Troubles de l’équilibre hydrosodé Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Un trouble de l’hydratation cellulaire et/ou
extracellulaire résulte d’un trouble du bilan
hydrique et/ou du bilan sodé, ce qui justifie
le terme d’« équilibre hydrosodé ».
La régulation du bilan hydrique, basée sur
le contrôle de l’osmolalité efficace, et celle
du bilan sodé, basée sur le contrôle de la
volémie efficace, sont largement
indépendantes :
il est ainsi logique de définir
les troubles simples du bilan hydrique,
n’affectant pas la volémie efficace de manière
cliniquement perceptible, et les troubles
simples du bilan sodé, n’affectant pas
l’osmolalité efficace.
Cependant, l’existence
d’interactions entre la régulation de
l’osmolalité efficace et celle de la volémie
efficace explique la fréquence des troubles
associant un trouble du bilan hydrique et un
trouble du bilan sodé.
Régulation du bilan hydrosodé
:
L’équilibre du bilan hydroélectrolytique en
général et hydrosodé en particulier est
obtenu grâce à l’existence de boucles de
régulation.
A - RÉGULATION DU BILAN HYDRIQUE
:
Elle s’effectue de manière à assurer la
stabilité de l’osmolalité efficace.
Ce terme
représente la concentration globale de tous
les solutés qui, du fait de leur inégale
répartition entre les secteurs cellulaire et
extracellulaire, jouent un rôle dans les
transferts osmotiques d’eau entre ces deux
secteurs.
En pratique, l’osmolalité efficace
peut être estimée dans le plasma par la
différence entre l’osmolalité totale (mesurée
par cryoscopie) diminuée de la concentration
molaire de l’urée.
Elle est normalement
comprise entre 270 et 290 mOsm/kg.
Dans la mesure où la membrane cellulaire
est librement perméable à l’eau, les transferts
osmotiques d’eau assurent constamment
l’égalité de l’osmolalité efficace dans tous les
compartiments liquidiens de l’organisme.
Toute variation de l’osmolalité efficace dans
un compartiment provoque donc un
mouvement d’eau à travers la membrane
cellulaire à l’origine d’une variation du
volume cellulaire.
Cette variation du volume
cellulaire entraîne, au niveau des récepteurs
thalamiques, une modification de la tension
exercée sur la membrane cellulaire,
modification qui représente probablement le
signal détecté : ainsi, la régulation du bilan
hydrique assure en réalité la stabilité de
l’hydratation cellulaire, fondamentale pour
l’homéostasie.
Toute variation primitive du bilan hydrique
tend à faire varier l’osmolalité efficace dans
le sens opposé.
L’inhibition ou la stimulation
résultante des centres de la soif et de la
sécrétion d’hormone antidiurétique (ADH)
permet de rétablir l’équilibre hydrique en
adaptant les apports et l’excrétion urinaire
d’eau libre : une variation importante de
l’osmolalité efficace est ainsi évitée.
Toute diminution (au-dessous de
2 7 0 mOsm/kg définissant l'état
hypotonique) ou augmentation (au-dessus
de 290 mOsm/kg définissant l’état
hypertonique) pathologique de l’osmolalité
efficace traduit un trouble de la régulation
hydrique.
Un trouble primitif du bilan
hydrique survient lorsque les capacités de
régulation sont dépassées ou lorsqu’il existe
une anomalie au niveau d’un élément de la
boucle de régulation.
Il en résulte alors une
variation de l’osmolalité efficace : une
surcharge hydrique diminue l’osmolalité
efficace ; un déficit hydrique l’augmente.
Le bilan hydrique n’est pas le seul
déterminant de l’osmolalité efficace : les
déterminants de l’osmolalité efficace sont
représentés par le stock hydrique mais aussi
par le stock d’osmoles osmotiquement
efficaces. Ainsi, une charge osmotique
importante (hyperglycémie importante,
perfusion de mannitol, etc) tend à
augmenter l’osmolalité efficace plasmatique.
Cependant, les urines restent abondantes en
dépit de la stimulation de l’ADH parce que
la polyurie est nécessaire pour éliminer la
charge osmotique.
B - RÉGULATION DU BILAN SODÉ
:
Elle s’effectue de manière à assurer la
stabilité de ce qu’il est convenu d’appeler la
« volémie efficace ».
Ce terme désigne un
volume sanguin, en réalité mal identifié,
dont les variations agissent sur le bilan
sodé : une augmentation de la volémie
efficace (hypervolémie efficace) provoque
une excrétion rénale du sodium, une
diminution de la volémie efficace
(hypovolémie efficace) provoque une
rétention rénale du sodium.
Les variations
de la volémie efficace sont détectées par les
modifications de la tension pariétale
engendrées par les variations de la pression
sanguine au niveau des barorécepteurs, en
particulier sinocarotidiens et juxtaglomérulaires
rénaux, du système artériel à haute
pression, mais aussi au niveau des
volorécepteurs, en particulier de l’oreillette
gauche, du système à basse pression.
Toute variation primitive du bilan sodé tend
à faire varier le volume extracellulaire et
donc la volémie efficace dans le même sens.
Il en résulte une variation de même sens de
la filtration glomérulaire et une stimulation
ou une inhibition du système rénineangiotensine-aldostérone et du facteur natriurétique auriculaire qui permettent de
rétablir l’équilibre sodé en adaptant la
natriurèse : une variation importante de l’hydratation extracellulaire et de la
volémie efficace est ainsi évitée.
Toute variation pathologique de la volémie
efficace traduit un trouble de la régulation
sodée.
Un trouble primitif du bilan sodé
survient lorsque les capacités de régulation
sont dépassées ou lorsqu’il existe une
anomalie au niveau d’un élément de la
boucle de régulation.
Il en résulte alors une
variation de la volémie efficace : une
surcharge sodée augmente la volémie
efficace ; un déficit sodé la diminue.
Le bilan sodé n’est pas le seul déterminant
de la volémie efficace : les déterminants de
la volémie efficace sont le stock sodé, mais
aussi la fonction ventriculaire gauche, la
valeur des résistances artérielles
périphériques et la pression oncotique du
plasma.
Une diminution de la pression
oncotique du plasma (syndrome néphrotique), une diminution des résistances
périphériques (cirrhose hépatique) ou une
diminution du débit cardiaque (insuffisance
cardiaque) peuvent être responsables d’une
diminution de la volémie efficace : dans ce
cas, la rétention sodée ne parvient pas à
restaurer la volémie efficace et l’organisme
se trouve en situation de surcharge sodée
importante, secondaire à l’hypovolémie
efficace.
C - INTERACTIONS
:
La régulation du bilan hydrique et celle du
bilan sodé sont largement indépendantes.
Un trouble du bilan hydrique affecte
l’osmolalité efficace mais non la volémie
efficace dans la mesure où la boucle de
régulation du bilan sodé fonctionne
correctement.
