytique des selles, existent.

Grâce aux épreuves génétiques, l’ensemble des facteurs de virulence actuellement identifiés peut être détecté.

Les techniques de marquage (enzymatiques ou chimiques), de mise en oeuvre (hybridations à partir d’empreintes de prélèvements, de colonies, d’acide désoxyribonucléique [ADN] extraits) et de détection (marqueurs radioactifs ou non), des sondes clonées ou des oligonucléotides sont au point.

L’intérêt des techniques d’hybridation pour le diagnostic est limité depuis le développement de l’amplification génique ; en revanche, la technique autorise des études épidémiologiques prospectives ou rétrospectives de grande ampleur puisque plusieurs dizaines de souches ou de prélèvements peuvent être étudiés simultanément avec les sondes répertoriées.

Des sondes oligonucléotidiques ont été développées pour éviter les problèmes posés par la mise en oeuvre des sondes clonées : lourdeur de la préparation, risque de résultats faussement positifs par contamination du vecteur. Des systèmes d’amplifications géniques sont proposés pour l’ensemble des pathotypes.

Les PCR (polymerase chain reaction) sont habituellement réalisées sur les souches isolées au cours de la coproculture ; des dépistages sont à présent proposés directement sur les prélèvements.

Le diagnostic simultané sur plusieurs souches d’un même malade (groupage d’ADN extraits de différentes souches pour un malade), pour plusieurs facteurs de virulence (PCR multiplexes couplées à une identification des amplicons par une hybridation à l’aide d’oligonucléotides spécifiques des variants du facteur recherché), est possible.

Les problèmes posés par la variabilité des gènes sont le plus souvent résolus par le choix d’amorces à partir de zones conservées, sélectionnées après alignements des séquences des variants.

Les épreuves sur cultures cellulaires permettent :

– de confirmer, après séroneutralisation, l’activité cytotonique ou cytotoxique des souches à partir des surnageants bactériens (toxines LT, SLT) ;

– de révéler les activités biologiques des nouvelles toxines dont le rôle comme facteur de virulence est suspecté (facteurs CNF [cyto necrotic factor], toxines CDT [cyto distending toxin]) ;

– d’identifier les phénotypes d’adhésion (E coli entéropathogènes-LA, E coli entéroadhérents de phénotype agrégant, E coli entéroadhérents de phénotype diffus), d’invasion bactérienne (E coli entéro-invasifs), et de modifications du cytosquelette (polymérisation de l’actine par les E coli entéropathogènes et les E coli entérohémorragiques) ;

– de dépister de nouveaux pathotypes sur la base d’observations d’effets cytopathogènes nouveaux : CDEC (cyto distending E coli).

Pour le diagnostic, quatre lignées cellulaires présentent un intérêt : cellules Y1 de surrénales de souris, cellulesVero de rein de singe vert africain, cellules épithéliales humaines de carcinome de côlon T84, cellules HeLa de carcinome utérin et HEp-2 de carcinome de larynx.

La recherche du pouvoir pathogène expérimental (PPE) sur l’animal de laboratoire, dans le cadre du diagnostic d’une diarrhée infectieuse impliquant un E coli reste une indication très limitée et n’est justifiée que lorsque l’ensemble des facteurs de pathogénicité connus a été recherché et que l’arsenal des outils précédemment décrits est épuisé.

Elle n’est envisagée que dans le cadre d’une diarrhée infectieuse chez un hôte immunocompétent et concerne un agent entéropathogène strict.

En effet, la classification entre les agents entéropathogènes et commensaux, fondée sur le PPE, n’est pas applicable aux agents entéropathogènes opportunistes.

Au laboratoire, le modèle de l’anse ligaturée de lapin a permis d’étudier le pouvoir entérotoxique des E coli entérotoxinogènes, E coli entérohémorragiques, E coli entéro-invasifs et E coli entéroadhérents de phénotype agrégant ; la capacité de provoquer des lésions A-E a bénéficié des études sur le lapin. Ces épreuves empiriques sont des recours possibles.

Thérapeutique :

A - E coli entérotoxinogènes :

En règle générale, la diarrhée à E coli entérotoxinogènes ne requiert qu’un traitement symptomatique pour prévenir ou corriger la déshydratation, le plus souvent par voie orale, à l’aide de sels de réhydratation commercialisés en sachets.

Les préparations sodées (35 à 90 mEq de sodium/L) supplémentées avec du glucose, du potassium et du bicarbonate ont fait la preuve de leur efficacité sur le terrain ; promu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce type de réhydratation est maintenant mis en oeuvre de façon universelle.

Les médications antidiarrhéiques à base de ralentisseurs du transit intestinal (lopéramide) peuvent être utilisées pour diminuer le volume des selles chez l’adulte mais ne sont pas recommandées dans le traitement de la diarrhée aiguë de l’enfant.

Lorsque le diagnostic étiologique est confirmé, un traitement antibactérien ne s’impose que si les symptômes persistent au-delà de 5 jours ou que la disponibilité professionnelle de la personne doit être préservée.

