L’effusion uvéale ou l’effusion ciliochoroïdienne n’est pas à
considérer comme une entité clinique distincte.
Ce terme est
employé comme synonyme de décollement choroïdien ou d’oedème
de la choroïde.
La première description est probablement due à von Graefe qui, en
1858, décrit dans la discussion des premiers signes de tumeurs
intraoculaires trois patients ayant présenté un décollement rétinien
associé à un décollement choroïdien spontané.
Ces trois yeux ont
évolué vers l’atrophie.
Knapp, en 1868, aurait été, selon Fuchs le premier à reconnaître
un décollement de la choroïde après opération de la cataracte.
En 1963, Schepens et Brockhurst introduisent le terme d’effusion
uvéale pour décrire un décollement rétinien sans déchirure mais
avec un liquide sous-rétinien très mobile, associé à un décollement
choroïdien annulaire périphérique.
L’oeil atteint ne montre que des
signes discrets d’uvéite et le liquide céphalorachidien présente une
élévation du taux de protéines sans pléïocytose.
Il n’y a pas d’autres
signes neurologiques. Dans six cas sur 13, la sclère apparaît épaissie.
L’affection semble atteindre de façon préférentielle des hommes
d’âge moyen.
Brockhurst a été le premier à décrire le syndrome d’effusion uvéale
dans la nanophtalmie.
Une des caractéristiques de l’oeil nanophtalme est l’important épaississement de la sclère.
Ses
observations, ainsi que la description par Bill et Phillips en 1971 de l’importance de la voie uvéosclérale pour le drainage de
l’humeur aqueuse, ont permis de mieux comprendre le rôle
important de la sclérotique dans de nombreux cas d’effusion uvéale
et de suggérer des moyens thérapeutiques appropriés.
Rappel anatomique et physiologique
:
Le corps ciliaire et la choroïde sont attachés à la sclérotique et cette
adhésion est surtout dense dans la partie postérieure, moins dense
au niveau de l’ora serrata, et quasi inexistante au niveau du corps
ciliaire.
La choroïde est ancrée à la sclérotique au niveau du nerf
optique et au niveau des veines vortiqueuses à l’équateur.
Ceci
explique l’aspect lobulé de l’effusion uvéale.
Comme le corps
ciliaire n’a aucun ancrage avec la sclère, sauf au niveau de l’éperon
scléral et où les artères ciliaires antérieures pénètrent la sclère, la
distribution du transsudat se fait de façon homogène dans l’espace
supraciliaire, donnant un aspect annulaire.
La tension normale dans l’espace suprachoroïdien est inférieure de
1 à 2 mmHg à la tension oculaire.
En revanche, la tension au niveau suprachoroïdien est plus élevée que la pression atmosphérique.
La
choroïde et le corps ciliaire sont maintenus en place en partie par
cette différence de tension.
En l’absence de transport actif dans le
sens opposé, une différence de pression hydrostatique provoque un
déplacement de liquide entre les deux, et dans ce cas précis donc en
direction de la sclérotique.
Déjà, en 1965, Bill suggérait que le décollement séreux de la choroïde
pouvait être la conséquence d’un problème d’évacuation du liquide suprachoroïdien par la voie transsclérale.
L’espace suprachoroïdien joue un rôle dans le drainage de l’humeur
aqueuse.
L’importance de la voie uvéosclérale a été démontrée aussi
bien chez l’animal que chez l’homme.
Bill et Phillips ont injecté de l’albumine marquée à l’iode 131 dans
la chambre antérieure d’yeux devant être énucléés et ont démontré
le passage de l’albumine marquée dans l’iris, le corps ciliaire,
l’espace suprachoroïdien et la sclère.
Dans l’oeil humain, 20 % de
l’humeur aqueuse passerait par cette route.
L’évacuation extraoculaire du liquide par la voie uvéosclérale se fait à travers la
sclérotique, en partie à travers le tissu conjonctif entourant les
émissaires.
La sclère laisse également directement passer l’albumine,
le dextran et les gammaglobulines.
Cette porosité
physiologique de la sclère est probablement importante dans le
maintien de l’équilibre tensionnel.
Pathophysiologie
:
Plusieurs facteurs peuvent contribuer, souvent de façon combinée,
au déclenchement d’une effusion uvéale.
Il s’agit de l’hypotonie
oculaire, de l’inflammation, d’une atteinte vasculaire choroïdienne
ou d’une modification de la porosité de la sclérotique.