De manière analogue, un
trouble du bilan sodé, dans la mesure où la
boucle de régulation du bilan hydrique
fonctionne correctement, devrait être associé
à une variation adaptée du stock hydrique
tendant à rendre isotonique la surcharge ou
le déficit sodé afin d’assurer la stabilité de
l’osmolalité efficace et donc de l’hydratation
cellulaire.
L’indépendance entre la régulation du bilan
hydrique et celle du bilan sodé n’est
cependant pas totale.
En stimulant la
sécrétion d’angiotensine (puissamment dipsogène) et d’ADH, l’hypovolémie
efficace, quand elle est suffisamment
importante, interfère avec les mécanismes de
régulation du bilan hydrique : elle augmente
les apports liquidiens en liaison avec la soif
et diminue l’élimination rénale d’eau libre
du fait de l’augmentation de l’ADH.
Il en
résulte une surcharge hydrique dont
témoigne la diminution de l’osmolalité efficace.
Troubles primitifs du bilan hydrique :
Un trouble
du bilan hydrique affecte l’hydratation cellulaire.
Le
diagnostic repose essentiellement sur la mesure de la natrémie.
Les troubles
du bilan hydrique (surcharge ou déficit hydrique) sont le plus
souvent secondaires à un trouble du bilan sodé.
Dans le cas contraire, le trouble du
bilan hydrique est « primitif ».
Les troubles
primitifs du bilan hydrique n’ont pas de
retentissement sur la régulation du bilan
sodé : en conséquence la volémie efficace et
l’hydratation extracellulaire restent
cliniquement normales ; le tableau clinique
est donc celui d’un trouble isolé de
l’hydratation cellulaire.
Sur le plan biologique, la variation de
l’osmolalité efficace induite par un trouble
primitif du bilan hydrique se traduit
seulement par une variation de la natrémie,
et parallèlement de la chlorémie, car, à
l’exception de la natrémie et de la chlorémie,
la concentration des solutés osmotiquement
efficaces habituellement dosés est régulée de
manière indépendante : un trouble primitif
du bilan hydrique se traduit biologiquement
par une hypo- ou une hypernatrémie.
La variation du poids, de l’osmolalité
efficace et de la natrémie est proportionnelle
à l’intensité du trouble hydrique.
Cependant,
la variation du poids est souvent difficile à
déterminer car le poids initial n’est pas
toujours connu : c’est donc la mesure de la
natrémie qui reste en réalité essentielle pour
confirmer le diagnostic.
Le trouble primitif du bilan hydrique étant
diagnostiqué, il est fondamental, pour en
déterminer l’étiologie et le traitement,
d’apprécier l’osmolalité urinaire afin
d’établir si celle-ci est adaptée ou non à
l’osmolalité efficace plasmatique.
La mesure
de la seule natriurèse ne présente aucun
intérêt dans cette situation où il n’existe pas
de trouble du bilan sodé : elle est très
variable et est seulement un reflet des
apports.
L’osmolalité totale P du plasma peut être
mesurée par cryoscopie (normale : 275-
295 mOsm/kg), mais dans cette situation de
trouble hydrique primitif, elle peut être plus
facilement estimée par la formule :
P = 2 (Na + K) + glycémie (mmol/L) + urée
(mmol/L) (la valeur normale est de
290-310 mOsm/L)
L’osmolalité efficace Peff peut être calculée
par :
Peff = P – urée = 2 (Na + K) + glycémie
L’ionogramme urinaire sur échantillon avec
dosage de l’urée permet d’apprécier
l’osmolalité urinaire U suivant la formule :
U = 2 (Na + K) + urée (mmol/L)
à laquel le il convient d'ajouter
éventuellement la concentration urinaire en
glucose (mmol/L).
A - SURCHARGE HYDRIQUE PRIMITIVE
:
Elle se traduit par un tableau d’hyperhydratation
cellulaire cliniquement pure.
1- Physiopathologie
:
Une surcharge hydrique primitive s’observe
dans toutes les situations où le rein est
incapable de diluer suffisamment les urines.
On en distingue différentes étiologies :
– les causes extrarénales : la capacité de
dilution des urines, par ailleurs correcte, est
dépassée du fait d’un excès d’apports
liquidiens.
C’est la classique « intoxication
par l’eau » en rapport avec l’absorption de
grandes quantités de bière ou avec une
potomanie responsable d’un syndrome polyurodipsique ;
– les causes rénales : la capacité de dilution
des urines est altérée.
On distingue les
causes rénales intrinsèques (insuffisance
rénale chronique) et extrinsèques (syndrome
de sécrétion inappropriée d’ADH [SIADH]).
Une situation clinique et biologique
identique à celle du SIADH est observée
chez certaines personnes âgées, sans que l’on
mette en évidence un trouble de la sécrétion
de l’ADH.
Cette situation correspond au
reset osmostat des Anglo-Saxons.
Enfin, une
déplétion potassique majeure peut être
responsable d’une déshydratation cellulaire
à l’origine d’une stimulation de la sécrétion
d’ADH.
2- Diagnostic positif
:
Les signes cliniques permettant d’évoquer
une hyperhydratation cellulaire sont peu
spécifiques : dégoût de l’eau, voire nausées
et/ou vomissements.
La prise de poids est
constante, mais pas toujours facile à affirmer.
Les signes neurologiques, également peu
spécifiques (troubles de la conscience ou du
comportement, convulsions, coma),
n’apparaissent qu’en cas d’hyperhydratation
sévère.
Le diagnostic d’hyperhydratation
cellulaire est en réalité essentiellement
biologique et repose sur la constatation
d’une hyponatrémie.
L’absence de signes cliniques patents
d’hyperhydratation et de déshydratation
extracellulaire atteste de l’absence de trouble
associé du bilan sodé et donc du caractère
« primitif » de la surcharge hydrique.
Tout
au plus, la très légère augmentation du
volume extracellulaire explique-t-elle
l’aspect parfois infiltré des téguments (mais
sans oedèmes véritables car il n’y a pas de
signe du « godet ») et la possible et légère
diminution de l’urée, de la créatinine et
surtout de l’acide urique.
3- Diagnostic étiologique
:
Devant la constatation d’une surcharge
hydrique primitive diagnostiquée sur
l’existence d’une hyponatrémie reflétant
l’état hypotonique sans modification
appréciable de l’hydratation extracellulaire,
il importe en premier lieu de réaliser un
ionogramme urinaire avec dosage de l’urée.
Une osmolalité urinaire faible
(urinaire/plasmatique : U/P < 1) est adaptée
à la surcharge hydrique : elle traduit un
apport liquidien trop important.
Le dosage
de l’ADH (qui serait effondrée) n’est pas
utile.
Une osmolalité urinaire inadaptée (U/P > 1)
témoigne d’un défaut d’élimination rénale
(diminution de la capacité de dilution des
urines).
Si le contexte ne le permet pas à lui
seul, le dosage de l’ADH permet de trancher
entre une diminution extrinsèque de la
capacité de dilution des urines (ADH
normale ou é levée, inadaptée à
l’hyponatrémie, signant le SIADH) et une
diminution intrinsèque (ADH effondrée).
