L’eczéma de contact partage avec tous les autres
eczémas, dont la dermatite atopique, des particularités
cliniques et histologiques qui définissent le syndrome
d’eczéma.
Étiologie
:
Les causes de l’eczéma de contact sont aussi variées que
le nombre d’allergènes de contact et on connaît près de
4 000 molécules qui entrent dans cette catégorie.
A - Contacts aux métaux
:
Le nickel est la première cause d’eczéma de contact
chez les femmes.
Plus de 10 % d’entre elles sont allergiques
au métal ou à ses sels relargués par les bijoux
fantaisie ou les accessoires vestimentaires.
L’exposition
au nickel peut également être professionnelle (peinture,
métallurgie).
Les chromates présents dans le ciment,
les cuirs tannés au chrome, certaines eaux de Javel sont, eux, la première cause d’eczéma de contact chez l’homme.
La sensibilisation au chrome survient habituellement
dans un contexte professionnel.
Il faut encore citer le
cobalt (ciment, peintures, objets nickelés) et les mercuriels.
L’alimentation est une source d’exposition notable au
nickel et à d’autres métaux, ce qui peut poser des
problèmes thérapeutiques.
B - Contacts aux cosmétiques
et aux produits d’hygiène
:
Ils sont extrêmement fréquents et sont dominés par les
allergies aux parfums (fragrances, baume du Pérou) et
aux conservateurs (parabens, formaldéhyde, Irgasan,
Kathon CG, Euxyl K400…).
La lanoline et le propylèneglycol
sont deux excipients souvent mis en cause.
Parmi
les émulsifiants, on assiste à une émergence du rôle de la cocamidopropyl-bétaïne.
Les antiseptiques présents
dans ces produits peuvent être également responsables
(chlorhexidine, chlorure de benzalkonium).
Les allergies
aux teintures capillaires sont surtout le fait des colorants
comme la paraphénylène diamine ou des phénols
stabilisant la couleur (résorcinol, hydroquinones).
Les
vernis à ongle, les faux ongles collés (colle cyanocrylate)
ou modelés (méthacrylate) et à un moindre degré les
dépilatoires (acide thioglycolique), les déodorants, les
dentifrices sont également à l’origine d’eczémas de
contact.
Les produits cosmétiques hypo-allergéniques sont composés
de constituants ne figurant pas sur la liste des
allergènes potentiels et dont les tests prophétiques ou
d’usage ne font pas apparaître plus de 0,1 % d’intolérance
allergique.
C - Contacts médicamenteux
:
Ils concernent les professionnels de la santé et les
patients.
Ce n’est parfois pas le produit actif mais un
conservateur ou le véhicule qui est responsable de la
sensibilisation.
De nombreux produits sont incriminés
au premier rang desquels on retrouve des cicatrisants
comme le baume du Pérou, des antibiotiques (néomycine,
sulfamides…), les antiseptiques mercuriels, des anesthésiques
locaux et des antihistaminiques (Parfenac…).
Parmi les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le kétoprofène
(Kétum) est à lui seul responsable actuellement
d’une véritable épidémie.
La sensibilisation aux dermocorticoïdes
pose, quant à elle, un problème dans la prise en charge thérapeutique des eczémas de contact et doit
être évoquée devant un eczéma qui s’aggrave sous
traitement.
L’existence d’une sensation de picotement
ou de brûlure qui persiste plus de quelques minutes
après l’application du corticoïde et oblige parfois au
lavage du produit doit attirer l’attention dans ce sens.
Le
recours à un corticoïde d’un autre groupe est en général
possible.
Enfin, les pansements et les sparadraps
donnent également d’importantes réactions allergiques.
D - Contacts vestimentaires
:
Pour les tissus, les fibres textiles naturelles ou synthétiques
sont exceptionnellement allergisantes et le problème
est surtout celui des apprêts infroissables formolés
(dans les vêtements neufs) et des colorants azoïques.