A - RÔLE DE L’HYPOTONIE :
Le décollement ciliochoroïdien est loin d’être exceptionnel après
opération pour glaucome ou après une intervention pour
décollement rétinien.
Swyers a examiné le fond d’oeil immédiatement après l’extraction
de cataracte chez 20 patients.
Dans 14 cas, il observe un décollement
choroïdien manifeste, et dans quatre cas, un décollement probable.
Seuls deux cas ne présentaient pas de décollement choroïdien.
Les
observations de Swyers n’ont pas été confirmées par Jaffe et al
qui ont plutôt noté un aspect ressemblant à une indentation sclérale.
Il s’agissait, selon eux, de plis choroïdiens dus à l’hypotonie, plutôt
que d’un véritable décollement choroïdien, qui lui peut apparaître
tardivement si la plaie n’est pas étanche.
Le risque de décollement ciliochoroïdien après opération de
décollement de la rétine augmente si le liquide sous-rétinien est
évacué.
Par ailleurs, le décollement ciliochoroïdien peut
provoquer ou aggraver une hypotonie oculaire, entraînant un cercle
vicieux.
La cyclodialyse expérimentale chez le singe augmente le
passage uvéoscléral d’un facteur 4.
Dans les cas traumatiques, la
suture du corps ciliaire peut normaliser la tension oculaire.
L’hypotonie oculaire secondaire n’est pas la conséquence d’une
inhibition de la production de l’humeur aqueuse.
Le débit de celle-ci
n’est pas diminué dans les cas de décollement choroïdien, provoqué
par l’injection de sérum dans l’espace suprachoroïdien.
Par ailleurs,
comme il est possible de démontrer dans de tels cas la présence de
sang dans le canal de Schlemm, on peut en conclure que l’évacuation
par les routes conventionnelles n’est pas augmentée.
B - RÔLE DE L’INFLAMMATION :
Les études expérimentales suggèrent que l’hypotonie n’est pas
suffisante pour provoquer un décollement ciliochoroïdien.
Il faut y
ajouter un traumatisme chirurgical, qui peut d’ailleurs avoir une
influence sur la localisation du décollement choroïdien.
L’inflammation s’accompagne de vasodilatation et d’exsudation
dans l’espace suprachoroïdien.
Des cas d’effusion uvéale spontanée ont été décrits chez des patients
atteints d’uvéite, mais bien entendu également chez des
patients atteints de sclérite ou d’épisclérite.
La régression
rapide de l’effusion uvéale après décollement rétinien sous
corticothérapie serait un argument en faveur du rôle de
l’inflammation.
C - FACTEURS VASCULAIRES :
Packer et al ont signalé la fréquence accrue de décollement
ciliochoroïdien postopératoire chez la personne âgée.
L’association
d’un décollement choroïdien et d’un décollement rétinien rhegmatogène est plus fréquente chez les personnes âgées, chez les
myopes, ou les yeux déjà opérés.
Ceci suggère l’importance de
l’état vasculaire de la choroïde.
Ce rôle joue probablement également
au niveau des veines vortiqueuses.
Tant les études expérimentales
que cliniques soulignent le rapport entre l’atteinte des vortiqueuses
lors de l’opération de décollement de rétine et la survenue d’un
décollement ciliochoroïdien.
Dans une étude sur une série de
1 500 opérations de décollement de rétine, l’incidence du
décollement ciliochoroïdien passe de 22 % si les vortiqueuses n’ont
pas été atteintes lors de l’intervention à 73 % si deux vortiqueuses
ont été traumatisées.
La présence d’anomalies congénitales ou
acquises du réseau vortiqueux pourrait jouer un rôle dans la genèse
de l’effusion uvéale.
L’effusion uvéale peut être la conséquence de sclérite, et il se peut
que, outre l’atteinte sclérale, l’inflammation des vortiqueuses ait une
responsabilité.
L’élévation de la pression veineuse épisclérale serait un autre
élément.
Celle-ci augmente encore la différence de pression à travers
la membrane capillaire de la choroïde lorsque la tension
intraoculaire chute à zéro lors d’une intervention.
La pression intracapillaire accrue provoque une transsudation des
compartiments intravasculaires à l’espace extravasculaire.
L’obstruction vasculaire pourrait être la cause du décollement ciliochoroïdien dans les fistules carotidocaverneuses.
La
myopie transitoire et les modifications de la profondeur de la
chambre antérieure après photocoagulation panrétinienne sont la
conséquence d’un décollement ciliochoroïdien, éventuellement dû à
une occlusion vasculaire choroïdienne.