4- Traitement
:
Les hyponatrémies en rapport avec une
surcharge hydrique primitive sont le plus
souvent chroniques et donc généralement
bien tolérées.
Le traitement consiste à
imposer au patient dans la mesure du
possible une restriction hydrique modérée,
afin d’éviter le risque principal, à savoir la
décompensation aiguë : celle-ci peut être
provoquée par exemple par la prescription
d’un traitement diurétique (pour
hypertension) ou d’une cure de diurèse
(pour infection urinaire, etc) ou lors d’une
hospitalisation durant laquelle la pose d’un
soluté glucosé isotonique d’ « attente » est
parfois abusivement systématique.
Dans les cas de poussée aiguë d’hyponatrémie
mal tolérée sur le plan neurologique,
lorsque la restriction hydrique, même sévère, reste insuffisante, le principe du traitement
consiste à obtenir un bilan hydrique négatif
en forçant la diurèse et en compensant
l’excrétion urinaire de sodium (par des
apports sodés nettement plus concentrés en
sodium que les urines) :
– la perfusion de chlorure de sodium
hypertonique ou même simplement
isotonique (à 9 g/L), à raison de 0,5 g/h de
chlorure de sodium sans dépasser 15 g le
premier jour, peut suffire pour provoquer
une diurèse abondante et peu sodée, ce qui
permet une correction progressive de
l’hyponatrémie.
Cependant, le risque
d’induire une surcharge sodée n’est pas nul
chez l’insuffisant rénal chronique et chez le
sujet âgé (chez qui la filtration glomérulaire
est physiologiquement diminuée) ;
– la prescription d’un diurétique de l’anse
(par exemple 40 à 80 mg/j de furosémide),
sous contrôle de la natriurèse (de façon à
compenser les pertes sodées) et de la
kaliémie, permet d’augmenter la diurèse
aqueuse et donc la rapidité de la correction
de l’hyponatrémie, sans risque de surcharge
sodée.
Le but est de remonter la natrémie
entre 125 et 130 mmol/L en 5 à 8 heures :
toute normalisation rapide doit être proscrite
afin d’éviter une gravissime myélinolyse
centropontine.
Dans le cas d’un SIADH, il a été proposé
d’utiliser les sels de lithium (10 à 20 mEq/j
de lithium, soit 1 à 2 comprimés/j de
Téralithe LPt) qui empêchent l’action de
l’ADH sur le tube collecteur, mais l’efficacité
en est inconstante.
La déméclocycline
(Ledermycinet) est intéressante, car elle a
un effet antagoniste de celui de l’ADH, mais
cet antibiotique de la famille des
tétracyclines n’est plus commercialisé en
raison de ses effets secondaires
(photosensibilité) et de ses risques chez
l’insuffisant rénal chronique et chez le sujet
porteur d’une hépatopathie.
Dans la mesure
du possible, le traitement sera étiologique,
fonction de la cause du SIADH.
B - DÉFICIT HYDRIQUE PRIMITIF
:
Un déficit hydrique primitif se traduit par
un tableau de déshydratation cellulaire
cliniquement pure.
1- Physiopathologie
:
Un déficit hydrique primitif peut être en
rapport :
– avec une insuffisance d’apports en eau :
– soif non ressentie (adipsie idiopathique
ou plus souvent secondaire à un accident
vasculaire cérébral) ;
– soif non satisfaite (carence en eau, très
jeune âge, handicap, grand âge) ;
– avec un excès d’élimination rénale
(diabète insipide) ou plus rarement extrarénale (pertes respiratoires), mais la
déshydratation n’apparaît que si cet excès
n’est pas, ou pas suffisamment, compensé
par une polydipsie.
2- Diagnostic positif
:
Cliniquement, la soif est un signe majeur :
présente dès la phase d’installation de la
déshydratation, elle devrait permettre de
l’éviter.
La sécheresse des muqueuses (en
particulier de la face interne des joues) est
un signe classique et important.
La perte de
poids est constante, mais est difficile à
quantifier si le poids antérieur n’est pas
connu avec précision.
En cas de
déshydratation sévère apparaissent les
autres signes cliniques, en particulier
neurologiques, qui en font toute la gravité :
troubles de l a conscience, fièvre ,
convulsions...
Des hématomes intracérébraux,
notamment chez le nourrisson,
peuvent compliquer les formes les plus
graves.
Biologiquement, l’hypernatrémie,
reflet de l’hypertonie, permet d’affirmer le diagnostic.
Les
déshydratations cellulaires sont parfois associées à un trouble
du bilan sodé.
C’est l’absence de signes cliniques
patents d’hyperhydratation e t de
déshydratation extracellulaire qui atteste de
l’absence de trouble associé du bilan sodé et
donc du caractère « primitif » du déficit
hydrique.
3- Diagnostic étiologique
:
Devant la constatation d’un déficit hydrique
primitif diagnostiqué sur l’existence d’une hypernatrémie sans modification appréciable
de l’hydratation extracellulaire, il importe en
premier lieu de pratiquer un ionogramme
urinaire avec dosage de l’urée.
Une osmolalité urinaire élevée (U >
600 mOsm/L) est adaptée.
Elle témoigne
d’une capacité correcte de concentration des
urines et signe un apport liquidien trop
faible.
Une osmolalité urinaire inadaptée témoigne
d’un excès d’élimination rénale d’eau par
défaut de concentration des urines (diabète
insipide).
Le dosage de l’ADH permet de
trancher entre un diabète insipide d’origine
centrale (ADH basse ou normale, en tout cas
inadaptée à l’hypertonicité) et un diabète
insipide néphrogénique (ADH élevée).
L’épreuve de restriction hydrique est inutile
et dangereuse en présence d’une
déshydratation cellulaire (hypernatrémie).
4- Traitement
:
Il repose sur la réhydratation, réalisée autant
que possible par voie orale.
La
déshydratation cellulaire ne survient
cependant que chez le sujet incapable de
ressentir ou de satisfaire sa soif.
Elle
s’accompagne souvent de troubles de la
conscience e t nécessite alors une
réhydratation par voie parentérale à base de
soluté glucosé iso- ou hypotonique (1 L en
6 heures puis 1 à 2 L/j) remplacé dès que
possible par des apports hydriques per os.
La relation suivante :
V(L) = 0,6 ´ poids (kg) (1-140/natrémie
[mmol/L])
dont la démonstration est basée sur une
valeur du volume apparent de distribution,
encore dénommé volume de distribution
osmotique, du sodium égale à l’eau totale
(60 % environ du poids corporel en l’absence
de trouble de l’hydratation), permet
d’apprécier le déficit hydrique et donc
d’estimer le volume V de solution à
apporter.
En réalité, c’est la surveillance
rapprochée de la natrémie, toutes les 4 à 6
heures, qui permet d’adapter au mieux le
traitement et de prévenir une diminution
trop rapide : la natrémie ne doit pas
diminuer de plus de 2 mmol/L/h.
L’adjonction
d’insuline (environ 4 unités d’insuline ordinaire pour 10 g de
glucose) peut être utile pour éviter l’apparition d’une diurèse
osmotique gênant la réhydratation.
