L’érythème noueux se caractérise par une lésion
élémentaire : la nouure, qui s’associe à un ensemble de
signes généraux et fonctionnels.
1- Signes généraux et fonctionnels
:
Une fièvre précède l’éruption de quelques jours,
d’intensité variable (38 à 39 °C).
Elle s’accompagne
de sueurs, d’une asthénie plus ou moins marquée,
de céphalées.
Une pharyngite érythémateuse modérée est présente.
Des douleurs articulaires, fréquentes, diffuses, peuvent
précéder l’éruption de quelques jours.
Elles sont très
intenses, alors que l’examen clinique ne retrouve pas de
signes inflammatoires articulaires.
L’intensité de ces signes est variable d’un patient à un
autre, avec fréquemment une recrudescence lors de l’apparition
des nouures.
2- Nouures :
Elles siègent surtout au niveau des membres, sur leur
face d’extension, de façon bilatérale, grossièrement
symétrique.
Les membres inférieurs sont le plus souvent atteints.
Les lésions siègent à la face antérieure de la jambe,
le long de la crête tibiale, aux régions sus-malléolaires,
au-dessous du genou, à la rotule.
L’atteinte du dos du
pied, de la cuisse et de la fesse est beaucoup plus rare.
Les membres supérieurs sont plus rarement atteints, à la
face postérieure du bras et de l’avant-bras.
Les muqueuses sont toujours respectées.
Les nouures sont des lésions de couleur rose vif, puis
rouges, de diamètre allant de 1 à 4 cm.
Ces nouures sont
lisses, ovalaires surélevées, à limites peu précises.
Elles sont très douloureuses à la
pression, et peu mobiles sur les
plans profonds, enchâssées
dans le derme et l’hypoderme,
avec une chaleur locale augmentée.
Leur évolution est
cyclique.
Chaque élément disparaît
en 6 à 10 jours, prenant
toutes les teintes de la biligénie
locale (rouge puis violacée, puis
verdâtre et jaunâtre).
Elles n’évoluent jamais vers
l’ulcération et ne donnent pas
de cicatrice.
Cette éruption comporte 2 ou
3 poussées successives, donnant
un aspect polymorphe, avec des
éléments d’âge différent.
La
durée totale n’excède pas en
général 3 semaines, mais elle
peut persister plus longtemps.
B - Examens paracliniques
:
1- Examens biologiques :
On retrouve constamment un syndrome inflammatoire :
vitesse de sédimentation augmentée, protéine C réactive
élevée, augmentation de fibrinogène, augmentation des
a2-globulines à l’électrophorèse des globulines, et une
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles.
Mais
ces signes n’ont aucune spécificité.
2- Examens anatomopathologiques
:
L’histologie est inutile.
En effet, elle ne permet pas
d’orienter le diagnostic étiologique et le diagnostic
d’érythème noueux est clinique.
Il existe une hypodermite
septale avec initialement un infiltrat de polynucléaires
neutrophiles, situé autour des capillaires et des
veinules.
Plus tard l’infiltrat devient lympho-histiocytaire
et les septums interlobulaires apparaissent élargis.
Il n’y
a pas de réelle vasculite.
Diagnostic différentiel
:
Dans sa forme typique, d’intensité majeure, d’allure
subaiguë ou aiguë, l’érythème noueux ne pose pas
en pratique de problème de diagnostic différentiel.
Ce sont plutôt les formes récidivantes ou durables
d’érythème noueux, qui doivent faire éliminer les
autres hypodermites.
La biopsie cutanée est alors
indispensable au diagnostic étiologique.
Cette biopsie
sera large et profonde au bistouri, le plus souvent
chirurgicale.
A - Vasculites nodulaires
(ancien érythème induré de Bazin)
:
Elles réalisent des nodules douloureux, mal limités,
rouge violacé, siégeant sur les jambes, sensibles à la palpation.
Elles touchent surtout la femme d’âge moyen,
pléthorique et évoluent fréquemment vers une ulcération,
laissant une cicatrice pigmentaire légèrement atrophique.
Le nombre de poussées par an est variable et
l’évolution se fait sur plusieurs années.
Elles étaient
autrefois rapportées à la tuberculose, mais aujourd’hui
cette hypothèse est controversée.
B - Panniculites
:
1- Panniculite de Weber-Christian
:
C’est une affection rare, idiopathique touchant surtout la
femme entre 30 et 50 ans.
Elle apparaît sous la forme de
nodules mal limités, saillants, violacés ou rosés, fermes,
sensibles à la palpation, touchant les membres inférieurs,
mais aussi les fesses et l’abdomen.
L’évolution
est caractéristique.
Après 2 à 3 semaines, les nodules
régressent, soit en laissant une dépression cupuliforme, soit en se fistulisant en laissant sourdre un liquide huileux.
Ces lésions s’associent à des signes généraux :
fièvre à 39 °C, arthralgies, signes digestifs, cardiaques
(péricardique), pulmonaires (pleurésie).
On en rapproche les panniculites enzymatiques.
2- Panniculites enzymatiques
:
• Cytostéatonécrose pancréatique : une pancréatite
chronique, un cancer du pancréas, peuvent provoquer
des foyers de nécrose dans le tissu adipeux des organes
profonds et, exceptionnellement, des lésions de panniculites
au niveau des membres inférieurs.
Les examens
biologiques retrouvent une augmentation de l’amylasémie
et de la lipasémie.