Néanmoins, ici
également, l’inflammation, induite par la photocoagulation,
provoque une perméabilité accrue de la choriocapillaire.
L’obstruction du réseau veineux choroïdien n’est probablement pas
suffisante pour provoquer un syndrome d’effusion uvéale.
Hayreh et Baines n’ont pas observé de décollement de la choroïde
après l’occlusion expérimentale de vortiqueuses chez le singe, sauf
dans les cas où l’occlusion de toutes les vortiqueuses s’accompagnait
d’une hypotonie marquée et menait à la dégénérescence de l’oeil.
D’autres perturbations d’ordre hydrodynamique peuvent être la
cause d’un décollement ciliochoroïdien, telles qu’une manoeuvre de
Valsalva.
Des modifications osmotiques pourraient être la base d’effusions
uvéales, observées dans les maladies rénales ou dans
l’hypoprotéinémie.
D - RÔLE DE LA SCLÉROTIQUE :
Schepens et Brockhurst signalent que sur les 13 yeux présentant
un syndrome d’effusion uvéale et qu’ils ont opérés, six présentaient
une sclérotique fortement épaissie.
Forrester et al ont examiné la sclérotique de quatre yeux chez des
patients âgés de plus de 60 ans, atteints d’effusion uvéale.
Chez trois
d’entre eux, l’oeil avait été énucléé pour suspicion de mélanome
malin.
La sclère était macroscopiquement épaissie dans deux des
trois yeux énucléés et d’épaisseur normale dans le troisième.
La
pièce de tissu scléral, réséquée dans le quatrième cas, avait une
épaisseur de une fois et demie celle d’une sclérotique normale.
Dans
ces quatre cas, les auteurs ont démontré l’accumulation de glycosaminoglycanes dans la sclérotique.
Il s’agissait essentiellement
de protéo-dermatan-sulfate, avec une contribution moins prononcée
de protéo-chondroïtine-sulfate.
Les fibres collagéniques étaient
épaissies en microscopie électronique.
Ward et al ont également décrit la présence de dépôts ressemblant
à des glycosaminoglycanes dans un cas d’effusion uvéale spontanée
avec sclérotique épaisse.
Dans un cas de syndrome de Hunter compliqué d’effusion uvéale,
la sclérotique avait une épaisseur de 2,5 mm, due à des dépôts de mucopolysaccharides dans la sclérotique.
Brockhurst a été le premier à décrire l’effusion uvéale dans la
nanophtalmie.
L’une des caractéristiques de la nanophtalmie est
l’épaississement de la sclérotique.
Trelstad et al ne trouvent pas de différences marquées entre le
collagène scléral du nanophthalme et du sujet de contrôle, hormis la
présence de matériel fibrogranulaire entre les fibres.
En revanche, Yue et al notent que le diamètre des fibres collagènes est plus
variable que dans la sclère normale.
Les mêmes auteurs notent une
réduction des glycosaminoglycanes, et dans une étude ultérieure,
une augmentation de la fibronectine.
Kawamura et al suggèrent qu’une augmentation ou une
distribution anormale de kératansulfate contribueraient aux
anomalies du collagène.
Stewart et al étudient la sclère de dix patients nanophtalmiques
atteints d’effusion uvéale.
Cette sclère a été prélevée à l’occasion
d’une sclérotomie.
La microscopie optique ne montre pas de
différences avec la sclère normale.
Chez sept des dix patients,
néanmoins, ces auteurs notent en microscopie électronique une
variabilité très marquée du diamètre des fibrilles, pouvant varier de
30 à 320 nm.
Chez quatre patients, les fibrilles étaient effilochées à
leur extrémité en des fragments de 2 à 3 nm.
Chez trois de ces
patients, et chez trois autres, ils observent des zones avec des
fibrilles collagéniques très fines d’un diamètre de 10 à 35 nm.
Ils
soulignent que les yeux nanophtalmes les plus prononcés
présentaient également les modifications les plus importantes du
collagène, les trois yeux avec une longueur axiale la plus élevée du
groupe (de 19,2 à 20,3 nm) présentaient un collagène normal.
Shiono et al ont examiné morphologiquement et en tissu de
culture la sclérotique prélevée lors d’une sclérectomie chez un
patient nanophtalme.
La sclère était épaissie.
Les sclérocytes, cultivés
en laboratoire, sécrétaient des granules qui se coloraient aussi bien
au bleu alcian qu’au PAS (periodic acid Schiff).