Les
déshydratations cellulaires en rapport avec un diabète insipide
peuvent justifier un traitement spécifique.
Troubles du bilan sodé :
Un trouble
du bilan sodé affecte l’hydratation extracellulaire.
Le
diagnostic repose essentiellement sur
l’examen clinique.
Il n’y a aucune corrélation
entre la natrémie et la natriurèse : la
natrémie ne renseigne en aucune façon sur
le stock sodé.
Un trouble du bilan sodé est « simple »
lorsqu’il n’affecte pas l’osmolalité efficace.
Il
témoigne alors d’un déficit ou d’une
surcharge hydrosodée isotonique.
En
conséquence, un trouble simple du bilan
sodé n’entraîne pas de variation de la natrémie, n’affecte pas l’hydratation
cellulaire, et se traduit par un tableau
d’hyperhydratation ou de déshydratation
extracellulaire pure.
En réalité, les troubles du bilan sodé sont le
plus fréquemment des troubles complexes,
associant une variation de la volémie efficace
et une variation de l’osmolalité efficace,
parce que la volémie efficace peut influencer
la régulation du bilan hydrique.
Un trouble
complexe du bilan sodé affecte donc à la
fois l’hydratation extracellulaire et
l’hydratation cellulaire.
La sévérité du
trouble de l’hydratation extracellulaire
renseigne sur l’importance du trouble du
bilan sodé.
La natrémie est variable, fonction
du trouble éventuellement associé du bilan
hydrique.
Elle renseigne sur l’état
d’hydratation cellulaire.
A - SURCHARGE SODÉE
:
Une surcharge sodée se traduit par un
tableau clinique d’hyperhydratation
extracellulaire.
1- Physiopathologie
:
Parce que les reins normaux peuvent
éliminer une quantité énorme de sodium en
réduisant de quelques centièmes le taux de
réabsorption du sodium, il n’y a pas de
causes extrarénales de surcharge sodée.
Les
états d’hyperhydratation extracellulaire sont
toujours de cause rénale, en rapport avec
une natriurèse inadaptée à la surcharge
sodée.
La surcharge sodée peut être la cause d’une hypervolémie (surcharge sodée hypervolémique)
ou la conséquence d’une hypovolémie efficace (surcharge sodée
hypovolémique).
Les causes des surcharges sodées hypervolémiques sont :
– rénales intrinsèques, en rapport avec une
insuffisance rénale aiguë, une insuffisance
rénale chronique terminale, un syndrome néphritique aigu ;
– rénales extrinsèques, en rapport avec un hyperaldostéronisme ou un hypercorticisme.
Les causes des surcharges sodées hypovolémiques sont rénales extrinsèques.
Ce sont celles de l’hypovolémie efficace qui
en sont à l’origine : syndrome néphrotique,
insuffisance cardiaque ou cirrhose.
2- Diagnostic positif
:
Le diagnostic de surcharge sodée repose sur
les signes cliniques d’hyperhydratation
extracellulaire : hypertension et/ou oedèmes
généralisés.
L’hypertension peut traduire
l’hyperhydratation du secteur vasculaire :
elle est constante en cas de surcharge sodée hypervolémique, mais elle est très
peu spécifique.
Les oedèmes
généralisés prédominant aux points déclives traduisent
l’hyperhydratation du secteur interstitiel, mais ne sont
cliniquement décelables qu’en cas de surcharge sodée importante.
L’oedème
aigu pulmonaire et l'insuffisance ventriculaire gauche ne
s’observent que dans les formes graves.
L’intensité
des signes d’hyperhydratation extracellulaire est en relation
avec l’importance de la surcharge sodée.
En revanche,
la prise de poids (souvent importante) et la natrémie ne sont en
aucune façon liées à l’intensité de l’hyperhydratation
extracellulaire.
La natrémie
est variable suivant le caractère hypo-, iso- ou hypertonique de
la surcharge sodée.
Bien que sa
mesure ne présente aucun intérêt pour le diagnostic positif ou
étiologique de l’hyperhydratation extracellulaire, elle est
fondamentale pour préciser l'état
d’hydratation cellulaire et définir la conduite
à suivre en ce qui concerne les apports
hydriques.
Une natrémie normale traduit un ajustement
correct du stock hydrique assurant la
stabilité de l’osmolalité efficace et donc une
hydratation cellulaire normale : il s’agit alors
d’une hyperhydratation extracellulaire pure
en rapport avec une surcharge sodée
devenue isotonique du fait de la régulation
hydrique.
C’est seulement dans ce cas que
la prise de poids est proportionnelle à la
surcharge sodée (prise de poids de 1 kg pour
une surcharge sodée d’environ 150 mmol).
Bien que la surcharge sodée puisse être
primitivement hypertonique, l’hypernatrémie
est rare, car responsable d’une soif
intense et d’une stimulation de l’ADH à
l’origine d’une rétention hydrique tendant à
ramener la surcharge sodée à l’isotonicité et
la natrémie à une valeur normale.
L’hyponatrémie est fréquente en cas
d’hypovolémie efficace (qui stimule la
sécrétion d’angiotensine et d’ADH) ou en
présence de tout autre facteur rendant le rein
incapable d’éliminer une quantité suffisante
d’eau libre.
Elle traduit une hyperhydratation
cellulaire qui aggrave la prise de
poids liée à l'hyperhydratation
extracellulaire et requiert une restriction des
apports hydriques.
3- Diagnostic étiologique
:
L’hyperhydratation extracellulaire, surtout
lorsqu’elle est majeure, est le plus souvent
en rapport avec une surcharge sodée hypovolémique dont les étiologies se
résument au syndrome néphrotique, à
l’insuffisance cardiaque et à la cirrhose
décompensées.
Le contexte clinique permet
facilement de trancher.
La natriurèse est
faible, parfois quasi nulle et en tout cas
inadaptée, avec un rapport Na/K urinaire
inférieur à 1 dans un contexte d’insuffisance
rénale fonctionnelle.
Plus rarement, l’hyperhydratation
extracellulaire est en rapport avec une
surcharge sodée hypervolémique.
L’hypertension artérielle est alors constante.
L’hypervolémie est la conséquence de la
surcharge sodée que le rein ne parvient pas
à éliminer et doit faire rechercher une cause
rénale extrinsèque ou intrinsèque.
La natriurèse est variable, mais elle reste
inadaptée à la surcharge sodée.
Le contexte
clinique (présence ou non d’oedèmes) et
biologique (kaliémie, créatininémie,
protéinurie, voire mesure du cortisol et de
l’aldostérone plasmatique et urinaire et du
rapport aldostérone/rénine plasmatique)
permet de trancher entre une insuffisance
rénale, un syndrome néphritique, un
hypercorticisme ou un hyperaldostéronisme.
4- Traitement
:
Le traitement symptomatique de
l’hyperhydratation extracellulaire est celui
de la surcharge sodée : il consiste à diminuer
les apports et à augmenter l’excrétion rénale
de sodium.