Les allergènes des vêtements et chaussures en cuir sont
le chrome (tannage), les colles et les colorants.
En plus
du latex, de nombreux accélérateurs et antioxydants
entrant dans l’élaboration des caoutchoucs sont la cause
des eczémas de contact aux élastiques des sous-vêtements,
chaussettes et bottes.
E - Contacts aux plantes et aux aliments
:
En Europe, c’est l’allergie à la primevère (primine) qui
est la plus fréquente et peut se manifester comme un
eczéma aéroporté localisé au visage.
Cette atteinte est
aussi observée avec les lactones sesquiterpéniques
présentes dans la mousse de chêne et dans certaines
plantes de la famille des composées.
Le maniement des
bulbes de tulipe, des queues d’artichaut, de nombreuses
épices et de zestes d’orange est responsable d’une atteinte
des mains, mais les légumes sont avant tout responsables
de dermites irritatives.
F - Contacts photo-allergiques
:
L’allergène, pour générer l’eczéma, nécessite l’action
conjointe d’une irradiation solaire.
Les réactions photoallergiques
se limitent donc aux zones découvertes du
tégument dans les 24 h suivant l’exposition au soleil.
Elles
épargnent volontiers le triangle sous-mentonnier, la paupière
supérieure et le sillon rétro-auriculaire, moins exposés
au soleil.
Une des complications de ces allergies est la
persistance d’une sensibilité anormale à la lumière alors
même que l’allergène a été supprimé.
Les photo-allergènes
sont nombreux.
Ils sont surtout médicamenteux (phénothiazines,
sulfamides, salicylanides, halogénés, kétoprofène…),
mais aussi cosmétiques, professionnels.
G - Contacts aéroportés
:
Ils atteignent eux aussi les parties découvertes du tégument
mais sans respect pour les zones moins exposées.
On
observe au contraire un renforcement par accumulation
préférentielle des particules allergiques dans ces
régions.
Ces particules peuvent également s’insinuer
sous les vêtements et donner une atteinte des plis de
flexion et des organes génitaux externes où elles se
concentrent.
Les allergènes responsables n’ont aucune
spécificité (sciure de bois, mousse de chêne, composées,
chrome du ciment, insecticides, colles, résines, chlorpromazine,
parfums…).
Dans les causes professionnelles,
une atteinte des mains est souvent associée.
I - Contacts d’origine professionnelle
:
Ils sont extrêmement fréquents et atteignent avant tout
les mains et les avant-bras.
Les corps de métiers les plus
exposés sont les travailleurs manuels du bâtiment, des
industries métallurgiques, textiles, des plastiques, du
caoutchouc.
Mais aussi les coiffeurs, les professions
agricoles et horticoles, les travailleurs du bois, les professions
médicales.
Les allergènes en cause peuvent être
très spécifiques d’une profession (bois exotiques, bulbes
de tulipe, médicaments, additifs des fluides de coupe)
ou ubiquitaires (résines époxy et acryliques, nickel,
latex et caoutchoucs, colorants…).
Certaines professions
comme l’agriculture sont exposées à de multiples
allergènes (plantes, pesticides, solvants, antiseptiques,
colorants, antibiotiques, caoutchoucs…).
Certains eczémas
de contact professionnels font partie de la liste des maladies
professionnelles et peuvent être indemnisables.
J - Eczémas « hématogènes »
ou « systémiques »
:
Ils correspondent à une réexposition systémique à
l’allergène (parentérale, entérale, respiratoire, prothèse
chirurgicale, amalgame dentaire, tatouage…) chez une
personne préalablement sensibilisée par une première
exposition cutanée.
Les principaux allergènes impliqués
sont les métaux, certains aliments (balsamiques) et additifs
alimentaires ainsi que des médicaments (anesthésiques,
sulfamides, phénothiazines, anti-inflammatoires non
stéroïdiens).
Les lésions qui peuvent être très polymorphes,
prennent souvent un aspect nummulaire ou dyshidrosique, voire prédominent dans la région périnéofessière
pour donner le syndrome babouin. Nausées,
diarrhées et fièvre peuvent être présentes.