Ils en concluent que
les sclérocytes de l’oeil nanophtalme sont à la base d’un métabolisme
modifié des glycosaminoglycanes dans leur cas.
L’effusion uvéale comme complication d’une sclérite est connue
depuis 1935 et a depuis lors été décrite à de nombreuses
reprises.
Dans de tels cas, la sclérotique est fortement épaissie et
exceptionnellement calcifiée.
En fait, toutes ces études indiquent un rôle important de la
sclérotique dans la genèse de l’effusion uvéale, et en particulier une
atteinte du métabolisme des fibroblastes de la sclère.
De ce fait, la
voie uvéosclérale de drainage est compromise.
Ceci provoque une
augmentation de la pression au niveau des veines choroïdiennes,
menant à une transsudation excessive des vaisseaux choroïdiens.
Du
fait de l’augmentation de la résistance à la diffusion transsclérale du
liquide riche en protéines, la pression osmotique colloïdale du tissu
est augmentée.
L’effusion uvéale, comme nous l’avons déjà mentionné
précédemment, n’est pas à considérer comme une entité spécifique.
Plusieurs mécanismes peuvent jouer un rôle.
Classification étiologique
:
A - EFFUSION UVÉALE POST-TRAUMATIQUE :
– Traumatisme non chirurgical.
– Traumatisme chirurgical :
– après opération de cataracte ;
– après opération pour glaucome ;
– après opération pour décollement rétinien ou vitrectomie ;
– après photocoagulation panrétinienne ;
– iridotomie ou trabéculoplastie chez l’oeil nanophtalme.
B - EFFUSION UVÉALE NON TRAUMATIQUE
:
– Associée à un décollement rhegmatogène.
– Associée à une uvéite :
– uvéite intermédiaire ;
– uvéite syphilitique ;
– infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ;
Le diagnostic de décollement choroïdien est en général aisé lorsque
cette complication survient après une intervention chirurgicale.
Dans
certains cas, une effusion massive survient comme une complication
majeure durant l’intervention.
Elle est alors à rapprocher de
l’hémorragie expulsive.
Comme cette dernière, elle se rencontre plus
fréquemment dans l’athérosclérose, l’hypertension artérielle et la
décompression oculaire brutale.
Dans la majorité des cas, le diagnostic de décollement ciliochoroïdien se pose 24 à 48 heures après l’intervention.
La
chambre antérieure est étroite, bien que l’étanchéité de la plaie soit
confirmée par la négativité du phénomène de Seidel.
La baisse de la
tension oculaire est un signe quasi constant.
À l’ophtalmoscopie, on
note une masse sombre élevée, dans un ou plusieurs quadrants.
Néanmoins, le décollement peut parfois être discret. Un signe
typique est la visibilité de l’ora serrata et de la pars plana, sans qu’il
soit nécessaire d’appliquer une indentation.
Ceci est la signature du
décollement du corps ciliaire.
Sur des yeux récemment opérés, ce
signe n’est pas souvent recherché.
Si l’hypotonie est prolongée et
importante, la région maculaire peut présenter des plis rétiniens et
la papille est oedématiée.
Si l’hypotonie se prolonge, les altérations maculaires risquent de devenir irréversibles.
Le décollement ciliochoroïdien régresse en général de façon spontanée.
Ceci
s’accompagne d’une normalisation de la tension oculaire et de la
profondeur de la chambre antérieure.
Si, néanmoins, la chambre
antérieure ne se reforme pas, des synéchies se forment, menant à un
glaucome secondaire.
Un contact prolongé du cristallin avec
l’endothélium cornéen provoque une décompensation de la cornée.
Nous reviendrons plus loin sur le problème de l’effusion uvéale
survenant après intervention sur des yeux nanophtalmes.
B - SYNDROME D’EFFUSION UVÉALE :
Sauf dans les cas de sclérite, les signes inflammatoires sont soit
discrets, soit absents.
Les vaisseaux épiscléraux sont, dans certains
cas, fortement dilatés.
Les signes les plus importants au
niveau du segment antérieur sont les modifications de profondeur
de la chambre antérieure.
La biomicroscopie ultrasonique peut
démontrer une bascule des procès ciliaires provoquant un aspect
d’iris plateau.
Bien que l’effusion uvéale soit en général associée
à de l’hypotonie, cette rotation antérieure du corps ciliaire peut
provoquer une crise de glaucome par fermeture de l’angle.