Le régime désodé doit être d’autant plus
strict que les oedèmes et/ou l’ascite sont
importants.
Un régime sans sel correctement
suivi correspond à un apport de chlorure de
sodium inférieur à 2 g/j.
Le traitement diurétique est le traitement
symptomatique de l’expansion du volume
extracellulaire, mais il convient de respecter
certaines règles :
– les diurétiques thiazidiques et ceux de
l’anse provoquent une augmentation de la
kaliurèse et nécessitent donc une
surveillance de la kaliémie et la prescription
éventuelle d’une supplémentation
potassique ou l’association d’un diurétique
hyperkaliémiant ;
– la prescription de diurétiques hyperkaliémiants (spironolactone,...) est
logique dans toute situation d’hyperaldostéronisme
(primaire ou secondaire) ou en
association avec un diurétique hypokaliémiant,
mais elle est formellement contreindiquée
dans l’insuffisance rénale sévère en
raison du risque d’hyperkaliémie ;
– les diurétiques de l’anse sont seuls
indiqués dans l’insuffisance rénale, car
classiquement les seuls efficaces.
Leur
efficacité diminue au fur et à mesure que
l’insuffisance rénale progresse et leur dose
doit donc être augmentée en conséquence ;
– le traitement diurétique, parce qu’il
diminue le stock sodé, tend à diminuer la
volémie efficace et favorise donc l’apparition
d’une hyponatrémie.
Une restriction
hydrique modérée peut permettre de l’éviter.
En cas d’hyponatrémie franche, la restriction
hydrique devient indispensable jusqu’à sa
disparition ;
– en présence d’une hypovolémie efficace,
on associe dans la mesure du possible un
traitement étiologique de manière à la
corriger au mieux, car elle est à l’origine de
l’expansion du volume extracellulaire :
– amélioration de la fonction ventriculaire
(par exemple par les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion) en cas
d’insuffisance cardiaque ;
– arrêt de l’alcool et des médicaments
hépatotoxiques en cas de cirrhose ;
– une perfusion d’albumine ne sera
prescrite qu’en dernier recours en cas de
syndrome néphrotique avec hypovolémie
menaçante.
Dans le cas d’une insuffisance rénale oligoanurique ou préterminale, la surcharge
sodée peut être réfractaire au traitement
diurétique, même à dose importante
(furosémide jusqu’à 1 500 mg/j per os).
Elle
impose alors une épuration extrarénale.
B - DÉFICIT SODÉ
:
Il se traduit par un
tableau clinique de
déshydratation extracellulaire.
1- Physiopathologie
:
Parce que les reins normaux peuvent
annuler la natriurèse en cas de nécessité, il
n’y a pas de déficit sodé par carence
d’apports.
Les déficits sodés sont donc
habituellement dus à des pertes sodées.
Les pertes sodées peuvent être :
– d’origine rénale, de cause intrinsèque au
rein (insuffisance rénale aiguë en phase de
reprise de diurèse, néphropathie chronique,
le plus souvent interstitielle, avec perte
obligatoire de sel) ou extrinsèque
(insuffisance surrénalienne, intoxication aux
diurétiques) ;
– d’origine extrarénale : les pertes sodées
sont le plus souvent digestives (diarrhée,
vomissements, fistule digestive), mais elles
peuvent être aussi en rapport avec la
constitution d’un troisième secteur
(occlusion intestinale) ou avec une
hypersudation profuse (fièvre intense et
prolongée, température extérieure très
élevée), des brûlures étendues, une
mucoviscidose.
2- Diagnostic positif
:
Le diagnostic de déficit sodé repose sur les
signes cliniques de déshydratation
extracellulaire.
Le signe capital est le « pli
cutané » : perte de l’élasticité normale de la
peau, plus facilement constatée au niveau
des régions sous-claviculaires et du dos de
la main.
Il témoigne de la déshydratation du
secteur interstitiel.
La tachycardie, la
sensation de fatigue avec malaises en
position debout témoignant d’une
hypotension orthostatique sont en rapport
avec l’hypovolémie.
Les yeux sont cernés,
enfoncés dans les orbites.
L’hypotension
permanente, voire le collapsus, ne
surviennent qu’en cas de déficit sodé majeur.
Sur le plan biologique, l’hématocrite et la
protidémie sont élevés, témoignant de
l’hémoconcentration.
Une élévation modérée
des concentrations plasmatiques de l’urée,
de la créatinine et de l’acide urique est
fréquente, traduction d’une insuffisance
rénale fonctionnelle en rapport avec
l’hypoperfusion rénale.
L’intensité
des signes de déshydratation extracellulaire est en relation
avec l’importance du déficit sodé.
En revanche,
la perte de poids (souvent modérée) et la natrémie ne sont en
aucune façon liées à l'intensité de la déshydratation
extracellulaire.
La natrémie
est variable suivant le caractère hypo-, iso- ou hypertonique du
déficit sodé.
Bien que sa
mesure ne présente aucun intérêt pour le diagnostic positif ou
étiologique de la déshydratation extracellulaire, elle est
fondamentale pour préciser l'état
d’hydratation cellulaire et définir la conduite
à suivre en ce qui concerne les apports
hydriques.
Une natrémie normale traduit une
adaptation correcte du stock hydrique
assurant la stabilité de l’osmolalité efficace
et donc une hydratation cellulaire normale :
il s’agit alors d’une déshydratation
extracellulaire pure en rapport avec un
déficit sodé devenu isotonique du fait de la
régulation hydrique.
C’est seulement dans
ce cas que l a perte de poids est
proportionnelle au déficit sodé (perte de
poids de 1 kg pour un déficit sodé d’environ
150 mmol).
Une hypernatrémie est due au
caractère habituellement hypotonique des
pertes sodées, mais elle n’apparaît que si la
soif induite par l’hyperosmolalité ne peut
être satisfaite.
Cette éventualité est plus
fréquente chez le sujet âgé.
Elle correspond
à une déshydratation globale (à la fois
extracellulaire et cellulaire) et souvent grave.
En réalité, la natrémie est le plus souvent
diminuée, en dépit du caractère
primitivement hypotonique du déficit, parce
que l’hypovolémie stimule la sécrétion
d’angiotensine et d’ADH.
Elle traduit une
hyperhydratation cellulaire qui masque la
perte de poids associée à la déshydratation
extracellulaire et nécessite la prescription
d’un apport sodé hypertonique en
restreignant les apports hydriques.
3- Diagnostic étiologique
:
Devant un tableau clinique de déshydratation
extracellulaire, il importe en premier
lieu de mesurer la natriurèse sur un
ionogramme des urines de 24 heures.
Une natriurèse basse (inférieure à
15 mmol/j) avec un rapport Na/K inférieur
à 1 du fait d’un hyperaldostéronisme
secondaire à l’hypovolémie efficace, des
urines rares e t concentrées (urée
U/P > 10) du fait de la stimulation de la
sécrétion d’ADH par l’hypovolémie efficace
traduisent un comportement rénal adapté et
signent l’origine extrarénale du déficit sodé.