Physiopathologie :
L’eczéma de contact est le modèle de la réaction d’hypersensibilité
retardée médiée par les lymphocytes T. On
distingue 3 phases.
A - Phase de sensibilisation
:
Cette phase survient lors du premier contact de la peau
avec la substance allergénique, dure de 8 à 15 j chez
l’homme, aboutit à la formation de lymphocytes T à
mémoire spécifiques de l’allergène, mais n’entraîne aucune
lésion clinique.
Elle se décompose en plusieurs étapes.
• Formation de l’antigène : l’allergène de contact est le
plus souvent un antigène incomplet appelé haptène.
Cette molécule de faible poids moléculaire est très réactive
chimiquement et doit se lier à une protéine porteuse
épidermique pour devenir immunogène.
À l’exception
notable des métaux, l’interaction haptène-protéine
correspond le plus souvent à une liaison covalente.
Certains haptènes pénètrent l’épiderme sous la forme
d’un pro-haptène et doivent subir une transformation
chimique selon un mécanisme enzymatique ou physique
(rayons ultraviolets pour les photo-allergènes) avant de
devenir réactifs.
• Prise en charge de l’antigène par les cellules
dendritiques : le complexe haptène-protéine est ensuite
internalisé par des cellules dendritiques de l’épiderme,
les cellules de Langerhans, qui vont l’apprêter et réexprimer
à leur surface de petits fragments peptidiques
porteurs de l’haptène associés à des molécules du
complexe majeur de l’histocompatibilité (CMH).
Pour
les haptènes ayant interagi avec des protéines extracellulaires
ou membranaires, le complexe haptènepeptide
sera présenté par les molécules du complexe
majeur de l’histocompatibilité de classe II, et pour ceux
ayant interagi avec des protéines intracellulaires, le
complexe sera présenté par les molécules de classe I.
Dans le même temps, les cellules de Langerhans vont
quitter l’épiderme et migrer par les lymphatiques
afférents jusqu’aux ganglions lymphatiques régionaux.
Cette migration s’accompagne d’une diminution des
capacités des cellules de Langerhans à internaliser
et à apprêter les antigènes mais d’une augmentation
de leur aptitude à présenter efficacement les antigènes
aux lymphocytes.
La migration des cellules de Langerhans hors de l’épiderme serait initiée par la
production de différentes cytokines (IL-1β, TNF-α)
par les cellules de Langerhans et les kératinocytes sous
l’effet de l’haptène.
• Formation de lymphocytes T à mémoire et tropisme
cutané : dans le paracortex des ganglions lymphatiques
régionaux, la cellule de Langerhans que l’on appelle
alors cellule interdigitante présente les peptides
hapténisés associés à des molécules du complexe majeur
de l’histocompatibilité de classes I et II à des lymphocytes
T naïfs respectivement CD8+ et CD4+.
Ceux de ces
lymphocytes qui expriment un récepteur T qui a une certaine
affinité pour la molécule du complexe majeur de
l’histocompatibilité et le peptide hapténisé sont activés
et subissent une expansion clonale qui donne naissance
à une population de lymphocytes T à mémoire spécifiques
de l’allergène.
Ces mêmes cellules vont de plus
exprimer l’antigène CLA (Cutaneous
lymphocyte associated antigen).
Les lymphocytes T
à mémoire quittent alors le ganglion et regagnent le
courant circulatoire au travers des vaisseaux lymphatiques
efférents et du canal thoracique.
La molécule CLA est une adressine qui leur permettra en interagissant
avec son ligand, l’E-sélectine exprimée par
les veinules post-capillaires du derme, de migrer préférentiellement
dans la peau et donc d’exercer une
surveillance plus spécifique de cet organe.
B - Phase de révélation
:
Elle survient dans les 24 à 96 h faisant suite à une
nouvelle exposition de la peau à l’allergène et conduit
à la formation des lésions inflammatoires cutanées.