Le
déplacement vers l’avant du cristallin peut induire une myopie
acquise, qui régresse lorsque la chambre antérieure se normalise.
Dans les cas débutants d’effusion uvéale, un soulèvement discret de
la choroïde est visible, en général à l’extrême périphérie.
Le fait que
l’ora serrata soit visible au verre à trois miroirs, sans indentation, est
un signe manifeste de décollement ciliochoroïdien, qui est
présent même dans les cas débutants ou peu manifestes.
Le décollement périphérique a une surface homogène et convexe.
Sa couleur est gris brun, et du fait de cet aspect, le
diagnostic différentiel avec un mélanome annulaire doit être posé.
Le décollement ciliochoroïdien peut être plus prononcé dans un
quadrant.
Il peut évoluer vers le pôle postérieur.
Le
décollement choroïdien s’accompagne d’un décollement exsudatif sous-rétinien très mobile.
L’examen du liquide sous-rétinien
indique que la concentration de protéines (surtout de l’albumine)
peut être trois fois plus élevée que celle du sérum.
Ceci provoque
des modifications du décollement rétinien en fonction de la position
de la tête (shifting subretinal fluid).
Le décollement rétinien associé
peut être tellement important qu’il peut être visible derrière le
cristallin.
Du fait du décollement exsudatif rétinien prolongé, des altérations
de l’épithélium pigmentaire apparaissent sous forme de taches en
« peau de léopard ».
Il est probable que l’exsudat sousrétinien,
très mobile et riche en protéines, provoque une
augmentation de la phagocytose, de la prolifération et de l’activité
migratoire des cellules de l’épithélium pigmentaire.
Les taches en
peau de léopard correspondraient à des proliférations de
l’épithélium pigmentaire.
C - NANOPHTALMIE :
Bien que la nanophtalmie soit rare, cette affection mérite une
attention particulière du fait de la fréquence de l’effusion uvéale et
de risques majeurs que comporte toute chirurgie dans ces cas.
L’oeil nanophtalmique est caractérisé par une longueur axiale de moins de 20 mm et une hypermétropie élevée (variant entre +7 et
+20), une chambre antérieure peu profonde, une convexité marquée
de l’iris, et une sclérotique fortement épaissie.
Comme nous l’avons déjà vu, les fibres de collagène et les
fibroblastes de la sclère sont anormaux, et ceci expliquerait les
modifications de la perméabilité de la sclérotique et donc l’incidence
accrue d’effusion uvéale spontanée.
Ces yeux présentent un risque
de crises de glaucome par fermeture d’angle.
Les interventions pour
glaucome ou pour cataracte, pratiquées sur de tels yeux, peuvent se
terminer dramatiquement par un décollement exsudatif total.
Dans
la série de Singh et al, seulement trois yeux nanophtalmiques sur
six opérés de cataracte ont obtenu une amélioration de vision.
Dans
cette même série, 13 des 15 yeux qui ont subi une intervention fistulisante ont noté une baisse importante de la vision après
l’intervention.
Dans la mesure du possible, il faut éviter l’opération
et préférer un traitement au laser.
Néanmoins, des cas d’effusion
uvéale ont été décrits après iridotomie au laser YAG, ainsi
qu’après une trabéculoplastie au laser.
Si une intervention est
inévitable, il est à conseiller de la faire précéder par une ou plusieurs sclérectomies.
Examens diagnostiques
:
A - DIAPHANOSCOPIE
:
Cet examen, souvent oublié, permet de différencier un décollement ciliochoroïdien d’un mélanome choroïdien ou d’une autre tumeur
solide.
La transillumination du décollement choroïdien provoque un
reflet exagéré au niveau de la sclère.
Ce reflet correspond à la zone
de décollement et a été décrit pour la première fois par Hagen.
B - FLUOROANGIOGRAPHIE :
Elle n’indique aucune diffusion pathologique au niveau du
décollement.
Elle peut dans certains cas montrer des retards de
remplissage de la choroïde et souligne l’étendue des lésions
pigmentaires en peau de léopard après résorption du liquide sousrétinien.
En cas de doute, elle permet de différencier
l’effusion uvéale de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada ou de
l’épithéliopathie pigmentaire diffuse.
C - ANGIOGRAPHIE AU VERT D’INDOCYANINE :
Bien que cet examen doive nous apporter des renseignements
concernant l’état vasculaire choroïdien, l’angiographie au vert
d’indocyanine est d’un intérêt diagnostique limité dans l’effusion
uvéale.