À l’opposé, une natriurèse supérieure à
15 mmol/j est inadaptée au déficit sodé et
traduit habituellement un déficit d’origine
rénale.
Une exception en est l’existence de
vomissements importants responsables à la
fois d’un déficit sodé et d’une alcalose
métabolique.
La nécessité d’éliminer du
bicarbonate pour contrôler l’alcalose peut
expliquer l’excrétion rénale de bicarbonate
de sodium en dépit du déficit sodé.
Dans ce
cas, le rein bloque l’excrétion rénale de
chlorure de sodium afin d’épargner le
sodium : la chlorurie est alors effondrée.
Cette chlorurie basse permet de faire la
différence avec un déficit sodé d’origine
rénale, et en particulier avec une intoxication
non avouée aux diurétiques, difficile
autrement à différencier de vomissements
cachés car survenant souvent sur le même
terrain (jeune femme voulant maigrir) et
conduisant tous deux à une déshydratation
extracellulaire avec natriurèse inadaptée,
hypokaliémie et alcalose métabolique.
4- Traitement
:
Le traitement symptomatique consiste à
corriger le déficit sodé par l’apport de
chlorure de sodium.
En cas de choc hypovolémique, les solutés macromoléculaires
peuvent être utiles pour rétablir
rapidement un état hémodynamique stable.
L’apport de sodium peut être réalisé par
voie orale si le déficit est peu important et
en dehors de tout trouble de la conscience.
Le plus souvent, il est réalisé par voie
intraveineuse, car un apport important de
sodium par voie orale est souvent source de
vomissements qui ne font qu’aggraver le
déficit sodé.
La quantité de sodium à
perfuser peut être calculée comme si l’apport
de sodium se distribuait dans l’eau totale,
c’est-à-dire dans environ 60 % du poids
corporel.
Si la déplétion est d’origine extrarénale, la réapparition d’une natriurèse
témoigne de la restitution du stock sodé.
L’apport de sodium par voie intraveineuse
est le plus souvent effectué sous forme
isotonique (chlorure de sodium à 9 g/L).
En
cas d’hyponatrémie associée, la restriction
hydrique permet de ne pas aggraver
l’hyperhydratation cellulaire ; l’utilisation de
solutés hypertoniques en sodium n’est pas
nécessairement justifiée dans la mesure où
la boucle de régulation du bilan hydrique
fonctionne normalement, car elle peut être à
l’origine d’une correction trop rapide de
l’hyponatrémie.
En présence d’une hypernatrémie témoignant dans ce contexte
d’une déshydratation globale, les apports
seront isotoniques jusqu’au rétablissement
d’un état hémodynamique stable, puis
ensuite hypotoniques en sodium de manière
à c orriger l’hypernatrémie et la
déshydratation cellulaire.
En cas d’acidose
associée (diarrhée aiguë), on remplace tout
ou partie du chlorure de sodium par du
bicarbonate de sodium.
Le traitement
étiologique dépend de l’origine du déficit
sodé.
Troubles de la natrémie
:
La natrémie désigne la quantité de sodium
présente dans 1 L de plasma.
Elle est
normalement aux environs de 140 mmol/L.
Découvert sur la pratique d’un ionogramme
sanguin effectué à l’occasion d’un bilan
systématique ou d’un symptôme
généralement non spécifique, un trouble de
la natrémie, défini par une natrémie en
dehors de l’intervalle 135-145 mmol/L, nécessite d’apprécier à la fois l’état
d’hydratation cellulaire et l'état
d’hydratation extracellulaire afin d’en
préciser le mécanisme et de déduire la
conduite thérapeutique la mieux adaptée.
Le
traitement est en effet celui des troubles de
l’hydratation extracellulaire et/ou cellulaire
qui l’accompagnent.
Ce traitement, envisagé
précédemment, ne sera pas détaillé ici.
A - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
D’UNE HYPONATRÉMIE :
Une hyponatrémie est définie par une valeur
de la concentration plasmatique du sodium
inférieure à 135 mmol/L de plasma.
Le
traitement d’une hyponatrémie dépend de son étiologie et nécessite donc avant
tout de répondre successivement aux deux questions suivantes :
– l’osmolalité efficace du patient est-elle
réellement diminuée (hyponatrémie
hypotonique) comme c’est le plus souvent le
cas, ou bien se trouve-t-on dans une
situation plus rare où l’osmolalité efficace
est normale (hyponatrémie isotonique), voire
augmentée (hyponatrémie hypertonique) ?
– le volume extracellulaire du patient est-il
à peu près normal, nettement diminué ou
franchement augmenté ?
De la réponse à la première question
dépendent l’état d’hydratation cellulaire du
patient et la conduite à tenir quant aux
apports hydriques.
De la réponse à la
seconde question dépendent la valeur du
stock sodé et la conduite à tenir quant aux
apports sodés et l’institution d’un traitement
diurétique.
1- Appréciation de l’osmolalité
efficace
:
Le plus souvent, l’hyponatrémie est le reflet
d’une diminution de l’osmolalité efficace
(hyponatrémie hypotonique).
Cependant, il
faut systématiquement éliminer les rares cas
d’hyponatrémie isotonique (anciennement
dénommée « fausse hyponatrémie ») et
hypertonique qui représentent moins de 5 %
des hyponatrémies en milieu hospitalier, et
probablement encore beaucoup moins en
médecine de ville.
L’hyponatrémie
hypertonique est due à une augmentation
du stock hydrique en rapport avec
l’hypertonie.
L’hyponatrémie hypertonique
est suspectée sur une glycémie élevée
(supérieure à 15 mmol/L) ou sur le contexte
clinique (diabète décompensé, perfusion de
mannitol ou de tris-hydroxy-méthyl-aminométhane
[THAM], etc).
L’hyponatrémie
isotonique est le reflet d’une diminution de
l’osmolarité (sans modification de
l’osmolalité) en rapport avec une
hyperprotidémie ou une hyperlipémie
importante.
Elle est suspectée sur la biologie
ou sur le contexte clinique (myélome non
maîtrisé, contexte connu d’hyperlipémie
majeure...).
En cas de doute persistant, la
mesure de l’osmolalité efficace (obtenue par
différence entre l’osmolalité totale mesurée
par cryoscopie et la concentration molaire de l’urée) permet d’établir le diagnostic
définitif du type de l’hyponatrémie.
En raison de son caractère physiologique,
l’hyponatrémie isotonique doit être
respectée : elle ne justifie aucun apport ni
restriction d'eau et de sodium.
L’hyponatrémie hypertonique est associée à
une déshydratation cellulaire.
Les hyponatrémies isotoniques et hypertoniques
disparaîtront spontanément lors de la
correction, quand elle est possible, du
trouble à l’origine de leur installation.
Dans la majorité des cas cependant,
l’hyponatrémie est hypotonique et alors
responsable d’une hyperhydratation
cellulaire dont les conséquences
neurologiques peuvent être graves si
l’hypernatrémie et l’hyperhydratation sont
sévères et d’installation brutale.
