L’épidémiologie rend compte d’une relative rareté de
cette maladie.
La prévalence des anticorps anti-herpétiques dans la
population varie selon les pays, le statut socio-économique
de la population et l’âge des personnes considérées.
Les données pour une population adulte de la classe
moyenne des pays industrialisés font état de 40 à 60%
de séropositivité pour les 2e et 3e décennies de vie.
D’un autre point de vue, dans la population étudiante
réceptrice, la fréquence des séroconversions est de 10 à
15 % par an.
Le contact avec l’herpesvirus simplex est donc banal et
fréquent.
Par rapport à cette fréquence, l’encéphalite
survient dans la population à une fréquence de 1/250 000 à
1/500 000 par an.
On estime que l’encéphalite herpétique représente de 10
à 20 % des encéphalites virales.
Cette relative rareté par rapport à la fréquence de l’infection
herpétique en général peut être avancée comme
l’un des arguments en faveur de souches spécifiques
neurotropes, responsables des encéphalites.
Diagnostic :
A - Présentation clinique
:
Elle est fonction des lésions aiguës ; temporales ; rapidement
nécrotiques ; accompagnées d’une réaction inflammatoire
(oedème cérébral).
• Il s’agit d’une infection virale avec une fièvre dans
92 % des cas, sans que son importance soit spécifique.
• Il s’agit d’une encéphalite :
– altération de conscience (97 %), jusqu’au coma ;
– changement de personnalité (85 %) ;
– céphalées (81 %) ;
– vomissements (46 %) ;
– anomalies de la mémoire (24 %).
• Les lésions focalisées s’accompagnent d’une réaction
inflammatoire locorégionale :
– dysphasie (76 %) ;
– épilepsie (67 %) ;
– déficit moteur périphérique (38 %) ;
– ataxie (40 %) ;
– atteinte d’un ou plusieurs nerfs crâniens (32 %) ;
– anomalie du champ visuel (14 %) ;
– oedème papillaire (14 %).
Ces manifestations cliniques sont rarement complètes
toutes ensembles.
Par contre, l’association de plusieurs
d’entre elles est fréquente, quelle qu’elle soit.
L’intensité
de ces manifestations n’est pas un élément supplémentaire
en faveur du diagnostic, mais est un élément du
pronostic, dans le sens où cela peut refléter l’importance
des lésions.
B - Conséquences sur la composition
du liquide céphalo-rachidien :
Elles sont modérées, car l’atteinte est essentiellement,
sinon exclusivement, cérébrale.
• L’augmentation modérée de la cellulorachie, avec
des lymphocytes aboutit à une moyenne de cette cellulorachie
de 100 cellules/mm3.
• La présence de globules rouges, en dehors de toute
ponction traumatique, est un bon indicateur du phénomène
nécrotique, sans être pathognomonique de l’étiologie
herpétique.
• L’hyperprotéinorachie rend compte du phénomène
inflammatoire.
La protéinorachie se situe en moyenne
autour de 1g/L.
• La chlorurachie et la glycorachie sont de peu d’intérêt.
C - Imagerie caractéristique :
• Le scanner cérébral doit être réalisé en urgence,
mais il ne doit pas retarder la ponction lombaire.
Au début des symptômes, avant la nécrose, les images
sont le plus souvent normales.
L’intérêt de cet examen
est d’éliminer d’autres diagnostics : hémorragie, abcès,
thrombophlébite.
Après quelques jours, les images sont plus typiques,
correspondant aux lésions : hypodensité focale, le plus
souvent temporale.
Les images sont le plus souvent
multiples, mais une lésion unique est possible.
• L’imagerie par résonance magnétique (IRM) apporte
les mêmes renseignements, mais elle révèle les lésions
plus précocement.
• L’électroencéphalogramme est une imagerie indirecte
qui était, avant le scanner, le seul moyen d’objectiver
des lésions.
Les anomalies sont légèrement plus tardives
et sont le plus souvent non spécifiques : ralentissement
de l’activité électrique cérébrale, remplacement de
l’activité de fond par des ondes lambda ou delta,
symétriques ou non.
Seules les décharges périodiques
d’ondes lentes sont particulièrement en faveur de
l’étiologie herpétique.
Il ne faut en aucun cas attendre les résultats de l’électroencéphalogramme
pour décider de la réalisation
d’un scanner et de la mise en route d’un traitement
antiviral.
D - Affirmer le diagnostic d’encéphalite
herpétique :
La mise en évidence du virus ou de la réaction
du patient face au virus est le moyen d’affirmer le
diagnostic.
• Le taux d’interféron dans le liquide céphalo-rachidien
(LCR) est élevé, mais cette réaction n’est pas spécifique :
30 % des encéphalites virales, toutes causes confondues,
présentent cette anomalie.
• Le dosage des anticorps n’a d’intérêt que dans
2 circonstances :
– démonstration de la sécrétion intrathécale d’anticorps
;
– mise en évidence d’une ascension significative des
anticorps sériques, à 10 jours d’intervalle.
C’est
évidemment de peu d’intérêt pour le diagnostic rapide.