Elle montre un retard de remplissage de la choroïde, tandis
que la zone de décollement choroïdien reste hypofluorescente.
D - ÉCHOGRAPHIE :
Avec la diaphanoscopie, l’échographie est probablement l’examen
complémentaire le plus important dans le diagnostic d’effusion
uvéale.
L’échographie A est caractérisée par des échos élevés et une zone silencieuse correspondant à l’espace sous-choroïdien.
La
choroïde est épaissie, même aux endroits où elle n’est pas décollée.
L’échographie B permet de mieux localiser la zone de
décollement.
Cet examen ne permet pas de détecter un
épaississement de la sclérotique.
Cet examen exclut la présence
d’une lésion tumorale et permet de mieux parvenir au diagnostic
lorsque le fond d’oeil est difficilement explorable.
E - BIOMICROSCOPIE ULTRASONIQUE
:
Elle permet d’objectiver les modifications de l’angle camérulaire
dans des cas d’effusion uvéale.
Cet examen est plus sensible que
l’échographie B et que l’ophtalmoscopie pour détecter un
décollement choroïdien qui n’est pas encore cliniquement évident.
F - TOMODENSITOMÉTRIE COMPUTÉRISÉE
ET RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
:
Ces examens peuvent avoir leur utilité dans la localisation et le
diagnostic différentiel du décollement choroïdien.
Dans le décollement choroïdien inflammatoire, la tomodensitométrie computérisée accentue la sclère et l’uvée, qui apparaissent sous la
forme d’un anneau.
Ces examens permettent également d’apprécier l’épaisseur de la
sclérotique.
G - ÉLECTROPHYSIOLOGIE :
Aussi bien l’ERG (électrorétinogramme) que l’EOG (électrooculogramme)
n’ont que peu de valeur diagnostique dans l’effusion
uvéale.
Ces examens confirment néanmoins l’état fonctionnel de la
rétine et de l’épithélium pigmentaire.
C’est ainsi que l’EOG peut
être éteint dans les cas de décollement ciliochoroïdien très étendu,
et remonter à des valeurs quasi normales après guérison. Les
valeurs électrophysiologiques peuvent rester subnormales après
guérison.
H - LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN :
Dans les cas d’effusion uvéale, Schepens et Brockhurst ont trouvé
une élévation de la tension du liquide céphalorachidien, ainsi qu’une
élévation des protéines sans pléiocytose malgré l’absence de signes
neurologiques.
Il est néanmoins à remarquer que cette étude date
de 1963, donc avant l’introduction de l’angiographie fluorescéinique,
et qu’il n’est pas exclu que certains cas soient non pas des cas
d’effusion uvéale mais des cas d’épithéliopathie pigmentaire diffuse,
ou bien de maladie d’Harada.
Il est assez remarquable de noter que
seuls neuf des 30 yeux présentaient un décollement choroïdien dans
la périphérie du fond d’oeil, peut-être en raison de l’absence
d’échographie.
Diagnostic différentiel
:
A - MÉLANOME MALIN OU MÉTASTASE CHOROÏDIENNE :
Ceci est probablement le diagnostic différentiel le plus fréquemment
posé.
De nombreux yeux atteints de décollement choroïdien ont été
énucléés pour suspicion de mélanome malin.
Dans la série de
Ferry, sur 100 yeux énucléés à tort pour un mélanome malin, sept
présentaient un décollement choroïdien. Shields et Shields, dans une série de 400 yeux qui leur avait été
adressés avec le diagnostic de mélanome malin, trouvent un
décollement choroïdien dans 12 yeux et une effusion uvéale dans
quatre.
L’erreur peut être inverse. Shields et al décrivent un
cas de mélanome malin multilobulé ressemblant à un décollement
ciliochoroïdien, observé après opération de cataracte.
Comme la
lésion ne régresse pas, 6 semaines après l’opération, une biopsie et
un test au P32 ont été réalisés et ont confirmé la nature tumorale de
la lésion.
B - LEUCÉMIE OU LYMPHOME :
L’aspect en peau de léopard que l’on retrouve dans l’effusion uvéale
peut également être retrouvé dans l’atteinte leucémique de la
choroïde ou dans le lymphome.
Ces cas, également, peuvent
s’accompagner de décollement séreux, mais tandis que dans
l’effusion uvéale il est relativement rare d’observer des signes de
diffusion à la fluoroangiographie, ceux-ci peuvent être importants
dans l’invasion leucémique de la choroïde.
En général, l’évolution
des signes cliniques est également plus rapide dans la leucémie.