Là
encore plusieurs stades se succèdent.
• Réaction inflammatoire non spécifique : comme
dans la phase d’induction, l’haptène induit la libération
de cytokines et de molécules pro-inflammatoires par les
cellules de Langerhans et les kératinocytes qu’il active.
En réponse à celles-ci, les cellules endothéliales des
veinules post-capillaires du derme sont activées et commencent
à exprimer ou expriment plus fortement à leur
surface des molécules d’adhérence.
L’interaction de ces
molécules avec leurs ligands respectifs exprimés par de
nombreux lymphocytes T à mémoire va conduire au
recrutement de ces leucocytes dans le derme puis dans
l’épiderme à l’endroit de l’application de l’haptène.
Seule une très faible fraction de ces lymphocytes T à
mémoire sont spécifiques de l’haptène (1/100 à 1/3 000
dans le cas de l’urushiol du poison Ivy).
• Réaction inflammatoire « spécifique » : la présentation
de l’haptène aux lymphocytes T CD4+ et CD8+
spécifiques présents dans l’infiltrat entraîne leur
activation.
À ce stade, les cellules de Langerhans, mais
aussi les cellules dendritiques du derme voire les
kératinocytes activés pourraient présenter l’haptène
aux lymphocytes T.
Une fois activés, les lymphocytes T
produisent des cytokines de type TH1 comme l’IFN-γ
et l’IL-2, mais aussi l’IL-1 et le TNF-α qui vont favoriser
la réaction inflammatoire.
Les lymphocytes T CD8+
joueraient de plus également un rôle au travers de leur
fonction cytotoxique.
Dans certains cas, le manque de
sélectivité de l’interaction entre le peptide hapténisé
présenté par la molécule du complexe majeur de l’histocompatibilité
et le récepteur T va conduire à l’activation
de lymphocytes T mémoire spécifiques d’un autre
allergène de structure voisine.
C’est le phénomène
d’allergie croisée qui conduit parfois à recommander
l’éviction d’un groupe de molécules.
Par exemple, une
allergie à l’hydrocortisone conduira à recommander
l’éviction des autres corticoïdes du groupe A (méthylprednisolone,
prednisolone, tixocortol).
• Amplification de la réaction inflammatoire : en
réponse aux cytokines produites par les lymphocytes T
spécifiques et à l’activation en cascade d’autres systèmes
de médiateurs pro-inflammatoires, on observe
une augmentation de la perméabilité vasculaire, un
oedème dermique et épidermique ainsi qu’un recrutement
non spécifique de polynucléaires neutrophiles, basophiles
et de monocytes.
C - Phase de régulation
:
Une fois établie, la lésion d’eczéma de contact ne se
pérennise pas mais tend à disparaître spontanément en
3 à 6 jours.
Ce phénomène n’est pas lié à la simple
disparition de l’allergène de l’épiderme car certains
haptènes y sont retrouvés jusqu’au 10e jour.
Si le mécanisme reste mal compris, il semble que différentes populations
lymphocytaires T CD4+ et (ou) CD8+ pourraient
être impliquées par la sécrétion de certaines cytokines
inhibitrices et par leur action cytotoxique sur les cellules
effectrices.
L’IL-10 produite par les cellules T de type
TH2 est une de ces cytokines inhibitrices.
Les kératinocytes
qui produisent eux aussi de l’IL-10 pourraient
également jouer un rôle clé.
Selon la nature de l’allergène
et les conditions conduisant à son exposition, les mécanismes
régulateurs pourraient varier.
Diagnostic :
A - Diagnostic positif
:
1- Reconnaître qu’il s’agit d’un eczéma
:
• Examen clinique : dans la forme classique
correspondant à l’eczéma aigu plusieurs phases se
succèdent : apparition d’un érythème ; formation des
vésicules ; suintement, lié à la rupture des vésicules
spontanément ou après grattage ; formation de croûtes
(le liquide de suintement se dessèche) ; desquamation
(l’épiderme altéré s’élimine progressivement sous
forme de squames). Un prurit souvent intense est également
présent.