Il convient
donc de prescrire une restriction hydrique
d’autant plus stricte que l’hyponatrémie est
profonde, car tout apport d’eau tend à
aggraver l’hyperhydratation cellulaire et ses
conséquences neurologiques éventuelles.
Ainsi, à de rares exceptions près, en règle
facilement évoquées dans le contexte
clinique à condition de savoir y penser, une hyponatrémie doit entraîner la prescription
réflexe d’une restriction des apports
liquidiens.
2-
Appréciation du volume extracellulaire :
Une hyponatrémie
hypotonique témoigne d’une rétention hydrique.
Cette
rétention peut être primitive, sans trouble
associé du bilan sodé, et correspond alors à
une hyperhydratation cellulaire pure.
La
rétention hydrique est plus fréquemment
associée à un déficit ou à une surcharge
sodée.
C’est pourquoi l’estimation du stock
sodé par l’appréciation du volume
extracellulaire est indispensable devant toute hyponatrémie hypotonique pour en préciser
le mécanisme et adapter la thérapeutique.
Cette appréciation repose sur des critères
cliniques.
L’association d’une hyponatrémie et d’une
déshydratation extracellulaire fait poser le
diagnostic d’hyponatrémie de déficit sodé.
Lorsque les signes de déshydratation
extracellulaire ne sont pas francs, le dosage
de l’urée et de l’acide urique peut permettre
de distinguer l’hyponatrémie de déficit sodé
d’une hyponatrémie de surcharge hydrique
primitive : dans le premier cas, l’urée et
l’acide urique sont généralement élevés en
raison de l’insuffisance rénale fonctionnelle
induite par l’hypovolémie ; dans le second
cas, ils sont généralement abaissés du fait de
la légère augmentation infraclinique de la
volémie.
La conduite thérapeutique est la
même que devant tout déficit sodé d’origine
rénale ou extrarénale.
À l'opposé, l'association d'une hyponatrémie et d’une hyperhydratation
extracellulaire fait poser le diagnostic
d’hyponatrémie de surcharge.
L’hyponatrémie
provient de l’association à la
surcharge sodée d’une rétention hydrique,
dont la prise de poids généralement rapide
mesure l’importance.
La conduite
thérapeutique est la même que devant toute
surcharge sodée : elle repose sur les
diurétiques, mais la présence d’une hyponatrémie exige de plus une restriction
hydrique.
L’hyponatrémie peut être
aggravée par le traitement diurétique qui
devra alors être effectué en milieu
hospitalier avec une surveillance de la
natrémie toutes les 4 à 6 heures.
L’absence de trouble cliniquement
perceptible de l’hydratation extracellulaire
témoigne d’un stock sodé à peu près normal.
L’hyponatrémie est alors en rapport avec un
déficit hydrique primitif.
B - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
D’UNE HYPERNATRÉMIE :
L’hypernatrémie est définie comme une
natrémie supérieure à 145 mmol/L.
Elle est
associée à un état hypertonique et donc à
une déshydratation cellulaire. Normalement,
toute hyperosmolalité efficace entraîne une
soif.
En conséquence, la persistance d’une hypernatrémie est toujours en rapport avec
le fait que la soif ne peut être exprimée
(troubles de la soif correspondant à un seuil
osmotique anormalement élevé, troubles de
la conscience, très jeune enfant) ou satisfaite
(handicap, carence en eau, âges extrêmes de
la vie).
L’hypernatrémie témoigne d’un ajustement
insuffisant du stock hydrique.
Ce déficit peut
être primitif, sans trouble associé du bilan
sodé , et correspond alors à une
déshydratation cellulaire pure.
Le déficit
hydrique peut également être secondaire à
un trouble du bilan sodé, et dans ce cas
beaucoup plus souvent à un déficit qu’à une
surcharge sodée.
Le traitement d’une hypernatrémie
dépend de son étiologie qu’il convient donc de préciser avant
toute chose en appréciant la volémie efficace sur la pression
artérielle et l’état d’hydratation extracellulaire.
Cette appréciation
repose sur des critères cliniques.
L’absence de trouble cliniquement décelable
de la volémie efficace et de l’hydratation
extracellulaire témoigne d’un stock sodé
adapté.
L’hypernatrémie est alors en rapport
avec un déficit hydrique primitif.
S’il existe des signes de déshydratation
extracellulaire associés à l’hypernatrémie,
celle-ci est en rapport avec un déficit
hydrosodé.
La sévérité des signes de
déshydratation extracellulaire renseigne sur
l’importance du déficit sodé.
L’importance
de l’hypernatrémie renseigne sur la sévérité
de la déshydratation cellulaire.
La perte de
poids, quand elle peut être estimée, mesure
le déficit hydrique.
Le patient est menacé à
la fois par la déshydratation cellulaire et par
la déshydratation extracellulaire : c’est le
tableau grave de la déshydratation globale
survenant plus fréquemment chez un sujet
âgé.
L’association d’une hypernatrémie et de
signes cliniques d’hyperhydratation
extracellulaire est en faveur d’une surcharge
sodée hypervolémique (bien qu’une
surcharge sodée soit rarement responsable
d’une hypernatrémie).
Une hypernatrémie
modérée (entre 145 et 150 mmol/L) peut être
expliquée par l’élévation du seuil osmotique
de la soif et par l’augmentation de
l’excrétion d’eau libre en rapport avec
l’inhibition de l’angiotensine et de l’ADH
par l’hypervolémie.
Une hypernatrémie parfois sévère peut être observée en
réanimation chez le patient insuffisant rénal
(avec une capacité limitée d’excrétion sodée)
en alimentation parentérale trop riche en
sodium et incapable de satisfaire sa soif.
Les
étiologies de ces hypernatrémies sont celles
des surcharges sodées hypervolémiques.
Le
traitement symptomatique repose sur les
diurétiques, mais la présence d’une hypernatrémie nécessite d’y adjoindre un
apport hydrique, si possible per os, sinon à
l’aide de solutés glucosés, de manière à
réduire l’hypernatrémie et à corriger la
déshydratation cellulaire.
Troubles de la diurèse
:
La diurèse est habituellement comprise entre
1 et 2 L/j. Elle varie en fonction des apports
liquidiens.
A - SYNDROMES POLYURODIPSIQUES
:
Le syndrome polyurodipsique est défini par
l’association d’une polyurie (diurèse
supérieure à 3 L/j) et d’une soif intense
(polydipsie).
On distingue classiquement les
polyuries hypotoniques (diurèse aqueuse)
définies par une osmolalité urinaire
inférieure à 200 mOsm/L ou un débit
osmolaire inférieur à 50 mOsm/h et les
polyuries isotoniques (diurèse osmotique)
définies par une osmolalité urinaire
supérieure à 200 mOsm/L ou un débit
osmolaire supérieur à 50 mOsm/h.
Le
syndrome polyurodipsique devient
responsable d’un trouble du bilan hydrique,
et donc d’un trouble de l’osmolalité efficace,
seulement lorsque soif et polyurie ne
peuvent plus se compenser.