L’efficacité de la tétracycline ou de l’association triméthoprimesulfaméthoxazole est optimale lorsque l’antibiotique est pris très tôt, la durée de la diarrhée est alors diminuée de façon significative, de même que l’excrétion de la bactérie.

Expérimentalement, les sels de bismuth (subsalicylate) inhibent de façon importante l’accumulation de liquide intestinal et sont efficaces dans le traitement de la diarrhée à E coli entérotoxinogènes, mais ils ne sont pas prescrits en France.

Pour la diarrhée du voyageur (turista), outre l’association triméthoprimesulfaméthoxazole et les tétracyclines, l’usage des fluoroquinolones (ciprofloxacine) est également possible.

B - E coli entéropathogènes :

La gravité de la diarrhée à E coli entéropathogènes et ses conséquences chez l’enfant en bas âge requièrent une thérapeutique adaptée.

Elle commence par la prise en charge de la déshydratation.

La plupart du temps, elle peut être réalisée par voie orale.

La voie parentérale sera privilégiée en cas de diarrhée profuse ou lorsque les vomissements sont incontrôlables.

Chez l’enfant de moins de 3 ans, la destruction parfois massive des microvillosités intestinales, liée au phénomène A-E des entérocytes, est à l’origine de malabsorptions pouvant entraîner des déficits nutritionnels et une cassure dans la courbe pondérale, notamment lors de récurrences ou si la maladie devient chronique.

Lors de la reprise d’une alimentation entérale, si l’épithélium intestinal n’est pas reconstitué, il est fréquent d’observer des aliments non digérés dans les matières fécales.

Les selles sont souvent abondantes ; cette augmentation du volume est liée à la composante osmotique de la diarrhée.

Dès que ces symptômes cessent et que les pertes liquidiennes sont compensées, l’alimentation entérale doit être reprise ; chez le nourrisson, avec un allaitement au sein ou à l’aide de lait maternisé sans lactose ; chez le jeune enfant, avec une alimentation riche en calories.

En plus de la correction des pertes hydriques et électrolytiques, la mise en place d’un traitement de la diarrhée est préconisée.

Une récente étude chez des enfants de moins de 5 ans a montré que sa durée et le temps d’hospitalisation peuvent être réduits grâce au subsalicylate de bismuth donné toutes les 4 heures à la dose de 100 mg/kg/j, dès la phase de réhydratation orale ou de reprise de l’alimentation.

Ici encore, ce type de médication n’est pas utilisé en France.

En revanche, la mise en place d’une antibiothérapie permet de diminuer significativement la durée de la diarrhée ; les résistances étant nombreuses et variant selon les régions, celle-ci doit être guidée par un antibiogramme.

Des alternatives thérapeutiques sont étudiées.

Ainsi, depuis qu’ont été identifiés les facteurs d’adhésion cellulaire des E coli entéropathogènes, l’une des approches innovantes est l’utilisation de récepteurs ou d’analogues structuraux interagissant sur l’étape d’adhésion des bactéries.

L’immunisation de vaches gravides à l’aide de suspensions d’E coli entéropathogènes formolées a permis de préparer des solutions concentrées d’immunoglobulines dirigées contre les principaux sérotypes d’E coli entéropathogènes.

Cette immunothérapie passive pourrait devenir une alternative thérapeutique.

C - E coli entérohémorragiques :

L’intérêt des antibiotiques dans le traitement des infections à E coli entérohémorragiques est actuellement très controversé.

Certaines études montrent que leur prescription diminue la durée des symptômes alors que d’autres indiquent que l’antibiothérapie les prolonge, voire les aggrave.

Il n’existe pas à proprement parler de traitement spécifique des infections à E coli O157:H7 ou des autres E coli entérohémorragiques.

La plupart des souches d’E coli O157:H7 demeurent sensibles aux antibiotiques, quelle que soit la zone géographique où elles sont identifiées.

Une première étude de 1989 montre le risque d’apparition de SHU ou de PTT à la suite des traitements avec l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole ou la gentamicine.

Une seconde série d’observations en 1990 ne montre pas d’amélioration dans la prévention du SHU sous antibiothérapie.

À l’inverse, le SHU semble prévenu par l’antibiothérapie dans une autre étude.

Ces discordances sont probablement liées au délai séparant l’apparition des premiers symptômes et le début de l’antibiothérapie.

Deux études indépendantes, chacune avec des séries importantes, confirment que le risque de développer un SHU est moins élevé si l’antibiothérapie est instaurée dès le début de la diarrhée.

La production de toxine Shiga peut être modifiée in vitro par certains antibiotiques et le risque serait lié à leur mode d’action.

Utilisée à une concentration subinhibitrice, l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole augmente la toxinogenèse.

Pour les fluoroquinolones, les résultats sont discordants sur l’augmentation éventuelle de la toxinogenèse mais concordent sur le fait qu’elles provoquent une libération importante d’endotoxine et d’autres substances bactériennes.

Donc, à l’instar des observations réalisées au cours des infections avec Shigella dysenteriae type 1, le risque de développer un SHU est élevé lorsque le traitement antibiotique est inapproprié ou tardif.