Les lésions apparaissent au site même du contact avec
l’allergène dans les 24 à 96 h suivant la réexposition
avec celui-ci.
Cependant, dans le même temps et à distance
du site de contact peuvent apparaître des lésions
similaires souvent symétriques.
Ces éruptions secondes
seraient la conséquence d’une concentration préférentielle
de l’allergène dans certains territoires tégumentaires
suite à sa pénétration massive dans l’organisme.
Les bords de la lésion peuvent être très bien délimités
mais dans la plupart des cas l’eczéma déborde le territoire
strict du contact avec l’allergène ce qui entraîne un
aspect irrégulier et émietté de la plaque.
Si l’eczéma évolue de manière subaiguë puis chronique,
la symptomatologie se modifie.
Les vésicules et le suintement
disparaissent. Sous l’action d’un grattage incessant
lié au prurit persistant, la peau s’épaissit et se
marque d’un quadrillage réalisé par ses plis qui deviennent
plus profonds (lichénification).
Une pigmentation
et des fissures peuvent également être présentes.
La sémiologie des eczémas de contact est marquée par
un grand polymorphisme.
En dehors du cadre général
évoqué précédemment, une lésion d’eczéma de contact
peut se présenter sous de multiples aspects liés à des
particularités étiologiques ou topographiques.
Les lésions localisées aux lèvres prennent l’aspect d’une
chéilite ; pour les paupières et les organes
génitaux externes, l’oedème est au premier plan ;
dans les plis, l’aspect est celui d’un intertrigo.
Aux
mains, on peut observer des lésions de dyshidrose
mais aussi souvent, des aspects kératosiques et fissuraires
(expositions chronique professionnelles).
Les photo-allergènes et les allergènes aéroportés sont
responsables d’une symptomatologie concernant avant
tout les zones découvertes et notamment la face où les
lésions sont volontiers oedémateuses.
L’évolution des lésions peut être marquée par leur
extension avec, à l’extrême, la réalisation d’un tableau
d’érythrodermie.
La surinfection est aussi une complication
fréquente qui peut égarer le diagnostic.
• L’histologie ne peut que confirmer le diagnostic
d’eczéma.
Elle ne permet pas de reconnaître qu’il s’agit
d’un eczéma de contact.
Quand elle est réalisée, elle montre en cas d’eczéma
aigu 2 signes élémentaires fondamentaux :
– la spongiose, qui est un oedème intra-épidermique
dissociant les kératinocytes les uns des autres et aboutit
à la formation de vésicules intra-épidermiques ;
– l’exocytose, caractérisée par la présence de lymphocytes
dans l’épiderme.
S’y associent dans le derme, un oedème, une dilatation
des capillaires et un infiltrat inflammatoire périvasculaire.
Dans les eczémas chroniques, ces signes histologiques
sont moins marqués et l’on observe un épaississement
de l’épiderme.
2- Montrer qu’il s’agit d’un eczéma de contact
:
• L’interrogatoire est un temps clé pour éliminer les
diagnostics différentiels et identifier le contact avec un
allergène donné.
Il porte sur les antécédents, les prises
médicamenteuses, l’activité professionnelle et l’analyse
détaillée du poste de travail, les conditions de vie, les
loisirs, les travaux ménagers, le recours aux produits
d’hygiène, aux cosmétiques, les traitements déjà
employés.
Il précise la chronologie de survenue et
cherche par exemple à mettre en évidence une amélioration
hors du lieu de travail (vacances).
Ces éléments,
confrontés de manière probabiliste avec la connaissance
des allergènes rencontrés dans une situation donnée
permettront d’orienter les tests épicutanés.
• Les tests épicutanés ou patch-tests sont réalisés à
distance de la poussée, en l’absence de lésions cutanées
chez un patient ne s’étant pas récemment exposé aux
ultraviolets (bronzage) et ne recevant pas un traitement
immunosuppresseur (corticoïdes) systémique ou local
dans la zone d’application des tests (en général le dos).