• Pour isoler le virus dans le liquide céphalorachidien,
différentes techniques peuvent être utilisées.
Les 2 techniques les plus utilisées sont la culture
du liquide céphalo-rachidien, mais le résultat en est
tardif, et la mise en évidence de l’ADN viral par PCR
(polymerase chain reaction), mais cette technique
extrêmement (trop ?) sensible donne lieu à des faux
positifs.
C’est cependant le critère péremptoire actuellement
admis pour affirmer le diagnostic d’encéphalite herpétique.
Diagnostics différentiels
:
A - Pouvant être traités :
1- Méningo-encéphalite à Listeria monocytogenes :
En principe, une méningite, plus ou moins fruste sur
le plan clinique, est présente.
L’encéphalite est plus
souvent localisée au niveau du tronc cérébral qu’au
niveau temporal.
La ponction lombaire permet de retrouver un liquide
céphalo-rachidien avec cellulorachie panachée, mais la
possibilité de lymphocytes seuls existe.
Les hémocultures
et (ou) la culture du liquide céphalo-rachidien
permettent de redresser le diagnostic.
2- Tuberculose neuroméningée :
Il s’agit la plupart du temps d’une infection à évolution
prolongée et progressive. Une hypoglycorachie importante
est évocatrice.
L’examen direct du liquide céphalorachidien à la
recherche de bacilles de Koch (BK) est peu productif.
Les cultures ne donnent leur résultat que tardivement.
La recherche de bacilles de Koch par PCR n’est encore
pas parfaitement validée.
Le diagnostic repose donc sur des arguments épidémiologiques
et cliniques (évolution progressive).
3- Neuropaludisme :
Le neuropaludisme ne peut être évoqué que dans les
suites d’un voyage en pays d’endémie.
Le diagnostic est affirmé par la mise en évidence du
Plasmodium à l’examen de la goutte épaisse ou du frottis.
4- Maladie de Lyme :
L’encéphalite est d’apparition progressive et d’évolution
chronique.
Elle est décalée par rapport aux manifestations
cutanées.
5- Neurosyphilis et neurobrucellose :
La neurosyphilis et la neurobrucellose sont devenues
plus anecdotiques.
B - Ne donnant pas lieu à traitement :
• Les autres encéphalites virales sont habituellement
bénignes : rougeole, virus d’Epstein-Barr, rubéoles,
varicelle, virus ECHO (enteric cytopathogenic human
orphan) et coxsackie sont les plus fréquentes.
• D’autres viroses, graves, sont possibles mais rares sinon
exceptionnelles dans les pays industrialisés : rage, arbovirus.
Manifestations neurologiques
liées au VIH :
Les manifestations neurologiques, dans le contexte de l’infection
par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
doivent être évoquées en fonction du contexte épidémiologique
: encéphalite à VIH, toxoplasmose, cryptococcose.
Traitement antiviral
:
Le traitement antiviral est une urgence.
Il ne doit pas
être retardé par les investigations diagnostiques quitte à
arrêter le traitement si le diagnostic apparaît manifestement
erroné.
Le seul traitement actuellement validé est celui par aciclovir
intraveineux, 15 mg/kg 3 fois/j, pendant 3 semaines.
Les traitements anticonvulsivants doivent être discutés
au cas par cas.
En cas de doute, il est possible d’adjoindre une antibiothérapie
visant Listeria monocytogenes, étiologie la plus
fréquemment évoquée dans ces circonstances, jusqu’au
diagnostic précis (amoxicilline + aminoside, ou cotrimoxazole).
Évolution :
Il est nécessaire de traiter l’encéphalite herpétique mais
malgré un traitement correct, le décès est possible (50%
en cas d’infection néonatale) et, de toutes façons, des
séquelles sont à redouter : déficits moteurs, mais surtout
troubles psychiatriques.
Il s’agit la plupart du temps de
troubles plus ou moins profonds de l’humeur (syndrome
dépressif) associés à des troubles de la mémoire, à une
psychasthénie chez l’adulte et à un retard psychomoteur
chez l’enfant.
L’importance de ces séquelles est assez imprévisible
mais est tout de même corrélée à l’importance de l’expression
clinique initiale.
L’évolution de ces troubles est longue, plusieurs mois, et
il est impossible de parler de séquelles fixées avant au
moins un an.
Prévention :
Il n’existe aucun vaccin efficace.
La prévention médicamenteuse n’a pas lieu d’être, en
dehors de la contamination au cours de l’accouchement.
Cette prévention repose sur l’identification d’un herpès
génital chez la mère en fin de grossesse.
Un tel diagnostic
établi chez la mère conduit à une césarienne et à l’interdiction
du monitorage foetal par électrodes. Si l’enfant
est né par voie basse, son traitement par aciclovir est
systématique.
Si seuls les antécédents d’herpès génital chez la mère
sont retrouvés, il est possible d’autoriser l’accouchement
par voie basse, accompagné du protocole suivant :
recherche de virus au niveau de l’endocol lors du
travail ; désinfection des voies génitales et du nouveauné
par polyvidone iodée ; aciclovir intraveineux chez le
nouveau-né si le prélèvement s’avère positif.