Le
lymphome oculaire est de diagnostic plus difficile.
Mais, au contraire
de l’effusion uvéale qui s’accompagne d’un décollement ciliaire,
celui-ci est fréquemment absent dans la leucémie ou le lymphome.
C - SYNDROMES PARANÉOPLASIQUES
(PROLIFÉRATION BILATÉRALE DIFFUSE
DES MÉLANOCYTES UVÉAUX)
:
Ce syndrome, quand même exceptionnel, s’accompagne de
décollements séreux et de l’apparition de taches rouges, rondes ou
ovales, au niveau de l’épithélium pigmentaire du pôle postérieur,
d’un épaississement choroïdien produit par une prolifération des
mélanocytes uvéaux, d’un décollement exsudatif et d’une cataracte
rapidement progressive.
Le carcinome primaire est souvent ovarien
pour la femme et pulmonaire ou pancréatique pour l’homme.
D - ÉPITHÉLIOPATHIE PIGMENTAIRE DIFFUSE :
Gass, en 1973, décrit un décollement rétinien exsudatif chez des
hommes d’âge moyen atteints de choriorétinite séreuse centrale.
Les deux affections, l’effusion uvéale et l’épithéliopathie rétinienne
diffuse, ont plusieurs caractéristiques communes.
Elles sont
fréquemment bilatérales, atteignent les hommes d’âge moyen, et ne
réagissent pas ou mal à la corticothérapie.
Le décollement rétinien
associé est inférieur.
En revanche, le vitré ne montre pas de signes
inflammatoires dans l’épithéliopathie pigmentaire diffuse, et cette
affection se caractérise en fluoroangiographie par des signes de
diffusion localisée, accompagnés d’altérations pigmentaires,
fréquemment sous forme de queue de comète.
Enfin,
l’épithéliopathie pigmentaire diffuse ne s’accompagne pas de
décollement ciliaire.
Il est donc impossible d’observer la pars plana
sans indentation sclérale.
E - MALADIE DE HARADA :
Bien que la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada puisse
s’accompagner de décollement ciliochoroïdien et soit considérée par
certains comme une forme d’effusion uvéale, il est préférable de
séparer ces deux entités.
Comme l’effusion uvéale, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada peut s’accompagner d’une élévation des
protéines dans le liquide céphalorachidien, mais est ici associée à
une pléiocytose.
Les signes d’uvéite sont souvent plus marqués dans
la maladie de Harada que dans le syndrome d’effusion uvéale.
Mais
c’est surtout la fluoroangiographie qui permet de différencier les
deux affections.
Dans le stade aigu, la maladie de Harada présente
une diffusion marquée, formant de véritables lacs sous-rétiniens,
tandis que la fluoroangiographie est muette dans les cas d’effusion
uvéale.
F - DÉCOLLEMENT RÉTINIEN RHEGMATOGÈNE :
L’aspect variable du décollement rétinien et la haute mobilité du
liquide sous-rétinien caractérisent l’effusion uvéale, le différenciant
aisément du décollement rétinien rhegmatogène.
Néanmoins, un
décollement rétinien rhegmatogène peut être accompagné de
décollement choroïdien.
Il est crucial de poser le diagnostic
correct, car dans l’effusion uvéale, un cerclage, une indentation, ou
même des coagulations périphériques peuvent avoir un effet
désastreux.
Traitement
:
Le traitement de l’effusion uvéale dépend de son étiologie.
A - DÉCOLLEMENT CILIOCHOROÏDIEN TRAUMATIQUE
:
Si un décollement choroïdien survient durant une intervention
chirurgicale, cette complication doit être traitée comme une
hémorragie expulsive.
La plaie est fermée afin que l’oeil soit étanche
et que la normalisation de la tension stabilise ou fasse régresser
l’exsudation.
Si nécessaire, ceci est suivi, lors de la même séance
opératoire ou quelques jours plus tard, d’une vitrectomie avec
sclérotomie et drainage du liquide sous-rétinien.
Si le décollement ciliochoroïdien est apparent après l’intervention,
une attitude d’observation est souvent suffisante, sauf en présence
d’une plaie insuffisamment étanche, de cyclodialyse ou de
fistulisation excessive.
Dans ce dernier cas, une lentille de contactbandage
peut donner d’excellents résultats.
Si la plaie est bien fermée, que la fistule est suffisamment contrôlée,
mais que la chambre antérieure ne s’est pas encore reformée après 1 semaine, il y a risque de complications irréversibles, dues au
contact du cristallin avec l’endothélium cornéen, donc risque de
décompensation cornéenne et de bloc pupillaire.