Ils cherchent à reproduire la lésion de manière expérimentale
sur une zone limitée avec un allergène parfaitement
défini.
En pratique, on applique sur la peau saine du dos une série d’allergènes sous occlusion pendant 48 h.
La lecture se fait à la 48e h quand on enlève les
patchs et à la 72e h.
On apprécie l’érythème, l’oedème, le
niveau de vésication.
Les 23 allergènes les plus fréquents
en Europe ont été regroupés au sein de la série standard
européenne.
On dispose d’autres séries auxquelles on
a recours en fonction de l’interrogatoire (batteries,
chaussures, imprimerie, coiffure, textiles, plantes,
écrans solaires, caoutchoucs, etc.).
On teste également
les produits suspects apportés par le patient.
En cas de suspicion d’un eczéma par photosensibilisation
allergique de contact, on réalise des photopatch-tests
(les différents photo-allergènes sont appliqués en triple
dans le dos, après 24 h, 2 des 3 séries sont enlevées et
irradiée par des UVA ou des UVB.
La série non irradiée
sert de contrôle).
Un test positif peut n’être que le reflet d’une sensibilisation
antérieure à un allergène différent de celui responsable
du problème que l’on explore.
Il faut donc toujours
évaluer la pertinence d’un test positif.
Enfin, on ne réalise pas de tests épicutanés pour « prédire »
par exemple qu’un matériel dentaire sera bien toléré ou
« pour voir » à quoi peut être sensible un enfant atopique
afin de l’orienter professionnellement.
En effet, un test
négatif à un instant donné ne permet pas d’exclure une
sensibilisation ultérieure et la réalisation même du test
peut entraîner une sensibilisation.
• Les tests ouverts de provocation itérative se rapprochent
plus des conditions d’exposition au produit dans
la réalité.
Il consiste à appliquer 2 fois par jour pendant
7 jours consécutifs le produit fini sur la face de flexion
de l’avant-bras du patient.
B - Diagnostic différentiel
:
En dehors des formes sémiologiques particulières
d’eczéma de contact qui peuvent faire discuter d’autres
dermatoses (psoriasis, mycoses, toxidermie, hématodermie,
herpès…) et les autres causes des eczémas
(eczéma atopique, de stase, dyshidrosique idiopathique…),
le principal problème est celui posé par la
dermite d’irritation qui représente près des 4 cinquièmes
des dermites de contact contre 1 cinquième pour l’eczéma
de contact.
La dermite irritative ou dermite ortho-ergique correspond
à des lésions provoquées directement par les effets
physico-chimiques de la substance en cause.
Il n’y a pas
de réaction immunologique mise en jeu.
Les lésions apparaissent dans les premières heures qui
suivent le premier contact avec le produit responsable et
sont strictement limitées à la zone où il a été appliqué.
L’aspect est souvent celui d’un placard érythématosquameux
ou kératosiques, il n’y a que très rarement des
vésicules et il n’y a jamais d’éruption seconde à distance.
La sensation est plus cuisante que prurigineuse.
La répétition
de l’agression conduit à une dermite d’usure avec un
aspect rugueux, crevassé et un effacement des dermatoglyphes.
La cessation du contact irritant entraîne une
guérison progressive.
Les tests épicutanés sont négatifs et l’histologie, si elle
était réalisée, montrerait avant tout des signes d’altération
caustique de l’épiderme.
En altérant la barrière cutané, elle peut favoriser la pénétration
des allergènes et se compliquer secondairement
d’un véritable eczéma de contact.
Traitement :
A - Traitement symptomatique
:
Il repose avant tout sur les corticoïdes topiques et secondairement
sur les émollients gras.
Sans éviction de l’allergène, le traitement symptomatique
est voué à l’échec.