• Déficit en a1-antitrypsine homozygote : classiquement
responsable d’un emphysème pulmonaire et d’une
cirrhose hépatique, il peut donner des lésions de panniculite,
dont le tableau se rapproche de la maladie de
Weber-Christian.
3- Panniculite histiocytaire cytophagique
:
Elle est caractérisée par l’infiltration du tissu souscutané
par des histiocytes, renfermant des globules
rouges et des globules blancs. Des signes généraux
(fièvre, altération de l’état général) et des troubles de
la coagulation, de type coagulation intravasculaire
disséminée, parfois mortels, s’associent à des nodules
ecchymotiques, parfois ulcérés, siégeant sur les
membres, le tronc ou la face.
4- Panniculites physiques
:
• Panniculites d’origine thermique : le froid, surtout
chez le nourrisson et l’enfant, peut être responsable de
l’apparition de nodules inflammatoires, rapidement
régressifs, des zones exposées. Plus rare chez l’adulte,
elles peuvent se voir notamment lors de la pratique du
ski.
Elles siègent alors à la face externe des cuisses.
• Panniculites d’origine traumatique : elles touchent
le plus souvent les sujets obèses, et entrent parfois dans
le cadre d’une pathomimie.
5- Autres causes de panniculites
:
• Les panniculites lupiques sont une expression rare de
la maladie lupique (environ 5 % des lupus érythémateux).
• Les panniculites infectieuses sont dues à la présence
d’un germe dans le nodule.
Il peut s’agir d’un germe
pyogène, c’est le cas des abcès dits « lymphangitiques »
qui succèdent à un érysipèle, ou d’un nodule à mycobactéries
atypiques, surtout à Mycobacterium marinum chez
les propriétaires d’aquarium, plus rarement d’une mycose
profonde chez un patient immunodéprimé (infection par
le virus de l’immunodéficience humaine – VIH ).
• Les panniculites calcifiantes surviennent chez les
insuffisants rénaux chroniques dialysés, avec hyperparathyroïdie
et hyperphosphorémie, entraînant la formation
de dépôts calciques dans l’hypoderme.
Diagnostic étiologique
:
A - Streptocoque b-hémolytique
:
Les infections à streptocoques, principalement ORL,
semblent être la cause la plus fréquente d’érythème
noueux, 8 à 63 % selon les séries.
Certaines particularités
cliniques orientent parfois vers l’étiologie streptococcique :
début aigu, hautement fébrile, arthralgies intenses,
nouures volumineuses, étendues, très inflammatoires,
en nombre important, électivement péri-articulaires.
La
notion d’infection streptococcique (angine, otite, sinusite),
1 à 3 semaines auparavant est importante, mais pas spécifique.
Par contre la notion de récidive d’érythème
noueux, précédée par une infection des voies aériennes
supérieures et l’efficacité d’une antibiothérapie antistreptococcique
sont des arguments importants.
Les arguments paracliniques sont constitués par la mise
en évidence du streptocoque lors de l’infection des voies
aériennes, et l’ascension des anticorps antistreptococciques
(antistreptolysines O, antistreptokinases et antistreptodornases).
B - Sarcoïdose
:
Elle est une cause fréquente d’érythème noueux, 11 à 33 %
selon les différentes séries publiées.
L’association d’un
érythème noueux, d’adénopathies hilaires bilatérales et,
dans 80 % des cas, une anergie tuberculinique, constitue
le syndrome de Löfgren.
C - Primo-infection tuberculeuse
:
C’est une cause devenue rare, mais il faut y penser en
premier lieu chez l’immigré et chez l’enfant.
Un virage
de l’intradermo-réaction à la tuberculine (ou une réaction
très positive ou phlycténulaire) associée à une adénopathie
médiastinale unilatérale à la radiographie pulmonaire
permet de faire le diagnostic.
D - Yersinioses
:
Yersinia enterocolitica surtout chez la femme, Yersinia
pseudo tuberculosis chez l’enfant et l’adolescent sont en
cause.
L’érythème noueux succède à des signes digestifs
ou il les accompagne : diarrhée ou syndrome pseudoappendiculaire.
Les coprocultures et les sérologies spécifiques
permettent d’affirmer le diagnostic.
E - Entéropathies inflammatoires
:
Rectocolite hémorragique, plus souvent que maladie de Crohn : l’érythème noueux accompagne le plus souvent
les poussées évolutives.
F - Autres causes infectieuses
:
L’érythème noueux peut être associé à différentes infections
: infection à chlamydia (Chlamydia trachomatis,
Mycoplasma pneumoniæ), maladie des griffes du chat, typhoïde, tularémie, brucellose, hépatite B (surtout la
vaccination contre l’hépatite B), rickettsioses, oreillons,
rougeole, leptospirose.
G - Causes médicamenteuses
:
De nombreux médicaments ont été rendus responsables
d’érythème noueux.
Mais l’imputabilité est souvent discutable.
Les anti-inflammatoires et l’aspirine sont peutêtre
incriminés à tort car ils sont probablement donnés
pour les signes généraux de l’érythème noueux.
Le rôle
des contraceptifs oestroprogestatifs est classiquement
décrit, mais probablement surestimé.
H - Cas particuliers
:
• Les éruptions nodulaires observées au cours de la
lèpre ou de la maladie de Behçet ne sont plus à classer
dans le cadre des érythème noueux, car elles sont liées à
un processus de vasculite.
• Dans plus de 50 % des cas, l’enquête étiologique
reste négative.