Il devient urgent
d’évacuer le liquide sous-rétinien en faisant une sclérotomie à
l’endroit où l’échographie indique l’accumulation la plus importante
de liquide sous-rétinien.
Cette évacuation doit se faire
progressivement et s’accompagne d’injection d’hyaluronate de
sodium dans la chambre antérieure.
Parfois, il est nécessaire de
déprimer la lèvre de la sclérotomie afin d’améliorer l’évacuation.
En
fin d’intervention, l’incision sclérale est laissée ouverte, afin qu’elle
puisse encore partiellement drainer après l’intervention.
B - EFFUSION UVÉALE SPONTANÉE :
L’utilité des corticostéroïdes dans le traitement de l’effusion uvéale
est douteuse.
Dans certains de nos cas, nous avons eu
l’impression que la corticothérapie a permis une certaine résorption
de l’effusion uvéale ; dans d’autres cas, la corticothérapie n’a pas pu
prévenir l’évolution vers un décollement total.
La corticothérapie calme les signes d’uvéite, mais n’a pas
nécessairement une grande influence sur l’effusion uvéale que
celle-ci a provoquée.
Des sclérotomies, telles qu’elles peuvent être effectives dans les cas
de décollement ciliochoroïdien postopératoire, n’ont qu’un effet
temporaire si la cause est située au niveau de la sclère.
Un de nos
patients a subi à deux reprises de simples sclérotomies avec
évacuation du liquide sous-rétinien.
À deux reprises le liquide s’est
reformé après quelques semaines. Oosterhuis était d’avis que l’effusion uvéale était due à
l’obstruction des vortiqueuses au niveau de la sclère.
Il a observé
une résorption totale de l’effusion uvéale dans un cas où il avait
disséqué soigneusement les vortiqueuses dans leur trajet scléral.
Ce
traitement apparaît effectif dans les yeux nanophtalmes, atteints
d’effusion uvéale.
Gass et Jallow ont essayé également cette technique qui est
techniquement délicate.
Ils obtiennent des résultats favorables bien
que dans deux cas ils aient lésé au moins deux vortiqueuses.
Pour Gass, donc, ce ne serait pas l’amélioration de la circulation veineuse
qui apporterait la guérison mais bien le drainage transscléral du
liquide suprachoroïdien.
Pour tester cette hypothèse, ils font une sclérectomie lamellaire dans chaque quadrant, au niveau de
l’équateur, associée à une sclérostomie au centre de chaque
sclérectomie.
Ils obtiennent le même résultat favorable avec cette
technique.
Ce résultat est confirmé dans un cas d’effusion uvéale
dans une maladie de Hunter et est repris par de nombreux
auteurs avec parfois quelques modifications : pars plana vitrectomie et drainage interne du liquide sous-rétinien et échange
fluide-gaz, injection d’air dans le vitré lors de l’évacuation,
emploi topique de mitomycine C.
Dans la série de Johnson et Gass, sur 23 yeux atteints d’effusion
uvéale, 20 ont bien réagi à une seule intervention et trois yeux ont
dû être opérés au moins deux fois.
La seconde fois, l’intervention
consistait en l’excision du tissu cicatriciel et la réouverture ou
l’agrandissement de la sclérostomie.
Dans un oeil, des sclérostomies
additionnelles ont été réalisées.
En moyenne, la résorption du liquide sous-rétinien a pris 2 à 8 mois.
Il peut y avoir un risque de récidive par du tissu cicatriciel.
Nous
avons observé une récidive d’effusion uvéale 4 ans après la première
intervention.
Celle-ci a été à nouveau traitée par deux sclérectomies
inférieures avec bon résultat.
Bien que Gass et Jallow
conseillent de placer les sclérectomies juste avant l’équateur, d’autres
recommandent une sclérectomie en V, située au niveau de la pars
plana, afin d’éviter l’incarcération de la rétine.
Comme nous l’avons déjà vu, les résultats de chirurgie intraoculaire
dans les cas de nanophtalmie sont déplorables.
Autant que possible,
celle-ci doit être évitée.
Bien que l’effusion uvéale puisse survenir
spontanément, ou exceptionnellement après un traitement au laser,
le traitement au laser est à préférer à l’ouverture du globe.
S’il faut
passer à une intervention fistulisante ou à une extraction de
cataracte, une sclérectomie préalable ou simultanée est
indispensable.