À la phase aiguë, suintante, on utilise pendant quelques
jours des corticoïdes puissants
– classe II : (Efficort,
Diprosone) et même classe I (Dermoval)
– sous forme
de lotion ou de crème.
Lotions et crèmes sont également
préférées quel que soit le stade pour les lésions des
zones pileuses et des plis.
Sur le visage et chez les
jeunes enfants, on à recours à des classes thérapeutiques
plus faibles ; initialement III (Locapred, Tridésonit)
puis IV (Hydracort).
En phase aiguë suintante, on n’utilise
pas de crèmes émollientes grasses.
Malgré leur efficacité,
certains récusent l’utilisation des corticoïdes à ce stade
et ont recours à la pulvérisation d’eaux thermales
(Avène-les-Bains,
La Roche-Posay) suivie de l’application
d’une pâte à l’eau ou d’une spécialité plus spécifique
(Tolérance extrême).
Quand les lésions sont plus sèches, on utilise les mêmes
corticoïdes mais sous forme de pommades et on y associe
d’emblée des émollients gras comme le Cérat frais de
Galien, le Cold-cream, la crème de Dalibour ou une des
multiples spécialités disponibles (Exoméga, Atoderm,
Lipikar, Oilatum…).
Les eczémas kératosiques et fissuraires des mains
nécessitent souvent de prescrire la corticothérapie sous
occlusion.
On a recours à des gants en coton portés la
nuit (Cybel, Lohmann).
On y associe d’emblée la journée
des applications répétées de produits gras particulièrement
émollients (Émulsion SVR à l’allantoïne, Onguent
Bépanthène, Xerand).
L’amélioration conduit à décroître progressivement
l’utilisation du corticoïde et à la remplacer par celle de
l’émollient gras.
La décroissance progressive de la corticothérapie
est nécessaire pour éviter le phénomène de rebond.
Elle est réalisée par l’espacement progressif des applications
ou par le recours à des produits de classe moins élevée.
L’aggravation d’un eczéma de contact en cours de traitement
doit faire suspecter l’apparition d’une sensibilisation
à un des produits utilisés.
En dehors des émollients, des
excipients et des conservateurs, l’allergène peut être le
corticoïde lui-même.
L’existence d’une surinfection des lésions peut nécessiter
un traitement local antiseptique adapté.
L’action sédative et antiprurigineuse de certains antihistaminiques
(Atarax) s’avère parfois utile en début de
traitement.
B - Traitement étiologique
:
1- Éviction de l’allergène de contact :
C’est l’élément clé du traitement de l’eczéma de
contact.
Une fois l’allergène identifié, le patient doit
donc être informé de sa nature et des différentes sources
d’exposition afin qu’il puisse les éviter. Un document
reprenant ces informations et précisant les possibilités
d’allergies croisées avec des molécules voisines est
habituellement remis.
L’éviction d’un médicament utilisé occasionnellement
ou la modification d’habitudes de loisirs sont faciles.
L’adaptation d’un poste de travail dans une petite entreprise
est souvent beaucoup plus problématique, souvent
seules des mesures de protection sont possibles (gants,
vêtements de travail) et parfois la reconversion professionnelle
s’impose.
Pour des allergènes ubiquitaires
comme le nickel, le problème est beaucoup plus difficile
car il est virtuellement impossible d’en éviter totalement
le contact.
L’existence de sources alimentaires de nickel
qui pourraient pérenniser l’eczéma a conduit à faire
proposer, pour les cas réfractaires et en cas de test de
provocation oral positif, des régimes pauvres en nickel.
Sur le même principe, il existe des régimes pauvres en
chrome, en cobalt ou en balsamiques (baume du Pérou).
L’efficacité de cette approche reste controversée.
2- Immunothérapie spécifique :
À ce jour, il n’existe aucune technique de désensibilisation
efficace dans l’eczéma de contact.
Des essais cherchant à induire une immunotolérance à
certains haptènes comme le nickel et l’urushiol en les
administrant notamment par voie orale sont en cours.
Ces approches restent pour l’heure expérimentales.