1- Physiopathologie
:
Parfois, la polydipsie est primitive (apports
liquidiens importants) : la polyurie
hypotonique (diurèse aqueuse) est la
conséquence logique de la tendance à
l’hypotonie plasmatique.
À l’opposé, dans le
diabète insipide, la polyurie est primitive :
la polydipsie est la conséquence logique de
la tendance à l’hypertonie plasmatique
secondaire à la diurèse aqueuse.
Un syndrome polyurodipsique peut
également être secondaire à une charge
osmotique dépassant la capacité de
concentration des urines, ce qui tend à
augmenter l’osmolalité plasmatique efficace.
Les conséquences en sont une diurèse
osmotique (polyurie isotonique)
indispensable pour éliminer la charge
osmotique et une polydipsie en rapport avec
la tendance à l’hypertonie plasmatique.
2- Diagnostic
:
Le diagnostic positif repose sur
l’interrogatoire.
Le diagnostic étiologique est
souvent difficile : il consiste à établir si la
polyurie est primitive et responsable de la
soif, ou si la soif est primitive et responsable
de la polyurie.
La mesure de la natrémie est essentielle, car
elle est un élément fondamental du diagnostic lorsqu’elle met en évidence une
perturbation de l’osmolalité efficace.
Une hyponatrémie hypotonique traduit une
polyurie secondaire à un excès d’apports
liquidiens (intoxication à l’eau).
Une hyperosmolalité efficace (hypernatrémie ou
hyponatrémie hypertonique) est en faveur
d’un diabète insipide ou d’une diurèse
osmotique, facilement différenciés par le
contexte clinique et biologique, voire par
l’appréciation de l’osmolalité urinaire.
Cependant, la natrémie reste le plus souvent
dans les limites de la normale, traduisant
une adaptation correcte entre polyurie
et polydipsie.
La mesure de l’osmolalité
urinaire est alors indispensable
pour différencier diurèse aqueuse
(U < 200 mOsm/L) et diurèse osmotique
(U > 200 mOsm/L).
Le diagnostic étiologique des diurèses
osmotiques est généralement facile.
Le
contexte clinique et la mesure de l’osmolalité
urinaire permettent habituellement de
distinguer les situations en rapport avec un
dépassement de la capacité (par ailleurs
normale) de la concentration des urines
(hyperglycémie importante, perfusion de
mannitol, etc) et les situations en rapport
avec une altération du pouvoir de
concentration (insuffisance rénale
chronique).
Le diagnostic étiologique des diurèses
aqueuses (excès d’apports ou diabète
insipide) est souvent plus difficile.
Le dosage
de l’ADH permet le diagnostic de diabète
insipide néphrogénique s’il revient élevé.
Sinon, l’épreuve de restriction hydrique
devient nécessaire pour différencier une
polyurie secondaire à un excès d’apports
liquidiens et une polydipsie secondaire à un
diabète insipide d’origine centrale.
En cas de diabète insipide d’origine centrale,
il n’y a pas d’élévation franche de
l’osmolalité urinaire en réponse à la
restriction hydrique.
Il convient alors
d’arrêter à temps l’épreuve de restriction
hydrique (qui doit donc être réalisée sous
surveillance en milieu hospitalier), sous
peine de voir apparaître une déshydratation
et l’hypernatrémie correspondante qui
peuvent être sévères.
En cas de polyurie secondaire à un excès
d’apports, la réponse rénale est adaptée : la
restriction hydrique devrait toujours
provoquer une élévation de l’osmolalité
urinaire.
Cependant, cette élévation est
souvent limitée en cas de polyurie chronique
du fait de la diminution de la capacité du
rein à concentrer les urines : en effet, le
gradient de concentration corticomédullaire
nécessaire pour une concentration maximale
des urines ne se rétablit pas immédiatement.
L’étude de la sécrétion d’ADH sous
restriction hydrique et celle de la réponse
rénale à la vasopressine, normales en cas de
polyurie secondaire à un excès d’apports,
peuvent alors être utiles.
3- Traitement
:
Le diabète insipide d’origine centrale peut
nécessiter le traitement substitutif par un
analogue de l’ADH (desmopressine) par
voie nasale.
Si le déficit en ADH n’est pas
total, le clofibrate (1,5 à 2 g/j, soit 3 à
4 gélules / j de Lipavlont) et la carbamazépine (200 à 600 mg/j, soit 1 à
3 comprimés/j de Tégrétolt) ont pu être
utilisés avec succès, car ils semblent
potentialiser l’effet de l’ADH.
Le diabète insipide d’origine néphrogénique
nécessite le traitement de la cause quand
celui-ci est possible.
L’association d’un
régime restreint en sel et de diurétiques thiazidiques peut diminuer la diurèse
aqueuse.
Plus récemment, les inhibiteurs de
la synthèse des prostaglandines
(indométacine, ibuprofène) ont montré leur
efficacité.
B - OLIGURIE
:
Elle est définie par une diurèse inférieure à
500 mL/j en l’absence de rétention aiguë
d’urines.
1- Physiopathologie
:
L’oligurie est toujours pathologique : le sujet
sain élimine toujours au moins 500 mL d’eau
par jour en raison de la production d’eau
endogène par le catabolisme glucidique et
de la nécessité d’éliminer la charge osmolaire.
L’oligurie est en rapport avec une
insuffisance rénale, le plus souvent aiguë.
En
effet, l’insuffisance rénale chronique
n’entraîne pas d’oligurie, mais plutôt une
polyurie osmotique, sauf en cas de
déshydratation surajoutée ou au stade
terminal nécessitant la dialyse.
L’insuffisance rénale aiguë peut être :
– fonctionnelle, secondaire à une hypovolémie efficace, soit dans un tableau
de surcharge hydrosodée conséquence de
l’hypovolémie efficace (syndrome
néphrotique, insuffisance cardiaque,
cirrhose), soit au contraire dans un tableau
de déficit sodé à l’origine de l’hypovolémie
efficace ;
– organique.
2- Diagnostic
:
Le diagnostic positif est évident, mais il
importe d’éliminer, d’une part une fausse
oligurie (le patient ne se souvient plus
d’avoir uriné) par un dosage de la créatininémie qui objective l’absence
d’insuffisance rénale, d’autre part une
rétention d’urines sur l’absence d’envie
d’uriner et de globe vésical.
En cas de doute,
une échographie vésicale montre une vessie
vide.
Le diagnostic étiologique est celui d’une
insuffisance rénale aiguë. Des urines foncées
avec un rapport urée U/P élevé (> 10), une natriurèse basse (< 15 mmol/j) avec un
rapport Na/K urinaire inférieur à 1 sont en
faveur d’une insuffisance rénale
fonctionnelle secondaire à une hypovolémie
efficace dont il importe de rechercher la
cause.
À l’opposé, des urines claires avec un
rapport urée urinaire/urée plasmatique peu
élevé (< 10), une natriurèse non bloquée
(> 15 mmol/j) avec un rapport Na/K
urinaire supérieur à 1 sont en faveur d’une
insuffisance rénale organique.