L’utilisation de ralentisseurs du transit est contre-indiquée et représente un facteur de risque majeur dans la survenue du SHU comportant des manifestations nerveuses.

– La mise en route de plasmaphérèses est la décision du service spécialisé.

Pour le futur, des préparations d’immunoglobulines humaines dirigées contre SLT I ont été préparées et l’immunothérapie passive sera probablement considérée comme l’un des moyens de l’arsenal thérapeutique contre l’infection ou ses complications dès que des préparations d’immunoglobulines dirigées contre SLT II, toxine en cause dans les principales complications de l’infection, seront disponibles.

Expérimentalement, les immunoglobulines sont efficaces chez le lapin lorsqu’elles sont administrées au plus tard 1 heure après une injection intrapéritonéale de toxine.

– Concernant la prise en charge thérapeutique des malades, le traitement du SHU doit être envisagé dès qu’un ECEH est identifié, de même que chez les malades présentant une diarrhée hémorragique pour lesquels la coproculture demeure négative.

Des formes infracliniques de SHU ont été décrites ; leur diagnostic repose avant tout sur la surveillance de la formule sanguine, la recherche de traces de sang dans les selles et de sédiments urinaires et le dosage de la créatinine sérique.

D - E coli entéroadhérents de phénotype agrégant et de phénotype diffus :

Dans les diarrhées à E coli entéroadhérents de phénotype agrégant ou à E coli entéroadhérents de phénotype diffus, la thérapeutique est similaire à celle des diarrhées à E coli entéropathogènes.

Il n’y a pas de donnée disponible sur l’efficacité comparée des traitements.

Les résultats disponibles font essentiellement état d’un haut niveau de résistance des E coli entéroadhérents de phénotype agrégant aux antibiotiques habituellement utilisés dans les gastroentérites.

Prévention, prophylaxie :

Les manifestations digestives liées aux infections à E coli sont la conséquence : d’une ingestion d’aliments provenant d’animaux infectés ou de mets (cuisinés ou non) souillés (le plus souvent par des selles de malades ou de porteurs asymptomatiques, ou des instruments ayant été en contact avec des matières fécales contaminantes) ; de contaminations interhumaines.

La prophylaxie des agents entéropathogènes repose donc avant tout sur le respect des règles fondamentales de l’hygiène individuelle et collective.

Des recherches sont en cours pour une prophylaxie vaccinale contre des E coli agents d’entérites, notamment les E coli entérotoxinogènes et les E coli entéropathogènes dont la prévalence est élevée dans la zone intertropicale.

Ces approches prennent en compte les connaissances sur les facteurs de virulence et les caractéristiques épidémiologiques des pathotypes en cause.

Pour les E coli entérotoxinogènes, différents candidats vaccins visant à stimuler l’immunité muqueuse contre les facteurs de colonisation et/ou les toxines sont en cours de mise au point.

Le principal écueil est la diversité antigénique de ce pathotype, car les souches appartiennent à différents groupes somatiques, de nombreuses adhésines interviennent dans l’étape de colonisation et plusieurs variants sont décrits dans les toxines et l’entérotoxine thermostable qui par ailleurs n’est pas immunogène.

Souches vivantes de virulence atténuée, vecteurs vivants recombinants Salmonella ou Shigella, vaccins particulaires administrés oralement au sein de préparations encapsulantes sont envisagés.

La prévention des infections à E coli entéropathogènes requiert l’amélioration des conditions de vie dans les pays en voie de développement, la lutte contre la transmission nosocomiale, la promotion de l’allaitement maternel.

L’alimentation au biberon représente le principal facteur de risque des diarrhées à E coli entéropathogènes du nourrisson et des études cas-témoins ont démontré l’efficacité préventive de l’allaitement maternel car les immunoglobulines et les oligosaccharides du lait (résidus fucosylés) interviennent dans l’inhibition de l’étape d’adhésion de la bactérie aux cellules épithéliales.

Des travaux vaccinaux sont aussi en cours, car les suspensions de bactéries totales tuées administrées oralement ont montré antérieurement leur valeur protectrice dans le cadre d’infections nosocomiales.

Comme pour les E coli entérotoxinogènes, vaccins oraux vivants, de virulence atténuée, et vaccins oraux particulaires sont envisagés.

Cependant, la population infantile à risque étant essentiellement celle de moins de 6 mois, l’une des stratégies de prévention envisagées propose d’immuniser les mères afin de conférer au nouveau-né une immunité passive par la voie transplacentaire puis l’allaitement, avant de mettre en oeuvre une vaccination de l’enfant par voie orale.

Les mesures préventives des infections à E coli entérohémorragiques ne reposent à ce jour que sur le contrôle des denrées alimentaires à risque, la prévention des contaminations propagées à partir des animaux ou de personnes contaminées, voire la modification de certaines habitudes alimentaires (consommation de viande crue ou peu cuite, de lait cru...) lorsque ces contrôles ne sont pas réalisés.

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